Paru le 24 juin dans Mediapart sous la plume de Romaric Godin, un article intitulé « La flat tax a bien été le pivot de la politique pro-riches du gouvernement », fait le point sur les premiers éléments en notre possession, relatifs à ce dispositif fiscal instauré par Macron dès son arrivée au pouvoir. Il s’agit du prélèvement forfaitaire unique de 30% sur les revenus du capital dont l’objectif premier affiché était de permettre une relance des investissements des entreprises.
A la lecture dudit article, tout est question de définition et d’interprétation. Et pour cause, Romaric Godin fait notamment référence à un éditorial paru le 20 juin dans le journal économique Les Échos, – propriété de Bernard Arnault -, qui évoquait, lui, « Les bons comptes de la flat tax ».
Trois idées principales peuvent être retenues :
- Les Échos parlent de « bons comptes » car ce prélèvement forfaitaire unique ne pèsera pas sur le budget de l’ État en raison de l’envolée de dividendes distribués en 2018. Comme le souligne l’auteur de l’article de Médiapart : « On notera immédiatement qu’un manque à gagner nul ne représente pas un gain et que, partant, si l’ État n’a pas perdu d’argent, il n’en a pas gagné alors même que la hausse des versements de dividendes est vertigineuse et que les prix ont progressé de 1,6 % ». Pour les Echos donc, une stabilité des recettes fiscales alors que les revenus sont en hausse de 24%, représente un « bon compte ». On attend que Bernard Arnault vienne nous expliquer qu’il fait une bonne affaire quand il explose son chiffre d’affaire avec une profitabilité identique !
- De cette augmentation vertigineuse de dividendes, les Échos n’en portent pas l’analyse plus loin, ne serait-ce en se demandant « d’où peut-elle bien provenir » ?! On constate en fait deux choses : pour les entreprises présentant un EBE (Excédent Brut d’Exploitation) suffisant, elles ont arbitré le versement de dividendes au détriment des autres usages habituels c’est-à-dire le reversement aux salariés et surtout dans l’investissement. Pour les entreprises ne bénéficiant pas d’un tel EBE, l’accroissement du versement des dividendes s’est fait tout simplement…par recours à l’endettement ! De ce point de vue guère de doute, la flat tax est un échec d’une part parce qu’elle ne répond pas à son objectif initial de dynamisation de l’investissement, d’autre part parce qu’elle présente une incidence anti- économique consistant à payer des profits non réalisés par un endettement pesant sur les années à venir. Rien de bien vertueux là-dedans, aucune trace de rationalité économique, mais bien la seule volonté de bénéficier à un instant T d’un avantage fiscal !
- Car le fond du problème de la Flat tax est bien là (notons pour la petite histoire qu’un même schéma est très ardemment défendu en Italie par le leader d’extrême droite, Salvini , au point d’avoir menacé de quitter la coalition gouvernementale si son projet n’était pas adopté). Plusieurs économistes avaient alerté le gouvernement lors du vote de cette mesure, soulignant l’aberration pour des politiques disant poser la valeur travail au centre de leur action puisque cette flat tax conduit à une imposition marginale du travail très sensiblement supérieure à celle du capital. En d’autres termes nous avons un Macron qui nous explique que le travail doit être au centre de la vie de chaque citoyen et qui « en même temps », créé un système fiscal où il vaut mieux être rentier que salarié.
De cette situation aberrante, il en résulte bien évidemment des conséquences financières immédiates. Le ruissellement n’étant qu’un fantasme d’économistes attardés, les agents économiques, eux, réagissent dans leur seul intérêt et se positionnent à un moment T dans le schéma qui leur est plus profitable. En l’occurrence compte tenu de cette forte distorsion de fiscalité entre travail et capital, les salariés les plus fortunés vont logiquement arbitrer entre salaire et dividendes, diminuant fortement la part salariée de leur rémunération (plus fortement imposée) au profit de la part sous forme de dividendes (imposée forfaitairement à 30%). La première est soumise à cotisations sociales, la seconde également mais beaucoup moins puisque le 30% s’entend « tout compris ». Résultat de la manœuvre : les rentrées financières des organismes sociaux ont été fortement impactées ce qui explique en grande partie l’étonnement général et plus inquiétant encore celui du gouvernement à l’annonce de la détérioration rapide et soudaine des comptes de la sécu.
Les Échos se réjouissent et on aurait presque envie de dire que c’est bien normal. Les intérêts que ce journal représente, sont effectivement les grands gagnants de cette réforme fiscale ! On pourrait même penser que c’était le seul objectif de cette flat tax…Parce que sur l’ensemble des objectifs annoncés, force est de constater que l’échec est patent : aucune reprise de l’investissement, effet pervers de l’endettement, arbitrage d’opportunité des hauts revenus, et impact sensible sur les comptes sociaux.
Pour le ruissellement on repassera…
MM.