Lactalis : la mariée était trop belle

Et voilà Lactalis à nouveau dans les feux des projecteurs suite aux révélations le 19/02/2018, d’anciens salariés d’un Laboratoire nantais mandaté par elle, pour la détection d’allergènes sur ses échantillons.
Le principe est simple, peu importe le résultat, ce dernier doit et quoi qu’il arrive, devra être nécessairement satisfaisant.
Tel un jeu d’enfant, si les premiers résultats ne sont pas ceux escomptés, il suffirait (selon les techniciens) sur la base « d’échantillons spécifiques », relancer de nouveaux tests et ce en boucle jusqu’à obtention (enfin!) d’un résultat « négatif », pour délivrer le feu vert sanitaire à sa cliente.

Une sorte de fardage, histoire de cacher les travers où l’apparence semble être pour Lactalis comme pour le laboratoire le seul but de ladite recherche : le maquillage comme méthode corrective, trouver le bon fard, voilà l’objectif.
Une mariée potentielle telle Lactalis doit être belle, et pour ce faire, il faut savoir la satisfaire… La voilà enfin prête, le « mariage » entre le Laboratoire et Lactalis scellé : un contrat à plusieurs millions d’euros en ces temps où la concurrence entre prétendants s’est accrue, pour ne pas perdre « la reine », mieux vaudrait ne pas décliner ses attentes. L’effort de la contrepartie pour que Lactalis soit heureuse et fidèle consiste en un peu de maquillage… Quand on est un laboratoire (non de cosmétique à l’origine mais que nenni) un peu de bluff, pardon de blush, ne se refuse pas à la mariée à la fois exigeante sur le résultat et généreuse contractuellement ! [Pour ce « contrat à plusieurs millions d’euros », on s’arrange !] Bref, mieux vaut savoir la servir pendant des années pour qu’elle vous le rende bien ; les deux protagonistes semblaient visiblement heureux de leurs bons procédés jusqu’à ce jour de décembre 2017 où patatras … le vrai visage de Lactalis apparait tout comme, quelques mois après, celui du laboratoire qui avait contribué durant des années à lui fournir un camouflage en voie d’altération.
Voilà qu’interviennent un beau matin au micro d’Europe 1 (ici), les anciens témoins du fumeux mariage, des ex-laborantins. Ceux même qui se seraient adonnés fut un temps, à la fabrication de la pâte tartiner…
« A chaque fois que le résultat obtenu n’était pas celui espéré, ça devenait un automatisme pour nous. Le responsable nous disait vous pouvez refaire l’analyse ». Interloqué par la méthode, un des techniciens témoins prévient sa hiérarchie. La réponse du marié : « nous ne maîtrisons pas tous les tenants et les aboutissants ». Dont acte et don’t act : fin de l’histoire. Un mariage c’est sacré!
La mariée, il fallait la pomponner et ne pas y aller de main morte ! Telle une acceptation consciente au détriment de la loi et au mépris toutes procédures scientifiques les plus élémentaires, pour ne pas nuire au pacte du couple, les témoins ont acté la remise à la mariée, de résultats manipulés: « On s’est souvent dit entre nous qu’un jour, un scandale sanitaire allait arriver. Parce qu’on rendait des résultats qu’on savait biaisés », déplore-t-il.
Quant à l’alerte, lancée auprès de la Direction, si elle n’a pas été entendue, a-t-elle été tout au moins maintenue ? Appuyée ? Réitérée ?
Maintenant que les masques tombent, la parole semble à priori plus facile pour les témoins: serait-ce dû à l’écoute médiatique enfin devenue disponible ? Ou simple opportunité pour ces ex laborantins à vouloir remettre les pendules à l’heure maintenant que tout explose ? Et ceux qui semblaient avoir eu peur à l’époque [L’un des salariés affirme même avoir eu « peur de Lactalis »], de quelle peur parle-t-on et pourquoi aurait-elle subitement disparue ? La peur servirait-elle d’excuse comme pour expier une forme de lâcheté qui expliquerait de facto l’absence de lanceurs d’alerte tant chez Lactalis que dans le Laboratoire ?
Pourtant, -et c’est bien ce qui est triste- rappelons qu’à tout mariage avec témoins, qu’il soit officieux et d’intérêt, il y a cette fameuse phrase « Si quelqu’un a quelque raison que ce soit de s’y opposer, qu’il parle maintenant, ou se taise à jamais ! ».
Pour ce qui est de l’auto-contrôle, tel l’exemple de Lactalis qui doit recourir à un laboratoire pour se faire valider des données essentielles à l’intérêt général, si le cœur, pardon, l’intérêt financier l’emporte sur la raison, il est parfaitement clair que ça ne peut en aucun cas fonctionner.

