Chapi Chapo, Schiappa

Dans la série « Chapi Chapo » destinée aux enfants, sont mis en scène deux petits personnages coiffés d’un grand chapeau (rouge pour Chapi la fille, bleu pour Chapo le garçon) évoluant dans un décor peuplé de cubes multicolores. Dans chacun des épisodes, ils doivent résoudre un problème auquel ils sont confrontés. L’épisode de « Chapi Chapo » dure à peu prés cinq minutes, temps maximum de concentration de notre Schiappa. Par contre, là où nos deux petits héros résolvent un problème, nous ne sommes pas convaincus que notre secrétaire d’État, elle, y parvienne. On a testé. Le monde Schiappalesque quand il s’agit de journalisme, c’est comme Chapi Chapo, en un seul épisode mais avec 6 séquences. Puis c’est la catastrophe.

Épisode 1 : Cours de journalisme

Pour commencer, le support. La Schiappa a ses références et ne parle pas à n’importe qui. Après Hanouna, c’est aujourd’hui « Télé Loisirs » l’heureux élu.

« Télé Loisirs », vous nous excuserez du peu ! C’est qu’elle se veut être proche du peuple et le comprendre! Par contre, si le support semble importer peu, elle reste toujours égale à elle-même, avec ce mélange de phrases toutes faites sans doute tirées du manuel des éléments de langage version LREM, de grosses ficelles, de fausses informations et au final d’une profonde démagogie. Et puis, il y a cette voix, qui sans l’image nous ferait penser à un chihuahua cocaïnomane.
Si « Chapi Chapo » essaient de se concentrer sur le problème du jour, Schiappa fait partie de ces pipelettes qui ont un avis sur tout, et qui plus est, ont une solution à tous les problèmes.

Donc aujourd’hui nous avons droit au cours du Professeur Schiappa sur le journalisme d’investigation, et c’est Élise Lucet et ses magazines « Envoyé Spécial » et « Cash Investigation » qui serviront de fil rouge ou plutôt de faire valoir.

Séquence 1 : la journaliste

On commence fort, avec un grand classique : Schiappa n’a rien contre la personne d’Elise Lucet en laquelle elle reconnaît une grande professionnelle. Ce n’est pas la question nous dit-on, mais elle le dira quand même ! Dans le même registre du « moi je ne suis pas raciste, mais… » nous pourrions traduire notre héroïne, ainsi et sans langue de bois: « je n’ai rien contre Élise Lucet mais elle fait quand même un boulot de m…. ».

Que reprocher à un journaliste à qui on n’a rien à reprocher en tant que journaliste ? Les voix de Schiappa sont impénétrables ! De ne faire de l’investigation que sur des sujets d’investigation mettant en évidence des risques pour la population, des dysfonctionnements graves de nos organisations, des mensonges ou promesses non tenues, des faits de corruption… C’est que la Schiappa ça ne fait pas dans la subtilité. Nous n’allons quand même pas nous poser la question de savoir si Investigation, Actualité et Divertissement ne seraient pas des champs du journalisme distincts, visant des sujets propres dans la façon de les aborder, dans les moyens à mettre en œuvre pour les traiter… C’est la « pensée » LREM à l’œuvre, binaire par excellence : il n’y aurait qu’un modèle et qu’un seul, tout le reste est à proscrire.

Dans le cas présent, nous l’aurons compris le modèle c’est Hanouna et tout ce qui s’en éloigne n’est plus du journalisme.

Séquence 2 : la téléspectatrice

Schiappa est une téléspectatrice exigeante. Ce qu’elle reproche à Elise Lucet c’est de ne pas lui donner à voir ce qu’elle veut voir, et uniquement ce qu’elle veut voir : le monde enchanté de la start-up nation où chacun est heureux de son sort et n’a pour seule finalité que de remercier Kim Jong-Schiappa pour tant de bonheur! Ce n’est plus « Chapi Chapo » mais « Bonne nuit les petits » avec Macron en marchand de sable, histoire de bien nous endormir !

