Quand on veut on peut : l’exemple néerlandais

Les Pays-Bas, paradis fiscal au sein de l’Europe, n’en déplaise au Commissaire Moscovici, Aveugle en Chef au pays des non-voyants, nous montreraient-ils l’exemple ?
L’excellent site bruxellois « Finance Watch » dont nous vous recommandons la consultation périodique, nous relate une information reprise en France par le journal économique « Les Echos » (ici), lui même source d’une information publiée par « Het Financieele Dagblad ».

Si les Pays-Bas sont un paradis fiscal, logiquement les banques locales participent à cet état de fait et s’exposent comme ailleurs à être rattrapées par la justice pour certaines de leurs « activités ».
C’est ce qui arrive à la banque néerlandaise ING, citée et poursuivie dans plusieurs affaires de corruption et de blanchiment d’argent. Ces affaires connues sous le nom de « Dossier Houston » selon la terminologie des services de l’Administration, ont démontré une défaillance majeure de la banque « en matière d’intégrité ».
On y retrouve de la corruption sur marchés, qui a notamment conduit le fisc américain à poursuivre la banque (amende transactionnelle de 1,76 milliards de dollars), des versements de sommes non justifiés au bénéfice de la fille du Président d’Ouzbékistan et de blanchiment d’argent lié au secteur des casinos dans les Antilles, tout ceci en lien avec la famille de l’ex-Président angolais Dos Santos. Sont notamment mises en cause, la mauvaise foi de la banque dans la dénonciation des opérations douteuses en temps et en heure, et la mise en oeuvre d’un réseau organisé d’évasion et de fraude fiscale au travers d’un trust financier opaque.

Nous avons malheureusement envie de dire « rien de bien exceptionnel » pour une grande banque internationale, les faits déjà jugés ou en cours d’instruction d’autres grandes banques, n’étant pas tellement différents.
Le modèle sous jacent aux grandes banques étant semblable d’un pays à l’autre, il n’y aurait aucune raison de penser que les banques françaises ou celles ayant la licence d’exercer en France aient des comportements différents. Plusieurs affaires récentes ou toujours en cours d’instruction confirment des circuits comparables, les « activités » de blanchiment d’argent étant « gérées » par leur non déclaration aux Autorités compétentes et celles d’évasion et de fraudes fiscales par le biais de structures offshores opaques.

Ce qui est à la fois étonnant et remarquable dans le cas d’ING, compte tenu de la relative permissivité des Autorités locales à ce type d’opération, c’est la réaction des Autorités judiciaires et de contrôle néerlandaises.
Là où, en France notamment, on se satisfera de pieux engagements de l’institution incriminée à « faire le nécessaire », là où on va se satisfaire de simples modifications de procédures sans contrôle de leur effectivité et efficacité, les Autorités des Pays-Bas, ont elles, décidé de prendre la main.
La banque ING est en effet placée sous une forme de « curatelle » de la justice et du fisc néerlandais, ces administrations souhaitant garder la main mise sur la marche des affaires au sein de la banque.

Si elles s’en souciaient, nos propres Autorités judiciaires et administratives en charge d’assurer le bon fonctionnement des établissements bancaires sous licence, sauraient d’expérience que l’on ne peut se satisfaire de simples engagements de bonne conduite.
Combien de banques en France après des scandales retentissants se sont vues imposer de telles contraintes ? Combien de Société Générale faudra-t-il pour que des mesures efficaces sur les activités de marché soient imposées ? Combien de scandales de blanchiment ou de fraude fiscale, tant qu’on ne se sera pas assuré au minimum que les établissements respectent et fassent respecter les procédures de compliance ?

La façon dont les Pays-Bas ont traité le cas ING, nous semble devoir devenir la règle, c’est à dire la mise sous tutelle immédiate de la banque soupçonnée ou accusée d’opérations de blanchiment ou de fraude fiscale, car nous devons expliquer ici quelque chose dont les non initiés à ces activités bancaires, n’ont sans doute pas la mesure. Dans ces activités, très largement et fortement réglementées depuis le début des années 2000, connaître l’origine des fonds et la nature économique des opérations, est le B.A.BA du travail de banquier.

En dépit de la multiplication de ces types d’affaire, et parce que l’on veut souvent nous les présenter comme complexes alors qu’elles sont d’une très grande simplicité, on nous donne l’impression qu’il s’agirait d’activités exceptionnelles et difficiles à appréhender. Il n’en est évidemment rien, le banquier ayant toujours la possibilité, en cas de doute, de ne pas faire. Et plus encore, en cas de soupçon, il se doit de « déclarer », conformément à ses obligations professionnelles.
Suffisamment d’outils et de supports existent pour permettre d’allumer les voyants rouges et cette faculté qu’ont certains banquiers à découvrir la couleur du feu à posteriori, est désarmante. On en arrive ainsi, dans certaines affaires, à des situations où des banquiers ayant commis des manquements caractérisés et indiscutables à la loi, se retrouvent inquiétés, non pas pour les faits commis (et alors qu’ils avaient généralement les moyens de privilégier le principe de précaution), mais pour ne pas les avoir déclarés conformément à leur obligation.

Comme chez Kafka, on se retrouverait, à titre d’exemple, dans la position d’un automobiliste contrôlé avec 3 grammes d’alcool dans le sang, et qui serait uniquement verbalisé, non pas pour ce taux d’alcoolémie, mais pour ne pas avoir informé qu’il conduirait sous l’emprise de l’alcool. Pire, on le laisserait repartir en voiture avec une éventuelle future convocation à se présenter devant la justice.

Ne pas agir comme le font les Autorités néerlandaises, c’est tout simplement dire : « Nous savons ce que vous avez fait, on vous laisse régler ça en interne et on verra plus tard… le temps qu’on trouve… si on cherche. »

MM.

Laisser un commentaire