Lanceurs, on a les moyens de vous faire taire !

Nous en parlions ici même, il y a quelques jours, à propos de la Tribune de Maître Fedida: la Directive européenne de protection des lanceurs d’alerte sera retranscrite en droit français. Mais à quelle sauce ? Après quels renoncements ou altérations ? En un mot, à quel prix pour les lanceurs ?

Comme nous l’indiquions, Maître Fedida a lancé les grandes manœuvres, lui sur le registre de l’inutilité d’une telle Directive, le monde économique et politique n’étant mû que par la bienveillance et la recherche de l’intérêt général, ce qui fait des lanceurs des parasites inutiles motivés par des sentiments de délation et de paranoïa . En théorie.
En pratique, une autre manœuvre est en cours, celle du Ministre de la justice Dupond-Moretti qui n’enlève rien à sa profonde détestation des lanceurs/ délateurs.


Un peu à l’image de ce qui avait été fait avec la loi Secret des Affaires pour contrebalancer la loi Sapin2, il s’agit ici de se dire que la directive européenne sera plus ou moins retranscrite dans ses termes initiaux et qu’alors la meilleure façon de s’y opposer est de poser des garde-fous au travers de nouveaux textes venant limiter la portée de la Directive et/ou compliquant le travail des magistrats instructeurs.
C’est tout l’esprit du projet « Legal Privilege » défendu par Macron et le garde des Sceaux, qui vise à la création d’un avocat en entreprise qui pourrait se prévaloir auprès des autorités policières et judiciaires du secret professionnel des avocats.

Comme l’explique Mediapart dans l’article ci-dessus, une telle mesure empêcherait aux enquêteurs l’accès à d’importants documents dans les enquêtes qu’ils mènent…
Certes des garde-fous existent avec la possibilité de saisir le juge des Libertés et de la Détention pour obtenir lesdits documents, certes on nous explique qu’un tel dispositif existe dans d’autre pays mais en oubliant de rappeler que les prérogatives ne sont pas forcément les mêmes et que de tels dispositifs s’inscrivent essentiellement dans les pays soumis au droit anglo-saxon.

S’il n’est pas inutile d’indiquer que la majorité des avocats , de même que les principaux services judiciaires comme le Parquet National Financier ou encore le Parquet Anticorruption en charge d’enquêtes, sont contre un tel projet, nous voyons bien l’objectif visé: ralentir quand ce n’est pas décourager les magistrats enquêteurs. Comme l’indique l’un d’entre eux dans l’article de Mediapart, lors de perquisition, ils saisissent le maximum de documents pour en faire une étude postérieure, étude permettant bien souvent d’initier d’autres pistes de recherche.

En plaçant sous le secret professionnel un certain nombre d’études, d’avis et documents juridiques réalisés par l’avocat d’entreprise, ces éléments devenant ainsi insaisissables, c’est toute la rapidité et la profondeur des enquêtes qui sont atteintes.


Un tel dispositif, s’il venait à être voté par le Parlement, aurait bien évidemment un impact notable sur les lanceurs d’alerte. Nous pensons notamment à ceux des métiers de la finance et de la banque où les alertes réalisées reposent dans la plupart des cas sur les avis juridiques des services internes; si ces documents devenaient inaccessibles pour les juges instructeurs, la parole du lanceur s’en trouverait fortement amenuisée, les affaires de corruption, de blanchiment étant bien souvent réalisées aux travers de mécanismes juridiques et financiers conçus, mis en œuvre et validés par les services juridiques des entreprises. En leur sein, l’existence d’un avocat bénéficiant du secret professionnel rendrait la tâche des lanceurs d’alerte (qui seraient donc systématiquement accusés du viol du secret professionnel ) plus compliquée, celle des services d’enquête dans le meilleur des cas ralentie si ce n’est pas entravée. Par conséquent, la directive de protection des lanceurs d’alerte dont l’esprit principal est l’universalité des domaines et canaux d’alerte serait de-facto fortement impactée.


Après la théorie Fedida, voilà la technique Dupond-Moretti. Leur combat est le même: faire taire les lanceurs. Sinon, les contrecarrer en mettant en œuvre des dispositifs pour que, Directive européenne ou non, entreprises et politiques puissent continuer leurs affaires sous le sceau du secret. Les lanceurs, eux, prêcheront un peu plus dans le désert.


Enfin, nous noterons le Timing : Dupond-Moretti fait le forcing auprès du Parlement pour que le texte sur le « Legal Privilege » soit présenté d’ici fin mars avec un vote dans les mois qui suivent… alors que la Directive européenne de protection des lanceurs doit être retranscrite dans le droit français… au plus tard au 31/12/2021.

Affaire à suivre…

MM.

Protection des lanceurs d’alerte, « l’ hypocrisie française »

À priori le projet protecteur des lanceurs d’alerte imaginé par le Parlement Européen a peu de chance de voir le jour en tous les cas pour l’une de ses dispositions novatrices, le choix du canal d’alerte laissé à la discrétion du lanceur d’alerte.


🔴 Le blocage

Comme déjà évoqué, deux États entre autres, France et Allemagne s’y opposent, voulant imposer un modèle semblable à la loi Sapin2 c’est à dire une alerte préalable en interne.


🔴 « l’hypocrisie française ».

Dans une interview donnée ce jour, Virginie Rozière Députée européenne, confirme l’opposition de Macron à une extension du champ de protection des lanceurs, fustigeant «l’hypocrisie française».

Nous espérons – de cette « hypocrisie » -, que la Députée ne la découvre pas aujourd’hui…


🔴 « L’ hypocrisie » par le choix

A MetaMorphosis depuis le début, nous doutions sur la capacité du Parlement de mener à terme son projet. Rien d’étonnant en effet : on ne peut pas « en même temps » retranscrire dans le droit français la directive Secret des Affaires d’une façon très stricte allant même au-delà du texte d’origine et, accepter un dispositif plus large de protection des lanceurs d’alerte.

Il y a de fait une incompatibilité entre ces deux dispositions, l’une posant le secret comme principe, l’autre la transparence.

Il faut bien faire un choix , et celui de Macron et de la France a été fait depuis un certain temps… avec le « secret des affaires »

De façon plus générale, il n’est pas difficile de comprendre que le texte proposé par le Parlement Européen va à l’encontre même de la culture politique de Macron.


