Lutte contre la corruption : au-delà du slogan

Laissons Bolloré où il est, chez le juge… On ne va pas encore blâmer le milliardaire breton, entendu ce jour (ici) dans une enquête sur des soupçons de corruption autour de l’attribution de concessions portuaires à son groupe, au Togo et en Guinée, en 2010.
Sarkozy il y a quelques semaines, Bolloré aujourd’hui, la justice française se mettrait-elle au diapason ? Reconnaissons-lui une réelle volonté, des résultats à venir espérés, dans un environnement politique peu favorable, la grande loi de moralisation de la vie politique ayant accouché d’une souris, les quelques « mesurettes » contre la corruption n’étant pas de nature à changer la donne, et les gardes-fou posés ici et là (secret des affaires, plaider-coupable, convention judiciaire…) constituant autant d’obstacles nouveaux à un exercice serein de la justice. Au mieux le gouvernement macronien pourra se satisfaire de la critique bienveillante de Transparency International France qui va finir pas se transformer en association de défense des causes perdues. Dans tout cela, peu de politiques condamnés, en tous les cas pour faits de corruption ; c’est à croire que la France serait une exception, un îlot protégé de Jupiter dans un océan de corruption. N’est-ce pas aller un peu vite en besogne ?

Ce qui est sûr c’est que nos politiques sont les rois du slogan. Quand il s’agit de crier « haro à la corruption », « la corruption ne passera pas par moi »… il y a du monde sur les grands chevaux. C’est un mal quand même très français : condamner oui, combattre peut-être !

Revenons aux faits, aux seuls faits.
La lutte contre la corruption n’est plus un slogan dans de nombreux pays. De très nombreux ministres sont écartés du pouvoir et se retrouvent devant les prétoires où ils sont souvent condamnés à de lourdes peines. Les anciens chefs de l’État et de gouvernement ne sont plus épargnés par la justice.
On ne badine pas avec la probité en Israël : l’ancien Premier ministre Ehud Olmert, avait été condamné en 2016 à 27 mois de prison ferme pour corruption et entraves à la justice. Il a accompli seize mois de détention pour être libéré le 2 juillet 2017. Il avait rejoint en prison l’ancien chef de l’État israélien Moshe Katzav, condamné à sept ans de prison ferme en 2011, pour viol et entraves à la justice. L’ancien détenu est sorti de prison en décembre 2016 après avoir accompli cinq années de détention. L’actuel Premier ministre, Benjamin Netanyahou, est actuellement dans la mire de la police qui aurait réuni des preuves de corruption, de trafic d’influence et d’abus de confiance. L’intéressé nie ces graves accusations mais les faits paraissent suffisamment probants pour une éventuelle comparution en justice.
Le Brésil malade de la corruption : après ses deux mandats de chef de l’État, l’ancien président syndicaliste brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, avait été remplacé, le 1er janvier 2011, par son ancienne chef de cabinet, Dilma Rousseff, vainqueur de l’élection présidentielle. La grande proximité entre les deux personnalités n’a pas empêché l’ancien président Lula d’être repris par la justice, pour de graves accusations de corruption. Il s’est finalement constitué prisonnier, le 7 avril 2018, pour une peine de douze ans de prison. Dilma Roussef, à son tour, a été mise en cause par la justice par des scandales de corruption. Elle a été contrainte à la démission par le Sénat, le 31 août 2016. Le vice-président, Michel Temer, lui a succédé. Les mêmes soupçons de corruption et de trafic d’influence notamment dans les scandales du groupe de BTP Odebrecht et Petrobras menacent de plus en plus sa présidence.
Le scandale Odebrecht éclabousse l’Amérique latine : le scandale du géant brésilien des BTP, qui a institutionnalisé la corruption, n’affecte pas que le Brésil. Les anciens chefs de l’État du Pérou, Ollanta Humala, Alberto Fujimori, Pedro Pablo Kuczynski ont dû démissionner et rendre des comptes à la justice.
Quasiment tous les États d’Amérique latine sont aussi concernés par ce scandale. Des ministres, des magistrats, des proches des chefs de l’État sont pris dans les filets de la justice.
L’Asie n’est pas à l’écart : l’ancienne présidente de la Corée du Sud, Park Geun-Hye, destituée et arrêtée en mars 2017, a été condamnée, le 6 avril 2018, à 24 années de prison pour abus de pouvoir et corruption.

En Afrique, le mouvement « mains propres » a commencé : la justice sud-africaine est souvent montrée en exemple. Elle a mis en accusation le président Jacob Zuma pour une vielle affaire d’armement ayant donné lieu à des pots-de- vin impliquant Thomson-CDF devenu Thales. Jacob Zuma a dû finalement démissionner, le 24 février 2018. Il attend son procès prévu en juin 2018.
Les proches de l’ancien président angolais Eduardo Dos Santos sont de plus en plus sérieusement mis en cause pour des affaires de détournement de fonds publics et de corruption. L’ancien président pourrait bientôt être en première ligne des accusés.
Le successeur de Robert Mugabe à la tête du Zimbabwe s’attaque à la corruption qui y est endémique. Déjà plusieurs ministres de la ZANU ont été arrêtés. L’épouse de Robert Mugabe est aussi dans le viseur de la justice et pourrait entraîner, in fine, le vieux leader qui a déjà été contraint d’abandonner la présidence.
La présidente de l’île Maurice, Gurib-Fakim, a été contrainte à la démission pour avoir utilisé une carte bancaire d’une ONG à des fins personnelles.
Les États africains, notamment ceux d’Afrique dite francophone, doivent accroître la lutte contre la corruption qui nourrit la mal gouvernance et perpétue le sous développement. Il est vrai que certaines puissances investissant en Afrique ne facilitent guère cette éradication, à l’image de la France, ancienne puissance coloniale.
Nous pourrions sauter sur l’occasion pour revenir à Bolloré, mais nous éviterons, même si les faits pour lesquels il est actuellement interrogé sont en droite ligne avec ce qui vient d’être évoqué.

A prendre un peu de recul, nous voyons que des têtes tombent, parfois dans des pays où nous ne nous l’attendions pas, et des têtes d’en haut, Présidents, Premiers Ministres, Ministres, hauts fonctionnaires… avec des condamnations lourdes et exécutées.
Qui manquent-ils à ce palmarès ? Combien de politiques européens poursuivis et condamnés pour corruption ? Quelques rares cas en Italie, en Espagne… et puis c’est tout.
Serions-nous si vigilants, si bien organisés que toute corruption est rendue impossible ? Nos lois, organes de contrôles, conditions d’exercice des mandats publics… seraient-ils si bien agencés, qu’il n’y aurait rien à trouver ? Le travail des lobby serait-il si bien encadré, ici, là et à Bruxelles, que toute tentative de corruption est vaine ?
Nous sommes en train de tomber dans ce que nous dénoncions : le slogan.

