Billet d’humeur : mieux vaut être casseur que lanceur ?

Grâce à Sarkozy nous savions déjà que la racaille n’est pas toujours celle que l’on croit, que le karcher peut être utile aussi dans les beaux quartiers, et que les méthodes et techniques des petits voyous ont traversé depuis longtemps le périphérique.
Grâce à Macron nous apprenons que la «new politics» tant promise et sur-vendue sent définitivement le renfermé, que le sentiment d’impunité des élites n’est pas un sentiment, et que si nous voulons faire partie de «ceux qui réussissent» mieux vaut être casseur que lanceur.

Nous vous épargnerons les détails de l’affaire du jour «Elysée vs Benalla», la presse, les associations et les internautes suite aux révélations du journal Le Monde, s’en donnent à cœur joie

The Guardian a même placé en Une de son édition électronique la tête de notre nouveau champion national ().

Voyons les choses du bon côté, monsieur Benalla est maintenant célèbre, et les prouesses de nos champions du monde commençant à passer au second plan, la France parvient quand même à garder la main…

D’un côté, un salarié très proche et estimé du «boss» qui commet des actes sans discussion possible totalement répréhensibles, une sanction tellement minime que ça n’en est pas une, le maintien en poste (peut-être une promotion à l’horizon! pourquoi pas…), la sauvegarde de tous les avantages et intérêts propres à la fonction.
D’un autre côté, un employeur qui n’a pour seule stratégie que de protéger son employé fautif, pas de sanction digne de ce nom, pas de licenciement, une justice non saisie malgré l’obligation légale de le faire, une volonté claire de taire voire d’étouffer l’affaire, une réaction uniquement devant le fait accompli parce que l’affaire devient publique, et sa minimisation par la mise en œuvre de politique de communication qui devient à charge.

Nous ne voudrions pas être paranos à MetaMorphosis mais ça sent bon comme une affaire de lanceur d’alerte.

Celui qui commet les fautes dénoncées par le lanceur n’est, sauf cas extrêmement rares, effectivement jamais inquiété. Bien au contraire, il bénéficie de toute la mansuétude de son employeur allant souvent jusqu’à une promotion et/ou une mutation visant à le protéger des éventuelles poursuites judiciaires. On pourrait vous raconter l’histoire de ce banquier, après s’être vu très sévèrement sanctionné par l’autorité de contrôle de sa profession puisqu’elle recommandait la fermeture de l’établissement où il travaillait, qui obtint de son employeur une promotion très substantielle et une délocalisation protectrice.
Celui qui emploie le fautif va tout faire pour s’assurer que son protégé ne soit jamais exposé publiquement et judiciairement, va apporter son concours pour dénigrer les lanceurs, ne prendra jamais aucune sanction adéquate, et n’initiera une communication que contraint et forcé si par malheur les lanceurs parviennent à mobiliser leur affaire auprès de la presse.

Nous oublions souvent qu’il pourrait y avoir une autre stratégie consistant à reconnaître immédiatement les faits, à prendre toutes les mesures qui s’imposent et à remercier les lanceurs pour n’avoir fait que leur devoir.
Nous pourrions penser que ce serait même payant en terme de communication.

Dans le cas Benalla qui nous occupe, dès connaissance prise des faits, l’Élysée aurait dû le signaler au Procureur et informer la presse de leur découverte, prendre des sanctions dignes de ce nom et chercher à capitaliser sur sa réactivité et son honnêteté.
Tous les lanceurs se sont posés la question : pourquoi ça ne se passe jamais ainsi ? Nous avons beau tourner 1000 fois notre langue dans notre bouche, nous arrivons toujours à la même conclusion, et nombre d’affaires de lanceurs arrivées à leur terme ne font que confirmer cet état de fait.
Certes il y a pour partie l’incapacité de ces organisations qui se voient comme parfaites, à reconnaître qu’elles ne le sont pas, qu’elles sont encore humaines et donc perfectibles, qui ont peur que toute reconnaissance de dysfonctionnements ouvrirait la «boîte à pandore». Mais surtout, et il n’y a pas d’autre explication, la cécité des organisations et ce besoin irrépressible des employeurs de cacher ce type de vérité, s’expliquent au mieux par une connivence, au pire par une complicité. Soit l’organisation savait et n’a rien fait, ce en quoi elle aura du mal le reconnaître aujourd’hui, soit elle était elle-même actrice et complice des faits dénoncés et toute reconnaissance est par conséquent impossible.

Pour un lanceur cette affaire ne pose pas véritablement de question, elle ne fait que mettre le doigt sur les tristes raisons de sa condition.

Pour avoir respecté ses engagements vis-à-vis de son employeur et de sa profession, pour n’avoir que rempli ses obligations légales (beaucoup de professions réglementées ont leur article 40), le lanceur est licencié quasi sur le champ avec perte et fracas, blacklisté professionnellement, marginalisé socialement, sans travail ni revenu et ce, non pas pour 15 jours mais pour 1 an, 2 ans, 5 ans, 10 ans… avec en supplément, toutes les procédures que nous lui connaissons.
Il fait l’objet d’un dénigrement permanent de son ex employeur, de poursuites judiciaires permanentes.
Nous sommes bien loin de la vie rêvée de monsieur Benalla, avec ses 15 petits jours sans solde et sa réaffectation de poste à conditions inchangées. Parce qu’il y a quand même une différence d’essence entre un lanceur et monsieur Benalla : le premier a respecté la loi, le second l’a violée !
Mais le Benalla a la chance de pouvoir compter, comme pour les personnels dénoncés par les lanceurs, sur la mansuétude bienveillante et protectrice de son employeur, l’Elysée de Macron.

Alors rien de bien nouveau dans cette affaire, le Palais de la République se comporte comme n’importe quelle multinationale à l’égard de son employé accusé de manquements graves à la loi.
Nous l’aurons compris, et notre expérience à MetaMorphosis nous donne une piste sérieuse, la question principale est pourquoi, même en ce lieu et en matière de traitement, mieux vaut être casseur que lanceur?

MM.

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