UBS, une affaire d’Etat

Février 2019, le Tribunal Correctionnel de Paris condamne en première instance la filiale française de la plus grande banque Suisse, Ubs, à payer 4,5 milliards d’euros dont une amende record en France de 3,7 milliards pour démarchage bancaire illégal et blanchiment aggravé de fraude fiscale outre 800 millions d’euros obtenus de dommages et intérêts.

C’est à l’occasion du procès en appel qui se déroule actuellement à Paris depuis le 08 mars et jusqu’au 24, qu’Antoine Peillon journaliste et auteur de « Ces 600 milliards qui manquent à la France  » avec Nicolas Forissier co-fondateur de MetaMorphosis et ancien auditeur interne de la banque, reviennent ensemble sur l’affaire Ubs.

Ubs, une affaire d’Etat.

MetaMorphosis tient à remercier Antoine Peillon pour la qualité de ses interventions, Ishta photographe et Longs Formats.

« Parce que la vérité se meurt dans le silence… » M.M.

FinCEN Files: bientôt le Beaujolais, on pourra se consoler !

Le « files » nouveau est arrivé !

Quelques semaines avant le Beaujolais, le nouveau « files » vient de sortir sous le charmant nom de «FinCEN Files ».

Il s’agit ici d’opérations suspectes de blanchiment d’argent, glanées au travers de différents rapports d’enquêtes sénatoriales américaines et de sources de lanceurs d’alerte.
2.100 milliards de dollars par an, une bagatelle ! Outre la fraude fiscale, on parle ici surtout de trafics de drogues, d’armes, de corruption, de proxénétisme et autres « joyeuses » activités comme le trafic d’êtres humains.
Nous joignons à notre tribune, quelques liens d’articles traitant du sujet qui nous ont parus intéressants, mais vous trouverez sur le Net une multitude de sources si vous souhaitez allez plus loin et dans le détail.


Une question: ce « files » sera t-il de meilleur goût que le précédent ?


Entendons-nous bien, par meilleur goût nous nous demandons en quoi cette divulgation permettra-t-elle la lutte contre ces trafics ? Non qu’il faille remettre en cause l’utilité de telles divulgations, ne serait-ce parce qu’elles permettent de confirmer et de mettre en perspective ce que les lanceurs s’échinent à dénoncer par le biais de leurs alertes !


Revenons donc à leur utilité et nous sommes au regret de vous annoncer que peu de choses vont changer dans les mois et années à venir…. MM. n’est pas devenu un site de voyance, nous avons simplement quelques arguments à l’appui de cette affirmation. Avec les « FinCEN Files » et à la différence du Beaujolais, les lanceurs d’alerte peuvent avoir en bouche un arrière goût… amer !

  • L’expérience d’abord. Regardons les « Football Leaks » ou les « Panama Papers ». L’avancée majeure pour le premier c’est que… le lanceur d’alerte est devant les tribunaux ! Pour le second, il suffit de regarder l’évolution, en baisse ces derniers temps, des rentrées fiscales de Bercy dans son dispositif de lutte contre la fraude ou le maintien, toujours plus haut, du montant estimé de la fraude.
  • L’expérience toujours, plus personnelle cette fois-ci, puisqu’elle concerne directement deux des membres fondateurs de MM. : l’affaire Banque Pasche / Crédit Mutuel qui s’inscrit parfaitement dans le cadre de ces « FinCEN Files », les mêmes techniques et manquements décrits dans les articles de presse étant ce que les lanceurs ont dénoncés. Huit années après l’alerte, que s’est il passé ? De la part de la justice monégasque : rien (mais fallait-il s’attendre à autre chose ?) alors que cette place financière apparaît à nouveau dans ces « files » et de façon récurrente. Nous rappelons juste que le système bancaire monégasque est placé sous la supervision des autorités de contrôles françaises du secteur, dès lors, on vous laisse cocher la ou les bonnes cases entre incompétence et/ou complicité. De la part des autorités judiciaires françaises dont on pouvait espérer un minimum de résultats alors que c’est le PNF qui en a aussi été saisi : pas grand chose pour ne pas dire rien, là non plus ! Quand on voit donc que des affaires de blanchiment dénoncées par des lanceurs sont traitées par-dessus la jambe par la justice et totalement ignorées par les politiques, on ne voit pas très bien comment cette diffusion massive de documents pourrait faire évoluer positivement les choses.
  • Les politiques qui constituent le nœud de la guerre puisque tout dispositif de lutte que ce soit en terme de fraude fiscale ou blanchiment ne peut exister et être efficace sans une volonté politique claire et déterminée. Le moins que l’on puisse dire c’est que sur ce point, on a beaucoup de souci à se faire et peu d’espoir. Les politiques, quelle que soit leur couleur, ont deux types de discours : d’une part, un discours qui se limite à de la seule communication politicienne (la fameuse pêche aux voix qui ne mange pas de pain et qui consiste à aller dans le sens de ce que veut entendre la majorité), d’autre part, un discours beaucoup plus évasif mais quand on y regarde de plus près qui fait l’objet d’actions rapides et efficaces. Dans la première catégorie on peut y ranger la lutte contre la fraude fiscale, tous les discours sur les thèmes sécuritaires, et celui du blanchiment n’échappera pas à cette règle. Ce qui différencie la première de la seconde catégorie, c’est la nature des intérêts qu’elle défend. La première est celle qui touche à l’intérêt général, le discours se limitant à des positions de principe, les politiques ayant renoncé depuis de longues années maintenant à faire de la défense de l’intérêt général, leur première mission. Dans la seconde catégorie on trouve alors la défense des intérêts privés, le monde politique s’étant mis à leur service; en y regardant de plus près on s’aperçoit que le gouvernement, pour la défense d’intérêts privés, est capable de mobiliser rapidement les moyens nécessaires. Un exemple frappant nous a été donné à voir récemment avec la mobilisation jusqu’au plus haut de l’Etat, pour trouver un prétexte à Bernard Arnaud de faire annuler son offre d’achat sur le joaillier Tiffany qu’il considérait dans le contexte actuel de pandémie être une acquisition à un prix excessif !