Souhaitons que la justice mène à son terme l’affaire (les affaires ?) Bolloré. Espérons qu’elle n’accouche pas d’une maintenant célèbre « lagardise » (une condamnation sans peine pour une broutille de 405 millions d’euros).
Exigeons surtout que la classe politique française et le législateur sortent enfin de leur hibernation face à la corruption, que leurs œillères leur en tombent, qu’ils sortent maintenant du seul slogan pour remettre ce chantier sur le métier.

Condamner c’est bien, combattre c’est mieux.

MM.

Peut-on dissoudre la responsabilité dans l’incompétence ?

Du nouveau dans l’affaire Lafarge…
MetaMorphosis s’est déjà exprimé au sujet du financement présumé de L’État Islamique par cette multinationale. Non pas que nous fassions une fixation sur cette entreprise à l’histoire jalonnée de prises de positions pour le moins discutables, mais parce qu’elle nous semble symptomatique d’un fonctionnement hors normes et hors lois, axé quasi-uniquement par la recherche du profit sans aucune considération morale. Elle est également symptomatique d’un affranchissement par la classe dirigeante de toute responsabilité rattachée à l’exercice de son pouvoir.
Les comptes rendus des premières auditions parues dans la presse sont un cas d’école : les uns après les autres, les dirigeants nous ont sorti la vieille rengaine du « c’est pas moi, c’est l’autre ».
Nous pensons, en notre qualité de lanceur d’alertes, et parce qu’au final c’est ce à quoi nous avons tous été confrontés à un moment ou un autre, que cette déconnexion entre pouvoir et responsabilité est non seulement une des causes majeures des dysfonctionnements relatifs aux questions de probité, mais quelque part encouragent les pratiques de corruption ou en marge des règlements et lois.
Du nouveau donc même si on le sent venir depuis un certain temps. Dans les conditions spécifiques qui prévalaient à ce moment, Lafarge a-t- il fait son petit business tout seul dans son coin ? A-t- il pris le soin de consulter et d’informer certains services de L’État français ? A-t- il cherché à couvrir ses activités peu recommandables en obtenant un accord tacite (« qui ne dit mot, consent ») de l’État pour arriver, le jour venu, à se cacher derrière le fameux « c’est pas moi, c’est l’autre » ?
Les lanceurs d’alerte peuvent témoigner que ce n’est pas le courage qui risque d’étouffer les décideurs, contrôleurs et autres donneurs de leçons en position de décider. La hiérarchisation des processus de décision qui structure nos entreprises n’a pas d’autre finalité première que de créer un émiettement des responsabilités. Il convient de jalonner tout le parcours de verrous qui ralentiront le travail de recherche des responsables finaux d’actes illégaux.
Tout ceci doit nous amener à repenser, dans l’exercice de fonctions privées ou publics, la causalité directe en matière de responsabilités.
Sommes-nous responsables uniquement si nous sommes l’auteur direct des faits ? En matière criminelle c’est évident même si cela n’empêche pas de rechercher des complicités.
Un adjoint à la sécurité d’une grande ville française, qui, dans un contexte de risque extrême d’attentat (pour reprendre ses propres mots), ne jugerait pas utile de participer à la réunion préparatoire préfectorale, pour un événement – un 14 juillet à Nice – réunissant de nombreux citoyens, n’a-t- il aucune responsabilité ? Quand, responsable des équipes en charge de surveiller le lieu des festivités au moyen d’un système de vidéosurveillance par
ailleurs sur-vendu, celles-ci ne remarquant rien des agissements répétés du futur terroriste, cet élu, bénéficiant de pouvoirs énormes et d’un train de vie payé par la collectivité, n’est-il pas responsable devant cette même communauté pour au minimum avoir failli à sa mission ?
Certes, il n’est pas responsable direct, mais il existe bien quelque part une responsabilité par omission, par incompétence, par laxisme, dont on voit bien dans le cas évoqué qu’elle peut avoir des conséquences dévastatrices.

Revenons à notre cimentier préféré et à l’article du Monde « Financement du terrorisme par Lafarge : que savait l’Etat ? » (ici)
«Devant la juge d’instruction, début avril, l’ancien directeur sûreté du cimentier s’est montré plus précis sur la nature des «informations» qu’il partageait :
– Vous avez déclaré avoir appris la réalité du financement [de l’EI par Lafarge] en 2014. Avez-vous informé les services de renseignement ? demande la magistrate.
– Je ne faisais aucun tri dans les informations que je donnais aux services de renseignement. Au cours des réunions, j’ai donné toutes les informations, répond M. Veillard.
– Quelle était leur réaction ?
– Ils engrangent les informations, c’est leur métier.
Ces échanges, fréquents avec certaines grandes entreprises établies dans des zones sensibles, n’ont rien d’exceptionnel. «Mon point d’entrée pour la DGSE était le point d’entrée pour toutes les entreprises, qui n’était pas spécialement dédié pour Lafarge en Syrie», souligne M. Veillard. Au regard de l’enquête visant le groupe, cet aveu soulève en revanche deux questions cruciales : à quelle date la DGSE a-t- elle été avertie de ces versements d’argent à l’EI ? Et cette information est-elle remontée au ministère des armées, voire jusqu’à l’Elysée ?»
.

Et plus loin :
«Le directeur sûreté de Lafarge le laisse entendre, puisqu’il dit n’avoir fait « aucun tri » dans les informations qu’il partageait avec les services. Son mail du 17 novembre 2014 à «Gros Marmotte» semble aller en ce sens : en pièce jointe, M. Veillard fait suivre à la DGSE l’intégralité d’un mail envoyé à plusieurs dirigeants de Lafarge par Firas Tlass, dans lequel ce dernier dit avoir « envoyé [s]es émissaires rencontrer les émirs de l’EI ».
Le cimentier ne cache donc rien des activités de ce sulfureux intermédiaire, soupçonné d’avoir touché plus de 5,3 millions de dollars (4,3 millions d’euros) entre juillet 2012 et août 2014 pour monnayer la sécurité des routes auprès de groupes armés, parmi lesquels l’EI et Al-Nosra. Entendu par les enquêteurs en novembre 2017, l’ancien directeur de Lafarge Syrie, Frédéric Jolibois, dévoilait déjà l’ampleur de ces échanges : « Tous les noms [de membres de l’EI] collectés par Tlass ou par ailleurs ont été communiqués à la DGSE. »
L’intérêt de telles informations pour un service de renseignement est indéniable. La question se pose en revanche de savoir jusqu’à quel niveau de détails est allé cet exercice de transparence, et s’il a atteint les cercles du pouvoir».

