La prochaine crise financière pointe le bout de son nez. Ne soyons pas impatients, elle viendra plus rapidement qu’on ne le pense, en 2019, en 2020 peut-être. En tous les cas beaucoup plus rapidement que le traitement judiciaire des alertes lancées au lendemain de la précédente crise, celle de 2007-2008, 10 ans, une paille. Et ceci a sans doute à voir avec cela.
Comme nous l’indique The Guardian dans son édition du jour, « IMF warns storm clouds are gathering for next financial crisis », David Lipton, first deputy managing director du FMI, vient de déclarer à Londres que la «prévention des crises est incomplète» plus d’une décennie après la dernière crise du système financier mondial. Selon lui des nuages sombres s’accumulent sur un système n’ayant pas pris la mesure des enjeux et des risques.
L’horizon de l’économie mondiale était en train de s’obscurcir dangereusement nous avertit David Lipton, et les États comme les banques centrales pourraient manquer des moyens nécessaires pour faire face à une éventuelle crise. «Comme beaucoup d’entre vous, je vois les nuages noirs s’accumuler et je crains que le travail de prévention des crises soit incomplet», a-t-il ajouté, estimant que les autorités politiques et monétaires pourraient être prises au dépourvu si on devait s’y confronter.
De nombreux États ne disposeront que de marges de manœuvre limitées en raison de leur niveau d’endettement. «Il ne faut pas s’attendre à ce que les gouvernements disposent de moyens aussi importants qu’il y a dix ans pour répondre à une crise», a-t-il déclaré, ajoutant que tout plan de relance pourrait se heurter à des résistances politiques en raison du fardeau financier qu’il engendre.
Deux enseignements à tirer
Tout d’abord si l’analyse de la précédente crise financière a fait l’objet d’une abondante littérature et de multiples études, force est de constater, une nouvelle fois, que peu d’enseignements en ont été tirés, que peu de mesures de prévention n’ont été mises en œuvre.
Ensuite, la prochaine crise s’exercera dans un contexte tout autre, les États et les banques centrales ne disposant plus des moyens qui étaient les leur en 2008 pour maintenir le système hors de l’eau, venir au secours des banques et créer de la dette pour amortir plus ou moins le choc.
L’analyse du FMI
Le FMI a récemment rendu publique une analyse assez révélatrice de la crise financière de 2008.
Premier constat: parmi les 180 pays étudiés, il convient de distinguer ceux qui ont connu une crise bancaire avec la crise économique et les autres, par effet systémique, uniquement économique.
Ce sont surtout les premiers qui ont été les plus touchés soit 24 pays qui ont connu une crise bancaire et dont 18 ont des économies procurant des revenus élevés.
91 économies représentant les 2/3 de la production mondiale ont connu une baisse de la production en 2009. Soit le pire choc traversé depuis la fin de la dernière guerre. Les autres ne se portent pas forcément mieux : 60 % des pays qui n’ont pas dû encaisser une crise bancaire en plus n’avaient pas encore retrouvé, l’an dernier, leur niveau de production d’avant-crise.
Les principales observations du FMI, dix ans après les faits, tiennent en quelques constats:
1. Ce fut une crise financière pour les pays occidentaux, mais une crise économique pour tous les autres. A cet égard, le stimulus économique décidé en urgence par les dirigeants chinois à l’époque – représentant 10 % du PIB de leur pays – a joué un rôle d’amortisseur absolument décisif.
2. Le principal effet de la crise a été de freiner les investissements : ils ont perdu un quart de leurs montants en dix ans. Et cela expliquerait le fameux ralentissement de l’innovation.
3. Les pays les plus durement frappés sont ceux qui ne disposaient pas de la possibilité de jouer sur leurs taux de change – et c’était le cas essentiellement de la zone Euro.
4. Il fallait sans doute sauver les banques. Par contre, et tenez-vous bien car c’est le FMI qui le dit, il n’était peut-être pas indispensable de sauver les banquiers… qui ont peu changé leurs comportements.
5. La sur-financiarisation de certaines économies – occidentales quasi-exclusivement – les pénalise deux fois et conduit à un effet multiplicateur de la crise. Les économies sous-financiarisées en paient malgré elles quand même le prix pour de très longues années. Enfin, en période de crises aiguës la trop forte intégration d’économies comme cela est le cas de l’Europe, approfondie encore la récession en ne permettant pas d’user d’outils d’amortissement.
Traiter l’urgence
Dans cette même étude, le FMI conclut par trois tâches urgentes, un peu comme une litanie de vœux pieux :
➡️ Normaliser d’urgence les politiques monétaires.
➡️ Imaginer les réponses à apporter lorsque la prochaine crise va se déclencher – et de préférence en amont de la crise, car une fois qu’elle sera lancée, ce sera trop tard.
➡️ Et enfin, tenter de réparer les dommages causés par cette crise à la crédibilité des Occidentaux.
Et là, il reste du boulot… ou plutôt il aurait été plus judicieux de faire le boulot en temps et en heure.
🔴 Car tout ceci est quand même extraordinaire.
Sentant les premières alertes d’une prochaine crise financière d’envergure, le FMI -dont la principale tâche est quand même d’assurer la régulation et la sécurité du système financier international- semble se réveiller proposant de multiples recommandations qu’il n’a pas cherchées à mettre en œuvre pendant toute la décennie précédente.
Pourtant les réponses sont là, dans ses propres études et ses propres pistes de réflexion.
La nécessaire définanciarisation de l’économie en séparant banque commerciale et banque d’investissement, disposition à laquelle l’Europe, et notamment la France, se seront toujours opposées, et que les États-Unis, après l’avoir partiellement mis en œuvre, sont en train d’annuler sous l’administration Trump.
Changer également les comportements, mais pour ce faire encore faudrait-il que ceux responsables des errements et fraudes de 2008 aient été poursuivis et renvoyés à leurs chères études économiques.
Rien de tout cela, des institutions financières encore plus « trop grosses pour faire faillite » aux mains de banquiers auxquels gouvernements et institutions internationales ont offert un parapluie pour traverser la tempête de 2008 sans se mouiller.
En 2019, 2020… nous aurons été prévenus, les alertes, ça n’est pas ce qui a manqué.
Alors, comme le New York Times nous posons nous aussi la question: Are You Ready for the Financial Crisis of 2019?
Are You Ready for the Financial Crisis of 2019? – The New York Times https://t.co/lCugGXrTjQ
— Tim Stephens (@TimStephens_) 11 décembre 2018
MM.