Séquence 3 : le populisme

Schiappa crie au « populisme » des magazines d’Elise Lucet mais ne se gêne pas pour y aller de sa propre périphrase « populiste » : « Quand on montre sur le service public sans cesse des images de politiciens corrompus, d’hommes et de femmes politiques véreux qui détournent de l’argent, de gens haineux et magouilleurs, je crois qu’on installe dans l’esprit des gens que (les personnalités politiques) sont tous comme ça ».

Rappelons à notre Schiappa que c’est un peu le principe de base des magazines d’Elise Lucet… Schiappa ne trouve pas « populiste » le fait que Michel Drucker n’invite pas un chanteur pour parler de son addiction à la cocaïne, un cinéaste de ses démêlés avec la justice pour pédophilie, ou une personnalité pour ses placements dans les paradis fiscaux, car le principe du magazine de Drucker c’est de parler « du monde magnifique du spectacle ». Puis, dans la grande foulée qu’est sa pensée sans réflexion, à aucun moment il n’est question de savoir si la répétition d’affaires concernant des politiques, des chefs d’entreprises, des atteintes à l’environnement et à la santé… justifierait, d’un point de vue éditorial, qu’un magazine d’investigation fasse le choix d’un focus sur ces questions compte tenu de l’importance qu’elles représentent dans une société démocratique. D’un autre côté, faire des choix librement, oser la démocratie, vous savez ce qu’elle en pense Schiappa !

Séquence 4 : l’argumentation

Schiappa argumente : et là, nous avons droit à l’argument de choc. Élise Lucet vous n’êtes qu’une « populiste » car à montrer des gens se comportant ainsi et des affaires de la sorte, vous cherchez à dire qu’ils « sont tous comme ça ».

Séquence 5 : le décrochage.

Et c’est à ce moment là que tout devient trop compliqué pour Schiappa. Étant donné que cette tribune a déjà dépassé les 20 lignes, nous pensons que si elle venait à nous lire, très certainement elle aurait décroché depuis longtemps. Soyons honnêtes et ne lui faisons pas un procès sur cette question car elle n’est pas la seule à s’enfermer dans ce type de biais sociologique. Bien évidemment, tous les politiques ne sont pas véreux et corrompus. On peut même dire sans se tromper que la grande majorité d’entre eux ne l’est pas. De même, tous les banquiers ne sont pas corrompus et véreux, on peut même dire que la très grande majorité d’entre eux ne l’est pas. Dans le même ordre d’idée, on peut même affirmer, n’en déplaise à Schiappa, que la très grande majorité des gilets jaunes ne sont pas des casseurs.

Est-ce que de telles affirmations servent à quelque chose et surtout que compare-t-on ? Quelques cas d’individus corrompus avec une masse d’individus ayant la même profession ou le même état. Une fois de plus, comparaison n’est pas raison. Car tous les individus en question sont-ils égaux face à la corruption ? Tous les politiciens ou tous les banquiers sont-ils dans la même situation pour pouvoir réaliser des actes de corruption ? Bien évidemment que non. L’employé à la saisie d’opérations dans une banque ne dispose pas des mêmes pouvoirs, des mêmes outils, du même niveau de contrôle… qu’un directeur d’agence ou qu’un directeur général. Sont-ils égaux face à la corruption ? Sont-ils égaux face à leurs capacités d’agir d’une façon corrompue ? Bien évidemment que non. Tous les hommes politiques ne sont pas corrompus mais comme par hasard se sont toujours les mêmes qui le sont, ceux qui sont dans les états majors des partis, des groupes parlementaires, des grandes métropoles et/ou à des postes clés. Ce n’est quand même pas un hasard si à ces positions on retrouve depuis des décennies les mêmes personnes, et si les actes de corruption ou de fraudes sont toujours le fait des mêmes profils, qu’on retrouve très rarement chez un maire d’un village de 200 personnes aux fins fond d’une vallée alpine. Il faut donc éviter ce biais et se rappeler que l’on ne peut comparer qu’entre personnes en situation comparable face à une action.