Nous y voilà donc. Le Monde pose la question comme en forme de réponse : «Et cette information est-elle remontée au ministère des armées, voire jusqu’à l’Elysée ?».
On ne va pas attendre, MetaMorphosis pense déjà connaître la réponse. On entend d’ici, les Hollande, Valls, Fabius et consorts nier la main sur le cœur qu’ils n’étaient informés de rien. Peut-être un obscur subalterne dont on a oublié le nom, mais il ne nous à rien dit. Ou ces salauds du renseignement qui gardent tout pour eux !

Notre conception de la responsabilité chez MetaMorphosis nous fait répondre : «Et bien, c’est encore bien plus grave que ce qu’on pensait». Si effectivement tout ce petit monde est incapable d’assurer les responsabilités pour lesquelles certains sont allés jusqu’à se trahir, se prostituer, se vendre pour les obtenir en se faisant élire, alors le sens même du pouvoir et de son exercice n’ont plus de sens.
Quel autre travail peut-être celui de l’Etat et de ses plus hauts responsables, en période de menace terroriste, que d’assurer la sécurité en obtenant de tous les services à sa disposition les informations lui permettant de prendre les décisions les plus appropriées ? Quel autre travail peut être que celui de maîtriser la chaîne du renseignement pour faire cesser si nécessaire les comportements de certains faisant prendre un risque à l’ensemble de la collectivité ?
Il y a sûrement des raisons à de tels dysfonctionnements : incompétence, laxisme, manque d’autorité, désintérêt pour la chose publique… mais peu importe, la responsabilité est pleine et entière et les conséquences dramatiques. Il ne peut en aucun cas y avoir d’exonération des fautes commises, l’exercice du pouvoir de certains sur tous, exigent une entière responsabilité des actes y compris par omission.
Nos amis italiens, confrontés depuis si longtemps au crime organisé n’ont pas pris le problème par quatre bouts : quiconque aide d’une façon ou d’une autre une organisation mafieuse est lui-même considéré faire partie de ladite organisation.
En France, un banquier recyclant de l’argent d’une organisation criminelle sera poursuivi (quand il l’est !) du chef de blanchiment ; en Italie il sera reconnu être membre de ladite organisation. Ça change beaucoup de chose.

Remettons la responsabilité au centre du pouvoir, dans les entreprises, dans les ministères et les administrations. Ce n’est qu’à ce prix que l’on fera reculer la corruption et les comportements illégaux, il n’y a que celui qui se sait responsable devant la loi pour la défendre. Refusons que la responsabilité soit dissoute dans un exercice incompétent et immoral du pouvoir.

MM.

Brèves, mais graves

Brève 1.
C’est la loi secret des affaires qui frappe.
Faire taire journalistes d’investigations, associations diverses et lanceurs d’alerte, tel est manifestement l’objectif. Ou, pour être plus précis et revenir à la motivation première de cette loi, l’objectif est de permettre aux entreprises et aux détenteurs de leur capital, de fonctionner à l’abri de la loi. Car c’est bien de cela dont il s’agit : la justice ne se saisit que rarement d’elle-même, le plus souvent après révélations d’un travail journalistique et/ou d’un lanceur d’alerte.
Regardez les dernières affaires, Panama et Paradise-Papers, HSBC Suisse, Banque Pasche Monaco… Autant d’instructions ouvertes suite à un travail d’information.
La loi secret des affaires, associée à la non indépendance du Parquet et à sa non obligation d’instruire (à la différence de l’Italie par exemple), se traduira de facto par un assèchement des instructions judiciaires. L’objectif est donc bien là : fonctionner à l’abri de la loi selon le vieil adage «pas vu, pas pris». Et comme il n’y aura plus grand-chose à voir…

Brève 2.
Là-bas, au Brésil comme à Malte c’est un peu plus expéditif et de plus en plus fréquent, on fait taire par balles. Souhaitons que le triste exemple de la journaliste blogueuse maltaise, Daphne Caruana Galizia, ne soit pas le prémisse d’une habitude, ici aussi.
Avant d’y venir, nous tenions à souligner un élément rarement évoqué même par les opposants à la loi secret des affaires. La meilleure protection des lanceurs d’alerte contre toute forme de représailles, y compris violentes, est la publicité faite à leur dénonciation. Avec ces nouvelles dispositions, même après dénonciation auprès de la justice, l’incapacité de communiquer publiquement risque d’exposer fortement le lanceur à tout type de menaces et représailles.
Le site «Planète Amazone» nous informe ce jour d’une triste nouvelle:

«Un leader quilombola a été exécuté après avoir fait des dénonciations de déforestation illégale et de la pollution agrochimique au Pará, Brésil. Nazildo dos Santos, 33 ans, était le leader de la communauté Remanescentes de Quilombo Turê III. Les quilombos désignent au Brésil une communauté formée par des descendants des esclaves en fuite. Ils luttent pour récupérer les terres occupées et cultivées par leurs ancêtres. La plupart des habitants des quilombos ont aussi aidé des esclaves africains, des Autochtones ou d’autres non-brésiliens noirs qui ont vécu l’oppression pendant la colonisation. Aujourd’hui il existe encore plus de 2 800 communautés quilombolas au Brésil.
Dos Santos a été menacé de mort plusieurs fois pour avoir dénoncé des crimes environnementaux dans la région. Selon le ministère Public Fédéral (MPF), la plus haute autorité judiciaire au Brésil, il était inscrit au le programme de protection personnelle. Cependant, il n’a jamais reçu la sécurité policière demandée. En 2015, le leader a conduit, avec les Autochtones Tembé, l’occupation de la société Biopalma, pour dénoncer la déforestation illégale et la contamination par des pesticides de la rivière Tomé-Açu. Biopalma produit de l’huile de palme pour les industries pharmaceutiques, cosmétiques et pétrolières.
Il est le troisième leader tué au cours des quatre derniers mois dans la région. La population attend toujours les résultats de l’enquête criminelle. Jusqu’à présent, Il n’y a aucune information sur des indices pour trouver un responsable de ces crimes et personne n’a encore été arrêté »
.