MM.

Éthique de l’entreprise: le Crédit Mutuel vous fait la leçon

« Le droit de l’Union Européenne permet-il une éthique de l’entreprise ? » C’est ce à quoi essayera de répondre Nicolas Théry, président du Crédit Mutuel, lors d’une conférence au Parlement Européen devant les étudiants de Sciences Po Strasbourg ».

Les classiques distinguaient à juste titre les valeurs des vertus.
Les valeurs sont des normes établies conventionnellement par la Société pour faciliter le «vivre ensemble».
Les vertus sont du domaine de l’individu, ce qu’il estime devoir être juste de penser et de faire dans une situation donnée. Un citoyen peut être emprunt de valeurs (que n’entend-on nous pas aujourd’hui sur les fameuses «valeurs de la République») sans être pour autant vertueux. Il y a dans ces notions anciennes quelque chose de nos légalités et légitimités modernes.
Revenons à cette conférence au Parlement Européen qui a tout d’un poème. Le sujet de la conférence est à lui seul un exemple de la schizophrénie de nos dirigeants. Beaucoup de questions pour une si courte phrase : Une entreprise peut-elle avoir une éthique, et si oui, laquelle ?
En quoi le droit, de l’Union Européenne a fortiori, définit-il l’éthique des organisations ?
Qu’est ce que le droit vient faire avec l’éthique qui relève des vertus de chacun ?
Si cela était le cas, pourquoi une forme interrogative alors que le droit s’impose à tous ?
Les «inventeurs» de cette conférence ne doivent pas être dupes, puisqu’ils demandent à l’orateur «d’essayer d’y répondre»…
On aurait pu faire beaucoup plus simple, mais l’intervenant se serait-il prêté au jeu ? Les entreprises et plus particulièrement le Crédit Mutuel, respectent-ils le droit Européen ?
C’est sûr, cela aurait pu être embarrassant !! Parce qu’au final, avant de demander à Mr Théry de disserter avec Platon et Socrate, ce que nous attendions de ses prédécesseurs, et ce que nous attendons aujourd’hui de la justice, c’est qu’ils respectent et fassent respecter la loi.
Quoiqu’il en soit, ça n’était pas les sujets qui manquaient. Le Bavard nous en fait un petit résumé ici:

Après, de quoi parle t -on? Ou plutôt de quoi allons nous (tout faire pour) ne pas parler? Et enfin, qui parle ?
Mr Théry, digne successeur coopté du grand manitou du Crédit Mutuel Mr Lucas, pur produit d’un système qui ne brille guère (au regard des affaires en cours) par son éthique, mais pourquoi pas, il a droit aussi à la parole.
Les organisateurs se sont donné déjà tellement de mal pour formuler le thème du débat qu’ils ont courageusement choisi le format d’une conférence, laissant la parole au seul intervenant principal, sans contradicteur. Et ce qui était prévu est arrivé : vérités assénées à l’emporte pièce, raccourcis pour faibles d’esprit, leçons en veux-tu en voilà, quelques pures fake news confirmant une nouvelle fois que politique et chefs d’entreprises en sont les premiers divulgateurs.
On en vient pour finir à savoir: d’où parle t-on? Et là, nous n’avons pas fait économie de symboles…
Le lieu d’abord, le Parlement Européen, législateur supra-national, qui dit ce qui doit être fait et ce qui est moral pour toute l’Europe.
Quelle belle tribune pour un capitaine venant nous vanter que son armée agit par éthique !
Quelle belle tribune pour y dire naturellement ce qui est bien, pour y déposer une couronne de lauriers sur la tête du Sénateur ! Et enfin l’auditoire, des étudiants de Sciences Po futures élites de la Nation au service de l’éthique de l’Etat et des Entreprises, en un mot une belle mascarade où le Prince est assuré avant même d’avoir commencé, d’obtenir les louanges de ses sujets.
Pour qui a fait Sciences Po, quelle tristesse! Que sont devenus ce qui faisait la noblesse de son enseignement, le sens critique et la recherche des réalités cachées derrière les discours?
Nous avons envie de dire au Crédit Mutuel : « Arrêtez de vous ennuyer avec la gestion d’un empire de presse régionale, on vous fait de la publicité gratuite sans que vous ayez besoin de la demander… Alors Bolloré avec ses censures de reportages, il nous fait bien rire !! »

