Lactalis: de l’intérêt général aux intérêts privés.

Rappel : Selon les informations du Canard enchaîné (du 3 janvier 2018), le géant des produits laitiers a tu les conclusions d’enquêtes internes menées dès le mois d’août 2017 par Lactalis Nutrition Santé. Ces dernières rapporteraient bien la présence de salmonelles sur du matériel de nettoyage et sur des carrelages dans l’usine de Craon en Mayenne.
L’affaire du lait contaminé commence donc là, par la conséquence: 37 nourrissons, âgés de 2 semaines à 9 mois, ont été atteints de salmonellose, quelques cas en Europe, comme en Espagne et en Grèce.
Ce n’est que le 2 décembre 2017, une fois le risque de contamination confirmé par l’agence Santé publique France, que Lactalis enclenche une première procédure de rappel et de retrait de concernant douze références suivi d’un retrait massif de laits infantiles le 10 décembre.

Voilà où nous en sommes, attendons la fin des enquêtes en cours pour connaitre les responsabilités effectives de chacun.
Au-delà du cas précis de Lactalis, cette affaire nous semble révélatrice et concerner directement les lanceurs d’alerte à plus d’un titre.
– l’alerte au sein de l’entreprise: si l’alerte a été lancée, une fois de plus il apparaît qu’elle n’a pas suffisamment voire pas du tout été prise en compte.
Au-delà des questions de rapports de force aux sein des Sociétés et précarisation de l’emploi salarié, il nous semble que le processus d’alerte entériné notamment par la loi Sapin2 est insuffisant ou mal calibré. On ne peut se limiter à une seule alerte interne si concomitamment n’est pas réalisée l’alerte auprès d’une instance de contrôle, régulation, ou judiciaire. Nous touchons là à l’une des principales limites de la loi Sapin2 qui contraint le lanceur à respecter un processus d’alerte, attendre les délais de prise en charge ou non, certes en l’encadrant dans l’entreprise mais l’expérience nous apprend que pour les alertes portant sur les sujets graves, la hiérarchie est soit déjà informée soit complice et qu’il existe moult motifs qui permettront de marginaliser voire se défaire assez rapidement du lanceur.
– Le cas Lactalis est révélateur d’un dysfonctionnement grave des Autorités de contrôle, et ce quelque soit le secteur d’activité. Comme expliqué dans l’article de Libération paru ce jour et à consulter ici, « cette crise sanitaire n’est pas qu’un simple accident de parcours mais l’échec d’un système basé sur un principe d’auto-contrôle ».
Il y a dans le contrôle étatique à la française, un présupposé selon lequel l’Etat, représentant l’intérêt général, pourrait faire confiance à des entreprises ou à un secteur d’activité représentant des intérêts personnels ou catégoriels. C’est une erreur de sens, les deux intérêts étant par définition opposés, on ne peut donc se satisfaire de ce système d’auto contrôle où des professionnels surveillent d’autres professionnels ou des banquiers contrôlent des banquiers ou des notaires contrôlent des notaires…
Loin de nous l’idée que tous les professionnels défendront systématiquement leurs intérêts personnels, mais il en relève de la responsabilité de l’Etat par principe et par précaution, de s’assurer que lesdites instances de contrôles bénéficient d’une indépendance suffisante pour exercer leur fonction dans l’intérêt général.

Les exemples sont malheureusement nombreux où l’Etat a abandonné son rôle de défense de l’intérêt général à des intérêts privés ou corporatistes aux conséquences prévisibles et dont l’affaire Lactalis n’est qu’une nouvelle illustration.

MM.

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