Brève 3.
«Il n’y a pas d’argent magique», célèbre maxime du Professeur Macron. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il en est friand, au risque d’être dans l’ineptie et même ridicule, comme le démontre la politique de la BCE depuis 2008. Ensuite, nous aimerions bien savoir dans quelle équipe joue Macron et la ou les raison(s) pour lesquelles il n’arrive pas à se mettre d’accord avec les petits copains de sa caste. C’est pas ainsi qu’il marquera des buts !
Sous le titre «Le FMI sonne l’alerte sur la dette mondiale», le Monde du 19 Avril 2018 (ici), nous fait part des inquiétudes de cette instance supra-nationale devant l’explosion de la dette mondiale.
«Une flambée planétaire… La dette publique et privée dans le monde – hors secteur financier – atteint des niveaux sans précédent : en tout, 164 000 milliards de dollars (132 500 milliards d’euros) comptabilisés à la fin 2016, soit 225 % du produit intérieur brut (PIB) mondial, selon les chiffres figurant dans le rapport Fiscal Monitor du Fonds monétaire international (FMI), publié mercredi 18 avril.
Depuis 2007, année qui marque le déclenchement de la grande crise financière, ce fardeau a augmenté de 40 %. Trois pays (Etats-Unis, Chine, Japon) concentrent plus de la moitié de cette somme vertigineuse.
Mais le phénomène n’épargne aucune région du monde. Le plus gros stock est l’apanage des économies avancées, conséquence des plans de relance engagés pour lutter contre la récession de 2008-2009. La dette publique – qui constitue l’essentiel de la charge pour les pays riches – y est stabilisée depuis cinq ans au-delà de 105 % du PIB, un ratio inédit depuis la seconde guerre mondiale.
Les causes de cet empilement de dettes sont variées. Outre la crise et ses stigmates, les politiques monétaires ultra-généreuses déployées par les banques centrales ont joué un rôle »
.

Si le FMI s’y met aussi… Macron, une fois de plus, manque d’originalité : voilà un argument néolibéral classique, utilisé d’ailleurs presque mot pour mot par la Première ministre britannique Theresa May l’année dernière, qui repose sur l’idée que la dette de l’État serait similaire à celle d’un ménage, argument pour le moins contestable.
Rappelons que chaque mois la BCE trouve 30 milliards d’euros pour racheter des titres sur les marchés. Cet argent vient de nulle part, il est créé ex nihilo, par la simple volonté de la BCE. Magique, n’est-ce pas ?
Et il y a mieux : cette méthode est utilisée chaque jour par les banques commerciales qui, dans les limites très larges des règles fixées par les régulateurs, créent aussi de l’argent ex nihilo à chaque fois qu’elles accordent un crédit.
Le discours néolibéral nous décrit un monde qui n’existe pas, celui où la quantité de monnaie serait naturellement limitée. Macron, Le Maire et consorts ont dû sécher les cours de l’ENA.

Brève 4.
Manuel Valls se sépare…
Et là, c’est la catastrophe !

MM.

Interpol, une police sous influence ?

C’est une solide enquête qu’ont menée Mathieu Martinière et Robert Schmidt sur Interpol, organisation mondiale créée le 7 septembre 1923 dans le but de promouvoir la coopération policière internationale. Cette organisation est connue pour délivrer, entre autres, des notices rouges, documents d’alerte qui une fois publiés permettent d’assurer la traque planétaire de criminels recherchés dans le monde.

Toutefois, est-elle indépendante ?
Comment se finance t-elle ?

Le documentaire revient en détail sur ces points, soulignant les limites de ses actions, les conflits d’intérêt et collusion dans lesquels elle bascule.

Si dans l’imaginaire collectif, cette institution évoque un univers d’enquêteurs aux pouvoirs considérables, faute de moyens financiers et de volonté des États membres pouvant lui assurer financièrement une indépendance et un fonctionnement optimal, la présente enquête nous dévoile les revers de la médaille d’une organisation fonctionnant sur fonds privés et exposée à de graves conflits d’intérêts.

Quid de son indépendance, éthique et efficience ?

Un reportage édifiant, disponible du 15/03/2018 au 18/05/2018.

MM.

Attrape-moi si tu peux !

Nous en parlions hier sur MetaMorphosis: Haro sur les contrôles ! Vive la confiance ! (ici)
Le garant de l’ordre républicain, le Président, nous le rappelait récemment : «ne respectez jamais les règles !». Faisons fi des lois, règlements, autorités de contrôle et autres principes de précaution ; faisons-nous confiance les uns les autres et tout ira bien… Enfin, même si cela n’est pas dit explicitement, faut pas non plus exagérer, nous n’allons pas faire confiance à tout le monde, aux chômeurs qui ne cherchent qu’à frauder Pôle Emploi, aux migrants qui viennent en France pour toucher les allocations, aux personnes assujetties aux minimum sociaux qui ne cherchent qu’à en avoir plus, aux cheminots qui font grève pour protéger leurs acquis sociaux honteux…

Par contre, faisons confiance aux entreprises, à leurs dirigeants, aux politiques, à tous ceux qui travaillent sans se plaindre pour l’intérêt supérieur de la Nation ! Après tout la main invisible est nécessairement bienveillante (mais pourquoi se cache t-elle ?) et aux dernières nouvelles elle risque d’être remplacée par la main de Dieu, le Nôtre bien sûr !

Le Monde nous donne l’occasion aujourd’hui d’illustrer ce propos. Profitons-en, car ces informations résultent du travail de journalistes dans le cadre des Panama et Paradis Papers, activité amenée à disparaître au temps de la confiance retrouvée dans « le secret des affaires ».
Nous n’allons pas nous amuser à lever une liste à la Prévert, la place risque de nous manquer…
Nous voulions bien faire confiance à Lafarge, malgré un passé déjà bien chargé, manque de pot, ses dirigeants n’ont rien trouvé de mieux que de financer l’État Islamique.
A une époque, nous voulions bien faire confiance à Goldman Sachs, et hop, ils aident la Grèce à cacher à l’Europe la réalité de son endettement national. Pas si grave apparemment, le banquier à l’œuvre à l’époque, est aujourd’hui Président de la BCE. Pas bien grave pour l’instant pour Lafarge mais surtout que personne ne s’amuse à voler un paquet de pâtes, sinon c’est la taule, direct!
Tiens, nous aurions bien voulu aussi faire confiance à HSBC, une référence du capitalisme mondial… mais la banque semble avoir un appétit féroce pour l’argent des cartels mexicains de la drogue.
La liste est longue où notre confiance a été trahie…