MM.

Carte blanche à Lara Miskhor, ex-clerc de notaire, lanceuse d’alerte

Les visiteurs du soir

Nous sommes dans une petite ville de province, où les rues sont en pente et « pissent dans les deux langues » (Jacques Brel)
Ils sont arrivés discrètement le soir, dans les berlines germaniques un peu trop imposantes, des chaînettes d’or aux poignets un peu trop brillantes, et un je-ne-sais-quoi de manières mauvais genre qui me mettait mal à l’aise.
Que venaient-ils se perdre sur les pavés du nord ?
Y commettre tout d’abord un péché véniel. Pour ce faire, il leur faut un notaire, efficace, discret, et peu regardant.
Ils sont marchands de biens (mal acquis) acquis, en effet, ils ne le sont pas très bien.
Lorsque l’on achète un immeuble, on se doit d’en payer le prix au notaire. L’opération porte sur une ancienne maison, devant être divisée par lots après acquisition et revendus comme « investissement dans le logement social » avec les avantages fiscaux correspondants. Rien de bien illégal, sauf que, le prix de l’immeuble n’a pas été payé de suite au notaire, mais perçu « hors comptabilité » une fois seulement que les lots aient été revendus avec une très confortable plus-value. Les notaires n’ont pas le droit de faire cela, mais ils en ont le pouvoir. Le dit pouvoir étant un peu « huilé » par une dîme perçue en dessous de table par le notaire, avec une gratification « au noir » au comptable notarial.
Le notaire était engrené… fatal engrenage.
Le marchand de bien revint, quelques mois plus tard, accompagné un promoteur, qui lui, roule sur le bitume avec un 4×4 Coréen. Lui n’a pas de chaînettes en or, mais des bureaux près du château de Versailles.
Il ne s’agit plus cette fois d’une opération de même nature, mais à plus grande échelle, d’où le renforcement des effectifs de la funeste équipe.
Il ne s’agit plus de 4 logements, mais d’une barre d’immeuble de 140 appartements, qu’il convient d’acheter, toujours sans en payer le prix, puis revendre en VEFA (Vente en Etat Futur d’Achèvement), après rénovation à des familles aux revenus modestes, après avoir nommé un syndic de propriété qui n’est autre que la compagne du promoteur… on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Cette fois ce n’est plus le marchand de bien qui « porte » l’affaire », il ne joue qu’un second rôle : celui d’apporteur d’affaire : c’est à lui que revient la mission de faire prendre aux pauvres bougres d’acquéreurs des vessies pour des lanternes, et c’est aussi lui qui a indiqué au promoteur cet office notarial au notaire si bienveillant.
Le va et vient des berlines se multiplie, et la petite ville s’enorgueillit de voir du si beau monde sur sa grande place pavée.
Nous sommes deux employés à ne pas vouloir marcher dans la combine. Comme le préconisera plus tard la « loi sapin II » nous « alertons » notre hiérarchie, rassurées par le fait, que suite à nos recherches, nous nous apercevons que le marchand de bien est interdit de gérer, qu’il a fait plusieurs séjours en prison, et qu’il agit au nom d’une société britannique fantôme, puisque clôturée depuis plusieurs années.
Nous écopons d’une sérieuse engueulade de la part du « boss ».
J’exhorte les jeunes clercs de partir, s’ils veulent sauver leur carrière, si l’affaire tourne mal, ça va « claquer », et inutile de claquer à plusieurs : un jour, je ne pourrais plus me taire, tout simplement parce que je ne veux pas être complice escroquerie… parce que justement, l’immeuble est en ruine, le promoteur n’a pas les moyens de payer les travaux, ni même les charges de copropriété, et cette VEFA n’est que du vent.
Un jour, n’en pouvant plus, je me rends chez les hommes en bleu ; ils m’écoutent mais ils ne comprennent pas. Je sors de là avec un bouclier de papier : je ne risque pas d’être poursuivie par « les autorités » parce que je me suis présentée spontanément.
Ni complice, ni victime, le mot n’existe pas encore. Aujourd’hui on dit LANCEUR D’ALERTE.
La suite du chemin ressemble à ce qu’ont vécu presque tous les lanceurs : le Procureur qui poursuit, le juge qui juge que « le notaire ne pouvait pas le savoir », seul le marchand de biens fût embastillé, il fallait bien un mouton noir dans l’équipe.
Mais la personne qui fût traitée comme une pestiférée ce fût bien moi, coupable d’avoir parlé, coupable d’avoir sali la réputation de toute une « province », coupable d’avoir dit que les notaires confondent parfois Droit et Pouvoir.
Je ne vous parlerai pas de la nonchalance de la PQR (la Presse Quotidienne Régionale) qui ne veut pas embarrasser l’un de ces principaux annonceurs (la chambre des notaires), je ne vous parlerai pas des élus locaux qui ne veulent pas entendre qu’il y a un « scandale chez eux », je ne vous parlerai pas de ces familles provinciales qui ne veulent pas voir que l’ordre et le respectable ne sont pas toujours du côté des notables.

