La crise qui vient

Deux méthodes pour prendre un coup sur la tête: se retrouver un 1er Mai dans une manifestation en présence de Benalla ou regarder ces derniers jours le cours de bourse de Facebook !

➡️ CORRECTION BOURSIÈRE ET TENDANCES DE FOND

Facebook subit en effet une correction boursière magistrale après avoir rendu compte d’une décélération de ses activités qui déçoit les analystes.
Les scandales de ces derniers mois, qui ont mis en lumière la manipulation de sa plateforme par des officines désireuses de peser sur les élections aux États-Unis et ailleurs en répandant de fausses nouvelles, jouent un rôle dans le ralentissement de la croissance du réseau social.
À l’ouverture hier du marché Nasdaq, 114 milliards de dollars de capitalisation de Facebook sont partis en fumée. Le titre de l’entreprise dévissait de 18,34% à 177,61 dollars vers 13H50 GMT. La dégringolade représente une perte sur papier de quelque 16 milliards de dollars pour le patrimoine de Mark Zuckerberg, le fondateur et patron de Facebook.
La violente correction est à remettre dans le contexte d’une hausse de 23% du cours de la société de Menlo Park (Californie) depuis le début de l’année et d’un sursaut de 43% depuis son niveau le plus bas fin mars, après le scandale du piratage de données par un cabinet de marketing politique au Royaume-Uni.
Les résultats annoncés par Facebook mercredi soir ne sont mauvais que dans le contexte d’anticipations optimistes de ses actionnaires. La firme de Mark Zuckerberg affiche ainsi une progression de 42% de son chiffre d’affaires et un bond de 31% de ses profits au cours du deuxième trimestre. On ne saurait donc parler d’effondrement de l’activité de la société fétiche du secteur Internet.
Ces performances sont néanmoins légèrement moins bonnes que prévu. Le chiffre d’affaires atteint 13,2 milliards de dollars, alors qu’en moyenne on tablait sur 13,4 milliards de dollars. Or la direction de Facebook n’avait pas été prise en défaut pour excès d’optimisme depuis 2015.
Plus profondément, l’autre déception provient du ralentissement de la croissance du nombre d’internautes accros à Facebook. Au cours du premier trimestre, le nombre d’utilisateurs actifs quotidiens a certes grimpé de 11% pour atteindre 1,47 milliard mais la croissance de l’audience de Facebook avait été de 13% au premier trimestre.

La nouvelle réglementation européenne mise en place au mois de mai pour forcer les réseaux sociaux à mieux protéger les données privées de leurs utilisateurs s’est déjà soldée par un recul d’un million d’utilisateurs en Europe, admet Mark Zuckerberg. Facebook compte désormais 279 millions d’utilisateurs actifs quotidiens en Europe. Aux États-Unis et au Canada, le nombre d’utilisateurs quotidiens n’augmente plus.
Plusieurs études menées par des Universités américaines mettent en évidence un changement rapide de consommation des internautes, notamment chez les plus jeunes, qui privilégient d’autres réseaux sociaux comme Instagram et YouTube. Même constat chez une population plus âgée, qui se détourne progressivement de Facebook au profit de blogs ou sites spécialisés.

Dans ce contexte, deux types d’analyse font le jour.

➡️ TOO BIG TOO FAIL

The Guardian revient dans une tribune sur les derniers soubresauts du titre Facebook.
L’article de Siva Vaidhyanathan (Siva is a professor of media studies at the University of Virginia) s’intitule «The panic over Facebook’s stock is absurd. It’s simply too big to fail» (ici).
Il commence par rappeler la taille du «monstre» : «The bigger story of scale is that, as of February, 2.2 billion people regularly use Facebook around the world. That number could reach 2.4 billion by the end of the year. That number is so large it’s hard to ponder. Is there anything besides the atmosphere and the oceans that influences 2.2 billion lives ? Nothing human-made comes close», et le contexte des récentes évolutions de son cours de bourse, signe d’un désaveu non pas tant sur le modèle économique lui-même que sur la capacité, vue de l’extérieur, de faire confiance aux engagements de la société : «Facebook officials announced months ago that it would install changes that would intentionally slow user growth and revenue. Many of these changes are efforts to confront the pollution and distraction that harm Facebook users. For some reason, financial analysts failed to take Facebook seriously. Once investors clear their heads the stock will rise again right along with revenue and profits».