Pour lutter contre la fraude et le blanchiment vous aurez toujours le même discours : ce serait compliqué, difficile et cela nécessiterait la mise en œuvre de moyens exceptionnels. Nous rappelons juste que les américains  ont trouvé en matière fiscale la parade depuis de longues années mais de là à s’en inspirer en France, nous n’en sommes pas rendus…. Toutefois, quand il s’agit de défendre des intérêts privés, de préférence de grands donateurs du chef d’Etat en place, solutions et moyens sont comme par magie disponibles quasi immédiatement. Ce qui semble impossible en matière de secret bancaire est une évidence pour le secret des affaires !
Sans volonté politique, ces nouveaux « files » sur le blanchiment risquent de faire « pschitt » tout simplement parce que ceux susceptibles de les rendre possibles, se sont mis au service d’intérêts privés au détriment de l’intérêt général.
Pour finir, au delà de la vision globale qu’ils donnent du problème, les « FinCEN Files » permettent aussi de se pencher sur certains cas particuliers en France et ailleurs. On lit ces dernières heures les réactions des uns et des autres, notamment des banques françaises, qui nous sortent leur pitoyable défense habituelle selon laquelle elles auraient toujours respecté les lois et règlements des pays dans lesquels elles exercent. Même si ceci est à diverses reprises contredit par les multiples condamnations dont elles ont pu faire l’objet dans différents pays, sans doute doivent-elles se dire qu’à force de répéter un tel mensonge, il en deviendra une vérité.
À MM. nous sommes bien placés pour en parler puisque dans le documentaire « Pièces à conviction » sur la Banque Pasche, le numéro 2 de l’époque du Crédit Mutuel s’insurgeait contre les lanceurs d’alerte et nous livrait à l’émission, cette fameuse mantra ! Manque de pot, la banque avait signé un accord transactionnel avec le Ministère américain de la justice dans lequel elle reconnaissait que la filiale Banque Pasche Genève n’avait pas respecté la réglementation suisse sur les résidents américains allant jusqu’à leur fournir de fausses adresses !!


Une petite leçon pour les lanceurs : si comme pour UBS la Banque ment, c’est qu’elle dit la vérité, si le lanceur dix ans après les faits a le malheur d’hésiter sur une date, il sera traité de sobriquet.
Avec cette nouvelle publication de « files » nous allons avoir droit ces prochains jours, comme pour les « Panama Papers », d’un côté au défilé de ministres et hommes politiques qui semblent avoir découvert l’eau chaude et de l’autre, au mur des lamentations des banquiers !

Enfin, n’oublions pas un acteur essentiel dans ce type de scandale : la justice.
Certes il n’y a pas lieu de faire de généralisation puisqu’à MM. nous avons le cas du lanceur de l’affaire UBS qui a fait l’objet d’un traitement efficace par le système judiciaire. Pour autant il y a également ceux de la Banque Pasche avec un traitement pour le moins calamiteux. Il y a sans doute entre ces deux cas une différence de fond : pour UBS il s’agissait de fraude fiscale mettant en cause le système bancaire suisse. Pour la Pasche, il s’agit de blanchiment réalisé par une banque française sur une place une nouvelle fois citée dans ces nouveaux « files » : Monaco. Macron nous expliquait lors de sa dernière rencontre  avec le Prince Albert que tout était au beau fixe entre la France et la Principauté ! A partir du moment où l’Etat tutélaire en matière financière ferme les yeux sur les pratiques judiciaires de Monaco alors que les deux pays ont un accord d’entre-aide, et que l’un fournit l’essentiel du personnel judiciaire à l’autre, on a peu à attendre d’une action volontaire en matière financière. Si la France trouve normale la gestion judiciaire monégasque de l’affaire Rybolovlev et le limogeage du Juge Levrault, il est fort à parier qu’elle n’ait pas grand chose à dire sur les pratiques de la Société Générale à Monaco avec les oligarques russes !


Merci à l’ICIJ pour continuer ce travail d’information et aux lanceurs d’alerte à l’origine de ces révélations, qui ont pris de gros risques. Nous suivrons à MM. les prochains développements et regarderons dans le détail si certaines affaires viennent éclairer nos posts passés.
N’hésitez pas à poster des infos intéressantes en commentaires sur notre site . On compte aussi sur vous. Par avance merci.

En attendant quelques éclaircies, nous essaierons de nous consoler bientôt avec le Beaujolais nouveau…


MM.

Fraude fiscale : abus de confiance

Nous vous avions informés par un post du 21 mars 2019, d’un colloque sur les « Paradis fiscaux et commerce international » organisé par le Sénateur Eric Bocquet, en présence de Nicolas Forissier membre fondateur de MétaMorphosis, Eric Vernier spécialiste du blanchiment, Monique Pinçon-Charlot sociologue, John Christensen directeur Tax Justice Network, et autres participants… Il fut question en autres sujets, de fraude fiscale et d’un Observatoire.

Création d’un « Observatoire de la fraude fiscale »

Cette manifestation s’inscrivait notamment dans la proposition du Sénateur Bocquet au Ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, de prendre la présidence de « l’Observatoire de la fraude fiscale », censée en produire une estimation impartiale.

