C’est quand même bien foutu !

MetaMorphosis s’est fait l’écho (ici) des déboires de la banque britannique RBS (Royal Bank of Scotland) aux États-Unis, condamnée par les autorités judiciaires locales à une amende de us dollar 4,9 milliards faisant elle-même suite à d’autres condamnations pour non respect des règles prudentielles ou de la législation bancaire.
Nous nous étions interrogés à l’époque, à l’occasion de ce dossier et en écho à des affaires similaires dans d’autres établissements financiers, sur la portée réelle des mesures d’accompagnement des sanctions financières, en soulignant qu’elles ne nous paraissaient pas de nature à éviter que de tels manquements se reproduisent, le suivi de leur mise en œuvre semblant pour le moins léger et surtout l’absence de sanctions sérieuses à l’égard des dirigeants fautifs n’étant pas de nature à circonscrire des fonctionnements et des habitudes dommageables.

➡️ The Guardian du 31 juillet 2018 qui publie ici: «No FCA action against RBS after mistreatment of small businesses» rappelle que RBS faisait également l’objet d’une procédure sur le sol britannique pour sa gestion de quelques 12.000 «small businesses accounts» entre 2008 et 2013.
Un mémo interne à la banque de 2009 «recommandait» aux cadres en charge de ce type de client: «that “sometimes you have to let customers hang themselves” when in financial difficulty, adding that “missed opportunities will mean missed bonuses”.
Pour ceux qui auraient un problème avec la langue de Shakespeare, nous vous confirmons que la directive était bien de laisser les clients en difficultés «se pendre»!
Nous rappelons que nous nous situons pendant la crise financière de 2008, que beaucoup de petites entreprises se sont retrouvées en difficultés suite à la raréfaction du crédit et soulignons aussi que cette crise a été essentiellement causée par des pratiques spéculatives inconsidérées des grandes banques notamment anglo-saxonnes parmi lesquelles et au regard de toutes les condamnations prononcées, RBS, un acteur important.
La seconde partie de la «recommandation» de la banque à l’attention de ses cadres n’est pas inintéressante non plus; bonus à la clé: laisser les clients se pendre peut rapporter gros !

Des plaintes ont bien évidemment été déposées à l’encontre de RBS. «The City watchdog» (le chien de garde de la City), la FCA (The Financial Conduct Authority), a enquêté et est arrivée à la conclusion suivante:
la banque avait fait preuve d’un «traitement inapproprié généralisé» de ces clients, manière polie de dire qu’elle n’avait respecté aucun règlement en vigueur dans la gestion de clientèle en situation de crise.

➡️ « Très bien », vous nous direz. «Et puis ?».

Et puis ? Rien… C’est maintenant que l’affaire devient comique si l’on veut garder le moral, désespérante si l’on est un peu au fait des us et coutumes de la réglementation des activités financières.
Tout ceci est quand même très bien foutu. Il y a des règlements, des pratiques professionnelles, des commissions de contrôle, des enquêtes… mais ceux qui seraient en charge de sanctionner ne sont en mesure de le faire, car la loi ne leur a pas donné les pouvoirs de le faire !

«The Financial Conduct Authority said it lacked the powers to discipline RBS for misconduct». Andrew Bailey, the FCA’s chief executive, compatit pour les victimes : «I appreciate that many RBS customers will be frustrated by this decision, but we have explored all the options available to us before arriving at this conclusion».

➡️ Alors bien sûr, tout le monde se tourne maintenant vers le législateur pour que les modifications adéquates soient apportées à la loi afin que ce type de situation ne se reproduisent pas. Ça ne mange pas de pain…
Cependant, nous serions curieux de savoir comment le législateur a pu voter une loi, instituer un organe de contrôle et de sanction et ce, sans pouvoir de sanctionner.

Si nous voulons rester dans l’actualité, nous pourrions appeler ça une « sanction Benalla » qui, comme le « Canada Dry » en a le goût et l’odeur, mais n’en est pas une. Beaucoup de pschitt pour pas grand chose.

De là à penser que le législateur ait pu être sensible aux arguments des lobbyistes bancaires lors de l’élaboration de la loi… ne soyons pas conspirationnistes !

➡️ Dans The Guardian toujours, édition du jour, Larry Elliott réagit à cette situation dans une tribune sous le titre «FCA proves to be a paper tiger in case of RBS mistreatment», (ici).
«The Financial Conduct Authority is usually described as the City’s watchdog. In the case of the disgraceful treatment of small businesses by the Royal Bank of Scotland’s global restructuring group the FCA has proved to be a paper tiger».

«Let’s be clear. Businesses were badly and systematically let down by GRG, a unit that was specifically created by RBS to help customers cope with the tough business conditions created by the financial crisis of a decade ago. Precious little tender loving care was extended to those in trouble. Instead, as has all too often proved to be the case in the modern City, the interests of the people running GRG were put before those of customers».

«The FCA, which has been investigating GRG for the past four years knows all that. Unfortunately, after due deliberation, its message to those who mistakenly expected RBS to help during the worst recession since the 1930s was simple: we feel your pain but can do nothing about it».

En France également, et dans beaucoup de domaines, les autorités de contrôle ou commissions diverses ne sont que des «tigres de papier»; certains observateurs britanniques du secteur bancaire n’hésitent pas à aller encore plus loin et à replacer cette affaire dans le contexte du Brexit. Ce dernier va fortement impacter le secteur financier de la City. Comme certains pays font du dumping fiscal, d’aucun n’hésite pas à imaginer qu’une politique de dumping réglementaire pourrait être une façon de contrebalancer les effets négatifs de la sortie britannique de la Communauté Européenne pour le secteur bancaire.

Des organes de sanction sans pouvoirs de sanction, un législateur aux petits soins, du dumping réglementaire demain… les crises financières ont de beaux jours devant elles.

MM.