🔴 « L’ hypocrisie » par l’exemple

Par leurs actions, les lanceurs conduisent d’une part à l’expression d’une plus grande transparence au sein des organisations. On ne peut pas dire que la transparence soit le fort de ce gouvernement et de cette majorité où l’on voit fleurir toutes les semaines mélange des genres et soupçons de conflits d’intérêt. On ne peut pas dire non plus, que la transparence soit une notion qui compte pour Macron quand on le voit à l’œuvre dans la gestion de l’affaire d’État Benalla où il aura passé son temps à couvrir les infractions et délits commis par son collaborateur.

D’autre part, par leur action, les lanceurs d’alerte mettent à jour des dysfonctionnements qui devraient normalement conduire l’organisation et ses dirigeants à remettre en cause leur fonctionnement et leur décision. Or, nous le voyons bien à la fois dans son approche du monde de l’entreprise et dans l’incarnation monarchique de sa fonction, que Macron est incapable de toute remise en cause considérant les entreprises comme un monde quasi parfait et les dirigeants, ces fameux premiers de cordée, comme infaillibles. Dans sa culture celui qui est en haut de l’échelle (sans regarder comment il a pu y arriver) a nécessairement raison et représente les valeurs de probité et de rationalité dont la théorie économique qu’il défend prétend représenter les agents.

Tout le monde le sait, en théorie tout va bien..

Il n’est pas étonnant dans ces conditions, – sa vision étant malheureusement largement partagée au-delà de son camp -, que seule la hiérarchie demeure en mesure de répondre efficacement aux alertes; il faut juste comprendre que notre Président parle de l’efficacité pour l’entreprise et non de celle pour la société.

Dans cette position nous sommes au cœur de sa politique: les intérêts privés des premiers de cordée doivent dicter l’intérêt général.

MM.

On a eu chaud…

On a eu chaud… sans jeu de mots !

➡️ Toute la presse s’en est fait l’écho cette semaine : l’humanité a consommé, depuis le 1er août, l’ensemble des ressources que la nature pouvait lui offrir en 2018. Elle vivra donc «à crédit» pendant cinq mois.
Cette date, appelée «le jour du dépassement», survient de plus en plus tôt. Chaque année, la date est en effet de plus en plus précoce. Ce 1er août 2018 marque le jour du dépassement. En 2017, il avait eu lieu le 3 août.
Cette journée symbolique signifie que l’humanité a déjà consommé l’ensemble des ressources que la nature pouvait renouveler en un an.
Le 1er août est «la date à laquelle nous aurons utilisé plus d’arbres, d’eau, de sols fertiles et de poissons que ce que la Terre peut nous fournir en un an pour nous alimenter, nous loger et nous déplacer et émis plus de carbone que les océans et les forêts peuvent absorber», résume Valérie Gramond de WWF, partenaire du Global Footprint Network. «Il nous faudrait aujourd’hui l’équivalent de 1,7 Terre pour subvenir à nos besoins», souligne WWF dans un communiqué.
Cette date est la plus précoce jamais enregistrée depuis le lancement du «jour du dépassement» au début des années 1970, où la date retenue était celle du 29 décembre. Le mouvement «s’est accéléré à cause de la surconsommation et du gaspillage, explique Valérie Gramond, qui rappelle que dans le monde, environ un tiers des aliments finissent à la poubelle. On met à mal la capacité de la planète à se régénérer», en puisant par exemple dans les stocks de poissons, ajoute-t-elle.

En ce qui concerne la France, le chiffre obtenu est de 2,9. Cela signifie qu’en 2018, si toute l’humanité consommait comme les Français, elle aurait exploité l’équivalent des capacités de régénération de 2,9 Terres et le jour du dépassement tomberait alors le 5 mai. «La France entre en déficit écologique chaque année trop tôt depuis des décennies, creusant ainsi sa dette écologique et empruntant aux autres pays leurs ressources naturelles. Les conséquences d’un tel endettement conduisent notamment à la déforestation, à la chute des stocks de poissons, aux sécheresses, au manque d’eau, à l’érosion des sols, à la perte de biodiversité et au changement climatique», note ainsi WWF.

On a eu chaud, car à la lecture de ce constat, on s’est tous dit immédiatement que notre gouvernement et son ministre de l’écologie ne pouvaient rester inactifs. Et on a eu raison. Nicolas Hulot a fait une vidéo, postée sur Twitter, une de ces vidéos qui changent un destin…

On ne s’attardera pas sur la fabuleuse mise en scène digne des super productions hollywoodiennes, Nicolas regardant sa montre (!) pour s’attacher au discours, parce qu’effectivement ce que nous propose notre ministre de l’écologie face à cette situation, c’est de parler.
Attention, il ne dit pas des choses inintéressantes, sur le format «y’a qu’à» «faut qu’on»: Nicolas Hulot a raison de rappeler que nous avons basculé dans une «nouvelle ère climatique», que les fléaux inédits s’enchaînent: feux de forêt en Suède, canicule au Japon, «record absolu vendredi à Lille, avec 38,6° C».

Il fait bien d’avertir que «tout cela risque d’être une sinistre bande-annonce d’un film catastrophe que nous ­regardons en spectateurs informés».
Le ministre de la Transition écologique appelle à l’engagement de chacun. Ce qui revient, pour vous et nous, à éviter l’avion, ne pas gaspiller la nourriture, manger moins de viande, s’abstenir de se jeter sur le dernier smartphone…

C’est vrai et c’est important. Et puis ?
Et puis, on aimerait rappeler à notre Ministre de l’Écologie que c’est quand même facile, très infantilisant et un peu grossier de se défausser ainsi sur la bonne volonté des individus et des entreprises. Cela ne suffira pas à enrayer cette funeste glissade vers l’effondrement imminent de notre civilisation, redouté par un certain Édouard Philippe.
Parce que Nicolas Hulot pointe à juste titre la responsabilité de notre modèle de développement dans le chaos climatique et l’érosion de la biodiversité. Mais «en même temps», le gouvernement dont il dit être solidaire ne prend pas de mesures courageuses pour radicalement changer de système, sortir de cet ultra-productivisme. Il se contente de «mesurettes cosmétiques». Pire, il multiplie les incohérences voire les régressions.
Selon des projections officielles, la France dépassera jusqu’en 2023 le plafond d’émissions de gaz à effet de serre qu’elle s’est fixé, entre autres à cause du retard dans la rénovation thermique des logements.
Hulot qui s’était ému de la chute de la population des oiseaux des champs, pourrait autoriser le piégeage de 370 000 alouettes (3,5 fois plus qu’en 2017), s’inquiète aussi la Ligue de protection des oiseaux. La cohérence chez Hulot, ça n’est pas son truc!