A priori, on aimerait bien aussi faire confiance à Total. L’un des leaders mondiaux de son secteur, français de surcroît! De quoi être fier !
Bon, nous connaissons son activité, nous nous doutons que les questions environnementales ne sont pas forcément sa tasse de thé, mais nous ne savions pas que c’était un as de l’arnaque! C’est bien d’aider les amis surtout quand ils regorgent de pétrole, mais de là à berner le si respectueux FMI… Oui, la boîte dirigée par une autre française (on est encore fier!), Lagarde, Madame négligence à 400 millions (on ne prête qu’aux riches !) dispensée de peine (ça ne s’invente pas !)…
Bon, revenons à nos hydrocarbures; mais qu’a bien pu faire ce respectable Total, si digne de confiance?
Nous lirons avec intérêt l’article du Monde «Comment le groupe Total a aidé le Congo à berner le FMI» (ici) qui raconte avec précision le montage congolais, les interventions de Total. «Avec l’aide de la banque BNP Paribas, la multinationale et le Congo ont cherché à contourner des engagements pris par Brazzaville envers le Fonds monétaire international (FMI). Ce dernier joue un rôle décisif dans l’allégement des dettes souveraines et ne doit en aucun cas être mis au courant de ce qui se trame : contre des promesses de transparence comptable, le FMI doit annoncer l’accession du Congo au statut très convoité de «pays pauvre très endetté», qui garantirait une annulation substantielle de la dette d’État».
Nous n’allons pas nous arrêter à si peu. Nous n’allons pas non plus jeter la confiance aux orties et revenir à ces sales contrôles de fonctionnaires. Et puis, si nous commençons à contrôler (sérieusement), à appliquer les lois et les règles, où allons-nous ?
Ce n’est pas faute d’avoir mis des garde-fous. Une belle fusée à plusieurs étages.
D’abord le fameux «verrou de Bercy» dont on ne louera jamais assez l’efficacité, pas celle revendiquée par le gouvernement pour le maintenir, mais celle de la « justice fiscale de l’entre-soi gens de confiance » : en 2017 sur 15.065 cas de fraudes détectées, 830 dossiers ont été transmis à la justice soit un petit 5%, les chiffres parlent d’eux-mêmes…
Ensuite un bon secret des affaires; après tout, si nous « faisons confiance », nous n’allons pas commencer à soupçonner nos entreprises d’avoir quelque chose à cacher!
Enfin, pour ceux qui seraient vraiment mauvais, ils auront droit au petit plaider-coupable, histoire de ne pas avoir à juger sur la place publique la confiance.

Bel arsenal de dépénalisation des infractions. Alors oui, pourquoi des contrôles ?

MM.

Le contrôle détruit la confiance et encourage la maladie

Voilà le message que l’on fait passer dans les Écoles de Commerce aux futurs cadres de nos entreprises: « Le contrôle détruit la confiance et encourage la triche »
Il ne faudra pas s’étonner après du haut niveau de corruption qui y règne, et du total dévoiement de la notion de responsabilité.
A l’ineptie du raisonnement qui nous est proposé ici digne d’une discussion du café du commerce, à la faiblesse des arguments, aux choix d’exemples ridicules voire à contre-sens, et à l’amalgame (révélateur!) qui est fait entre contrôle et corruption, la meilleure solution est de répondre par l’absurde.

A la « démonstration » (reprise ci-après en italique) de Frédéric Fréry (notée FF), enseignant-chercheur dans le domaine de la « stratégie d’entreprise, du management et de l’innovation » (sic), professeur à l’ESCP Europe et à l’École Centrale Paris, la réponse de MetaMorphosis mentionnée MM.

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FF: Vous avez certainement déjà entendu la fameuse citation de Lénine : « La confiance n’exclut pas le contrôle. »
Dans votre entreprise, il existe vraisemblablement des procédures de contrôle, et vous recevez peut-être de temps à autre la visite de contrôleurs, d’auditeurs, voire d’inspecteurs, qui vérifient scrupuleusement la qualité de votre travail. Or, vous êtes-vous déjà demandé quel est l’effet de toutes ces démarches de contrôle sur la confiance ?

MM: Dans votre vie, vous ferez vraisemblablement l’objet de contrôles médicaux et vous irez peut-être de temps à autre faire une visite de routine ; sans doute vous irez voir votre généraliste, votre dentiste ou gynécologue, qui vérifieront scrupuleusement l’état de votre santé. Or, vous êtes-vous déjà demandé quel est l’effet de toutes ces démarches de contrôle sur votre santé ?

FF: En fait, alors que la confiance exige la réciprocité, chaque fois que vous contrôlez quelqu’un, vous lui envoyez le message que vous le soupçonnez. En réaction, il est très probable qu’il ne vous fasse pas confiance non plus, et que rapidement il cherche avant tout son propre intérêt. Au total, le contrôle incite à tricher. C’est d’ailleurs dans les systèmes politiques les plus policiers, les plus rigoristes et les plus liberticides que les niveaux d’opportunisme, de détournement et de corruption sont les plus élevés.

MM: En fait, alors que la confiance exige la réciprocité, chaque fois que vous vous faites contrôler par votre médecin, vous lui envoyez le message que vous vous soupçonnez être malade. En réaction, il est très probable qu’il prenne votre demande très au sérieux, et que rapidement il cherche avant tout, tous les indices prémices d’une potentielle maladie. Au total, le contrôle incite la maladie. C’est d’ailleurs dans les systèmes médicaux les plus sophistiqués, les plus pointus et de dernières technologies, que les recensements tels les cancers du sein, sont dépistés très tôt et par conséquent entraînent un taux de femmes à admettre en soin, plus élevé.

La surveillance implique son contournement

FF: À l’inverse, en l’absence de contrôle, on peut observer des niveaux de confiance parfois surprenants. Regardez par exemple les distributeurs de journaux aux États-Unis. Ce sont de simples boîtes en fer blanc, fermées par une modeste serrure qu’il serait très facile de forcer. Pour les ouvrir, il suffit d’insérer une pièce, et on a alors accès à toute la pile de journaux, qu’il serait tout aussi facile d’emporter. Pourtant, les gens mettent une pièce, ouvrent la boîte, prennent un seul journal et referment la boîte. À Vienne, en Autriche, on peut même voir des piles de journaux posées sur le trottoir, avec une coupelle et un panonceau précisant le prix du journal. Les bons citoyens viennois déposent l’argent dans la coupelle et prennent un journal. Personne n’aurait l’idée de s’emparer de la pile ou encore moins de voler l’argent.
À l’inverse, dans les organisations qui ont basculé dans une culture du contrôle, c’est la défiance qui l’emporte : plus on multiplie la surveillance, les protections et les audits, plus les individus passent du temps à trouver des moyens de les contourner. Contrôler, c’est restreindre la liberté individuelle. Or, nous avons horreur d’être privés de notre libre arbitre. Par conséquent, plus on accroît le contrôle, plus il faut encore l’accroître. Au total, toutes les démarches de contrôle n’aboutissent qu’à une seule chose : se justifier elles-mêmes. Or, cette escalade finit par être extrêmement coûteuse, alors que la confiance, elle, est gratuite.