Dans ce cadre, le sénateur avait notamment pour idée d’associer à cet observatoire, des lanceurs d’alerte.

« Observatoire de la fraude fiscale » : entre les mains de la Cour des Comptes

A l’occasion de sa dernière conférence de presse, Emmanuel Macron a annoncé que ce travail serait au final confié … à la Cour des Comptes. Le Sénateur Bocquet a pris acte de cette décision.

Pour notre part, lanceurs d’alerte du Collectif MetaMorphosis, nous ne pouvons que prendre acte qu’il est décidément très difficile pour nos politiques de reconnaître et d’envisager que des lanceurs d’alerte au fait de ces sujets, puissent apporter leurs contributions au débat.

Un choix « Macron » pas si innocent…
Ceci expliquant sans doute cela.

Ce jour, dans le journal Libération, une tribune sous le titre « Le gouvernement minimise t-il la fraude fiscale ? » de Vincent Drezet, Eva Joly, Gabriel Zucman et Lison Rehbinder, s’interroge sur la volonté du gouvernement de réduire la présence de l’administration fiscale tout en mettant en perspective ce choix avec celui de confier le travail d’estimation fiscale à la Cour des Comptes.

Nous avons déjà évoqué sur MM. la baisse drastique des personnels rattachés à la lutte contre la fraude fiscale et les conséquences qu’elle entraînait: « Lutte et carences contre la délinquance économique et financière »

Cette attaque en règle au moyen de lutte contre la fraude fiscale s’inscrit dans la volonté du gouvernement au travers de la loi ESSOC (« Loi pour un État au Service d’une Société de Confiance« ); Un pur exercice de novlangue expliquant de facto une réduction drastique du personnel de l’Administration fiscale en privilégiant l’accompagnement des entreprises, et l’accroissement du rôle des Commissaires aux comptes qui délivreront à leurs clients un certificat de conformité à la loi fiscale ! Le titre de la loi est judicieux, puisqu’il s’agit pour l’État de partir du principe que les sociétés sont des acteurs de confiance et qu’à ce titre nous pourrions les autoriser à s’auto-réguler…

En somme, nous serions en mesure d’étendre cette « logique » et considérer qu’étant des agents de confiance, les automobilistes pourraient très bien eux-mêmes décider s’il y a lieu de s’auto- verbaliser ou non ! Comme le font remarquer les auteurs de la tribune de Libération, nous entrons ici dans un « dangereux mélange des genres » qui n’est pas sans rappeler l’affaire « Enron »

Choix de la méthode pour accréditer le discours

Pour faire passer cette grossière pilule (si vous êtes lecteurs assidus de MM., maintenant vous le savez: « plus c’est gros, plus ça passe »), c’est à dire à la fois la réduction des moyens de lutte et un transfert partiel du contrôle fiscal aux assujettis eux-mêmes, le moyen le plus sûr est de se lancer dans une campagne de désinformation, l’objectif étant de montrer que l’on peut très bien s’orienter dans cette voie puisque la fraude fiscale ne serait qu’un épiphénomène ne nécessitant donc pas l’allocation de moyens de lutte et de contrôles renforcés.

La première étape est le choix d’Emmanuel Macron de faire évaluer le montant de ladite fraude par la Cour des Comptes qui, historiquement, (ce qui est au demeurant compréhensible en tant qu’Institution de droit) adopte une méthodologie très restrictive considérant comme fraude, la seule fraude pénale stricto-sensu. Les estimations sont faites par la Cour de Comptes à partir des cas de fraudes jugées ce qui en limite bien évidemment la portée et la conduit à retenir un chiffre de l’ordre de 20 milliards d’euros.

Les autres organismes indépendants chiffrent fraude et évasion fiscale y compris des systèmes d’optimisation qu’ils considèrent pouvoir déboucher sur des redressements (rappelons en effet qui si un process d’optimisation peut être légal, sa mise en œuvre peut tomber sous le coup de la loi), ce qui les conduits à établir un chiffre de l’ordre de 80 à 100 milliards d’euros par an.

Notons quand même que l’évaluation de la Cour des Comptes pour la France, semble incompatible avec celle réalisée pour l’Union Européenne à 1.000 milliards d’euros par an si l’on tient compte du poids économique de notre pays au sein de l’Union.

Ceci étant dit, nous constatons le choix judicieux de Macron à vouloir s’appuyer sur la Cour des Comptes, ce qui lui permettra d’avancer l’argument que la fraude fiscale n’a pas l’importance qu’on lui prête habituellement.

La seconde stratégie pour justifier les projets gouvernementaux, consiste à avoir recours à la « presse amie » qui va se faire un plaisir par des articles de circonstances, de poser le doute sur la nécessité du combat contre la fraude fiscale, l’exemple de l’article de Les Échos étant très révélateur. Au final, pour une personne peu avertie sur ces questions, la fraude fiscale étant chiffrée entre 2 et 100 milliards d’euros, il n’est pas difficile d’insuffler l’idée que « puisque l’on n’en sait rien, autant ne rien faire« , ou « quitte à faire, autant prendre le mode de calcul qui nous arrange... »

Les auteurs de la tribune publiée dans Libération, font écho à un sujet mainte fois évoqué sur MM. : les marques de fabrique de ce pouvoir passent par la sortie progressive de pans entiers de missions régaliennes de l’État au profit d’acteurs privés. La logique à l’œuvre est toujours la même: les entreprises peuvent s’auto- contrôler, ou décider ce qui peut être porté à la connaissance du public (loi secret des affaires), ou encore remettre en cause des dispositions voulues par le peuple au travers de la représentation nationale (Tribunal arbitral dans le cadre du CETA).

