De Macron à Bolsonaro : de la posture à l’imposture

Comme à son habitude, Macron est arrivé au G20 le museau fier, décidé à ne pas se laisser marcher sur les pieds. De la posture. Pas question soi-disant de négocier quoi que ce soit avec le Brésil de Bolsonaro si celui-ci décidait de sortir de l’accord sur le climat COP21 comme il avait pu le laisser entendre. Bolsonaro dont on pouvait penser qu’il était l’un des meilleurs exemples de la politique en « mode bulldozer », s’est facilement joué de notre auto-proclamé président intellectuel, pour lequel il y eut, une fois de plus, beaucoup de bruit en amont pour pas grand chose à la sortie…sauf une imposture.

Comme les engagements ne valent que pour ceux qui y croient, en bon tacticien, Bolsonaro a indiqué que son pays demeurait dans l’accord de la COP21, ce qui ne l’empêche pas depuis qu’il est au pouvoir, de prendre moult décisions qui vont à l’encontre même des objectifs fixés.

Pour clore le tout, déclarer demeurer dans l’accord s’est avéré suffisant pour notre président approuvant par conséquent, la signature par l’Europe d’un accord de libre échange avec le Mercosur.

Cette façon de faire et quel que soit le sujet, semble chez lui une habitude. Les reculades, on connait bien, et elles se voient ! Hier encore, Mediapart s’en faisait l’écho au sujet de l’attitude de la France suite à la dénonciation par Trump de l’accord sur le nucléaire iranien. Les autorités perses sont en fait autant remontées contre l’attitude ambiguë et le double discours permanent de Macron, que par la décision de Trump elle-même…

Pour revenir à nos questions environnementales, la signature de cet accord de libre échange est analysée par la plupart des associations comme un blanc seing donné à Bolsonaro pour continuer son jeu de massacre.
Nous savons tous que sans une Amazonie protégée, il sera impossible au minimum de réaliser les objectifs de la COP21.
Or, de ce point de vue, les discours mais surtout les actions du nouveau pouvoir brésilien sont très clairs: la forêt amazonienne ne sert à rien donc il faut l’exploiter à son maximum pour en tirer quelques revenus.

L’accord de libre échange ne vient que conforter cette position.
Au sein même de la majorité LREM des voix s’élèvent comme celle du député Jean-Baptiste Moreau, agriculteur de profession qui, dans une interview donnée au journal Le Monde, rappelle l’état désastreux des sols brésiliens suite à l’utilisation massive de pesticides et surtout la quasi impossibilité pour la plupart des pays sud américains d’obtenir une traçabilité satisfaisante des produits agricoles qui grâce à ce nouvel accord commercial auront à présent portes ouvertes en Europe. Rappelons quand même toutes les conditions en la matière que l’Europe impose à ses propres agriculteurs alors que les produits demain importés, vont s’en trouver, eux, de facto exemptés…

Nous avions gardé en mémoire de nos cours d’économie à la fac, qu’une concurrence saine et équilibrée voulait que tous les acteurs soient soumis aux mêmes règles et subissent les mêmes contraintes. Malgré les beaux discours, le libéralisme économique ne semble être l’affaire ni de l’Europe, pas même de Macron…

Au-delà d’encourager un écocide en n’imposant aucune condition stricte dans les pays sud américains et plus particulièrement au Brésil, Macron et l’Europe par la signature dudit traité, encouragent Bolsonaro dans son attaque systématique et violente à l’encontre des peuples indigènes d’Amazonie.

Même Nicolas Hulot qui pourtant lors de son passage dans ce gouvernement n’a pas démontré une vocation affirmée à défendre l’environnement, s’en étonne dans une interview donnée au journal Le Monde, rappelant que cette ouverture des vannes commerciales entre les deux continents, va avoir pour conséquence l’expropriation des peuples indigènes de leurs terres, et conforter Bolsonaro dans sa remise en cause des droits desdits peuples aujourd’hui garantis par la constitution.