Si tous les politiciens ne sont pas corrompus, combien sont-ils dans les positions où l’exercice de la corruption est rendue possible ? Cela est la seule question qui vaille.
Y répondre précisément nous ferait sans doute peur.

Séquence 6 : la leçon

Si Schiappa pouvait comprendre, elle saurait donc que le boulot d’une journaliste d’investigation comme Élise Lucet est justement de mettre à jour les affaires de ceux qui, en pourvoir de faire, font. Il n’y a rien de «populiste» ici; il n’est question que de professionnalisme. Et là, Schiappa vient d’apprendre un nouveau mot !

Si dans le monde rêvé de Schiappa, Elise Lucet et le journalisme d’investigation sont à coté de la plaque, que dire des lanceurs d’alerte? Doivent-ils prendre pour modèle tous les « Oui-Oui » qui l’entourent, fuyant leurs responsabilités et obligations (article 40) au premier constat d’un délit? Dans le monde Schiappalesque, aucun d’entre eux n’aurait sa place. Circulez, on veut du beau, peu importe que ce soit vrai ou faux.

MM.

Dans la série « c’est quand même bien foutu »

Certains des lanceurs d’alerte fondateurs de MetaMorphosis se sont vus intimer un jour qu’il fallait choisir leur camp.
Que dans nos relations privées ou intimes nous choisissons notre camp, même si la formule peut paraître cavalière, elle ne semble pas aberrante. Les affinités, le partage de valeurs, modes de vie ou idées nous conduisent nécessairement à privilégier certaines relations à d’autres.
Dans l’exercice d’une profession, d’autant plus fortement réglementée, on ne voit pas très bien ce que des « camps » viennent y faire. Il n’y a, nous semble-t-il, qu’un seul camp, celui des réglementations et lois en vigueur, de l’exercice de son métier selon les règles et usages qui l’encadrent.
Bizarrement, la justice apparaît de plus en plus sensible à une telle argumentation et prendre des décisions en fonction des actions de chacun par rapport au positionnement de l’accusé ou de la victime dans le modèle dominant. Nous l’avions déjà évoqué sur ce site, le corps judiciaire n’est qu’un corps social parmi d’autres, qui a une fâcheuse tendance à se conformer et à reproduire le discours dominant.

Deux exemples dans l’actualité du jour.

➡️ Capital le 18/08/2018: «Promotion du livre de Marlène Schiappa aux frais de l’État: la CNIL passe l’éponge», ici .

Bel exemple de notre «c’est bien foutu quand même».
Le journal nous rappelle que «Le «détournement de finalité de fichier» est passible de cinq ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende».

A part certains ayatollahs macronistes, tout le monde conviendra que Schiappa est à la fois insupportable, inutile et dangereuse. Nous avons quand même à faire à quelqu’un qui ne doit pas disposer de toutes ses facultés mentales pour avoir vu un jour en Brigitte Macron la nouvelle Simone de Beauvoir (sic).

Nous vous rassurons, Schiappa a choisi le bon camp : elle bénéficie, grâce à la grande mansuétude de la CNIL, du «droit à l’erreur». Après Lagarde qui bat tous les records, avec une petite erreur condamnable à 300.000 euros c’est déjà un beau résultat pour Schiappa…
Mais soyez rassurés, le « droit à l’erreur » ne s’applique pas à tous. Et certaines erreurs, malgré votre bonne foi, on ne peut vous les pardonner…

➡️ The Guardian du 18/08/2018 «Former UBS trader Kweku Adoboli vows to fight deportation», ici.
On ne reviendra pas sur l’histoire de ce trader d’UBS qui rappelle un peu le cas de Kerviel en France, puisqu’il reconnaît ses responsabilités mais insiste que ses actes n’ont pu être commis qu’avec l’accord ne serait-ce que tacite de son employeur.
Comme dans le cas de la Société Générale, Adoboli a été le seul à payer, lourdement.
Mais quand c’est fini, ça n’est jamais vraiment terminé… Il faut qu’il paye et jusqu’au bout! vive la double peine! Après la condamnation judiciaire, le bannissement, les autorités britanniques envisagent de l’expulser dans son pays de naissance, le Ghana, avec tous les risques que cela peut représenter pour lui…

