FinCEN Files: bientôt le Beaujolais, on pourra se consoler !

Le « files » nouveau est arrivé !

Quelques semaines avant le Beaujolais, le nouveau « files » vient de sortir sous le charmant nom de «FinCEN Files ».

Il s’agit ici d’opérations suspectes de blanchiment d’argent, glanées au travers de différents rapports d’enquêtes sénatoriales américaines et de sources de lanceurs d’alerte.
2.100 milliards de dollars par an, une bagatelle ! Outre la fraude fiscale, on parle ici surtout de trafics de drogues, d’armes, de corruption, de proxénétisme et autres « joyeuses » activités comme le trafic d’êtres humains.
Nous joignons à notre tribune, quelques liens d’articles traitant du sujet qui nous ont parus intéressants, mais vous trouverez sur le Net une multitude de sources si vous souhaitez allez plus loin et dans le détail.


Une question: ce « files » sera t-il de meilleur goût que le précédent ?


Entendons-nous bien, par meilleur goût nous nous demandons en quoi cette divulgation permettra-t-elle la lutte contre ces trafics ? Non qu’il faille remettre en cause l’utilité de telles divulgations, ne serait-ce parce qu’elles permettent de confirmer et de mettre en perspective ce que les lanceurs s’échinent à dénoncer par le biais de leurs alertes !


Revenons donc à leur utilité et nous sommes au regret de vous annoncer que peu de choses vont changer dans les mois et années à venir…. MM. n’est pas devenu un site de voyance, nous avons simplement quelques arguments à l’appui de cette affirmation. Avec les « FinCEN Files » et à la différence du Beaujolais, les lanceurs d’alerte peuvent avoir en bouche un arrière goût… amer !

  • L’expérience d’abord. Regardons les « Football Leaks » ou les « Panama Papers ». L’avancée majeure pour le premier c’est que… le lanceur d’alerte est devant les tribunaux ! Pour le second, il suffit de regarder l’évolution, en baisse ces derniers temps, des rentrées fiscales de Bercy dans son dispositif de lutte contre la fraude ou le maintien, toujours plus haut, du montant estimé de la fraude.
  • L’expérience toujours, plus personnelle cette fois-ci, puisqu’elle concerne directement deux des membres fondateurs de MM. : l’affaire Banque Pasche / Crédit Mutuel qui s’inscrit parfaitement dans le cadre de ces « FinCEN Files », les mêmes techniques et manquements décrits dans les articles de presse étant ce que les lanceurs ont dénoncés. Huit années après l’alerte, que s’est il passé ? De la part de la justice monégasque : rien (mais fallait-il s’attendre à autre chose ?) alors que cette place financière apparaît à nouveau dans ces « files » et de façon récurrente. Nous rappelons juste que le système bancaire monégasque est placé sous la supervision des autorités de contrôles françaises du secteur, dès lors, on vous laisse cocher la ou les bonnes cases entre incompétence et/ou complicité. De la part des autorités judiciaires françaises dont on pouvait espérer un minimum de résultats alors que c’est le PNF qui en a aussi été saisi : pas grand chose pour ne pas dire rien, là non plus ! Quand on voit donc que des affaires de blanchiment dénoncées par des lanceurs sont traitées par-dessus la jambe par la justice et totalement ignorées par les politiques, on ne voit pas très bien comment cette diffusion massive de documents pourrait faire évoluer positivement les choses.
  • Les politiques qui constituent le nœud de la guerre puisque tout dispositif de lutte que ce soit en terme de fraude fiscale ou blanchiment ne peut exister et être efficace sans une volonté politique claire et déterminée. Le moins que l’on puisse dire c’est que sur ce point, on a beaucoup de souci à se faire et peu d’espoir. Les politiques, quelle que soit leur couleur, ont deux types de discours : d’une part, un discours qui se limite à de la seule communication politicienne (la fameuse pêche aux voix qui ne mange pas de pain et qui consiste à aller dans le sens de ce que veut entendre la majorité), d’autre part, un discours beaucoup plus évasif mais quand on y regarde de plus près qui fait l’objet d’actions rapides et efficaces. Dans la première catégorie on peut y ranger la lutte contre la fraude fiscale, tous les discours sur les thèmes sécuritaires, et celui du blanchiment n’échappera pas à cette règle. Ce qui différencie la première de la seconde catégorie, c’est la nature des intérêts qu’elle défend. La première est celle qui touche à l’intérêt général, le discours se limitant à des positions de principe, les politiques ayant renoncé depuis de longues années maintenant à faire de la défense de l’intérêt général, leur première mission. Dans la seconde catégorie on trouve alors la défense des intérêts privés, le monde politique s’étant mis à leur service; en y regardant de plus près on s’aperçoit que le gouvernement, pour la défense d’intérêts privés, est capable de mobiliser rapidement les moyens nécessaires. Un exemple frappant nous a été donné à voir récemment avec la mobilisation jusqu’au plus haut de l’Etat, pour trouver un prétexte à Bernard Arnaud de faire annuler son offre d’achat sur le joaillier Tiffany qu’il considérait dans le contexte actuel de pandémie être une acquisition à un prix excessif !