Nous ne voyons pas très bien ce qui pourrait être de nature à stopper l’entreprise funeste du président brésilien quand on constate depuis plusieurs mois, après avoir donné carte blanche aux forces de police dès son arrivée au pouvoir, qu’aujourd’hui dans l’Etat de Rio le nombre de morts du fait de l’action policière progresse plus vite que celui imputé aux organisations criminelles elles-mêmes ! La signature de cet accord commercial est donc à plus d’un titre en l’état actuel une erreur fondamentale aux conséquences tout aussi rapides: elle va lourdement pénaliser les agriculteurs européens dont on connaît tous déjà les grandes difficultés, elle va accentuer l’état désastreux de l’environnement brésilien et encourager les autorités locales à poursuivre leur politique de criminalisation des peuples indigènes et des défenseurs locaux de l’environnement qui paient déjà un lourd tribu; les grands propriétaires terriens estiment avec Bolsonaro, bénéficier, eux, d’une totale impunité pour faire taire par tout moyen les contestations.

Sur d’autres sujets, comme la crise des réfugiés et les ventes d’armes, l’Europe ne sort pas grandie de la signature d’un tel accord et une fois de plus porte atteinte à ses principes fondateurs.
Concernant Macron, il n’est plus temps de dire qu’il a une position ambiguë sur certains sujets. Sur celui-ci comme sur d’autres, seuls de potentiels gains économiques prévalent sur toutes autres considérations, de préférence aux bénéfices d’intérêts qui lui sont proches quitte même, comme le sujet qui nous occupe le démontre, à bafouer des principes essentiels du modèle économique qu’il prétend défendre. De l’imposture.
Suite à l’accostage du Sea-watch3 à Lampedusa, nous apprenons que la France dans sa grande bonté qui la caractérise, accueillera dix réfugiés. Suite aux déclarations d’autorités iraniennes nous apprenons que pour préserver ses ventes d’armes aux pays du Golfe, la France fait le jeu de Trump et joue contre cet accord sur le nucléaire que l’Iran respecte à la lettre depuis l’origine et qui permet même s’il n’est pas parfait, d’assurer une sécurité certaine dans la région . Enfin, suite à la signature de cet accord Mercosur, la France fait le choix de jouer contre ses propres agriculteurs et d’encourager Bolsonaro dans son entreprise de destruction.

Tout ceci sont des décisions de Macron et de son gouvernement, engageant la France sans doute sur certains points de façon irréversible, dans des entreprises destructrices dont on peut penser qu’une majorité de la population n’y souscrit pas. En même temps, depuis quand Macron commence-t-il à se soucier de ce que peut penser le peuple français ? Une large démonstration est faite en matière de politique intérieure…De la posture. Alors à quoi sert-il ? 

MM.

Pesticides : les mots et les maux

Au royaume des politiciens, éditorialistes et autres experts de circonstance, les rois sont ceux qui maîtrisent la «nov’langue», les mots. Puis il y a les maux.

Ainsi, les cotisations sociales sont devenues des charges sociales, un plan de licenciements un plan de sauvegarde de l’emploi, et la liste pourrait être longue. Des mots.

Au royaume de la « start-up nation » tout doit être quantifié, tout doit être mesuré comme une charge, un coût. Enfin, pas vraiment tout. Surtout ce que l’idéologie défendue veut détruire, les protections sociales, les revenus de redistribution, les aides diverses veillant à amortir les inégalités. Car lorsqu’ il s’agit de coûts infligés par l’activité productiviste à l’ensemble du corps social, bizarrement les mêmes politiciens sont aux abonnés absents. Les maux.

L’article du Monde «Pesticides : des coûts (bien) cachés» permet d’en prendre la mesure. D’abord le constat : «Au total, donc, ce sont sans doute quelque 700 millions d’euros d’argent public qui auront été investis dans la réduction des « phyto », pour un résultat global dont il faut bien dire – à s’en tenir aux chiffres – qu’il est jusqu’à présent nul». Et une question : «Ce constat pose à nouveau la question – bien plus vaste que le seul financement de ces plans successifs – des « coûts cachés » des pesticides».