L’ONG s’insurge aussi du refus par Paris de la proposition de Bruxelles de suspendre la chasse à la tourterelle des bois, autre espèce menacée qui a perdu 80% de sa population en trente ans. Et l’on pourrait parler des décisions du Ministre sur l’importation massive d’huile de palme, sur le projet guyanais de la «Montagne d’or»… et bien d’autres encore.

Nicolas parle, beaucoup, souvent, mais Hulot ne fait rien ! Pour ce gouvernement et son Ministre, le «jour du dépassement» se fête le jour de l’an…

➡️ Ce gouvernement est quand même plein de beaux parleurs. La Secrétaire d’État, Marlène Schiappa en est aussi un bon exemple.
Nous avons conscience que c’est tout à fait subjectif, mais si on arrive encore à supporter Hulot, pour sa collègue de Conseil des ministres, c’est beaucoup plus difficile. Surtout que quelques actualités récentes lui permettent de s’adonner à son activité préférée, se reprendre sur les réseaux sociaux, en inconsistance, vérités déformées et mauvaise foi. N’entrons pas dans son jeu et jetons un coup d’œil à la loi qu’elle répète partout être si fière «de porter».
Le JDD s’est fendu hier d’un article (ici) résumant la situation, au titre évocateur : «Loi contre les violences sexistes et sexuelles : les associations dénoncent un machine-arrière toute».

Quelques perles : «C’est un texte qui fait l’unanimité chez les associations de droit de la femme et de l’enfant, mais contre lui. Le projet de loi « renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes » porté par Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat de l’égalité entre les femmes et les hommes, devrait être définitivement adopté mercredi soir. Après des mois de discussion, les associations de défense des droits des femmes et de l’enfant dénoncent un texte vidé de son contenu voire dangereux pour les victimes».
«Pour la psychiatre Muriel Salmona, spécialiste du sujet, le projet de loi met en danger les enfants. Dans un billet de blog publié le 29 juillet, elle écrit : en France pénétrer sexuellement un enfant n’est pas forcément un crime, et ce sera toujours le cas avec cette nouvelle loi».

Comme toujours, tout n’est pas à jeter avec l’eau du bain. Des dispositions sont sûrement les bienvenues comme l’allongement du délai de prescription ou la pénalisation des harcèlements de rue dont on attendra néanmoins de voir à l’usage la réelle efficacité.
De la loi, nous souhaitons surtout insister sur un point qui nous semble être d’une telle importance qu’il ternira pour toujours l’entièreté du texte. «Contrairement à ce qui avait été annoncé, il faudra toujours démontrer que l’enfant n’a pas été consentant à des actes de pénétration sexuelle. Pour un adulte, le fait d’avoir des relations sexuelles avec un mineur de moins de 15 ans, sans avoir démontré l’absence de consentement est jugé en délit d’atteinte sexuelle donc moins sévèrement qu’un viol où l’on a pu démontrer l’usage de la violence, la menace, la contrainte ou la surprise. Dans la nouvelle loi, « lorsque les faits sont commis sur un mineur de moins de 15 ans », la « contrainte morale » ou la « surprise » peuvent être caractérisée « par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes » ou par « la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur ».

«Pour Michèle Creoff, vice-présidente du Conseil national de protection de l’enfance, cette absence de seuil clair engendrera une « cacophonie judiciaire » où le consentement sera à la libre appréciation du juge. « On nous présente ce texte comme une grande avancée mais on se retrouve quand même à questionner le consentement d’un enfant. Pour les policiers aussi, c’est quand même une épreuve de devoir faire ça».

Au final, il reviendra à l’enfant mineur de prouver qu’il n’était pas consentant. Nous souhaitons bien du plaisir aux victimes mais également à tous les intervenants dans ce type d’affaire, médecins, psychologues, avocats, policiers, juges…

➡️ Au-delà du reniement des engagements pris par le Président, son gouvernement et sa Secrétaire d’état, de l’incompréhension de la défense d’une telle disposition, on devra un jour s’interroger sur les motivations réelles, non dites et l’intervention éventuelle de personnalités qui pouvaient se sentir gêner à l’inscription dans la loi d’un âge précis…
Ces interrogations posées, ce texte, sur un sujet très différent, nous semble révélateur d’une nouvelle approche de la justice par le pseudo «nouveau monde».
Trois exemples : d’abord, celui dont on vient de parler, qui impose à la victime d’un acte extrêmement grave (un viol supposé), victime en situation de vulnérabilité compte tenu de son âge, de démontrer son non-consentement. D’autres pays européens ont légiféré récemment sur ces questions et ont tous pris la mesure de la nécessité d’imposer à l’accusé de démontrer sa bonne foi ce qui semble être un principe de bon sens.

Ensuite, la loi «secret des affaires» qui procède de la même façon : ce texte pose en effet qu’il reviendra au lanceur d’alerte, au journaliste… de prouver qu’il a rendu public des informations dans l’intérêt général.
MetaMorphosis avait souligné en son temps que l’on inversait ainsi une règle de droit qui veut qu’il revient à celui qui s’estime diffamé, mis en danger… de démontrer qu’il l’est réellement.
Enfin, le cas, très bientôt voté, de «droit à l’erreur» pour les entreprises, qu’elles pourront invoquer dans certaines conditions pour ne pas être l’objet de poursuites malgré des manquements caractérisés aux lois et textes en vigueur.

Tout ceci procède du même exercice: chercher à décriminaliser ou dépénaliser des manquements à la loi ou des abus graves.
Nous vous rassurons, ça ne concerne pas tout le monde. Si vous volez, même une première fois, un paquet de pâtes à 1 euro au supermarché, vous ne pourrez pas invoquer le «droit à l’erreur» (encore moins le «droit de manger»), et ne pourrez demander au vendeur qu’il démontre que ce n’est pas lui qui l’a mis sous votre manteau !
Dans deux des trois cas cités précédemment, nous voyons tout de suite que le bénéficiaire de ce type de disposition est l’entreprise et derrière elle, ceux qui la détiennent.
Pour le texte «porté» par Schiappa, posons-nous les bonnes questions…avant que les dégâts ne soient considérables.