MM: À l’inverse, en l’absence de contrôle, on peut observer des niveaux de confiance parfois surprenants. Regardez par exemple si les individus qui se croient en pleine santé, décident de ne plus se faire contrôler. Gageons sur la confiance d’une santé de fer. Personne n’aurait l’idée qu’il puisse être malade, étant donné la grande forme apparente. Pas même le médecin ne peut le soupçonner, tout simplement parce qu’il n’y a pas eu de visite… C’est vrai, une visite de contrôle, quand tout semble aller, servirait à quoi donc ?
À l’inverse, dans les sociétés qui ont basculé dans une culture du contrôle médical, c’est la défiance qui l’emporte: plus on multiplie la surveillance, les analyses et les dépistages, plus les individus sont malades… Contrôler, c’est restreindre la liberté d’être en pleine forme. Or, nous avons horreur d’être malade. Par conséquent, plus on accroît le contrôle, plus il y a des chances encore de l’accroître si on décèle un quelque chose. Au total, toutes les démarches de contrôle n’aboutissent qu’à une seule chose : se justifier elles-mêmes. Or, cette escalade finit par être extrêmement coûteuse, alors que la confiance en sa santé, elle, est gratuite.

Réduire le contrôle réduit l’opportunisme

FF: Par conséquent, si vous voulez réduire l’opportunisme dans votre organisation, commencez donc par réduire le contrôle. Bien entendu, ce n’est pas parce que vous ne contrôlerez pas du tout que tout le monde sera honnête. Cependant, demandez-vous ce qui est finalement le plus coûteux : le pourcentage résiduel de triche ou l’empilement perpétuel des systèmes de contrôle ? Après tout, comme l’affirme le professeur américain James March, « avoir confiance en quelqu’un qui est digne de confiance, ce n’est pas de la confiance, c’est du calcul ».

MM: Par conséquent, si vous voulez réduire le risque de maladie, commencez donc par réduire le contrôle. Bien entendu, ce n’est pas parce que vous ne vous contrôlerez pas du tout que tout le monde sera en excellente santé. Cependant, demandez-vous ce qui est finalement le plus coûteux : le pourcentage résiduel d’un risque ou l’empilement perpétuel des contrôles? Après tout, comme l’affirme le professeur américain James March, « avoir confiance en quelqu’un qui est digne de confiance, ce n’est pas de la confiance, c’est du calcul ».

« Le contrôle détruit la confiance et encourage la triche » (FF)

Le contrôle c’est néfaste, ça tue la confiance… et pire ça encourage la maladie! (MM)
Finalement partant de ce principe, au regard de toutes les affaires qui touchent les entreprises, du financement du terrorisme à la corruption en passant par la dilapidation de l’argent public, sans doute sommes-nous dans une société malade qui s’ignore ?

Incroyable, non ?

MM.

L’opération Guéant doit servir d’exemple

L’opération Guéant en exemple…

A l’occasion de la journée mondiale de la lutte contre la corruption, le 09 décembre, Crim’HALT comme Alternative représentée par son Président Fabrice Rizzoli, avec l’Association Anticor, ont souhaité sensibiliser la population, sur la nécessité d’instaurer en France et à l’image de ce qui se fait déjà en Italie, le principe de l’usage social des biens confisqués par la justice.

Se sont joints à cette initiative, devant l’appartement de l’ancien Ministre Claude Guéant, les Associations DeputyWatch, Paradis fiscaux et judiciaires, le Collectif MetaMorphosis et Voltuan.

Communiqué de presse du 09/12/2017

« L’affaire Guéant doit servir d’exemple pour toutes les procédures de saisie de biens mal acquis en cours ou à venir, ainsi que le recommandent la Commission du Parlement européen CRIM, le Conseil de l’Europe et le Comité économique et social européen depuis 1999 »

Nous remercions la coopérative Valle del Marro en Italie, qui nous a transmis la plupart des photos qui apparaissent dans la présente vidéo. Valle del Marro – Libera Terra

MM.

L’homme politique est un lâche comme les autres (ou un peu plus…)

Lâcheté, dictionnaire Larousse : «Manque de courage, d’énergie morale, de fermeté. Se taire par lâcheté devant une injustice».

Chaque lanceur d’alerte a son lâche préféré. Celui qui vous soutient lundi, vous «lâche» mercredi et vous poignarde vendredi ; celui qui est scandalisé par ce que vous dénoncez mais qui ne fera rien car «ça ne le regarde pas» ; celui qui choisit son camp, celui des « vainqueurs »; celui qui a une femme qui ne travaille pas, des gosses, un crédit sur la maison, des vacances aux sports d’hiver ; celui qui se lance dans «l’aventure» avec vous mais qui sautera sur la première offre de négociation pour quitter le bateau; même celui qui retournera sa veste…
«Manque de courage» c’est sûr, «d’énergie morale» on n’en demandait pas tant, «de fermeté».

A l’occasion du nouveau show judiciaire Sarkozy au sujet de sa lune de miel éphémère mais lucrative avec feu le dictateur Kadhafi, Mediapart nous rappelle (ici) le peu d’enthousiasme de l’ensemble de la classe politique française, pendant ces six premières années d’enquête, à apporter sa pierre à l’édifice de la vérité.
Antton Rouget, auteur de l’article «La France face à l’affaire libyenne : chronique d’une lâcheté politique», nous informe : «La politique de l’autruche. Depuis 2012, malgré le chaos en Libye, malgré les soupçons de financement occultes et les arrangements de la France avec une dictature, le pouvoir politique a constamment détourné le regard de l’affaire Sarkozy-Kadhafi, qui présente les plus graves symptômes d’un scandale d’État»«écartant même l’hypothèse d’une commission d’enquête parlementaire sur l’évolution des relations entre Paris et Tripoli et le déclenchement de la guerre de 2011». Encore une fois, une spécificité française.
À l’étranger, les autres pays occidentaux embarqués dans la guerre en Libye ont affronté leur passé et le constat est saisissant. En Grande-Bretagne, une commission parlementaire des affaires étrangères a enquêté en refusant la version officielle servie par l’ancien premier ministre David Cameron, pour livrer en septembre 2016 des conclusions sans équivoques contre l’opportunisme de l’intervention anglaise. De même aux Etats-Unis en mars 2016 où Barack Obama a reconnu la responsabilité de son pays dans «le chaos libyen».
«Et en France… rien. Ni enquête parlementaire, ni initiative politique visant à interroger, au-delà des éléments couverts par l’enquête judiciaire sur le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, les possibles compromissions politiques, diplomatiques, commerciales ou militaires au plus haut sommet de l’État».
Que vont nous dire nos hommes politiques, parlementaires, chefs de partis, ministres, premiers ministres, présidents? Qu’ils ne savaient pas? François Hollande, Président de la République, ne semblait pas avoir beaucoup de doute : «Moi, président de la République, je n’ai jamais été mis en examen… Je n’ai jamais espionné un juge, je n’ai jamais rien demandé à un juge, je n’ai jamais été financé par la Libye…».