Lara Miskhor

Carte blanche à Gilles Mendes, lanceur d’alerte sur le détournement de la loi handicap

Les lanceurs d’alerte en France sont souvent assimilés à ceux ayant dénoncé des affaires de fraude fiscale ou de blanchiment d’argent. Un sujet qui parle à tout le monde: de l’argent tout le monde en a, ou en manque. Et la complexité des mécanismes n’empêche pas le commun des mortels d’être sensible à la problématique : moins d’argent pour l’État implique moins de moyens pour le maintien de l’État providence, du moins tel que nous l’avons connu depuis l’après-guerre.

Il est d’autres sujets bien plus difficiles à faire connaître quand ils touchent à l’humain, comme la maltraitance. Dans les IME, les EHPAD, parfois les hôpitaux.
Il est des tabous qui ont la peau dure, surtout quand on touche à l’humain et au domaine social.
Et il existe des alertes qui mêlent l’humain et l’argent, dont on n’entend jamais parler, bien que certaines situations soient connues des milieux concernés. (ici)

En 2014 j’ai tenté d’alerter les autorités quant à des pratiques que j’avais constatées en tant que responsable informatique, au sein d’un groupe de PME de la Manche spécialisé dans l’imprimerie, et possédant une Entreprise Adaptée. Preuves à l’appui, je démontrais que le groupe utilisait son entité adaptée pour reverser des compensations à de grands et petits clients, en facturant au travers de celle-ci des travaux réalisés par les sociétés ordinaires du groupe. Permettant ainsi aux clients de s’affranchir de tout ou partie de leur contribution à l’AGEFIPH ou au FIPHFP en cas de non respect du « quota » de salarié en situation de handicap. Voire au-delà utiliser la collaboration avec le milieu adapté pour embellir leur image.

J’ai eu beau échanger avec les directeurs de la DIRECCTE de Normandie et de la Manche, de l’AGEFIPH, rencontrer les députés de la Manche, le ministre de l’Intérieur, une conseillère technique de la Ministre du Travail (ministère de tutelle de l’AGEFIPH), le directeur de cabinet du Préfet de la Manche : rien n’a abouti. Au mieux une petite tape condescendante sur l’épaule : « c’est bien petit », au pire un rapport d’audit oral et fallacieux : « on voit bien que ça n’est pas clair mais c’est trop compliqué à prouver ».

Sans médiatisation, la poussière est condamnée à rester sous le tapis. Les différents journalistes avec qui j’ai été mis en relation, par un grand nom du journalisme et de l’alerte, Denis Robert, m’ont laissé tomber après avoir pourtant montré un grand intérêt pour l’affaire, et m’avoir assuré de la publication d’un article. À ce jour, seul Antoine Dreyfus et son rédacteur en chef Raphael Ruffier ont accepté de publier mon témoignage sur le site « Le Lanceur », (ici), malgré des menaces d’attaques en diffamation, qui naturellement n’ont pas été menées à exécution.