MM.

Liberté d’informer: à quoi servent les lois ?

MetaMorphosis a extrait du débat sur « la liberté d’informer en danger » du journal Le Média (dont vous trouverez l’intégralité ici), les réflexions de Jean-Baptiste Rivoire, qui, sur la base de ses expériences à Canal+, avec le CSA et du vécu de ses confrères, nous fait part de son analyse sur la liberté de la presse, l’utilité des garde-fous, des lois existantes et celles à venir.

Si malgré les lois il ne se passe rien, si le cas Canal+ semble être perçu par beaucoup comme étant un cas isolé, ne serait-ce pas là, ici, une erreur fondamentale de le penser ?

Si le fait d’aboutir à « Rien » est le fin mot de l’histoire, entre méthodes de dissuasion, pressions exercées, liberté d’informer bafouée, ce « rien » est déjà quelque chose… sans doute les prémices d’un droit à l’information et d’une démocratie déjà en danger.

MM.

Les humoristes engagés au « service du public »

Cash Investigation est revenu mardi 22 mai sur le financement libyen présumé de la campagne de Sarkozy, en diffusant l’enquête de Nicolas Vescovacci, journaliste et réalisateur, co-auteur en son temps du reportage sur la banque Pasche/CIC-Crédit Mutuel à Monaco (s’attirant à cette occasion les foudres d’un « Bolloré tout puissant », pour reprendre le titre de son livre co-écrit avec Jean-Pierre Canet).

L’entrée en matière dudit reportage ne manque pas de piquant.

Le 10 décembre 2017, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre la corruption, Fabrice Rizzoli (Président de l’association Crim’Halt comme alternative) en partenariat avec des associations/militants (dont Anticor, Deputy Watch, Voltuan, et MetaMorphosis) avait organisé « l’opération Guéant rends l’appartement » devant le domicile de l’intéressé, ex-ministre.
MetaMorphosis en avait fait à l’occasion un billet avec vidéo (ici).

Nicolas Vescovacci était présent et avait capturé quelques passages de la manifestation, donnant lieu à une scène cocasse dans le montage de son documentaire (à 1h27min35s).

On aime, … 

Le lendemain, Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek s’en sont fait l’écho dans le « Journal de presque 17h17″, la chronique actu de l’émission Par Jupiter. L’occasion pour eux de détourner une punchline culte de la radio.

Pour connaître un peu la fine équipe, nous les savons très sensibles aux questions de la justice et des lanceurs d’alerte.
Aussi, nous voulions relier leur intervention en partageant le podcast de la rubrique en question ( à partir de 2’08 » ) :

Des récidivistes ?

Ce n’est pas la première fois que les joyeux drilles de France Inter s’engagent.
Rappelons-nous l’interview improbable de Guillaume Meurice à l’Assemblée Nationale à l’occasion des discussions parlementaires sur la loi « secret des affaires »:

Enjoy! C’est disruptif comme dirait l’autre…

MM.

De quel intérêt général parle-t-on ?

Dans la tradition française, l’intérêt général peut être regardé comme la pierre angulaire de l’action publique, dont il détermine la finalité et fonde la légitimité. En fait, ce n’est qu’au XVIIIème siècle que l’idée d’intérêt général a progressivement supplanté la notion de bien commun aux fortes connotations morales et religieuses, qui jusque-là constituait la fin ultime de la vie sociale. L’intérêt général, qui exige le dépassement des intérêts particuliers, est d’abord, dans cette perspective, l’expression de la volonté générale, ce qui confère à l’État la mission de poursuivre des fins qui s’imposent à l’ensemble des individus, par delà leurs intérêts particuliers.

Le débat traditionnel entre deux conceptions, l’une utilitariste, l’autre volontariste, n’a guère perdu de son actualité et de sa pertinence. Il illustre, au fond, le clivage qui sépare deux visions de la démocratie : d’un côté, celle d’une démocratie de l’individu qui tend à réduire l’espace public à la garantie de la coexistence entre les intérêts distincts et parfois conflictuels des diverses composantes de la société ; de l’autre, une conception plus proche de la tradition républicaine française qui fait appel à la capacité des individus à transcender leurs appartenances et leurs intérêts pour exercer la suprême liberté de former ensemble une société politique.
Nul doute que la tradition française, telle qu’elle s’exprime dans la législation et la jurisprudence, a clairement pris jusqu’à présent le parti de promouvoir un intérêt général qui aille au-delà d’un simple arbitrage entre intérêts particuliers. Elle s’inscrit sans conteste, dans la filiation volontariste de l’intérêt général.

Cette conception volontariste de la démocratie a ainsi profondément marqué l’ensemble de notre système juridique et institutionnel. En vertu des principes qu’elle a inspirés, il revient à la loi, expression de la volonté générale, de définir l’intérêt général, au nom duquel les services de l’État sous le contrôle du juge, édictent les normes réglementaires, prennent les décisions individuelles et gèrent les services publics. Le juge administratif a été tout naturellement amené à jouer un rôle central de garant de l’intérêt général et à accompagner les évolutions d’une notion dont le contenu est éminemment mouvant. Toutefois la notion d’intérêt général n’est pas seulement à la base de ces grandes notions de droit public qui confèrent à l’autorité publique des prérogatives exorbitantes du droit commun. La découverte par le juge d’une finalité d’intérêt général peut aussi justifier, sous certaines conditions, qu’il soit dérogé à certains principes fondamentaux. C’est précisément à la conciliation entre le respect de ces principes et la finalité de l’intérêt général que doit procéder le juge. L’une des fonctions les plus importantes de la notion d’intérêt général dans la jurisprudence administrative est de limiter, au nom des finalités supérieures qu’elle représente, l’exercice de certains droits et libertés individuelles, au nombre desquels on peut ranger notamment le droit de propriété et la liberté d’entreprendre, ainsi que certains principes fondamentaux, tels ceux d’égalité et/ou de sécurité juridique.