De quoi parle-t-on précisément : «C’est ce que les économistes nomment dans leur jargon les «externalités négatives» : combien coûte à la collectivité l’utilisation actuelle de ces produits, en plans de réduction de leurs usages, mais aussi en soins médicaux, en assainissement des eaux, en érosion des services gracieusement offerts par les écosystèmes, voire en frais d’acquisition de connaissances (étudier les effets de ces produits a aussi un coût) ? C’est la question taboue, la question à laquelle il vaut mieux, semble-t-il, ne pas chercher de réponses».
Si, malgré des investissements publics dans la lutte contre l’utilisation des «phyto», pour une somme non négligeable, aucun effet sur leur utilisation effective n’est enregistré, c’est qu’il existe des impacts «cachés» qui de toute évidence ne sont pas pris en compte dans l’élaboration des politiques publiques.

Et pourquoi ne pas prendre en compte tous ces impacts négatifs : «Les dommages des pesticides pour la santé et l’environnement, parfois appelés “coûts cachés” des pesticides, concernent le secteur agricole en général, et ses travailleurs (…). Ainsi, les données épidémiologiques, bien qu’encore très incomplètes, mettent en évidence une sur-incidence de certaines pathologies chroniques (cancers du sang, de la prostate, maladie de Parkinson) parmi la main-d’œuvre agricole exposée aux pesticides.» D’où des coûts privés (supportés par les malades) et publics (supportés par la Sécurité sociale) induits par le recours aux «phyto».

On vous le donne en mille…Quelle est la réaction du gouvernement à cette problématique ? «Le comité de chercheurs mis en place par l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) pour définir les «défis scientifiques» du programme, avait en effet inclus dans leur document d’orientation la nécessité de « mieux connaître les coûts cachés des pesticides pour aider à réduire leur utilisation ». Ils n’ont pas été écoutés par le ministère« ; et plus loin : «Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche n’a pas suivi la volonté des chercheurs de creuser la question».
S’il s’agit d’une aide sociale qui, comme chacun sait coûte «un pognon de dingue», tous les ministres vont se lever tel un seul homme pour réclamer une évaluation du coût pour la collectivité. Concernant les «phyto», n’y songez pas ! Car même si «traduire en termes monétaires les dégâts induits par le recours excessif à l’agrochimie peut sembler une forme de cynisme – une maladie ou une dégradation environnementale ne peuvent être réduites à un seul coût – comme le disent les chercheurs du comité d’orientation du PPR, cela pourrait être un levier majeur du changement. Pour l’heure, et malgré plus de dix années d’échec à faire baisser le recours aux pesticides, le gouvernement semble souhaiter que ces « coûts cachés » demeurent, précisément, cachés».

La ficelle est bien grosse mais comme Macron et son gouvernements sont devenus les maîtres du «plus c’est gros, mieux ça passe», rien de bien étonnant. Car il ne faut pas être un «expert» attitré des chaînes de télé en continu pour savoir que ces coûts cachés sont le cœur du problème, qu’ils incombent essentiellement aux industriels et sont exclusivement supportés, aussi bien en terme de conséquences que financièrement, par la collectivité.

Sur ce sujet aussi, nos politiques ne dérogent pas à leur règle d’or : privatisation des profits et mutualisation des pertes.

Puis silence, on empoisonne…Mais on a essayé et essaie encore de « réparer » (ou pas)…Des mots sur des maux.


MM.

Polluons dans l’intérêt général !

Dans un article du 11 Juin 2018 sous la plume de Jade Lindgaard, «Huile de palme : duel entre pollueurs» (ici) Médiapart revient sur les actions menées actuellement par la FNSEA contre la décision du ministre Hulot d’importer massivement en France de l’huile de palme destinée à la raffinerie de Total à La Mède.

