Si on se répète à MetaMorphosis, ça n’est pas dans le but de s’auto-convaincre.
Ce n’est plus tellement pour convaincre ceux en responsabilité, la multiplication des exemples attestant malheureusement d’un écart toujours plus grand entre missions et responsabilités. Si nous nous répétons, c’est avant tout pour attirer l’attention de ceux, acteurs divers de la société civile, qui demeurent encore persuadés que beaucoup des dysfonctionnements de notre société peuvent être grandement contrecarrés en amont lors de la rédaction des textes organisant les différentes activités, de leur mise en oeuvre et de leur contrôle. En un mot, et comme nous nous plaisons à le dire chez MetaMorphosis, le lanceur d’alerte est avant tout le symptôme d’une mauvaise organisation ou d’un dysfonctionnement alors que nos politiques cherchent à nous convaincre qu’ils seraient la cause d’un problème.
D’un côté si un tel constat peut être démoralisateur, d’un autre côté il confirme le parti pris du Collectif selon lequel les alertes sont la conséquence d’abus de pouvoir.
Le journal « Le Lanceur » nous relate (ici) aujourd’hui le cas d’un cardiologue lanceur d’alerte au sein d’une clinique de Marignane (Bouches du Rhône).
Nous ne nous attarderons pas sur les tenants et aboutissants de cette affaire largement documentée dans l’article référencé et encore en attente de décision judiciaire.
Ce cas est révélateur de ce que nous rencontrons généralement dans la plupart des alertes et pose au moins une question pour l’avenir du rôle des lanceurs dans nos sociétés.
D’une part nous retrouvons tous les ingrédients d’une bonne alerte : dénonciation en amont et en interne de pratiques interdites se faisant au détriment de fonds publics (dans le cas présent, la Sécurité Sociale); dans un premier temps reconnaissance par les parties incriminées du bien fondé de la dénonciation, puis tentative de régler le litige hors tout cadre public (procédure arbitrale); ensuite contestation du bien fondé de l’alerte revenant ainsi sur la première position, appel à l’autorité de contrôle de la profession (l’Ordre départemental des médecins) qui, bien qu’alertant sur des pratiques illicites, finit par se ranger du côté de la partie incriminée jusqu’à prononcer l’exclusion du cardiologue lanceur d’alerte et même s’associer à une plainte contre lui.
D’autre part, nous avons droit à la mise en oeuvre de l’arsenal judiciaire habituel conduisant à pénaliser financièrement et professionnellement le lanceur d’alerte sans oublier de l’exclure de sa profession sous le motif humiliant de la perte de « l’affectio societatis », lui étant reproché un comportement (la dénonciation d’irrégularités) susceptible de « provoquer des dysfonctionnements et nuire à la société et à ses associés » (sic).
Au final, et ce faisant, nous avons droit au parfait traitement d’une alerte : dans l’attente d’une décision de la Cour d’appel d’Aix en Provence, notre lanceur d’alerte est à ce jour, sans revenu et sans emploi, totalement discrédité au sein de sa profession.
Il n’est pas inutile de rappeler qu’il travaillait au sein d’un groupe de cliniques privées, qui, dans son département détient une forte position de marché. Cet élément associé à la position défavorable de l’ordre des médecins censé régir la profession, explique la situation de très fort blacklistage dont est victime le cardiologue.
Pour l’avenir des alertes, ce cas est de nature à nous interpeller. En effet, par un courrier de décembre 2016, le Défenseur des Droits reconnait au médecin la qualité de lanceur d’alerte. Nous parlons là bien évidemment du même Défenseur des Droits, pierre angulaire du dispositif Sapin 2 qui s’est vu confier la charge de recueillir les alertes, de définir si les lanceurs ont agi dans le cadre des procédures et si leur dénonciation est bien fondée.
Il s’agit du même Défenseur des Droits qui, selon les défenseurs du dispositif Sapin 2 dont certaines Associations, doit assurer une forte protection aux lanceurs.
Dans le cas relaté par le site « Le Lanceur », il est à noter d’une part que le Tribunal arbitral censé initialement régler le problème entre les parties, a totalement fait fi de cet élément dans sa décision, et d’autre part, mieux encore, a estimé que « le statut protecteur de lanceur d’alerte, si tant est que cette qualification puisse lier les parties, ne s’applique pas au litige opposant au sein d’une société commerciale des associés les uns aux autres ».
En un mot, que notre médecin soit ou non reconnu comme lanceur d’alerte par le Défenseur des Droits, le droit commercial semble prévaloir et in fine cette belle qualification ne lui apporte aucune protection.
Nous pensons qu’il y a dans cet exemple, matière à réflexion pour les futurs cas régis sous la loi Sapin 2 où il y a fort à parier que les parties incriminées se cacheront derrière des litiges de nature commerciale (et pourquoi pas de droit du travail) pour refuser toute compétence à un statut de lanceur d’alerte même octroyé par le Défenseur des Droits.
Comme nous l’avions pressenti à MetaMorphosis et en dépit de l’enthousiasme pas toujours très clair de certaines Associations, la Loi Sapin 2 nous réserve sans doute dans la pratique, surprises et déconvenues.
MM.