Ne serions-nous pas, à l’aune d’un certain nombre de dispositions et décisions récentes, en train de basculer vers une conception utilitariste de l’intérêt général, c’est-à-dire la recherche d’une simple coexistence d’intérêts distincts ? Certains n’auraient-ils pas même la volonté de revenir à une notion de bien commun ? Postuler comme le font des politiques de tout horizon que la France peut renier ses principes démocratiques fondamentaux pour assurer la vente de matériels militaires à des régimes dictatoriaux et sanguinaires sous prétexte que cette activité est génératrice d’emploi en France, ne revient-il pas à justifier la coexistence d’intérêts catégoriels sur le cadavre de principes premiers ?

Portons notre réflexion sur les lanceurs d’alerte où la notion d’intérêt général est centrale. Elle apparaît dans tous les textes faisant référence à leur définition ou à leur protection, même si elle est rarement clairement définie dans les lois en question. Des quelques décisions de justice rendues sur ces affaires, nous comprenons que l’approche retenue est celle d’une conception volontariste, c’est-à-dire une définition de l’intérêt général qui exige le dépassement des intérêts particuliers. Cela ne va bien évidemment pas de soi, et ce n’est qu’au prix d’une longue bataille judiciaire que le lanceur parvient à faire valoir que les faits dénoncés sont bien l’expression d’une volonté générale qui s’impose à l’ensemble des individus.
Plusieurs dispositions viennent néanmoins nous interroger sur la permanence d’un intérêt général volontariste.

Prenons trois exemples.

1/ Le «verrou de Bercy» dont la disparition sous cette législature semble maintenant relever du fantasme, n’est autre que la volonté de l’État de régler une question d’intérêt général (l’égale soumission de chacun à l’impôt) par une discussion à huit clos avec des intérêts privés. Il s’agit de faire coexister des intérêts particuliers avec un principe fondamental sans que l’assujettissement soit pour autant conforme à l’intérêt général.

2/ Le droit à l’erreur et toute disposition tendant à substituer des délits par des amendes financières, sont une nouvelle fois des dérogations au principe d’intérêt général, le sous-entendu étant que la viabilité de certains (donc le maintien d’un intérêt particulier) peut justifier un abandon partiel de principes d’intérêt général.

3/ Le plus marquant et c’est sans doute un basculement dans la tradition républicaine, est le projet de loi secret des affaires. On franchit sans doute la frontière entre intérêt général et bien commun, soit un retour à une notion de l’Ancien Régime. Car au final de quoi le secret des affaires est-il le nom ? Il est celui de donner le droit à des intérêts particuliers de définir eux-mêmes ce qui peut relever ou non de l’intérêt général. Nous basculons bien dans le meilleur des cas dans une vision utilitariste de l’intérêt général, dans une coexistence d’intérêts particuliers qui définissent par avance ce qui est donné à voir, à charge pour celui qui représente l’intérêt général d’aller convaincre le juge de bien fondé de son action.

Dans une telle situation, le lanceur d’alerte peut-il encore ou doit-il même se parer de la défense de l’intérêt général ? Car si aujourd’hui, le prix à payer, ne serait-ce que financièrement parlant, est déjà exorbitant, qu’en sera-t-il dans un système où la charge de la preuve est inversée, dans un système où la somme d’intérêts particuliers prévaut à l’intérêt général ?

MM.

[vidéo] Lanceurs d’alerte : « On casse le thermomètre au lieu de soigner la fièvre »

Jusqu’où peuvent aller les lanceurs d’alerte ?

Débat entre Claude de Ganay, député LR, et Marie-Christine Blandin, ex-sénatrice écologiste (loi sur la protection des lanceurs d’alerte, modifiée par la loi Sapin 2).

« Mitigé ? »…Mouais…nous aussi!

Quand nous pensons à Transparency France, une image nous vient tout de suite à l’esprit : celle de l’éléphant dans un magasin de porcelaines ! Les pièces de porcelaine sont ici les lanceurs d’alerte. Après tout, comme pour la plupart des associations soi-disantes « défenseurs des lanceurs d’alerte », ces derniers ne sont qu’une variable d’ajustement de leur politique de lobbying pour compte propre. Dommage qu’elles ne l’entendent pas, alors que des messages de plus en plus récurrents proviennent de lanceurs d’alerte de tout horizon.

« Un an après l’élection présidentielle : l’éthique et la transparence de la vie publique doivent redevenir des priorités » (ici).
C’est sous ce titre que Transparency France s’est essayé à un bilan de la première année du quinquennat Macron sur les questions d’éthique et de transparence, qui est résumé selon le titre de leur newsletter, comme « un bilan mitigé ».
Arrêtons nous deux secondes sur cet adjectif « mitigé » qui a pour synonyme selon le Larousse : adouci, atténué, moins strict. Ces questions d’éthique et de transparence sont centrales de la problématique des lanceurs d’alerte. Elles en sont même le cœur, puisqu’un corpus juridique fort en la matière, complété par des contrôles et des sanctions adéquats, permettait sans doute de limiter largement la nécessité de recourir à des lanceurs d’alerte. Là où il y a de l’éthique et de la transparence, il n’y a pas de lanceurs. N’oublions pas que le lanceur n’est qu’un symptôme (et non un problème comme les politiques tendent à le faire croire), d’un manque d’éthique et de transparence dans la vie des organisations.

Donc mitigé, que voilà ! Quel joli mot ! Nous aurions pu, sans risque de se tromper, parler de « bilan mauvais », « inquiétant », « dangereux »… les synonymes ne manquaient pas.

L’association revient sur le contexte, selon elle, dans lequel doit être réalisé un tel bilan : «Transparency International France avait demandé aux candidats à la présidentielle de s’engager sur onze recommandations jugées prioritaires. Quelques semaines plus tard, dans le cadre des élections législatives, les partis politiques avaient été appelés à s’engager en faveur d’un Parlement plus exemplaire. Emmanuel Macron, ainsi que le parti La République En Marche, avaient ainsi repris à leur compte la majorité de nos recommandations. Un an plus tard, où en est-on ? ». En procédant de la sorte, on fait au final l’impasse sur d’éventuelles nouvelles dispositions votées ou en cours d’élaboration qui n’entraient pas dans le cadre des « recommandations» initiales. Résultat, pas un mot sur la loi secret des affaires, texte dont la portée peut à lui seul remettre en cause l’ensemble des éventuelles avancées en matière d’éthique et de transparence par ailleurs votées.