Résultat des courses:
Si tu as bien choisi ton camp, les cinq ans de prison potentiels se transforment en un «droit à l’erreur», dit autrement «nada»…le camp des plus « forts » serait visiblement celui empreint de la « bonne foi » validant rapidement et sans appel la non poursuite de l’affaire.
Si tu n’as pas choisi le bon camp, tu fais ta peine… Ta bonne foi? toujours remise en question. Quoi qu’il en soit on te le fera payer, tant qu’on peut, et plus encore!

Il suffit de le savoir.

MM.

Pour mémoire, ici dans la série du « c’est quand même bien foutu », tribune n°1

On a eu chaud…

On a eu chaud… sans jeu de mots !

➡️ Toute la presse s’en est fait l’écho cette semaine : l’humanité a consommé, depuis le 1er août, l’ensemble des ressources que la nature pouvait lui offrir en 2018. Elle vivra donc «à crédit» pendant cinq mois.
Cette date, appelée «le jour du dépassement», survient de plus en plus tôt. Chaque année, la date est en effet de plus en plus précoce. Ce 1er août 2018 marque le jour du dépassement. En 2017, il avait eu lieu le 3 août.
Cette journée symbolique signifie que l’humanité a déjà consommé l’ensemble des ressources que la nature pouvait renouveler en un an.
Le 1er août est «la date à laquelle nous aurons utilisé plus d’arbres, d’eau, de sols fertiles et de poissons que ce que la Terre peut nous fournir en un an pour nous alimenter, nous loger et nous déplacer et émis plus de carbone que les océans et les forêts peuvent absorber», résume Valérie Gramond de WWF, partenaire du Global Footprint Network. «Il nous faudrait aujourd’hui l’équivalent de 1,7 Terre pour subvenir à nos besoins», souligne WWF dans un communiqué.
Cette date est la plus précoce jamais enregistrée depuis le lancement du «jour du dépassement» au début des années 1970, où la date retenue était celle du 29 décembre. Le mouvement «s’est accéléré à cause de la surconsommation et du gaspillage, explique Valérie Gramond, qui rappelle que dans le monde, environ un tiers des aliments finissent à la poubelle. On met à mal la capacité de la planète à se régénérer», en puisant par exemple dans les stocks de poissons, ajoute-t-elle.

En ce qui concerne la France, le chiffre obtenu est de 2,9. Cela signifie qu’en 2018, si toute l’humanité consommait comme les Français, elle aurait exploité l’équivalent des capacités de régénération de 2,9 Terres et le jour du dépassement tomberait alors le 5 mai. «La France entre en déficit écologique chaque année trop tôt depuis des décennies, creusant ainsi sa dette écologique et empruntant aux autres pays leurs ressources naturelles. Les conséquences d’un tel endettement conduisent notamment à la déforestation, à la chute des stocks de poissons, aux sécheresses, au manque d’eau, à l’érosion des sols, à la perte de biodiversité et au changement climatique», note ainsi WWF.

On a eu chaud, car à la lecture de ce constat, on s’est tous dit immédiatement que notre gouvernement et son ministre de l’écologie ne pouvaient rester inactifs. Et on a eu raison. Nicolas Hulot a fait une vidéo, postée sur Twitter, une de ces vidéos qui changent un destin…

On ne s’attardera pas sur la fabuleuse mise en scène digne des super productions hollywoodiennes, Nicolas regardant sa montre (!) pour s’attacher au discours, parce qu’effectivement ce que nous propose notre ministre de l’écologie face à cette situation, c’est de parler.
Attention, il ne dit pas des choses inintéressantes, sur le format «y’a qu’à» «faut qu’on»: Nicolas Hulot a raison de rappeler que nous avons basculé dans une «nouvelle ère climatique», que les fléaux inédits s’enchaînent: feux de forêt en Suède, canicule au Japon, «record absolu vendredi à Lille, avec 38,6° C».

