Le co-organisateur d’un salon des lanceurs d’alerte, le seul endroit en France où les lanceurs peuvent prendre parole et à ce titre nous ne pouvons que l’en remercier, se plaît à répéter que les lanceurs agissent aussi par intérêt. S’il fait ici une mauvaise lecture du cadre juridique encadrant l’action des lanceurs qui requiert non pas que le lanceur soit désintéressé mais qu’il agisse d’une façon désintéressée, nous serions pour le coup en accord avec lui puisque le lanceur a à minima intérêt à ce que ceux qui décident de porter sa parole le fassent dans la défense de son propre intérêt. Il en est ainsi des journalistes auprès desquels le lanceur dans son combat cherche à trouver un relai essentiel quand ces derniers se donnent la peine d’agir eux-mêmes dans les règles de leur métier où l’objectivité et la neutralité doivent primer.
On a à plusieurs reprises évoqué sur MetaMorphosis le mur de l’information auquel les lanceurs ont malheureusement trop souvent affaire, à savoir une presse ne trouvant aucun intérêt pour les sujets qu’ils portent, soit s’affichant clairement comme les défenseurs parfois au-delà du raisonnable de ce que les lanceurs dénoncent. Ce que nous n’accepterions pas dans d’autres professions, cela semble être assimilé pour le monde journalistique à savoir une écrasante majorité d’entre ces professionnels qui ont fait le choix de leur confort salarial au détriment de l’investigation et de la recherche de la vérité. Après tout, la presse est aujourd’hui une marchandise comme une autre où hier on vendait du papier, aujourd’hui on se focalise sur les clics et les tweets qui définissent la hiérarchie de la profession au détriment parfois de la recherche de la vérité.
Certes, nous connaissons tous des exceptions notables et nous ne pouvons que nous en réjouir ; elles ne sont malheureusement qu’un faible rayon de soleil dans un amas de noirceur et ont souvent pour défaut de ne pas assurer le « service après-vente » de leurs propres investigations.
Ceux qui ont pu côtoyer cette presse (et certains des lanceurs créateurs de MM. sont sur la liste) pourront vous confirmer qu’ils ont « passé un sale quart d’heure », chacune de leurs affirmations, chacune des pièces fournies et toutes celles qui n’ont pas été retenues, ont fait l’objet de vérification puis d’une analyse et d’une critique de la part d’intervenants indépendants.
Comme nous le rappelons souvent sur MM., pour le lanceur en possession de la charge de la preuve, pour celui qui a toujours été cohérent entre son discours et ses actes, être confronté ainsi à une presse exigeante n’est pas un problème mais vient au contraire le conforter dans la justesse de sa démarche. Quelque part cela donne du poids au lanceur comme à son alerte, même si ça n’est pas pour autant une garantie de réussite !
Il y a donc cette rare presse d’investigation exigeante , seule alliée efficace pour les lanceurs ; ensuite, il y a cet océan de presse sans intérêt pour l’action des lanceurs ou pire encore servile; enfin, parfois nous croisons une troisième espèce, celle du parti pris en faveur de toute personne se proclamant lanceur sous prétexte qu’elle crie plus fort que les autres ! C’est, reconnaissons-le, une forme de servilité puisque il est fait le choix d’abandonner toute objectivité, de renoncer à toute forme de contradiction et à ne s’en tenir qu’au « beau » récit de l’auto-proclamé lanceur quitte à balayer d’un revers de main tout élément pouvant venir contrarier cette source miraculeuse de clics et de tweets.
A MM. nous préférons le journaliste nous disant « droit dans les yeux » que malgré tout l’intérêt de l’alerte, il ne pourra aller de l’avant car l’entreprise dénoncée est un important annonceur publicitaire. Tant pis pour ce qui est du journalisme, mais reconnaissons au moins la franchise de celui qui, portant plus de respect à son employeur qu’à son métier, ne pourra ou voudra aller plus loin avec vous!
Que dire en revanche de ces pseudos journalistes de « combat » qui sont prêts à renoncer à la vérité voire à la travestir pour servir une soi-disant cause sur laquelle ils sont incapables de porter le moindre regard critique pour ne pas contrarier le sujet traité ?
Illustrons notre propos avec les trois courriers en pièces jointes de Rémy Garnier, lanceur d’alerte de l’affaire Cahuzac dont la probité et l’action ne sont plus à démontrer !
Ces courriers font suite à une émission de Mediacoop à laquelle il était convié mais qui, pour des raisons qui lui sont propres, n’y a pas participé.
Les absents ont toujours tort …Après avoir été présenté d’une façon pour le moins désobligeante et infondée sur la forme, le fond : présenter son alerte pour servir de faire valoir à celle de Céline Boussié (affaire Moussaron) dont la publication de certains documents pourraient remettre en cause la cohérence de son discours ainsi que la réalité de l’alerte et de ses motivations, la forme et le contenu du « confinéma » méritait bien quelques lettres de mise au point.
Trois lettres, «3 Lettres à Eloïse », cette journaliste animatrice de l’émission Mediacoop se prêtant au jeu, un jeu totalement biaisé, sa position partisane ne pouvant laisser de doute au regard de l’argumentaire développé par Rémy Garnier dans les courriers en question.
Des lanceurs passent donc des mois à se battre pour obtenir une couverture médiatique de leur alerte, beaucoup malgré de multiples démarches restent orphelins de tout relai public. D’autres, comme pour les entreprises qu’ils dénoncent, vont trouver des journalistes de circonstance prêts à s’adapter aux lanceurs quitte à détourner eux aussi le regard de l’ensemble des faits pour une quelconque gloriole de supérette.
Si le sujet ne touchait pas l’opinion publique et l’ensemble des lanceurs qui se bat pour un réel statut, nous n’aurions pas trouvé opportun la publication de nos remarques.
« Parce que nous savons que l’erreur dépend de notre volonté, et que personne n’a la volonté de se tromper, on s’étonnera peut-être qu’il y ait de l’erreur en nos jugements. Mais il faut remarquer qu’il y a bien de la différence entre vouloir être trompé et vouloir donner son consentement à des opinions qui sont cause que nous nous trompons quelquefois. Car encore qu’il n’y ait personne qui veuille expressément se méprendre, il ne s’en trouve presque pas un qui ne veuille donner son consentement à des choses qu’il ne connaît pas distinctement: et même il arrive souvent que c’est le désir de connaître la vérité qui fait que ceux qui ne savent pas l’ordre qu’il faut tenir pour la rechercher manquent de la trouver et se trompent, à cause qu’il les incite à précipiter leurs jugements, et à prendre des choses pour vraies, desquelles ils n’ont pas assez de connaissance. »
René DESCARTES, Principes de la philosophie (1644)
MM.
3 Lettres à Eloïse
(Cliquez sur chacune d’elles pour les avoir dans leur intégralité)