«Il y a plusieurs manières de lire le conflit qui oppose le syndicat agricole FNSEA au groupe Total au sujet de sa raffinerie de la Mède (Bouches-du-Rhône), qui doit produire 500 000 tonnes de biodiesel par an, à partir de cet été. Jusqu’à mercredi, des militants de la première organisation professionnelle agricole perturbent et parfois bloquent des raffineries et des dépôts de pétrole, afin de dénoncer notamment l’importation d’huile de palme pour fabriquer des agrocarburants».

Comme nous l’explique le site d’information, ce conflit entre d’un côté le monde agricole étiqueté FNSEA et de l’autre le groupe Total et le gouvernement, relève de trois discordes : un conflit économique où se mêlent des situations de monopole (celles de Total et du groupe Avril propriété d’un ancien patron de la FNSEA), des subventions massives et des situations de rentes ; un conflit douanier avec la signature d’accords de libre échange qui ne respectent pas les conditions normatives des productions hexagonales ; et un conflit environnemental avec le désastre écologique bien connu de l’huile de palme.

Au-delà de ces sujets de friction, Médiapart nous rappelle : «Ces trois discordes ne doivent cependant pas cacher la dimension souterraine mais déterminante de cet affrontement : c’est un duel entre deux pollueurs. L’impact de l’exploitation de l’huile de palme est catastrophique sur l’écosytème. Mais le bilan de l’agriculture productiviste défendue bec et ongles par la FNSEA est tout aussi destructeur pour l’environnement».

Ne craignant pas la récupération honteuse, la FNSEA, pour justifier son action, se décrit en «lanceur d’alerte pour les consommateurs» et n’hésite pas à proclamer que son action s’inscrit dans le cadre de la défense de l’intérêt général. Rien de très étonnant en fait, ce thème étant devenu la tarte à la crème de toutes les revendications professionnelles ou sectorielles, chacun cherchant à justifier le bien fondé de ses propres revendications catégorielles par une soi-disante nécessité de défendre l’intérêt général. Nous ne serions même pas étonné que Total en vienne à nous expliquer que son projet de La Mède s’inscrit également dans cette optique!

À la FNSEA, comme ailleurs, ce discours ne fait que cacher une défense bien comprise d’intérêts particuliers -même pas ceux de l’ensemble de la profession que le syndicat est censé défendre- quitte à utiliser des techniques de harcèlement des pouvoirs publics (beaucoup trop complices) comme nous le rappelle son histoire.

Dès sa fondation, en 1946, la FNSEA domine le paysage syndical. Par la suite, ni le MODEF (d’orientation socialiste), ni le CNJA (centre national des jeunes agriculteurs) ne pourront sérieusement menacer son monopole. Depuis le début, ce leadership convient parfaitement à l’État dont c’est l’unique interlocuteur. La France agricole de l’après-guerre vit une profonde mutation puisque en moins de vingt-cinq ans se met en place un modèle d’agriculture intensive qui fera de l’État français l’une des premières puissances agricoles d’Europe. La FNSEA a toujours soutenu cette orientation et, pour parvenir à ses fins, elle a, dès 1961, mis en œuvre l’emploi de la violence en organisant des manifestations particulièrement musclées dont les premières du genre se déroulèrent en Bretagne. Cette politique se révéla payante car les pouvoirs publics y cédèrent sur une série de revendications majeures.

Dans les décennies suivantes, au gré des crises (surproduction, sécheresse, etc), caillassages de préfectures, blocus de gares, descentes dans les supermarchés, etc deviendront monnaie courante. Le paroxysme sera atteint en 1976, quand des viticulteurs en colère tueront un commandant de CRS à la carabine approvisionnée en munitions pour gros gibier et en blesseront 28 autres. L’enquête n’aboutira jamais, conformément à une tradition d’impunité solidement ancrée.