MM.

Dubaï-Papers: à « saute-mouton »

Dubaï-Papers, c’est ce leak supplémentaire sorti en septembre 2018, après les OffshoreLeaks, SwissLeaks, LuxLeaks, PanamaPapers, Paradise-Papers… C’est tout comme ces autres leaks, des listes de documents compromettants entre les mains des journalistes, concernant particuliers et multinationales; ces fuites ont permis de mettre au jour nombre montages fiscaux et sociétés offshore. Néanmoins, elles font découvrir pour ceux qui l’ignoraient encore, le monde merveilleux du « business fiscal », dans lequel se pratiquent course de vitesse et jeu de saute-mouton… La saga Helin, est le parfait exemple pour illustrer cet univers impitoyable. Et c’est le NouvelObs qui va nous la conter…

Helin, c’est le nom d’une société de gestion spécialisée dans la gestion discrète de la fortune d’environ 200 personnalités, dont des footballeurs, oligarques russes ou hauts cadres d’entreprises et fondée par le prince Henri de Croÿ en 2007. Comme toutes les fiduciaires, on y pratique l’optimisation fiscale, ce qui semble « Pas très moral, mais pas illégal » précise le Prince belge Henri de Croÿ …Certes, si ça n’est pas très moral, il semblerait néanmoins que tout ne soit pas non plus très légal. Si bien que le Pôle National Financier (France) vient d’ouvrir récemment une enquête préliminaire visant le Groupe Helin pour « blanchiment de fraude fiscale ». Parallèlement, plusieurs plaintes de clients d’Helin devraient être prochainement déposées pour « abus de confiance » et « abus de faiblesse ».

Entrons à présent dans le secret d’un réseau…

Sans revenir sur les détails de cette affaire bien illustrée dans l’article de l’Obs, nous pouvons néanmoins, faire quelques remarques:


➡️ les techniques utilisées n’ont rien de particulier, elles ont déjà été vues dans d’autres dossiers et n’en déplaise à l’hebdomadaire, ne sont pas si sophistiquées que ça !

➡️ Le système fonctionne à l’origine rappelons-le, parce que les résidents ont décidé qu’ils avaient une aversion définitive à l’impôt et à les entendre pour certains, ne pas les payer serait presque un acte citoyen.

➡️ Le système fonctionne parce qu’il y a des sollicitations, des rabatteurs: on vous rassure, ce ne sont pas les petites mains des trafics de drogue de banlieues mais des banquiers, des avocats d’affaires, des fiscalistes, des experts comptables….de préférence avec des noms à particules, il paraîtrait que ça rassure!

➡️ Le problème principal dans la fraude fiscale, reste de pouvoir profiter de l’argent ainsi soustrait au système légal. Les réseaux ne manquent pas d’imagination mais cet élément demeure le maillon faible du système : cela est très bien expliqué à travers les cas de cartes bancaires prépayées anonymes et des conditions de leur utilisation. On en parle malheureusement très peu même si à MetaMorphosis certains lanceurs pourraient vous dire que c’est une pratique courante dans certaines banques et dans certaines juridictions qui ne les interdisent pas encore.

➡️ Il n’y a pas que le fraudeur qui « bénéficie du système »; il ne faut surtout pas oublier les gains hors normes réalisés par les différents acteurs, avec des commissions prélevées entre 5 et 10% à la fois lors de l’opération initiale puis chaque année sur l’encours et, ce que l’on sait moins, sur chaque opération réalisée; l’article de l’Obs montre que tous ces intermédiaires font réaliser à leurs clients de multiples opérations de transferts bien souvent totalement inutiles, uniquement pour justifier la perception desdites commissions. C’est donc un business de la fraude mais c’est avant tout un business des intermédiaires.

➡️ Cet exemple montre que ce type d’organisation a souvent un coup d’avance et est en capacité de délocaliser ses activités dans des délais très courts dès qu’un projet de modification de la législation apparaît dans tel ou tel pays. Ceci est rendu possible bien évidemment parce qu’il existe toujours des trous noirs importants dans la finance internationale, y compris en Europe; n’en déplaise une nouvelle fois à la Commission Européenne qui a du mal à établir une liste des paradis fiscaux, elle pourrait bien s’inspirer du cas Helin spécialiste du saute-mouton de la Suisse aux Émirats Arabes Unis, en passant par Bahamas, puis demain ailleurs.

➡️ Enfin et encore une fois, il est triste de constater que la justice n’est en mesure de se saisir de ce type d’affaires qu’après un travail journalistique d’investigation, de dénonciations formulées par des lanceurs ou de plaintes de clients s’estimant lésés. Quid des services de Bercy en charge de la lutte contre la fraude fiscale? Malgré ce contexte, alors même que la Cour des compte relève les carences et le manque de moyens alloués aux services concernés, le gouvernement est une nouvelle fois aux abonnés absents.

A saute-mouton, les loups continueront…

MM.

Aux lanceurs d’alerte, les investisseurs et les marchés reconnaissants

Le gendarme des marchés US (SEC) vient de décider d’indemniser deux lanceurs d’alerte comme en atteste la dépêche ci-après de Bloomberg. Cette pratique en partie prévue et encadrée par la loi, n’est pas nouvelle aux États-Unis, que ce soit de la part de la SEC ou de la justice.

Nous pourrions discuter du principe même d’une telle indemnisation; à MetaMorphosis par exemple, les lanceurs d’alerte ne sont pas nécessairement d’avis identique. Nous pourrions également discuter du montant des indemnisations versées et de leur mode de calcul.