Transparency France y va de ses quelques critiques : « Transparency est préoccupé par l’absence de débat public sur la question du financement de la vie politique, en particulier des campagnes présidentielles », et pointe les engagements non-ténus : « On ne peut que regretter plusieurs renoncements par rapport aux promesses de campagne. Ainsi, le principe du casier judiciaire vierge obligatoire pour se présenter à une élection est enterré… Autre renoncement : on assiste à un retour en arrière sur la régulation du lobbying ».

Par contre, rien de bien concret à se mettre sous la dent pour ce qui concerne des blocages fondamentaux à une réelle éthique et transparence : le verrou de Bercy, les moyens de la justice, l’indépendance du parquet… On a l’impression que l’on porte plus attention aux mesures catégorielles -celles qui correspondent aux recommandations initiales- qu’au cadre général indispensable à mettre en œuvre pour s’assurer de l’effectivité dans leur pratique et dans leur application, des lois et règlementations. Nous en voulons pour preuve le satisfecit accordé au gouvernement puisque « Transparency International France salue l’adoption, dès l’été 2017, d’une loi visant à rétablir la confiance dans l’action politique : les parlementaires ne pourront plus embaucher leurs conjoints ou enfants comme collaborateurs parlementaires… », alors que nous savons pertinemment que cette disposition est allègrement contournée par les parlementaires avec les embauches croisées. Même remarque sur : « les règles sont renforcées en matière de prévention des conflits d’intérêts au sein du Parlement ».
Est-ce de la naïveté, une méconnaissance des réalités… ?

Pas de commentaires non plus sur les premiers pas de la loi Sapin 2, même si nous convenons qu’ils n’auraient pu être que parcellaires, et sur les premiers exercices de la CJIP où l’on aurait bien aimé entendre Transparency France.
Il est vrai que le lanceur d’alerte est un peu le parent pauvre de ce « bilan mitigé ». Le lanceur est la victime collatérale de cette éthique de façade et de cette transparence étouffée, bientôt ligotée avec la loi secret des affaires. Le lanceur est l’otage d’une vieille pratique républicaine française, qui concerne au final tous les partis quelque soit leur couleur affichée, dans la vie publique, l’administration et les entreprises, qui glorifie l’opacité, les arrangements entre amis, les combines de parti, et un exercice arbitraire du pouvoir.

Vouloir défendre les lanceurs d’alerte c’est avant tout se battre pour que la parole ne soit pas étouffée. Et si nous avons la prétention de la porter, alors faut-il élever la voix et employer les mots justes!
MetaMorphosis résume cet an I du macronisme par le titre suivant : « un bilan mauvais, des mesures inquiétantes, des menaces pour l’éthique et la transparence ».

MM.

Qui ne cherche pas, ne trouve pas…

Il va falloir revoir ses classiques.
Ce qui est bien avec les adages populaires c’est que l’on ne sait jamais vraiment d’où ils viennent. Ce qui est bien aussi, c’est qu’on peut facilement les détourner en fonction de ses propres besoins.
« Qui cherche, trouve » dit-on. Tout aussi simple et moins fatiguant, nous avons le « Qui ne cherche pas, ne trouve pas » ! Certains en sont devenus des spécialistes au point d’en faire leur mot d’ordre.
Nous pourrions vous raconter l’histoire d’un procureur, d’un juge et d’un service de police judiciaire devenus les maîtres en la matière. Il faut dire que nous n’avons sûrement pas trouvé plus efficace pour enterrer une affaire gênante. Quand on dit « pas chercher », c’est vraiment pas chercher. Pas de perquisitions, des auditions extra-lights, des réquisitions obscures et garanties sans réponses précises, des demandes d’informations à la partie incriminée « à sa guise » ! Rien de bien contraignant et nous sommes assurés d’avance d’un résultat nul. Même si ça ne marche pas toujours comme souhaité, si des journalistes venaient à produire publiquement des pièces venant alimenter la procédure instruite, pas de soucis, il suffit de ne pas en faire la réquisition.
Il faut toujours garder à l’esprit que celui qui ne cherche pas, ne trouve pas. Ainsi, dans quelques années, on pourra se tourner vers les lanceurs d’alerte et leur dire que malgré les efforts gigantesques déployés, le dossier d’instruction reste vide. Il n’y a rien, circulez, « circulez, y’a rien à voir ! »

La Commission européenne n’est pas en reste. Elle a également appris la leçon. Elle nous a fait le coup récemment avec les paradis fiscaux dans le but de nous sortir une liste vierge de tout pays européen. Nous avons cherché, nous avons passé tous les pays au crible d’une batterie de critères, et puis non, pas de paradis fiscaux en Europe. La bonne nouvelle !
Rebelote avec Malte.
Dans un article du 24 Avril 2018 sous le titre « Projet Daphne : la Commission européenne refuse d’enquêter sur l’État de droit à Malte » (ici), le journal Le Monde nous indique : « La discrétion était de mise ces derniers jours à Bruxelles à la suite des révélations du « Projet Daphne », dont Le Monde est partenaire. Initié par le réseau Forbidden Stories, il vise à poursuivre les enquêtes de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia, assassinée dans son pays le 16 octobre 2017. Vente abusive de passeports « en or » à des non-citoyens de l’Union européenne (UE), recherche d’un éventuel mobile politique dans le meurtre de Mme Galizia, attitude de la justice maltaise ? Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, a certes eu des paroles fortes, lundi 23 avril, en salle de presse de l’institution, promettant que « tout ce que le projet Daphne révèle sera examiné par la Commission et si elle pense qu’elle peut agir elle le fera. Nous continuerons à mettre la pression sur les autorités maltaises. » Mais quelques jours plus tôt, le chef des porte- parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas, avait, elle, écarté l’éventuelle poursuite de Malte, plus petit Etat de l’UE, pour violation de l’Etat de droit : « Si la question est : y a t-il une infraction à l’Etat de droit à Malte ? La réponse est non. » Pour l’heure, la seule conséquence au niveau européen du « Projet Daphne », est la nomination, lundi, par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, d’un rapporteur spécial sur le meurtre de la journaliste maltaise, le néerlandais Pieter Omtzigt. Une initiative qui n’a, de fait, rien à voir avec les instances de l’UE ».

Voilà, circulez y’a rien à voir. Et comment sait-on qu’il n’y a rien à voir ? En n’allant pas voir ! CQFD.
Quand on pense à la malhonnêteté de tous ces journalistes qui apportent documents et témoignages multiples corroborant l’existence probable de dysfonctionnements de l’État de droit à Malte, on se dit : vivement la loi secrets des affaires !