A l’image de feu Xavier Beulin, les dirigeants FNSEA sont des notables souvent de droite, maires de leurs villages, administrateurs de coopératives, de la Mutuelle Sociale Agricole (MSA) et/ou du Crédit Agricole. Malgré l’organisation par la FNSEA de manifestations ayant causé des centaines de millions de dégâts, François Guillaume, après de bons et loyaux services (1979 à 1986) comme président de la FNSEA, devient ministre de l’agriculture sous Chirac, entre 1986 et 1988. Cette nomination est un signal clair en direction de la FNSEA et de ses méthodes. C’est une reconnaissance pure et simple, par l’État, de ses actions violentes ; pour le passé et l’avenir.
Au fur et à mesure, la FNSEA s’est professionnalisée et aujourd’hui son expertise est appréciée jusqu’à Bruxelles. Elle est devenue une entreprise capitaliste plus soucieuse de ses parts de marchés et de ses profits que du monde agricole et des agriculteurs.

Adhérer à la FNSEA, c’est aussi bénéficier de réductions diverses, façon comité d’entreprise, avec la «carte moisson» (réductions pour matchs de foot, pour décathlon, etc), y compris chez… le grand ennemi (carrefour & co). Les fédérations encaissent, au passage, un pourcentage sur les ventes ; ce qui revient à pratiquer ce que la FNSEA, elle-même, dénonce, à savoir, les marges arrières.

Malgré les manifestations fréquentes et spectaculaires, il y a une profonde identité de vue entre l’État et la FNSEA sur un objectif à long terme, connu sous le terme de PAC et fixé par la loi de modernisation de l’agriculture française de 1962 : bâtir une agro-industrie puissante, centralisée et fortement capitalisée. Si la FNSEA doit prendre quelques libertés avec les règles en chemin pour protéger et développer ce secteur, qu’elle les prenne. Les pouvoirs publics ferment les yeux. Dans une confusion des genres, Bernard Lannes de la Coordination rurale (proche de l’extrême-droite), concurrente de la FNSEA, dénonçait : «… la FNSEA [qui] organise des pseudo-manifestations pour râler contre des décisions prises en cogestion avec l’État».

Nous le voyons bien, nous sommes très loin de la défense de l’intérêt général.
Comme la plupart des grandes centrales syndicales, la FNSEA défend, en quasi co-gestion avec l’État et Bruxelles (qu’elle critique en permanence) un modèle bien précis d’agriculture qui ne profite qu’à une frange minime de ses propres adhérents. Le tour de force consiste à faire croire d’une part qu’elle agit dans l’intérêt de l’ensemble de sa profession, d’autre part, que ses combats sont au service de l’ensemble de la population.

Nous aimons bien les symboles à MetaMorphosis. Nous connaissions déjà la trésorerie pléthorique de la CGT et ses dizaines de millions d’euros de placements financiers (les banques lui disent merci !), maintenant sachez que si vous devenez membre de la FNSEA vous obtiendrez une carte fidélité Carrefour !
C’est un clin d’œil qui nous plait bien.

MM.

« Les vacances de Monsieur Hulot »

Les vacances de Monsieur Hulot

«Les vacances de Monsieur Hulot», film de Jacques Tati de 1953.Monsieur Hulot est un personnage échappé du cinéma muet dans le monde du parlant. Il se heurte à la technologie, à un monde impersonnel et gadgétisé. Jacques Tati s’est servi de ses capacités de mime pour le confronter aux dérèglements, aux rites et au ridicule d’un monde en mutation. Il s’est inspiré pour la création de son personnage, de son voisin architecte, le grand-père de Nicolas Hulot.Ça tombe bien car c’est justement de Nicolas Hulot dont on voulait parler, ou plutôt «Les vacances du ministre Hulot», ministre de la transition écologique et solidaire.La suite ici : http://meta-m.org/index.php/2018/06/09/les-vacances-de-monsieur-hulot/

Publiée par MetaMorphosis sur samedi 9 juin 2018

«Les vacances de Monsieur Hulot», film de Jacques Tati de 1953.
Monsieur Hulot est un personnage échappé du cinéma muet dans le monde du parlant. Il se heurte à la technologie, à un monde impersonnel et gadgétisé. Jacques Tati s’est servi de ses capacités de mime pour le confronter aux dérèglements, aux rites et au ridicule d’un monde en mutation. Il s’est inspiré pour la création de son personnage, de son voisin architecte, le grand-père de Nicolas Hulot.