Il fait bien d’avertir que «tout cela risque d’être une sinistre bande-annonce d’un film catastrophe que nous ­regardons en spectateurs informés».
Le ministre de la Transition écologique appelle à l’engagement de chacun. Ce qui revient, pour vous et nous, à éviter l’avion, ne pas gaspiller la nourriture, manger moins de viande, s’abstenir de se jeter sur le dernier smartphone…

C’est vrai et c’est important. Et puis ?
Et puis, on aimerait rappeler à notre Ministre de l’Écologie que c’est quand même facile, très infantilisant et un peu grossier de se défausser ainsi sur la bonne volonté des individus et des entreprises. Cela ne suffira pas à enrayer cette funeste glissade vers l’effondrement imminent de notre civilisation, redouté par un certain Édouard Philippe.
Parce que Nicolas Hulot pointe à juste titre la responsabilité de notre modèle de développement dans le chaos climatique et l’érosion de la biodiversité. Mais «en même temps», le gouvernement dont il dit être solidaire ne prend pas de mesures courageuses pour radicalement changer de système, sortir de cet ultra-productivisme. Il se contente de «mesurettes cosmétiques». Pire, il multiplie les incohérences voire les régressions.
Selon des projections officielles, la France dépassera jusqu’en 2023 le plafond d’émissions de gaz à effet de serre qu’elle s’est fixé, entre autres à cause du retard dans la rénovation thermique des logements.
Hulot qui s’était ému de la chute de la population des oiseaux des champs, pourrait autoriser le piégeage de 370 000 alouettes (3,5 fois plus qu’en 2017), s’inquiète aussi la Ligue de protection des oiseaux. La cohérence chez Hulot, ça n’est pas son truc!

L’ONG s’insurge aussi du refus par Paris de la proposition de Bruxelles de suspendre la chasse à la tourterelle des bois, autre espèce menacée qui a perdu 80% de sa population en trente ans. Et l’on pourrait parler des décisions du Ministre sur l’importation massive d’huile de palme, sur le projet guyanais de la «Montagne d’or»… et bien d’autres encore.

Nicolas parle, beaucoup, souvent, mais Hulot ne fait rien ! Pour ce gouvernement et son Ministre, le «jour du dépassement» se fête le jour de l’an…

➡️ Ce gouvernement est quand même plein de beaux parleurs. La Secrétaire d’État, Marlène Schiappa en est aussi un bon exemple.
Nous avons conscience que c’est tout à fait subjectif, mais si on arrive encore à supporter Hulot, pour sa collègue de Conseil des ministres, c’est beaucoup plus difficile. Surtout que quelques actualités récentes lui permettent de s’adonner à son activité préférée, se reprendre sur les réseaux sociaux, en inconsistance, vérités déformées et mauvaise foi. N’entrons pas dans son jeu et jetons un coup d’œil à la loi qu’elle répète partout être si fière «de porter».
Le JDD s’est fendu hier d’un article (ici) résumant la situation, au titre évocateur : «Loi contre les violences sexistes et sexuelles : les associations dénoncent un machine-arrière toute».

Quelques perles : «C’est un texte qui fait l’unanimité chez les associations de droit de la femme et de l’enfant, mais contre lui. Le projet de loi « renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes » porté par Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat de l’égalité entre les femmes et les hommes, devrait être définitivement adopté mercredi soir. Après des mois de discussion, les associations de défense des droits des femmes et de l’enfant dénoncent un texte vidé de son contenu voire dangereux pour les victimes».
«Pour la psychiatre Muriel Salmona, spécialiste du sujet, le projet de loi met en danger les enfants. Dans un billet de blog publié le 29 juillet, elle écrit : en France pénétrer sexuellement un enfant n’est pas forcément un crime, et ce sera toujours le cas avec cette nouvelle loi».