Au final, l’auteur de cette tribune pose une sorte de maxime que l’on entendait déjà lors de la crise financière de 2008, appliquée au secteur bancaire : «Facebook is too big to fail, just as it’s too big to govern». Si la première partie de la sentence peut faire écho à ceux qui ont regardé les mécanismes à l’œuvre lors de la crise de 2008, la seconde est plus difficilement acceptée dans la mesure où les formes de gouvernance, y compris des États, peuvent être multiples. Il existe également une différence fondamentale entre l’incidence directe d’une éventuelle faillite, le consommateur (et contribuable) n’étant pas de la même façon impacté par la déconfiture d’un géant de la finance et d’un acteur de ce type des réseaux sociaux.

Siva Vaidhyanathan termine son travail sur une réflexion de bon sens qui recueillera sans aucun doute l’aval de tout un chacun, même si une nouvelle fois, on peut craindre qu’il s’agisse d’un vœu pieux:
«The moral of this story is that we can’t depend on market forces to rein in Facebook’s destructive power. Investors won’t save us. Facebook itself won’t save us. Only a global political movement aimed at breaking up that company and limiting what it can do with our behavioral data can curb Facebook. Don’t let a one-day drop as part of a remarkable six-year surge in stock value distract you from that difficult truth».

D’un côté donc, une rengaine déjà entendue aux conséquences dramatiques que l’on connaît maintenant. D’un autre côté, un point de vue relayé par le New York Times dans son édition du jour sous le titre «Facebook’s Stock Plunge Shatters Faith in Tech Companies’ Invincibility» (ici).

➡️ LES SOCIÉTÉS AUSSI SONT MORTELLES

Sous la plume de Matt Phillips, le grand quotidien américain retient surtout de cet épisode boursier touchant Facebook, que les grandes compagnies du secteur de la technologie que l’on imagine éternelles malgré leur très jeune âge, ne sont en fait pas invincibles.

«It had become an article of investor faith on Wall Street and in Silicon Valley : Quarter after quarter, year after year, the world’s biggest technology companies would keep raking in new users and ever-higher revenue. And with that, their share prices would continue to march upward, sloughing off any stumbles.
This week, that myth was shattered
».

«In recent years, investors — from individual traders to the world’s largest hedge funds — have snapped up shares in these companies, which include Facebook, Amazon, Apple and Google’s parent company, Alphabet. These tech giants were viewed as having nearly unassailable revenue streams that could deliver profit growth regardless of economic conditions. As a result, their share prices soared».

Les valeurs de la technologie n’échappent pas à ce que l’on a pu connaître dans d’autres secteurs, des fleurons du négoce de matières premières ou de la finance par exemple, côtoyant un jour des sommets de valorisation pour s’effondrer en quelques semaines voir quasiment disparaître. Le cas Facebook ne fait que rappeler au bon souvenir de chacun, que derrière le mythe de la technologie invincible, sommeillent toujours l’irrationalité des investisseurs et des effets de mode dévastateurs.

«Still, the sheer size of Facebook’s fall on Thursday became a focus for investors. The decline in Facebook’s market value was roughly equivalent to the entire value of some of the country’s best-known companies, including McDonald’s, Nike and the industrial conglomerate 3M».

➡️ ET LES SIGNES SONT LÀ…

Parfois un bon schéma vaut tous les commentaires du monde.
Il y a ces quelques économistes qui avaient averti en 2008 de l’existence d’une bulle financière et de l’éminence d’une crise, auxquels bien évidemment nul n’a pas donné la parole à l’époque et lesquels sont encore ignorés aujourd’hui, l’orthodoxie en économie restant un crime pour nos gouvernants et les institutions internationales.

Alors tant pis s’il y a des signes qui ne trompent pas, nous les garderons pour nous :

MM.

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