Ça tombe bien car c’est justement de Nicolas Hulot dont on voulait parler, ou plutôt «Les vacances du ministre Hulot», ministre de la transition écologique et solidaire.
Si l’on demande à Woerth -pour diriger la commission des finances de l’assemblée- d’être juste un bon président, pas nécessairement intègre, il n’y a pas de raison que l’on exige de monsieur Hulot d’être un écologiste à la tête de son ministère. D’ailleurs, n’a-t-il jamais été écologiste ?
En fait, on n’en sait pas grand-chose. Bon businessman c’est sûr, parvenant à se faire rémunérer par les plus grands pollueurs de la planète, réalisateur d’émissions télé à succès même si on apprécierait bien voir l’envers du décor comme pour Cousteau -et l’on risquerait d’avoir quelques surprises- bon ministre aussi car apprécié de ses patrons, mais il faut dire qu’il se donne du mal à leur ressembler. Il nous a tout de même gratifié récemment d’un grand classique de la politique politicienne dont il se vante être si éloigné; sur France-Inter, à la question d’un journaliste lui demandant si la non-inscription de la sortie du glyphosate dans la loi alimentation n’était pas un recul, un rendez-vous raté, il a répondu qu’il s’agissait selon lui d’un rendez-vous «incomplet». Décidément, on a beaucoup de mal à comprendre sur quelle planète vivent ces gens, étymologiquement un rendez-vous (qui est la rencontre entre deux ou plusieurs personnes à un endroit et un moment défini d’avance) a lieu ou n’a pas lieu. Hulot était seul à la rencontre et comme s’étant parlé à lui-même, très certainement a-t-il cru que le rendez-vous avait eu lieu ?!
Et dans tout ça, Hulot est-il écologiste ? Ça aurait pu être une question…

Comme Monsieur Hulot (celui des films), cherchons quelques indices dans l’actualité. Tout d’abord dans Libération du 09 Juin 2018, un article assez complet sur l’huile de palme sous l’intitulé «Biocarburant : Total jette de l’huile de palme sur le feu», ici.
Mercredi dernier, grâce au feu vert du ministre Hulot, la préfecture des Bouches-du-Rhône a autorisé le groupe Total à exploiter une bioraffinerie sur son site de la Mède, près de l’étang de Berre. Dès cet été, Total importera au moins 300.000 tonnes d’huile de palme par an, ce qui représente une augmentation des importations françaises de ce produit de 36%.
En juillet 2017, en présentant son plan climat, Nicolas Hulot proposait de «fermer la fenêtre d’opportunité qui permet d’incorporer de l’huile de palme dans les carburants». Mais dès sa nomination, le ministre a vite choisi de faire machine arrière. L’huile de palme a beaucoup de qualités : elle est facile à cultiver, et donc peu coûteuse; c’est un produit très stable, qui résiste à la chaleur et à l’oxydation; elle est facile à «travailler» dans un processus industriel.
Mais comme nous le savons tous, c’est une horreur. D’une part pour la santé des consommateurs (forts taux d’acides gras saturés…) mais aussi pour l’environnement.
Pour l’extraire, on se livre en Indonésie et en Malaisie (90% de la production) à une déforestation monstrueuse, afin de planter des palmiers à huile. Or, qui dit déforestation dit massacre des derniers orang-outans et des gibbons, destruction de la biodiversité, brûlis extrêmement polluants, expropriations de villages… Mais aussi aggravation du réchauffement climatique. Car, comme le rappelait Hulot avant qu’il ne soit ministre, «la déforestation est responsable de 10% des émissions de gaz à effet de serre mondiales».
Selon une étude commandée en 2016 par la Commission européenne, l’huile de palme est trois fois plus néfaste, en terme d’effets de serre, que les énergies fossiles.
La décision de Hulot est a priori incompréhensible. Elle est contraire aux intérêts des producteurs français de colza. Elle est contraire aux intérêts de la planète – et il n’y a pas et n’y aura de «planète B», pour paraphraser Macron qui jure avoir fait de la lutte contre le réchauffement climatique sa priorité. Elle est contraire à l’avis du Parlement européen qui, en janvier 2018, a voté la suppression de l’utilisation d’huile de palme dans les carburants d’ici 2021.
Pourquoi alors cette décision de Hulot ? Deux explications. D’une part un lobbying efficace de Total qui cherche à sauver son site de la Mède. D’autre part, une explication, plus cynique encore : la France vend des armes et des avions vers l’Indonésie et la Malaisie, et ces pays menacent de ne plus acheter ces engins si Paris nuisait à leurs exportations. On en revient à un grand classique français : « si c’est bon pour l’emploi ! »