Que le lanceur soit désintéressé et de bonne foi est une condition indiscutable. Que la question de son indemnisation, ne serait-ce qu’au titre des préjudices importants subis, soit partie intégrante d’une loi de protection digne de ce nom, semble à certains une condition qui mérite à minima un débat sérieux, ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent.

À ce stade, nous souhaitons surtout insister sur les motivations de la SEC pour assurer cette rémunération des deux lanceurs d’alerte : leur action a permis à la SEC de « protéger les investisseurs et les marchés ».

Voilà un discours que l’on n’entend jamais en Europe, que ce soit de la bouche des politiques, des associations s’inscrivant sur ces thématiques, ou mêmes des diverses autorités de contrôle.

Cependant, cette position nous apparaît très importante car elle est au cœur de la problématique des lanceurs et au centre de la gêne des politiques et des entreprises dans l’évocation de ces sujets.

Bien souvent, le lanceur d’alerte intervient pour dénoncer ce qui lui semble être des manquements graves aux règles d’exercice de sa profession ou des lois qui la régissent. Qui a établi ces normes ? Le législateur bien évidemment mais également, on l’oublie trop souvent, les entreprises elles-mêmes au travers de leurs règlements internes et procédures diverses, et parfois la profession quand elle doit transposer des lois dans ses propres règlements, à l’image des codes de déontologie dans le monde bancaire.

Sont également de la partie les autorités de contrôle de ladite profession. À quoi servent ces différentes lois, règles et procédures ? En théorie, à répondre aux exigences d’une économie libérale basée entre autres sur la bonne information des marchés, sur le traitement équitable des différents agents économiques, sur des conditions de base permettant de protéger les intervenants quel que soit leur taille. Tout ce corpus sert donc à un fonctionnement efficient du monde de l’entreprise et des marchés. C’est ce qu’explique la SEC au travers de l’expression « protéger les investisseurs et les marchés ».

Parce qu’effectivement, quand il dénonce des manquements graves aux lois, réglementations et règlements, le lanceur ne fait rien d’autre que d’agir au bénéfice des investisseurs quels qu’ils soient, et de marchés transparents et efficaces. La SEC, qui baigne dans l’environnement théorique du néo-classique et du monétarisme, ne fait qu’appliquer à la lettre les principes essentiels de ces corpus qui veulent que les agents économiques doivent être égaux, bénéficier des mêmes conditions d’accès aux marchés, et que pour s’en assurer, l’État doit par ses lois et règlements jouer le rôle de l’arbitre indépendant.

Nous sommes en Europe et plus particulièrement en France très loin de ce corpus théorique même si nos politiques et entreprises s’en recommandent à chaque occasion.

Et c’est bien là que les lanceurs d’alerte deviennent un poison pour tout ce petit monde… Par leurs actions, ils les rappellent à leurs propres discours et à la trahison de leurs pratiques; les lanceurs sont vus comme des empêcheurs de tourner en rond. Nous avons ici sans doute une partie de l’explication du rejet des lanceurs d’alerte par le monde politique français, et ce, quels que soient les étendards; même avec Sapin2, nous pouvons mesurer les efforts développés pour les enfermer toujours un peu plus dans une impossibilité pratique d’agir. Qui voudrait se frotter à une loi secret des affaires ?

Le lanceur est pour tous ces gens et pour les entreprises, celui qui met concrètement en défaut l’inanité des discours tenus pour justifier tout et n’importe quoi quand il s’agit des autres, qui jette sur la place publique la réalité de pratiques tant éloignées du modèle souvent présenté comme indépassable. A ce gouvernement qui n’a de cesse d’offrir aux entreprises toute forme d’avantages, qui pose comme modèle la « start-up » et l’auto-entreprenariat, qui demande à chacun de se responsabiliser à hauteur de ses compétences, qui nous dit batailler pour des marchés équitables et transparents, nous serions en droit d’attendre une défense acharnée des lanceurs d’alerte quand ceux-ci dénoncent des acteurs s’affranchissant des règles communes, faussant la concurrence ou pénalisant certains investisseurs. Que nenni ! Il cherche au contraire à les faire taire et les empêcher d’agir, trahissant ainsi les principes libéraux à l’œuvre de sa politique. Puisque le libéralisme nous est présenté comme une finalité en soi, la logique voudrait que l’on aille jusqu’au bout du raisonnement… sauf à vouloir privilégier certains acteurs au détriment de tous les autres.

Ce faisant, par la trahison de ses propres idéaux il démontre que le système défendu est déjà dépassé.

On chipote moins aux États-Unis et on essaie parfois de mettre ses pratiques en conformité avec ses discours. Il faut le reconnaître, si la méthode Dodd Franck -on peut bien évidemment lui trouver quelques défauts- fonctionne, et pas seulement pour les lanceurs d’alerte, c’est parce qu’elle bénéficie, tout simplement, à tous les agents économiques ce que ne manque pas de rappeler la SEC dans les motivations de cette décision : « protéger les investisseurs et les marchés ».

MM.

Lutte et carences contre la délinquance économique et financière

Lutte contre la délinquance financière:
«Les carences de la lutte contre la délinquance économique et financière.»

«La Cour des comptes s’alarme d’un affaiblissement de la police judiciaire, alors que ces infractions sont en forte hausse.»


Le Monde – «Les carences de la lutte contre la délinquance économique et financière».

Le Monde – «Les carences de la lutte contre la délinquance économique et financière».

