La presse: faut-il lancer l’alerte ?

Nous vous recommandons la lecture suivante Macron décodeur-en-chef de Fréderic Lordon, tribune parue dans le blog du Monde Diplomatique le 08/01/2018.

Cette tribune s’inscrit dans le cadre de la volonté du Président Macron de proposer une loi visant à contrôler les fake-news. Au-delà de ce sujet, Frédéric Lordon met en évidence l’importante responsabilité que porte la presse dans la désaffection du public à son égard et dans sa perte de crédibilité.
Nous, lanceurs d’alerte, considérons que ce sujet nous intéresse directement .
Une fois l’alerte lancée, une fois la justice saisie (quand c’est le cas), et au regard de l’extrême lenteur de cette dernière, le lanceur est lui, pendant ce temps, plongé dans un violent isolement. Seule une presse indépendante et volontaire pourrait assurer le relais. Or, comme le montre très bien Frédéric Lordon, la presse dans son ensemble (même si quelques trop rares exceptions existent), a largement participé à sa propre marginalisation en acceptant ce qu’il appelle « une fusion des pouvoirs ».
Loin de nous l’idée de faire le procès de la presse, certains de ses acteurs ayant montré notamment sur des dossiers d’importance, la prépondérance de leur rôle dans l’éclatement de la vérité. Néanmoins, force est de constater aujourd’hui, que ce rôle qui est en danger, se réduit à peau de chagrin.
Partant de cet état des lieux général et très souvent confirmé par nos expériences, il est de plus décevant de constater que les quelques supports de presse se revendiquant encore de l’investigation, limitent leur travail à des comptes-rendus de Pv d’auditions ou d’ordonnances de renvoi, ce qui concourt également et un peu plus à la marginalisation et l’isolement du lanceur d’alerte préalablement victime des lenteurs des procédures elles-mêmes.
A titre d’exemple nous publions ici un récent échange de messages Facebook entre un « citoyen inquiet », un « lanceur largué » et un « journaliste pressé », le tout volontairement anonymisé pour ne porter préjudice à personne, le « journaliste pressé » faisant partie d’un grand groupe de presse régionale. Au delà de la perceptible pression exercée par le Groupe et son actionnaire sur ses journalistes, il est révélateur d’une réelle dégradation du sens du métier, et de son rôle essentiel qui serait dans toute démocratie, d’informer à minima.
Soumission au lobby, dites-vous? Un journalisme de préfecture?

Le sentiment de cet échange? Il en ressort l’absence d’une réelle volonté d’informer, de questionner et de s’opposer aux pouvoirs. Presque du désintérêt, alors qu’on nous assène que certaines informations à révéler seraient d’intérêt public et « les lanceurs » nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie. Quid des lanceurs si les journaux ne suivent pas? De notre démocratie?
Face à une presse pleinement investie dans le marché de la publicité et du buzz, il semble difficile aujourd’hui pour un lanceur de sensibiliser sur son dossier s’il n’est pas en amont pleinement documenté et s’il ne permet pas de faire immédiatement un lien avec un sujet d’actualité. Ne nous leurrons pas, entre les choix de lignes éditoriales servant souvent d’excuse pour ne pas traiter voire relater des faits graves, la presse a aussi son marketing et business! Quant aux quelques lanceurs qui parviennent malgré tout, à témoigner médiatiquement, très vite le sujet traité comme « fait divers » tombera tout comme eux dans les oubliettes…

Si la presse n’est pas tout à fait morte, faudrait-il qu’elle retrouve son indépendance et veuille vraiment s’attacher à son rôle essentiel qui est d’informer (tant que ce n’est pas encore un délit), d’enquêter, de suivre les sujets et de porter un œil critique sur les discours des différents pouvoirs. Quant à devoir lancer l’alerte, en espérant qu’elle puisse encore bénéficier d’un peu d’écho , mieux vaut vous prévenir que face à l’isolement, vous devrez vous armer de patience et persévérance.

MM.

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