Comme toujours, tout n’est pas à jeter avec l’eau du bain. Des dispositions sont sûrement les bienvenues comme l’allongement du délai de prescription ou la pénalisation des harcèlements de rue dont on attendra néanmoins de voir à l’usage la réelle efficacité.
De la loi, nous souhaitons surtout insister sur un point qui nous semble être d’une telle importance qu’il ternira pour toujours l’entièreté du texte. «Contrairement à ce qui avait été annoncé, il faudra toujours démontrer que l’enfant n’a pas été consentant à des actes de pénétration sexuelle. Pour un adulte, le fait d’avoir des relations sexuelles avec un mineur de moins de 15 ans, sans avoir démontré l’absence de consentement est jugé en délit d’atteinte sexuelle donc moins sévèrement qu’un viol où l’on a pu démontrer l’usage de la violence, la menace, la contrainte ou la surprise. Dans la nouvelle loi, « lorsque les faits sont commis sur un mineur de moins de 15 ans », la « contrainte morale » ou la « surprise » peuvent être caractérisée « par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes » ou par « la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur ».

«Pour Michèle Creoff, vice-présidente du Conseil national de protection de l’enfance, cette absence de seuil clair engendrera une « cacophonie judiciaire » où le consentement sera à la libre appréciation du juge. « On nous présente ce texte comme une grande avancée mais on se retrouve quand même à questionner le consentement d’un enfant. Pour les policiers aussi, c’est quand même une épreuve de devoir faire ça».

Au final, il reviendra à l’enfant mineur de prouver qu’il n’était pas consentant. Nous souhaitons bien du plaisir aux victimes mais également à tous les intervenants dans ce type d’affaire, médecins, psychologues, avocats, policiers, juges…

➡️ Au-delà du reniement des engagements pris par le Président, son gouvernement et sa Secrétaire d’état, de l’incompréhension de la défense d’une telle disposition, on devra un jour s’interroger sur les motivations réelles, non dites et l’intervention éventuelle de personnalités qui pouvaient se sentir gêner à l’inscription dans la loi d’un âge précis…
Ces interrogations posées, ce texte, sur un sujet très différent, nous semble révélateur d’une nouvelle approche de la justice par le pseudo «nouveau monde».
Trois exemples : d’abord, celui dont on vient de parler, qui impose à la victime d’un acte extrêmement grave (un viol supposé), victime en situation de vulnérabilité compte tenu de son âge, de démontrer son non-consentement. D’autres pays européens ont légiféré récemment sur ces questions et ont tous pris la mesure de la nécessité d’imposer à l’accusé de démontrer sa bonne foi ce qui semble être un principe de bon sens.

Ensuite, la loi «secret des affaires» qui procède de la même façon : ce texte pose en effet qu’il reviendra au lanceur d’alerte, au journaliste… de prouver qu’il a rendu public des informations dans l’intérêt général.
MetaMorphosis avait souligné en son temps que l’on inversait ainsi une règle de droit qui veut qu’il revient à celui qui s’estime diffamé, mis en danger… de démontrer qu’il l’est réellement.
Enfin, le cas, très bientôt voté, de «droit à l’erreur» pour les entreprises, qu’elles pourront invoquer dans certaines conditions pour ne pas être l’objet de poursuites malgré des manquements caractérisés aux lois et textes en vigueur.

Tout ceci procède du même exercice: chercher à décriminaliser ou dépénaliser des manquements à la loi ou des abus graves.
Nous vous rassurons, ça ne concerne pas tout le monde. Si vous volez, même une première fois, un paquet de pâtes à 1 euro au supermarché, vous ne pourrez pas invoquer le «droit à l’erreur» (encore moins le «droit de manger»), et ne pourrez demander au vendeur qu’il démontre que ce n’est pas lui qui l’a mis sous votre manteau !
Dans deux des trois cas cités précédemment, nous voyons tout de suite que le bénéficiaire de ce type de disposition est l’entreprise et derrière elle, ceux qui la détiennent.
Pour le texte «porté» par Schiappa, posons-nous les bonnes questions…avant que les dégâts ne soient considérables.

MM.