Au delà du constat que chacun peut faire sur l’absence criante de moyens alloués pour la lutte contre la délinquance financière, le rapport de la Cour des Comptes met clairement en évidence ce que beaucoup pressentent, à savoir que bien que ce type de délinquance connaisse la plus forte progression loin devant les atteintes aux personnes et aux biens, il s’agit d’un choix éminemment politique contraignant la Cour a exiger des ministères concernés qu’ils prennent les mesures adéquates.

(Cour des Comptes – Référé du 12 Décembre 2018 : les moyens consacrés à la lutte contre la délinquance économique et financière

Si «la justice française s’enorgueillit d’avoir démontré sa capacité à frapper vite et fort contre la grande délinquance financière, avec la sanction de 4,5 milliards d’euros» infligée à la banque UBS, il suffit – après la Cour des Comptes -, de demander au lanceur ce qu’il en pense… «frapper fort» sans doute, mais «vite» ? Dix ans d’attente pour l’un d’entre nous, et ça n’est pas fini.

Derrière le discours habituel d’une prétendue difficulté technique et juridique à lutter contre la délinquance financière dont nos hommes politiques aiment à se parer pour ne rien faire, cette missive de la Cour des comptes vient confirmer ce que nous disons depuis longtemps sur MetaMorphosis, que cette délinquance financière devrait être une priorité de politique publique et que l’inaction des gouvernants n’est là que pour protéger des intérêts particuliers et au final dans la pratique qui est la leur, légaliser des comportements répréhensibles.

Ce désintérêt de la classe politique tout bord confondu pour ces questions de délinquance financière, les lanceurs d’alerte du secteur peuvent en témoigner; si quelques affaires emblématiques semblent heureusement aller à leur terme, elles ne doivent pas cacher la forêt de tous les comportements demeurés impunis, d’affaires en cours médiatisées, mais surtout celles enterrées voire jamais instruites.

MM.

Macron – L’éthique de réciprocité.

L’éthique de réciprocité est une règle morale dont le principe fondamental est énoncé dans presque toutes les grandes religions et cultures. Elle est présente dans les trois religions du Livre mais également dans toutes les pensées d’Asie et constitue l’un des fondements de la philosophie grecque. On la connaît en occident sous les aphorismes «traite les autres comme tu voudrais être traité» ou «ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse».
Cette préoccupation est intimement liée au développement de l’humanité depuis ses origines et constitue, ce que l’on oublie souvent, une source d’inspiration essentielle du concept moderne des droits de l’Homme.

Si l’on ne doit pas faire aux autres ce que l’on ne voudrait pas que l’on nous fasse, il faut aussi entendre de cette éthique de réciprocité que celui qui a quelques responsabilités dans la cité ne peut exiger des autres ce qu’il ne serait en mesure de faire lui-même.

À l’occasion de l’un des spectacles one-man show, Macron nous a une nouvelle fois servi gracieusement la soupe.

Comme le faisait justement remarquer Desproges, on peut très bien vivre sans aucune espèce de culture. On ne sait jamais trop où est la limite chez Macron entre inculture, provocation, et mauvaise foi. Ce qui apparaît clair c’est que ce concept de réciprocité ne fait pas partie de son logiciel, quant à l’éthique pas vraiment plus. D’un autre côté, comme toujours avec Macron, il y a dans chacun de ses commentaires de bistrot du commerce, une vérité qui le dépasse.

Résumons : une injonction, un lapsus involontaire et un déni de réalité.

Le Président enjoint les français à être des acteurs de la lutte contre la corruption. Comme si beaucoup d’entre eux l’avaient attendu. Il est vrai, on suppose, que ce n’est pas la même chose d’en être victime que bénéficiaire ou complice.
Celui qui parle est-il un exemple en la matière ? On ne va pas s’aventurer dans un catalogue à la Prévert, mais prenons un exemple, au hasard : Benalla, eh oui, encore lui. Soyons des citoyens exemplaires et dénonçons la corruption, les possibles délits, les manquements aux obligations légales et professionnelles… nous intime Macron. Chiche ! Quand il aura commencé à montrer l’exemple, quand il commencera à dénoncer les faits délictueux dont il a connaissance et ne cherchera plus à protéger un ami (peut-être trop proche!) pendant de longs mois.
La crédibilité d’une parole ne vaut que pour autant que l’on soit soi-même irréprochable sur l’injonction que l’on formule, que pour autant que l’on fasse sienne l’éthique de réciprocité.

Avec le temps, nous avons compris qu’il fallait prendre en fait Macron au mot. Que ce qui pourrait paraître comme une contradiction n’en est pas une.
On retrouve ici toute sa conception du « nouveau monde », divisé en deux catégories : ceux qui ont des droits et des obligations et ceux qui n’ont que des droits et tous les avantages. C’est dire dans son esprit qu’il y a corruption et corruption, l’une qui est un agissement délictueux, l’autre le prolongement naturel des affaires.
Si l’éthique a disparu depuis longtemps, même la réciprocité est à géométrie variable.

Enfin le constat, et l’on balance une fois de plus entre méconnaissance des faits, déni de réalités ou mauvaise foi. La France serait une grande démocratie. Tout est question de comparaison et de raison. Par rapport à des nations que Macron affectionne tant, comme l’Arabie Saoudite ou l’Égypte, il est sûr qu’il serait malvenu de nous plaindre. En référence à l’idéal que l’on peut se faire de la démocratie et l’exigence d’idéal est une vertu, il y aurait beaucoup à dire.