Un cas isolé ? Pas vraiment.

Prenons, au hasard, le cas Areva-Uramin. Encore un cas de cécité avancée pour la plupart des hommes politiques français. Pourtant, il semblerait que l’on soit dans les «milieux informés», au fait des agissements passés dans cette entreprise publique.
Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie et des Finances en exercice : «Véritable scandale républicain, gestion indigente, dissimulation systématique, connivence, connaissance entre les uns et les autres, absence de contrôle de l’État…».
Retournons vers le Larousse.
Dissimulation: «action de cacher ce qui existe» ;
Connivence: «entente secrète, intelligence non avouée en vue d’une action ; complicité» ;
Indigente: «qui manque des choses les plus nécessaires».
En matière de gestion d’une entreprise multinationale, qui plus est publique, on aura compris que pour le ministre, le «véritable scandale républicain» d’Areva est fait de malversations en tout genre, sans doute d’acte de prévarication et de vol de fonds publics.
La classe politique ne pourra pas nous dire cette fois-ci, ne pas être au courant, ce réquisitoire ayant été tenu devant la représentation nationale.
Et puis ? Pas grand-chose à cette heure-ci malgré le suivi très documenté de ce dossier par certains journalistes, fournissant même les noms d’un État et des banques ayant vu transiter d’importantes sommes d’argent soupçonnées venir d’Areva.

Plusieurs lanceurs d’alerte ont pu faire directement l’expérience de cette lâcheté du corps politique qui semble plus préoccupé, toutes couleurs confondues, à se défendre les uns les autres. Sur des questions précises, sur des agissements concrets, combien de regards qui fuient, combien de changements brutaux de discussion, combien de réponses évasives ?

Nous n’avons de cesse sur MetaMorphosis de décrier et nous interroger sur les rôles effectifs des organes de contrôle censés suivre et faire appliquer lois et règlements.
N’oublions pas que dans une démocratie les parlementaires sont la première autorité de contrôle du pouvoir exécutif, de la défense de l’intérêt public, et du respect des lois qu’ils votent eux-mêmes.
L’affligeante passivité de la représentation nationale au regard des deux scandales majeurs cités dans cette tribune, nous interroge sur sa démission.
Face à ses responsabilités éludées, elle fait preuve d’un évident «manque de courage, d’énergie morale et de fermeté». En somme, de lâcheté.
…Le Larousse pourrait à présent compléter:
Parlementaire: « homme politique français passif et lâche »

MM.

Art, mécénat, défiscalisation, blanchiment et corruption

En référence à l’article du journal Le Monde du 10 Mars 2018 « La défiscalisation a permis aux Galeries Lafayette de créer un nouveau lieu consacré à l’art contemporain à Paris »

« Les goûts et les couleurs »… Ce pourrait être l’objet d’une longue tribune, qui a priori n’aurait pas sa place sur MetaMorphosis. Encore que… La financiarisation des marchés de l’art, comme un écho démultiplié de la mondialisation, nous rapproche un peu plus de nos thématiques. Les goûts y ont leur place comme nous le rappelle l’interminable polémique parisienne des « tulipes » de Jeff Koons, surtout quand la couleur qui y prédomine est celle de l’argent public sous toutes ses formes.
On s’intéressera à l’occasion d’une prochaine tribune à ce marché de l’art contemporain, animé par quelques centaines d’acteurs qui fixent à la fois les quantités et les prix entre eux (c’est beau la main invisible des marchés !) et qui, comme nous le rappelle Le Monde (ici), se sont ces dernières années engouffrés dans la défiscalisation à tout va au travers de Fondations d’art.
Argent public, quand tu nous tiens !
Promouvoir l’art et la création artistiques grâce à des aides publiques est une chose tout à fait concevable. Promouvoir un marché extrêmement restreint et non concurrentiel avec des fonds publics pour que leurs quelques bénéficiaires influent ainsi sur les prix, en est une autre.

Attachons nous plutôt à un aspect moins connu de ces choses.
La découverte fin 2016, chez un parrain de la Camorra, de deux tableaux de Van Gogh dérobés en 2002 n’est que l’un des épisodes d’un pillage à grande échelle dont l’Italie est l’une des principales victimes.
« Aujourd’hui, l’art est le principal canal de recyclage de l’argent sale. Parce qu’une toile du Caravage laisse moins de traces qu’une montagne d’argent, on peut la déplacer facilement et c’est un investissement relativement sûr » commentait Roberto Saviano au lendemain de cette découverte. L’auteur de « Gomorra » avait déjà raconté, dans son roman décrivant la Camorra, l’histoire d’un juge corrompu avec un tableau de Botticelli. En 1992, l’opération « Mains propres » révélait que la corruption à l’aide d’objets d’art était une pratique courante.
Le trafic d’œuvres d’art est ainsi devenu le troisième plus important au monde après celui de la drogue et des armes, générant un chiffre d’affaires estimé à 10 milliards d’euros.
« La Mafia est une société comme les autres, l’important est de faire des profits. » poursuit Marcello Ravveduto, spécialiste de la Camorra à l’Université de Naples- Frédéric II. « L’art constitue un investissement qui rapporte et prend de la valeur avec le temps. Elle est ainsi en contact avec des conseillers, souvent extérieurs aux milieux criminels, qui lui permettent d’effectuer ses achats pour blanchir de l’argent. Ses vols servent aussi à corrompre ou comme monnaie d’échange » . C’est ainsi que le célèbre trafiquant Gianfranco Becchina, lié à Cosa Nostra, propriétaire d’une galerie d’art en Suisse, a pu vendre au Getty Museum un vase antique 275.000 dollars, alors que le paysan qui l’avait déterré s’en serait séparé contre un cochon.
Parmi ses clients, les milliardaires américains Shelby White et Leon Levy, les musées du Louvre, de Boston, les universités de Columbia, Princeton et Yale.