La loi secret des affaires, la loi mal nommée. La loi « secret de faire des affaires », ça aurait été plus judicieux.
C’est vrai que quand toute information pourra être classée secrète, il n’y aura plus aucune utilité à chercher et nous pourrons définitivement adopter ce nouvel adage : qui ne cherche pas, ne trouve pas.
Tout ceci n’est pas très nouveau, si ce n’est que nous tendons à le généraliser.

Nous donnons à votre réflexion cet exemple dans le domaine financier.
Depuis les attentats du 11 Septembre 2001, sous la pression à l’origine des États-Unis, la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme est devenue l’un des devoirs primordiaux de l’exercice du métier de banquier.
Avec le temps, diverses lois et dispositions règlementaires sont venues encadrer les activités bancaires pour veiller au bon exercice de cette lutte. La plupart des pays et des établissements bancaires ont relayé dans leurs lois et règlements les dispositions en la matière.

Des organismes internationaux ont été créés pour superviser cette retranscription dans les lois nationales et des dispositifs d’information et de formation des employés de banque ont été institués pour s’assurer qu’ils étaient en mesure de comprendre et d’appliquer les directives sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Ces organismes internationaux [Gafi (Groupe d’Action Financière), Moneyval…] sont censés contrôler au travers de rapports pluri-annuels, que les États ont effectivement modifié leur législation conformément aux dispositions prévues.
Tout ceci a l’air en apparence parfait. On contrôle bien que les États se soient mis à la page et que les salariés en soient informés et formés.
Mais qui contrôle si les lois et règlements sont effectivement appliqués ? Personne… Vous pouvez écrire au Gafi par exemple ; il vous répondra noir sur blanc qu’il est là pour s’assurer que les lois nationales ont été modifiées comme il se doit, mais pour ce qui est de leur application effective, en fait, personne ne semble s’en assurer.
Une fois de plus, si on ne cherche pas à savoir si les lois sont effectives dans les faits, on ne saura jamais s’il existe des dysfonctionnements.

Autre adage, même conséquence : le principe de précaution qui devient « soyons précautionneux à ne pas avoir trop de principes ».
Dans son édition du jour, sous le titre « Le député Dassault, cité dans les Paradise Papers, rejoint la Fondation Intepol » (ici), Médiapart nous rappelle qu’en politique le bon sens populaire (« il ne faut jamais être trop prudent ») n’est pas de mise.
Nous ne reviendrons pas sur cette fameuse Fondation Interpol, aux dérives multiples, qui a fait l’objet d’un reportage complet que nous avons diffusé sur MetaMorphosis (ici).
Revenons à l’article de Médiapart : « Le 13 avril dernier, il l’a annoncé fièrement sur Twitter, photos à l’appui. «Je suis honoré d’avoir été nommé membre de la Fondation Interpol sous la responsabilité de son Excellence l’éminent Elias Murr, qui a pour vocation de rapprocher les polices pour un monde plus sûr. Une responsabilité collective qui nécessite une alliance à l’échelle mondiale», a tweeté le député de l’Oise Olivier Dassault, 66 ans, président du conseil de surveillance du Groupe Dassault jusqu’en mars 2018, administrateur du Figaro et de Valeurs actuelles, pilote d’avion à ses heures perdues et fils de Serge Dassault. Mais alors qu’Interpol est censée lutter contre toute forme de criminalité financière, plusieurs membres de cette fondation posent de véritables questions éthiques pour l’agence policière. Le premier est Stuart Gulliver, président d’HSBC jusqu’en février 2018, banque au cœur du scandale d’évasion fiscale « SwissLeaks ». Détenteur d’un compte caché en Suisse lié à une société panaméenne, Stuart Gulliver sera prié de quitter la Fondation Interpol en 2016. Mais il sera remplacé au sein de la fondation par Douglas Flint, alors président exécutif d’HSBC.
Le président de la fondation en personne, Elias Murr, est lui aussi cité dans les SwissLeaks. En effet, le Libanais a possédé un compte à la HSBC de Genève, à travers une compagnie dénommée Callorford Investments Limited. Un compte qui a abrité 42 millions de dollars en 2006-2007. Se défendant par le truchement d’un porte-parole, Elias Murr rétorquera au Consortium international des journalistes (ICIJ) que ces fonds sont connus, et n’avaient aucun lien avec ses fonctions politiques. Le nouveau membre de la Fondation Interpol, Olivier Dassault, n’est pas éloigné non plus des scandales financiers, en tant que président du conseil de surveillance du Groupe Dassault de 2011 à mars 2018, poste qu’il a dû délaisser afin d’éviter les conflits d’intérêts avec son mandat de député, comme la loi sur la transparence de la vie publique le stipule. En effet, en novembre 2017, l’enquête des « Paradise Papers » menée par le Consortium international des journalistes a démontré que le groupe Dassault était impliqué dans un système de fraude à la TVA sur l’île de Man, un paradis fiscal situé en mer d’Irlande »
.

Nous aurions pu penser, de la part des deux parties et compte tenu de leur « historiques » respectifs, que la prudence serait de mise. Assurément non. La précaution c’est pour les autres, les principes aussi d’ailleurs.
Combien de lanceurs d’alerte, cherchant à se repositionner professionnellement, et pas forcément dans leur secteur d’activité ont entendu après avoir joué la carte de la transparence, « mieux vaut attendre la fin du procès avant de vous embaucher ». Le principe de précaution fonctionne ici à plein. Étant tout de même rappelé que le lanceur d’alerte n’a rien à se reprocher si ce n’est d’avoir répondu à ses propres obligations, qu’il n’est généralement poursuivi de rien, mise en examen de rien… mais il semble qu’il faut tout de même mieux être prudent!
Paradoxalement, ce même principe de précaution ne s’applique visiblement pas à ceux mis en examen et qui bossent toujours… la présomption d’innocence fonctionne, elle, à bloc! Quid principe de précaution? « C’est quand je le veux bien! »
Heureusement que nous ne traînons pas la batterie de casseroles de Dassault ou d’Interpol, parce que là se serait… Non, rien.

MM.