En quoi, dans leur exercice, les trois pouvoirs reflètent l’exercice d’une démocratie juste et équilibrée : un pouvoir exécutif de plus en plus monarchique, un pouvoir législatif réduit à une chambre d’enregistrement des volontés du premier, et un pouvoir judiciaire sous considéré et sous-doté, ne sont pas les apparats d’une grande démocratie, et par certains aspects d’une simple démocratie.
N’oublions pas le quatrième pouvoir dont Macron nous dit qu’il est libre. Libre de se taire, sûrement. Une liberté, celle d’informer dans le cas présent, ne vaut que pour autant que l’on s’en serve, ce que la très grande majorité de la profession journalistique semble avoir oublié. Les lanceurs d’alerte en sont sans doute les meilleurs témoins car ils viennent auprès des journalistes par des chemins de traverse. Et le constat est accablant. L’auto-censure et les intérêts commerciaux et publicitaires sont les nouveaux principes d’exercice de ce « nouveau monde » de la presse. Alors, certes, ils restent comme partout quelques îlots de résistance, mais ne nous satisfaisons pas en croyant que quelques lueurs au loin, nous assurent d’un chemin sans risques.
Accepterions-nous dans d’autres professions que 80 à 90% de ses acteurs aient démissionné de leurs obligations et renié leur éthique ?

Finissons sur la justice puisque Macron nous en donne l’occasion. L’injonction est tombée, la justice en France est indépendante. C’est factuellement faux, et ce n’est pas nous qui le disons mais la CEDH qui a rappelé à plusieurs reprises à la France que la non indépendance institutionnelle et de faits du Parquet n’étaient pas compatibles avec l’exercice d’une justice indépendante. On pourrait avoir les juges du siège les plus indépendants au monde, les plus compétents, les mieux lotis en moyens, cela ne changerait rien à l’affaire. Seul le parquet, dépendant hiérarchiquement du politique est en mesure d’ouvrir ou non des instructions. Combien de dénonciations réalisées par des lanceurs d’alerte ne dépassent pas l’horizon de la poubelle des services des procureurs ? La très grande majorité. Donc de quelle indépendance nous parle Macron ? Elle ne l’est pas constitutionnellement, le serait-elle dans les faits ? Pour le dire encore faudrait-il répondre à deux questions. Celle des moyens alloués pour lui permette de réaliser ses missions, hors de ce point de vue, toutes les statistiques comparatives européennes le démontrent, la justice française est très largement sous dotée. Et, a-t-on fait une sociologie de cette corporation ? Qui sont les juges ? Comment se réalise leur avancement de carrière ? Peuvent-ils et comment pourraient-ils être sanctionnés? Dans quel environnement sociologique vivent-ils ? Sont-ils surreprésentés dans des clubs privés, les loges maçons ? Comment peut-on penser que l’indépendance de toute une profession puisse être proclamée ainsi, alors qu’elle ne l’est pas dans les textes, et que l’on en a qu’une très approximative vision dans les faits ?

Enfant gâté, n’ayant jamais rien fait de lui-même, Macron ne connaît rien aux réalités du monde. C’est sans doute pour cela qu’il tient absolument à nous vendre son « nouveau monde ». Il est une nouvelle fois dans l’invective, la surenchère et la désinformation. Ne lui jetons pas la pierre, la plupart de ses comparses, -dont peu importe en définitive la couleur, d’un extrême à l’autre la même défense d’intérêts partisans est à l’œuvre,- sont animés par une matrice identique.
La phrase reprise de Macron n’était pas bien longue. Et pourtant, tant de choses.

Les lanceurs d’alerte ont au final deux choses à lui dire. Ils n’ont pas attendu qu’on leur dise qu’il pouvaient respecter leurs obligations professionnelles et légales. Pour eux c’est un devoir. Et quand ils ont eu à le faire, malgré la destruction de leurs situations professionnelle et personnelle qui s’ensuivit, ils ont pleinement assumé leurs responsabilités, avec leur article 40 ils ne se sont pas essuyés les pieds dessus.
Par ailleurs, il ne suffit pas de mettre de jolis adjectifs sur une profession « libre » ou un corps institué « indépendant » pour faire sens. Une telle vision simpliste des choses est confondante de médiocrité et de bêtise. La presse et la justice sont des corps vivants et agissants qui ne se résument pas à un mot mais à un exercice quotidien, animé de difficultés et parfois de contradictions. Et là encore, les lanceurs d’alerte ont une expérience cruelle bien éloignée, mais nécessairement plus vivante, du monde merveilleux du petit Président.

MM.

Lettre à Macron: les lanceurs d’alerte ne vous ont pas attendu

Nous pouvons discuter de la forme de la « Lettre au Français » … mais à notre sens, ceci disqualifierait d’entrée l’exercice.
Par définition, débattre sur la base des sujets autorisés par l’une seule des parties, est la négation d’un débat. Ce n’est pas une lettre qu’il fallait envoyer aux français, mais plutôt un QCM ! Quitte à faire les questions, autant choisir les réponses possibles.

Sur le fond, nous ne savons pas trop ou nous ne savons que trop bien. Parce que tout ceci entraîne la peur, celle qui confirme un peu plus, à chaque affaire, à chaque décision ou mesure, que nous vivons dans deux mondes différents.
Vous dîtes « Le sens des injustices y est plus vif qu’ailleurs »; « Tous voudraient un pays plus prospère et une société plus juste »; « La société que nous voulons est une société dans laquelle pour réussir on ne devrait pas avoir besoin de relations ou de fortune, mais d’effort et de travail », et nous vous en passons d’autres !

