S’ouvre le procès en appel de Jérôme Cahuzac.
Médiapart, à l’origine et un des acteurs principaux de cette affaire, revient ici sur cette actualité.
L’enjeu principal semble être la confirmation ou non de la peine de prison de trois ans infligée en première instance. Nous ne reviendrons pas sur les détails de l’affaire, bien connue et largement documentée par Médiapart, si ce n’est pour rappeler quelques caractéristiques bien souvent communes à la plupart des affaires dénoncées.
Outre l’habituel « c’est celui qui dit qui est », on retrouve le plus souvent chez les personnes incriminées un sentiment d’impunité dont Fabrice Arfi se fait l’écho ce jour dans une interview donnée à Brut ici.
Ces deux éléments, confirmation d’une peine de prison ferme et sentiment d’impunité, sont loin d’être isolés l’un de l’autre, bien au contraire, il nous apparaît qu’il existe une corrélation forte.
Beaucoup de lanceurs et au premier chef parmi les fondateurs de MM. pourront attester que ce sentiment d’impunité est bien plus que partagé dans le monde politique et le monde des affaires, qu’ils constituent même l’un des paramètres de la réalisation d’opérations illégales.
Quel lanceur n’a pas entendu dire de la bouche de sa propre hiérarchie que de toute façon « on ne s’en prend jamais aux banques », (ou autre grosse entité), « nous sommes intouchables » ?
C’est bien parce que ce sentiment d’impunité fait partie intégrante à certains niveaux de hiérarchie, de l’exercice même du métier, c’est bien parce que ce sentiment d’impunité est intégré par les personnels en situation d’autorité ou de pouvoir, que la banalisation d’agissements contraires aux règles ou à la loi est devenue courante dans certains métiers. En un mot, « pourquoi se priver » quand on sait qu’il est intégré au sein de la profession et pire au sein des entités chargées de la contrôler, voire même de la justice, que la probabilité d’être poursuivi ou pire condamné pour agissements illicites est extrêmement faible. La hiérarchisation des entreprises joue également dans cette situation où l’on constate souvent que ceux qui sont à la manœuvre prennent soin de mêler ou d’exposer les hiérarchies en amont ou en aval pour s’assurer leur propre protection. Et tant qu’à faire dans l’illégalité, tout le monde a intégré le « plus c’est gros plus ça passe ».
Au-delà de cette constatation, il importe de comprendre que si ce sentiment semble si largement répandu au sein des organisations, c’est sans doute parce que la justice aurait échoué dans l’une de ses missions, à savoir l’exemplarité.
Il ne peut y avoir de justice sans peine, il ne peut y avoir de justice rendue au bénéfice de la collectivité si elle n’a pas pour fonction de montrer l’exemple.
Nous en revenons au cas de Monsieur Cahuzac. Même s’ils condamnent ses agissements, certains nous expliquent aujourd’hui qu’ils ne souhaitent à personne d’être condamné à une peine de prison ferme. Au-delà du fait que beaucoup de lanceurs vous diront qu’il peut y avoir des peines bien pires que celle de la prison, ce type de réflexion nous semble hors sujet car il faut bien voir que la peine ne sanctionne pas l’homme mais ses agissements dont il est à tout moment pleinement responsable.
Nous pensons au contraire que la justice serait bien éclairée à retrouver sa fonction d’éducation qui passe aussi par des peines conformes aux faits reprochés, évitant ainsi que se propage ce sentiment bien réel d’une justice à deux vitesses, celle des petits délits et celle des « cols blancs ».
Au-delà de ce constat et on l’aura compris, l’objectif est de refouler ce sentiment d’impunité et ce cercle vicieux où l’absence de peine exemplaire conduit à la reproduction d’actes délictueux qui eux-mêmes ne sont pas ou peu sanctionnés.
Il n’est pas inutile de rappeler comme le fait Fabrice ARFI dans l’interview, qu’il s’agit encore une fois d’une spécificité bien française, des cas similaires à l’affaire Cahuzac en France, pouvant être documentés dans des pays démocratiques comparables, donnant lieu le plus souvent à des condamnations fortes agrémentées de peines de prison fermes.
Ceci expliquant sans doute cela, le nombre d’affaires dans ces pays, est sensiblement inférieures…
MM.