Brèves, mais graves

Brève 1.
C’est la loi secret des affaires qui frappe.
Faire taire journalistes d’investigations, associations diverses et lanceurs d’alerte, tel est manifestement l’objectif. Ou, pour être plus précis et revenir à la motivation première de cette loi, l’objectif est de permettre aux entreprises et aux détenteurs de leur capital, de fonctionner à l’abri de la loi. Car c’est bien de cela dont il s’agit : la justice ne se saisit que rarement d’elle-même, le plus souvent après révélations d’un travail journalistique et/ou d’un lanceur d’alerte.
Regardez les dernières affaires, Panama et Paradise-Papers, HSBC Suisse, Banque Pasche Monaco… Autant d’instructions ouvertes suite à un travail d’information.
La loi secret des affaires, associée à la non indépendance du Parquet et à sa non obligation d’instruire (à la différence de l’Italie par exemple), se traduira de facto par un assèchement des instructions judiciaires. L’objectif est donc bien là : fonctionner à l’abri de la loi selon le vieil adage «pas vu, pas pris». Et comme il n’y aura plus grand-chose à voir…

Brève 2.
Là-bas, au Brésil comme à Malte c’est un peu plus expéditif et de plus en plus fréquent, on fait taire par balles. Souhaitons que le triste exemple de la journaliste blogueuse maltaise, Daphne Caruana Galizia, ne soit pas le prémisse d’une habitude, ici aussi.
Avant d’y venir, nous tenions à souligner un élément rarement évoqué même par les opposants à la loi secret des affaires. La meilleure protection des lanceurs d’alerte contre toute forme de représailles, y compris violentes, est la publicité faite à leur dénonciation. Avec ces nouvelles dispositions, même après dénonciation auprès de la justice, l’incapacité de communiquer publiquement risque d’exposer fortement le lanceur à tout type de menaces et représailles.
Le site «Planète Amazone» nous informe ce jour d’une triste nouvelle:

«Un leader quilombola a été exécuté après avoir fait des dénonciations de déforestation illégale et de la pollution agrochimique au Pará, Brésil. Nazildo dos Santos, 33 ans, était le leader de la communauté Remanescentes de Quilombo Turê III. Les quilombos désignent au Brésil une communauté formée par des descendants des esclaves en fuite. Ils luttent pour récupérer les terres occupées et cultivées par leurs ancêtres. La plupart des habitants des quilombos ont aussi aidé des esclaves africains, des Autochtones ou d’autres non-brésiliens noirs qui ont vécu l’oppression pendant la colonisation. Aujourd’hui il existe encore plus de 2 800 communautés quilombolas au Brésil.
Dos Santos a été menacé de mort plusieurs fois pour avoir dénoncé des crimes environnementaux dans la région. Selon le ministère Public Fédéral (MPF), la plus haute autorité judiciaire au Brésil, il était inscrit au le programme de protection personnelle. Cependant, il n’a jamais reçu la sécurité policière demandée. En 2015, le leader a conduit, avec les Autochtones Tembé, l’occupation de la société Biopalma, pour dénoncer la déforestation illégale et la contamination par des pesticides de la rivière Tomé-Açu. Biopalma produit de l’huile de palme pour les industries pharmaceutiques, cosmétiques et pétrolières.
Il est le troisième leader tué au cours des quatre derniers mois dans la région. La population attend toujours les résultats de l’enquête criminelle. Jusqu’à présent, Il n’y a aucune information sur des indices pour trouver un responsable de ces crimes et personne n’a encore été arrêté »
.

Brève 3.
«Il n’y a pas d’argent magique», célèbre maxime du Professeur Macron. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il en est friand, au risque d’être dans l’ineptie et même ridicule, comme le démontre la politique de la BCE depuis 2008. Ensuite, nous aimerions bien savoir dans quelle équipe joue Macron et la ou les raison(s) pour lesquelles il n’arrive pas à se mettre d’accord avec les petits copains de sa caste. C’est pas ainsi qu’il marquera des buts !
Sous le titre «Le FMI sonne l’alerte sur la dette mondiale», le Monde du 19 Avril 2018 (ici), nous fait part des inquiétudes de cette instance supra-nationale devant l’explosion de la dette mondiale.
«Une flambée planétaire… La dette publique et privée dans le monde – hors secteur financier – atteint des niveaux sans précédent : en tout, 164 000 milliards de dollars (132 500 milliards d’euros) comptabilisés à la fin 2016, soit 225 % du produit intérieur brut (PIB) mondial, selon les chiffres figurant dans le rapport Fiscal Monitor du Fonds monétaire international (FMI), publié mercredi 18 avril.
Depuis 2007, année qui marque le déclenchement de la grande crise financière, ce fardeau a augmenté de 40 %. Trois pays (Etats-Unis, Chine, Japon) concentrent plus de la moitié de cette somme vertigineuse.
Mais le phénomène n’épargne aucune région du monde. Le plus gros stock est l’apanage des économies avancées, conséquence des plans de relance engagés pour lutter contre la récession de 2008-2009. La dette publique – qui constitue l’essentiel de la charge pour les pays riches – y est stabilisée depuis cinq ans au-delà de 105 % du PIB, un ratio inédit depuis la seconde guerre mondiale.
Les causes de cet empilement de dettes sont variées. Outre la crise et ses stigmates, les politiques monétaires ultra-généreuses déployées par les banques centrales ont joué un rôle »
.

Si le FMI s’y met aussi… Macron, une fois de plus, manque d’originalité : voilà un argument néolibéral classique, utilisé d’ailleurs presque mot pour mot par la Première ministre britannique Theresa May l’année dernière, qui repose sur l’idée que la dette de l’État serait similaire à celle d’un ménage, argument pour le moins contestable.
Rappelons que chaque mois la BCE trouve 30 milliards d’euros pour racheter des titres sur les marchés. Cet argent vient de nulle part, il est créé ex nihilo, par la simple volonté de la BCE. Magique, n’est-ce pas ?
Et il y a mieux : cette méthode est utilisée chaque jour par les banques commerciales qui, dans les limites très larges des règles fixées par les régulateurs, créent aussi de l’argent ex nihilo à chaque fois qu’elles accordent un crédit.
Le discours néolibéral nous décrit un monde qui n’existe pas, celui où la quantité de monnaie serait naturellement limitée. Macron, Le Maire et consorts ont dû sécher les cours de l’ENA.

Brève 4.
Manuel Valls se sépare…
Et là, c’est la catastrophe !

MM.