Avez-vous pour autant compris que ces sentiments sont nés et ont été exacerbés par des décennies de politiques économiques libérales et injustes? Par une corruption endémique de la classe politique ? Par des corps intermédiaires démissionnaires ? La liste serait longue et ne serait sûrement pas à la hauteur des sujets imposés au « débat ».
Pour preuve, la troisième assertion reprise ci-dessus : Benalla et autres serviteurs, ça vous parle ? Il suffit de se plonger dans les parcours professionnels et les cursus universitaires de certains ministres et députés du « nouveau monde » pour se convaincre que les passes-droits sont devenus des passes partout.
Devenu start-up nation, l’État en copie ses fondements : médiocratie, copinage et corruption gouvernent ce monde. Et le « débat » ne le changera pas : aborder le sujet du budget de l’État reste une discussion sur les seules dépenses et l’utilité des services publics. Quid des recettes ? Peut-on « discuter » de la fiscalité visant certains types de revenus ? Apparemment non, ça n’était pas prévu dans le QCM… La fraude fiscale pareil, elle n’y avait pas sa place.
Nous allons nous arrêter là. Pour le constat nous ne vous avons pas attendu et malgré neuf samedis de mobilisation vous ne semblez toujours pas en avoir pris conscience. Mauvaise volonté ? Comme on dit, poser la question c’est déjà commencer à y répondre.

Si vous vous étiez un jour, ne serait-ce que quelques minutes, intéressé aux lanceurs d’alerte ces dix dernières années, vous auriez pu faire bien avant le constat posé aujourd’hui sur feuille blanche. Vous auriez même eu des débuts de solutions aux questions que vous posez aux français sachant que débattre est une autre affaire.
Mais sans doute pour vous un lanceur d’alerte est une relique du vieux monde : désintéressé, honnête, respectueux des règles et lois, soucieux de justice… autant de comportements qui n’ont pas leur place dans la start-up nation, ce nouveau monde.

En partant de simples constats, fruits de leurs expériences, de la violence subie, du traitement interminable et trop souvent scandaleux de leurs dossiers, confrontés à l’incompétence volontaire des autorités de régulation et de contrôle, à la lâcheté des corps intermédiaires, à une justice quasi absente même quand l’intérêt général est manifestement en jeu, les lanceurs d’alerte ont retenu la leçon depuis bien longtemps.
Alors à quoi bon « débattre » puisque la démocratie en passe d’être vendue est celle du « cause toujours tu m’intéresses » ?
«Dites-nous ce dont vous avez besoin, nous vous dirons comment vous en passer» aurait répondu Coluche s’il avait reçu cette lettre. Les lanceurs l’ont malheureusement bien intégré.
Dès lors, comme vous, nous pouvons continuer à faire semblant de débattre, histoire de maintenir l’illusion d’une démocratie qui fonctionne…

MM.

[Documentaire] La grande évasion fiscale: l’honneur perdu d’une banque

Le documentaire « La grande évasion fiscale: l’honneur perdu d’une banque »

Ce documentaire fait pénétrer le téléspectateur dans le secret de la succursale française d’UBS, qui est soupçonnée d’avoir été le laboratoire de l’industrialisation de l’évasion fiscale. Nos guides, dans cette plongée en eaux troubles, sont trois employés de cette banque -les lanceurs d’alerte- qui suspectent UBS France d’utiliser, au fil des années, des mécanismes sophistiqués pour démarcher les riches clients français. Témoignages, documents et photos révèlent les méthodes d’agents secrets que les chargés d’affaires de la banque devaient suivre. Cinquante-deux minutes pour vivre de l’intérieur l’intimidation, la traque et les exclusions que ces personnes ont dû subir, aussi bien de la part de leur propre banque que des services secrets français.
Nos gouvernements cherchent-ils vraiment à combattre l’évasion fiscale ? A travers l’exemple d’UBS, cette série éclaire les mécanismes d’un système obscur où sont liés banques et hommes politiques..

🔴 Rappel

Après avoir créé une succursale en France en 1999, la banque suisse UBS est soupçonnée d’avoir organisé une importante évasion fiscale et des démarchages de riches clients français. Trois de ses salariés découvrent des comptes suspects de vedettes et de politiques en Suisse et en parlent au journaliste Antoine Peillon. Leur probité va leur coûter cher, comme ils le racontent à Patrick Benquet. Ils ont subi l’intimidation, la traque, les exclusions aussi bien de la part d’UBS que des services secrets français. La justice sera longue à être rendue. UBS n’est mise en examen qu’en 2012.
En 2018, c’est un procès aux enjeux financiers, judiciaires et politiques majeurs inédit qui s’est ouvert le 08 octobre à Paris et qui va durer jusqu’au 15 novembre.

✅ Les années phares

Six ans et 30 tonnes de procédures
2011 : lettre anonyme à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ; enquête préliminaire du parquet.
2012 : information judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale.
2013 : mise en examen d’UBS AG pour démarchage illicite et d’UBS France pour complicité. Blâme et sanction de 10 millions d’euros à l’encontre d’UBS France.
2014 : mise en examen d’UBS AG pour blanchiment aggravé de fraude fiscale. Caution de 1,1 milliard d’euros.
2015 : mandats d’arrêt contre trois anciens dirigeants. Mise en examen supplétive d’UBS France. Caution de 10 millions d’euros.
2016 : fin de l’enquête. UBS France est mise en examen pour subornation de témoin.
2017 : renvoi devant le tribunal correctionnel.

2018 : ouverture du procès. Nous y sommes.

En mode bulldozer

➡️ UBS: une défense par le déni et l’attaque

En mode punchingball

➡️ Les lanceurs: difficile c’est, difficile ce sera

On n’arrête pas le progrès, pas même la mauvaise foi…
En ce 1er novembre, fêtons nos morts. Qui d’UBS ou des lanceurs d’alerte ? Espérons que seuls les premiers soient tenus pour responsables et coupables.

MM.