Pour lutter contre la fraude et le blanchiment vous aurez toujours le même discours : ce serait compliqué, difficile et cela nécessiterait la mise en œuvre de moyens exceptionnels. Nous rappelons juste que les américains  ont trouvé en matière fiscale la parade depuis de longues années mais de là à s’en inspirer en France, nous n’en sommes pas rendus…. Toutefois, quand il s’agit de défendre des intérêts privés, de préférence de grands donateurs du chef d’Etat en place, solutions et moyens sont comme par magie disponibles quasi immédiatement. Ce qui semble impossible en matière de secret bancaire est une évidence pour le secret des affaires !
Sans volonté politique, ces nouveaux « files » sur le blanchiment risquent de faire « pschitt » tout simplement parce que ceux susceptibles de les rendre possibles, se sont mis au service d’intérêts privés au détriment de l’intérêt général.
Pour finir, au delà de la vision globale qu’ils donnent du problème, les « FinCEN Files » permettent aussi de se pencher sur certains cas particuliers en France et ailleurs. On lit ces dernières heures les réactions des uns et des autres, notamment des banques françaises, qui nous sortent leur pitoyable défense habituelle selon laquelle elles auraient toujours respecté les lois et règlements des pays dans lesquels elles exercent. Même si ceci est à diverses reprises contredit par les multiples condamnations dont elles ont pu faire l’objet dans différents pays, sans doute doivent-elles se dire qu’à force de répéter un tel mensonge, il en deviendra une vérité.
À MM. nous sommes bien placés pour en parler puisque dans le documentaire « Pièces à conviction » sur la Banque Pasche, le numéro 2 de l’époque du Crédit Mutuel s’insurgeait contre les lanceurs d’alerte et nous livrait à l’émission, cette fameuse mantra ! Manque de pot, la banque avait signé un accord transactionnel avec le Ministère américain de la justice dans lequel elle reconnaissait que la filiale Banque Pasche Genève n’avait pas respecté la réglementation suisse sur les résidents américains allant jusqu’à leur fournir de fausses adresses !!


Une petite leçon pour les lanceurs : si comme pour UBS la Banque ment, c’est qu’elle dit la vérité, si le lanceur dix ans après les faits a le malheur d’hésiter sur une date, il sera traité de sobriquet.
Avec cette nouvelle publication de « files » nous allons avoir droit ces prochains jours, comme pour les « Panama Papers », d’un côté au défilé de ministres et hommes politiques qui semblent avoir découvert l’eau chaude et de l’autre, au mur des lamentations des banquiers !

Enfin, n’oublions pas un acteur essentiel dans ce type de scandale : la justice.
Certes il n’y a pas lieu de faire de généralisation puisqu’à MM. nous avons le cas du lanceur de l’affaire UBS qui a fait l’objet d’un traitement efficace par le système judiciaire. Pour autant il y a également ceux de la Banque Pasche avec un traitement pour le moins calamiteux. Il y a sans doute entre ces deux cas une différence de fond : pour UBS il s’agissait de fraude fiscale mettant en cause le système bancaire suisse. Pour la Pasche, il s’agit de blanchiment réalisé par une banque française sur une place une nouvelle fois citée dans ces nouveaux « files » : Monaco. Macron nous expliquait lors de sa dernière rencontre  avec le Prince Albert que tout était au beau fixe entre la France et la Principauté ! A partir du moment où l’Etat tutélaire en matière financière ferme les yeux sur les pratiques judiciaires de Monaco alors que les deux pays ont un accord d’entre-aide, et que l’un fournit l’essentiel du personnel judiciaire à l’autre, on a peu à attendre d’une action volontaire en matière financière. Si la France trouve normale la gestion judiciaire monégasque de l’affaire Rybolovlev et le limogeage du Juge Levrault, il est fort à parier qu’elle n’ait pas grand chose à dire sur les pratiques de la Société Générale à Monaco avec les oligarques russes !


Merci à l’ICIJ pour continuer ce travail d’information et aux lanceurs d’alerte à l’origine de ces révélations, qui ont pris de gros risques. Nous suivrons à MM. les prochains développements et regarderons dans le détail si certaines affaires viennent éclairer nos posts passés.
N’hésitez pas à poster des infos intéressantes en commentaires sur notre site . On compte aussi sur vous. Par avance merci.

En attendant quelques éclaircies, nous essaierons de nous consoler bientôt avec le Beaujolais nouveau…


MM.

Laisser un commentaire