Avec la banque suisse UBS, Deutsche Bank et HSBC passeront à la caisse pour éviter des poursuites pénales aux Etats-Unis.
Leur tort, selon les autorités américaines? Avoir mis en place un système dit de spoofing, de manipulation des cours de matières premières. Cette méthode, dite «d’usurpation» en français, est illégale depuis 2009.
Qu’est ce que le spoofing?
Le spoofing est une technique de trading algorithmique qui consiste en une manipulation d’autres opérateurs présents sur le marché, (et notamment des autres traders haute-fréquence), en plaçant un nombre important d’ordres à l’achat ou à la vente afin de faire croire à une augmentation ou à une baisse soudaine de l’offre ou de la demande. Ces ordres sont ensuite annulés juste avant leur exécution mais provoquent néanmoins une réaction quasi-instantanée des robots-ordinateurs de trading haute-fréquence, très sensibles, qui suivent ce faux-départ. Après l’annulation des premiers ordres, le spoofer va placer de nouveaux ordres dans l’autre sens du marché afin de profiter de la baisse des prix (achat) ou de leur hausse (vente), déformant ainsi le marché afin de générer du profit en trompant les autres acteurs, ce qui peut en faire une pratique répréhensible.
Résultat des courses : le marché est manipulé et échappe à tout contrôle. Mais alors que les algorithmes et les traders jouent avec des chiffres – ils ne savent pas ce qu’ils achètent ou ils vendent, ce sont de vraies entreprises qui en subissent les conséquences, ainsi que l’économie réelle.
S’il est difficile de trouver des preuves tangibles de cette manipulation qui ne dure que quelques dixièmes de seconde, les sanctions en cas de pratique avérée (prévues par le Dodd-Frank Act), sont sévères: elles représentent une peine de prison de 10 ans et 1 million de dollars d’amende.
Quant à UBS, HSBC et Deutsche Bank, qui ont usé de la pratique, elles préfèrent passer à la caisse pour éviter des poursuites pénales aux Etat-Unis. La banque allemande paiera l’amende la plus importante: 30 millions de dollars. UBS paiera 15 millions et HSBC – qui a collaboré avec les enquêteurs – 1,6 million.
Dans toutes activités financières de marché, il appartient au régulateur d’identifier et de sanctionner la minorité d’acteurs qui commet des manquements à la réglementation et ce afin d’en préserver l’intégrité de marché.
UBS amendée pour avoir manipulé les marchés des métaux précieux
D’une façon plus générale, au-delà de la technique du spoofing qui demeure illégale, le trading haute fréquence (HFT) présente un certain nombre de dangers bien connus: des effets pervers sur la liquidité, des effets sur les coûts de transaction, et in fine sur la stabilité des marchés, sans oublier les questions d’équité face à la concurrence et dans la distribution des risques.
A défaut d’interdire les HFT purement et simplement comme l’avait envisagé un projet de loi en janvier 2016, il conviendrait au minimum de réguler ce type d’activité. Or, au travers de sa réglementation MIF2 (ici) de 2016 il apparaît que la Commission Européenne a renoncé à réguler le Trading Haute Fréquence en vidant ladite réglementation de toute sa substance. Le texte de la directive se limite à une perspective prudentielle et élude totalement la question de l’utilité du HFT (haute fréquence trading). Exit toute modification des règles du jeu en matière de trading par exemple en renforçant les obligations de tenue de marché, en imposant un prix (même très faible) à toute modification ou annulation d’ordre (afin de réguler les stratégies d’abus de marché), ou en réformant le régime des « pas de cotations ».
Force est de constater une fois de plus que les lobbies bancaires, omniprésents pour ne pas dire omnipotents à Bruxelles, sont parvenus à obtenir une définition très large qui considère comme HFT, plus de 90% des intermédiaires financiers. CQFD, si le HFT est la norme, il est inutile de le réglementer…
Puisque les lobbies semblent dicter à la Commission Européenne les règles, il reste encore la possibilité (à l’image de ce qu’a fait l’Italie) de taxer ce type d’opération afin d’essayer d’en limiter l’utilisation excessive, disposition bien évidemment très imparfaite mais qui a le mérite d’exister.
MM.