Moralité : Macron, malgré les beaux discours, n’a que faire du climat et fait de la politique (avec de vieux arguments) ce qui est cohérent avec sa vision productiviste de l’économie et Hulot n’est pas sérieusement écologiste et qui plus est, est devenu au regard de sa capacité à se renier, un excellent politicien.

Autre indice. L’Observateur revient le 08 Juin sur la crise de l’apiculture avec le témoignage d’un professionnel du secteur sous le titre «Cet apiculteur a rencontré, jeudi, Nicolas Hulot. Mais il n’a rien obtenu de concret», ici.
Partout en France, les apiculteurs se sont mobilisés à l’appel de la Confédération paysanne et d’organisations apicoles, jeudi 07 Juin, pour demander un plan de soutien pour la sauvegarde des abeilles. Le ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, est venu à leur rencontre aux Invalides à Paris. «Tous ces sujets, on les a mis sur le tapis», (des mauvaises langues diront plutôt «sous le tapis» !) a assuré Hulot à des apiculteurs inquiets, notamment sur la sortie du glyphosate, «ce qui est important c’est que ce soit irréversible, programmé, et qu’on essaie que personne ne soit dans une impasse». Le ministre leur a promis de voir ce qui est possible de faire pour les aider. Ça fait plaisir et ça ne mange pas de pain…
Après leur rassemblement sur la place des Invalides, les apiculteurs ont pris la direction du Palais de l’Élysée avec leurs cadres d’abeilles décimées. Ils voulaient réaliser une action symbolique avant d’être reçus par le ministre de l’Agriculture dans l’après-midi, mais… ils ont été interrompus dans leur marche par les forces de l’ordre.

Derrière tout cet habillage médiatique, quelle réalité, quelles décisions, quelles actions, monsieur Hulot ?
Notre apiculteur ne semble pas convaincu, nous non plus.

Au final ce n’est pas tant le ministre Hulot qui est en vacances, mais bien l’écologie.

Un petit souvenir?

MM.

Lactalis: de l’intérêt général aux intérêts privés.

Rappel : Selon les informations du Canard enchaîné (du 3 janvier 2018), le géant des produits laitiers a tu les conclusions d’enquêtes internes menées dès le mois d’août 2017 par Lactalis Nutrition Santé. Ces dernières rapporteraient bien la présence de salmonelles sur du matériel de nettoyage et sur des carrelages dans l’usine de Craon en Mayenne.
L’affaire du lait contaminé commence donc là, par la conséquence: 37 nourrissons, âgés de 2 semaines à 9 mois, ont été atteints de salmonellose, quelques cas en Europe, comme en Espagne et en Grèce.
Ce n’est que le 2 décembre 2017, une fois le risque de contamination confirmé par l’agence Santé publique France, que Lactalis enclenche une première procédure de rappel et de retrait de concernant douze références suivi d’un retrait massif de laits infantiles le 10 décembre.

