In fine, mieux vaut arnaquer que dénoncer

Petite histoire du jour : «comment le crime paie».

Prenons un exemple : vous voulez faire protéger votre maison ou votre commerce par une société privée de protection. Vous signez avec cette entreprise un contrat qui prévoit notamment l’installation de certains outils de télésurveillance, reliés à son centre de contrôle, et des visites régulières et programmées par ses équipes sur les lieux à protéger. La société vous adresse chaque mois un relevé de ses activités. Au bout de quelque temps vous vous rendez compte que les outils installés ne sont reliés à rien et que les visites sur site ne sont réalisées qu’aléatoirement, en tous les cas pas aux jours et heures attestées, quand elles ne le sont pas du tout.
Manque de pot, vous faites l’objet d’un cambriolage dans l’un de vos locaux.
Logiquement, vous vous retournez, devant les tribunaux, contre la société qui était censée assurer la surveillance, d’autant plus que votre assurance rechigne à vous indemniser estimant que l’obligation de protection prévue à son propre contrat n’a pas été respectée.
En attendant la justice, vous ne pouvez cesser toute activité et avez besoin de continuer la surveillance de vos locaux. A qui vous adressez-vous?
Et bien à la société qui vous a menti, qui n’a pas rempli ses obligations contractuelles, et que vous poursuivez en justice ! CQFD…

Dans la vraie vie, sauf troubles psychologiques profonds, ça ne devrait pas se passer ainsi.
Pour nos politiques et élus, les choses ne sont pas aussi claires !!

Le Monde nous explique dans son édition du 03 Avril : «Le sujet est derrière nous», assurait l’entourage de la maire Anne Hidalgo au début du mois de mars. La tempête soulevée par les révélations dans la presse sur la fraude au contrôle du stationnement payant dans la capitale est pourtant loin d’être retombée.
Selon les informations du Monde, il ne s’agit pas de la dérive de quelques agents de la société privée Streeteo, comme expliqué dans un premier temps. La direction de cette entreprise reconnaît qu’au moins un «manageur haut placé» était impliqué dans l’arnaque.
Par ailleurs, l’ampleur de la fraude paraît plus importante que prévue, avec «près de 5 000» amendes infligées par des agents non assermentés, selon Christophe Najdovski, adjoint aux transports à la mairie de Paris.
Début mars, le parquet de Paris avait diligenté une enquête préliminaire pour«faux, usage de faux et escroqueries» sur l’entreprise Streeteo, société privée, filiale du groupe Indigo (anciennement Vinci Park), à qui la mairie a confié le contrôle du stationnement dans quatorze arrondissements. De son côté, la municipalité vient de déposer une plainte pour les mêmes griefs. Elle ne vise pas directement la direction de l’entreprise mais une «personne non dénommée».
Alors que le dossier rebondit sur le terrain judiciaire, la mairie doit aussi faire face aux attaques de l’opposition parisienne qui surfe sur la grogne des automobilistes, grogne entretenue par les rumeurs sur l’illégalité des «prunes» qui leur seraient infligées.
Dès le début de janvier, la machine déraille. Pour remplir les quotas, le système est dévoyé à Streeteo : une partie des contrôles étaient réalisés par des agents dans les bureaux de l’entreprise et non sur le terrain».

Il se passe alors un «truc énorme» : un salarié va décider d’une part, qu’il n’a nullement été embauché pour faire des choses illégales, et va estimer d’autre part, en citoyen responsable, que le respect de la loi passe avant les ordres de sa hiérarchie… Vivement le secret des affaires !!

« Ces «contrôles en chambre» ont duré «quelques semaines», reconnaît Streeteo, jusqu’à ce que la ville fasse un premier rappel à l’ordre, puis qu’un salarié, Hamidou Sall, décide de dénoncer le système et diffuse, le 17 février, une vidéo sur YouTube. On y voit des agents qui enregistrent des listes de numéros de plaques d’immatriculation dans leurs mini ordinateurs dans des bureaux.
Chef d’équipe, M. Sall raconte au Monde qu’il avait une petite vingtaine d’agents sous son autorité. « Chacun avait une feuille A4 recto verso avec 1 000 plaques à rentrer dans sa machine, raconte-t-il. A la fin de la journée, nous étions censés avoir enregistré 20 000 plaques. Les agents devaient indiquer pour chacune d’elle un motif de non-délivrance de FPS : voiture appartenant à une personne handicapée, véhicule occupé, personne agressive ou “autres”. » Quelques semaines avant de poster cette vidéo, M. Sall avait décidé de démissionner. «Je n’avais pas postulé pour faire des choses illégales, les conditions de travail étaient malhonnêtes», confie-t-il .
Bintou Guirassy faisait partie des agents qui se retrouvaient au siège pour «taper des plaques». «On savait que c’était une arnaque et qu’on faisait quelque chose d’illégal pour remplir les quotas, mais on était convoqués au siège par nos chefs pour le faire», dit-elle »
.

On ne sait pas très bien ce que sont devenus ces salariés et ce que leur réserve l’avenir avec ce poids infamant de l’honnêteté qui pèse désormais sur leurs épaules.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. C’était sans compter sur nos élus qui nous ont réservé une suite et fin heureuse.

L’hebdomadaire Marianne nous raconte cet épilogue dans un article du 03 Avril : «Après avoir constaté des dysfonctionnements dans le nouveau contrôle du stationnement payant, la mairie de Paris annonce s’apprêter à porter plainte pour faux, usage de faux et escroquerie contre Streeteo… qui va toutefois continuer à s’occuper des PV parisiens.
Une tape sur les doigts en public… et c’est tout. Par la voix de l’adjoint chargé des Transports, Christophe Najdovski, la mairie de Paris annonce dans Le Parisien qu’elle va déposer une plainte contre la société Streeteo pour faux, usage de faux et escroquerie. En cause, les différents dysfonctionnements constatés depuis le 1er janvier, date à laquelle Streeteo a été chargé, avec une autre société, du contrôle du stationnement dans la ville de Paris via une délégation de service public. Contrôles fictifs, amendes distribuées à tort, agents non assermentés… L’entreprise va devoir « rendre des comptes » assure l’élu.
Paradoxalement, cette plainte ne va rien changer au contrat qui lie la ville et l’entreprise. « Nous nous réservons le droit de résilier ce contrat si de nouveaux problèmes surgissent », indique simplement Najdovski, ajoutant que « Streeteo a déjà pris des mesures en interne avec des mises à pied ». Lorsque le Parisien lui demande avec bon sens si le choix de cette entreprise n’est « tout simplement pas le bon », l’adjoint répond à côté : « Ces sociétés travaillent également à l’étranger. Elles ont l’habitude de ce genre de marché »
.

Au final, un grand classique. Des excuses, quelques têtes qui volent et on oublie tout… « Elles ont l’habitude de ce genre de marché » nous dit l’adjoint aux transports de la ville de Paris.
C’est une remarque ou un lapsus ?

Nous dédicaçons cette petite histoire à l’attention de tous les lanceurs d’alerte qui, pour avoir rempli leurs obligations professionnelles et/ou légales, se retrouvent marginalisés ou exclus professionnellement, totalement déclassés à titre personnel, poursuivis judiciairement et épuisés financièrement.
On vous l’a dit : l’incompétence, la magouille, la malhonnêteté paient. Au pire votre employeur magouilleur n’aura que quelques petites excuses à faire, alors choisissez bien votre camp…

MM.

En référence à l’article du journal Le Monde du 03 Avril 2018 : Arnaque aux amendes à Paris : Streeteo reconnaît «des erreurs inexcusables», ici.