Un autre indice ? Une initiative lancée par des professionnels suisses veut rétablir l’image du marché de l’art en bannissant les risques de blanchiment et de menaces de financement du terrorisme.
C’est à l’occasion d’une conférence donnée en 2017 en marge du Salon ArtGenève, que l’initiative RAM (The Responsible Art Market Initiative) a été lancée. Sa mission ? Sensibiliser les acteurs et les collectionneurs d’art aux risques auxquels est confrontée l’industrie et fournir des conseils pratiques sur l’établissement et la mise en œuvre de pratiques responsables pour faire face à ces risques. Ces recommandations ont été élaborées par un groupe de travail comprenant des collaborateurs de la SGS Art Services, de Christie’s, des Ports Francs, de Seydoux & Associés et du Centre du droit de l’art de l’Université de Genève. Elles se veulent évolutives et surtout non contraignantes ! « Il s’agit surtout d’indiquer les règles de comportement à suivre dans le marché de l’art », souligne Pierre Gabus, l’un des responsables du projet. Ainsi, l’initiative RAM liste principalement les « voyants rouges » ou « red flags » concernant le client, l’œuvre ou la transaction qui doivent alerter l’acheteur ou le vendeur sur les possibles risques de blanchiment ou de financement terroriste.

Marchés de l’art et blanchiment, les chiffres parlent d’eux-mêmes… Nous aurions aussi pu parler de ces enquêtes sous instruction de la justice italienne tendant à démontrer les liens tissés entre organisations mafieuses et État Islamique dans le cadre d’un gigantesque troc armes contre œuvres d’art, auquel semblent mêlées quelques institutions financières tout à fait « respectables »…

Et qu’en est-il du mécénat ?
Dans une très intéressante tribune de son blog, Christine Sourgins ose poser la question qui fâche : « Peut-on déguiser la corruption en mécénat ? ». Nous lirons avec plaisir son papier, ici, mais prenons soin de la citer : « La Chine est à l’honneur à la Fondation Vuitton, au Bon Marché avec Ai Weiwei puis, en mai, Huang Yang Ping « investira » le Grand Palais pour un énième Monumenta. Hasards du calendrier ? Pas vraiment puisque Vuitton possède le Bon Marché mais l’orchestration va plus loin : Emmanuelle Lequeux vend délicatement la mèche dans un article du Monde et ce qu’elle baptise « redoutable entreprise de séduction des musées français » ressemble beaucoup à une corruption déguisée en mécénat, à moins que cela ne relève de la simonie (dans l’histoire du christianisme, l’achat et la vente de biens spirituels, par extension , le trafic du symbolique, de la légitimation) ».

La multiplication de partenariats musées – fondations privées avec des milliardaires collectionneurs qui, contre donations sonnantes et trébuchantes, utilisent les structures étatiques pour exposer « leurs » artistes, pose un indéniable risque de corruption déguisée quand ce n’est pas, comme le souligne Christine Sourgins, le contribuable qui assume les acquisitions : « car les œuvres achetées sur le conseil du conservateur pro-chinois (la Fondation privée), resteront à charge du Centre (organisme public), donc du contribuable français, qui devra financer expositions, assurances, restaurations… ».

Défiscalisation, blanchiment, corruption. Le marché de l’art est aussi mis à contribution.
Et le principe de la chose publique est respecté : privatisation des profits et mutualisation des charges.

MM.

Une morale : ça s’achète aussi…

L’Organised Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) et The Guardian (ici) ont eu accès à la liste des étrangers naturalisés chypriotes ces dernières années soit plus ou moins 4.000 personnes dont 2.000 environ, d’origine russe et ukrainienne. Parmi celles-ci, on retrouve tous les oligarques affiliés à Poutine, la plupart présentant une fortune aux origines douteuses, certains comme le récent nationalisé chypriote Oleg Deripaska, apparaissant comme l’un des principaux maillons dans l’enquête du Procureur Spécial Robert Mueller sur la possible collusion Trump / Russie lors des dernières élections américaines.
La morale a un prix et il n’est pas si élevé que ça : Chypre fera de vous un citoyen pour deux millions d’euros. Que nos politiques arrêtent de s’étriper à présent sur le droit du sol ou le droit du sang, instaurons le droit du portefeuille !
Cette situation n’est pas très nouvelle mais jusqu’à présent, ces dignitaires étrangers se satisfaisaient d’une simple résidence sur cette île méditerranéenne. Le mouvement s’est accéléré ces dernières années avec la transformation de ces résidents en « nationaux ».
Outre les oligarques russes, Chypre a le plaisir de compter dans ses nationaux que du beau monde, un cousin de Bashar Al Assad, quelques mafieux en vogue, et toutes sortes d’investisseurs au passé sulfureux.
La plupart de ces bi-nationaux russes ou ukrainiens étaient déjà résidents dans l’Union Européenne, à Chypre, à Londres ou Monaco.
D’un point de vue juridique, ils étaient alors traités comme des étrangers, résidents sur le territoire européen mais sujets à des contraintes notamment de circulation, qui auraient pu leur être imposées par tel ou tel Etat. Avec l’obtention d’un passeport chypriote, ils deviennent citoyens de l’Union Européenne et peuvent ainsi librement circuler au sein du territoire communautaire. Nous aurons bien compris qu’une telle situation facilite également grandement leur visibilité d’un point de vue économique et financier, l’accroissement de leurs investissements à Chypre et/ou à partir de Chypre n’étant sans doute pas étranger à leur nouvelle situation.
Que l’on ne s’inquiète pas, la Commission Européenne nous dit qu’elle regardera ça de près… donc elle ne fera rien.

Morale de l’histoire : ces nouveaux résidents européens n’étant pas des philanthropes, s’ils recherchent avec une telle frénésie la nationalité chypriote et donc européenne, c’est qu’ils y ont un intérêt bien compris.
De là à penser que pour tout ce que la planète compte d’oligarques, dictateurs ou mafieux, être placé sous les lois européennes est une meilleure garantie que celle de leur pays d’origine, il n’y a qu’un pas !
Cela en dit long de quel côté penchent les institutions judiciaires européennes.

Mieux vaut être un milliardaire à la fortune mal acquise qu’un lanceur d’alerte…

MM.