Voilà où nous en sommes, attendons la fin des enquêtes en cours pour connaitre les responsabilités effectives de chacun.
Au-delà du cas précis de Lactalis, cette affaire nous semble révélatrice et concerner directement les lanceurs d’alerte à plus d’un titre.
– l’alerte au sein de l’entreprise: si l’alerte a été lancée, une fois de plus il apparaît qu’elle n’a pas suffisamment voire pas du tout été prise en compte.
Au-delà des questions de rapports de force aux sein des Sociétés et précarisation de l’emploi salarié, il nous semble que le processus d’alerte entériné notamment par la loi Sapin2 est insuffisant ou mal calibré. On ne peut se limiter à une seule alerte interne si concomitamment n’est pas réalisée l’alerte auprès d’une instance de contrôle, régulation, ou judiciaire. Nous touchons là à l’une des principales limites de la loi Sapin2 qui contraint le lanceur à respecter un processus d’alerte, attendre les délais de prise en charge ou non, certes en l’encadrant dans l’entreprise mais l’expérience nous apprend que pour les alertes portant sur les sujets graves, la hiérarchie est soit déjà informée soit complice et qu’il existe moult motifs qui permettront de marginaliser voire se défaire assez rapidement du lanceur.
– Le cas Lactalis est révélateur d’un dysfonctionnement grave des Autorités de contrôle, et ce quelque soit le secteur d’activité. Comme expliqué dans l’article de Libération paru ce jour et à consulter ici, « cette crise sanitaire n’est pas qu’un simple accident de parcours mais l’échec d’un système basé sur un principe d’auto-contrôle ».
Il y a dans le contrôle étatique à la française, un présupposé selon lequel l’Etat, représentant l’intérêt général, pourrait faire confiance à des entreprises ou à un secteur d’activité représentant des intérêts personnels ou catégoriels. C’est une erreur de sens, les deux intérêts étant par définition opposés, on ne peut donc se satisfaire de ce système d’auto contrôle où des professionnels surveillent d’autres professionnels ou des banquiers contrôlent des banquiers ou des notaires contrôlent des notaires…
Loin de nous l’idée que tous les professionnels défendront systématiquement leurs intérêts personnels, mais il en relève de la responsabilité de l’Etat par principe et par précaution, de s’assurer que lesdites instances de contrôles bénéficient d’une indépendance suffisante pour exercer leur fonction dans l’intérêt général.

Les exemples sont malheureusement nombreux où l’Etat a abandonné son rôle de défense de l’intérêt général à des intérêts privés ou corporatistes aux conséquences prévisibles et dont l’affaire Lactalis n’est qu’une nouvelle illustration.

MM.

Le glyphosate, autorisé pour cinq ans

C’était le vote de la dernière chance. Ce lundi 27 novembre, les Etats membres de l’UE ont autorisé le renouvellement de la licence du glyphosate pour cinq ans, après deux ans de discussions sur le sort de cet herbicide, dont le caractère cancérogène fait débat.
Ici: Article Huffingtonpost

Comment Monsanto a financé des scientifiques en Europe pour défendre le glyphosate
Ici (du journal Libération): Révélations

À la lumière du procès symbolique de Monsanto tenu en 2016, Marie-Monique Robin expose l’ampleur du scandale sanitaire lié au Roundup, herbicide le plus vendu au monde. Un réquisitoire accablant, paroles de victimes et d’experts à l’appui.
Reportage ici: Le Roundup face à ses juges

Roundup : les premiers lanceurs d’alerte

Pétition Contre le glyphosate Stop Glyphosate European Citizens’ Initiative