Mon cas est loin d’être isolé, et il met l’accent sur deux grands obstacles rencontrés par tous les lanceurs d’alerte : l’abdication des organismes de contrôle, et l’abandon de la presse (particulièrement locale).

Quand un directeur de cabinet du préfet vous dit que vous pouvez déposer une plainte au Parquet – alors qu’au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, lui, est en devoir de le faire – et après plusieurs années de démarches infructueuses, vous savez pertinemment que seul, vous n’avez aucune chance. Quand le directeur général de l’AGEFIPH – la première a être lésée par ces pratiques, voyant ses cotisations fondre chaque année, sans que pour autant le taux d’emploi global de salariés handicapés ne progresse en conséquence – vous remercie pour votre travail, et fait appel à l’entreprise dénoncée pour imprimer le programme des festivités de ses 30 ans d’existence, vous comprenez que les organismes de contrôles n’en ont que le nom, et surtout pas la vocation.
Et quand un haut fonctionnaire du ministère du travail vous déclare « prendre très au sérieux » le dossier soumis, pour se voir quelques mois plus tard muté dans une ambassade aux USA, idem pour une directrice départementale de la DIRECCTE de la Manche mutée à la direction-adjointe de la DRAC dans le sud de la France, la confiance dans le pouvoir politique s’effrite à juste titre.
Il y a des coïncidences étonnantes : « le hasard fait bien les choses ». Ou pas, ça dépend pour qui.

Et le politique dans tout ça? A part protéger ses administrés notables, « ses amis » comme l’a très clairement dit l’attachée de l’ex députée de Cherbourg Geneviève GOSSELIN, ou s’indignant à demi-mot en regardant ses chaussures sans rien faire, tel le député Stéphane TRAVERT aujourd’hui ministre de l’Agriculture.
Face à l’échec de la loi de 2005, Sophie Cluzel, la secrétaire d’État au handicap envisage de revoir le quota de 6% de salariés handicapés (dans le privé, contre 4% dans le secteur public) à la hausse (ici). En l’état, c’est élargir le marché des fausses compensations. Étant donné que son cabinet épingle la gestion de l’AGEFIPH, il réside un espoir de changement. Encore faudrait-il dresser un bilan « sans tabou » (pour citer la secrétaire d’État) et regarder en face ce qui se pratique aujourd’hui.

Gilles Mendes, lanceur d’alerte, Membre fondateur de MetaMorphosis.

En audio, sur France-Inter, émission « Le téléphone sonne » du 16/11/2016 – « Emploi et Handicap »



Mise à jour :

Après l’intervention de l’association ANTICOR, qui a envoyé un signalement au Parquet de Cherbourg en décembre 2018, une enquête a été ouverte, confiée au SRPJ de Caen. Mais les enquêteurs, sans jamais daigner me convoquer pour ne serait-ce que comprendre de quoi il s’agissait, ou a minima recueillir mes pièces, ont décrété qu’il n’y avait « rien d’anormal« , et le signalement a été classé sans suite.
En revanche, la société que j’avais dénoncé a déposé une plainte contre moi en dénonciation calomnieuse, et là sans surprise les gendarmes ont su me trouver.
Pour autant, lors de mon audition en avril 2019, assisté d’un avocat du cabinet Bourdon et associés, j’ai pu m’expliquer et prouver ma bonne foi, tant et si bien que la plainte a été également classée… Mais ce n’est qu’en juin de cette année 2020, après de nombreuses relances du cabinet d’avocats, que le Parquet lui a fait part de cette décision, pourtant prise un mois après mon audition.
J’ai passé plus d’un an sans savoir si j’allais devoir une fois de plus faire subir à ma compagne et mon fils une nouvelle galère, je crois que le message est bien passé, et il est très clair : « ferme ta gueule ».

À ce jour, la société que j’ai dénoncé continue d’exercer sans la moindre inquiétude, et pire le système que j’ai dénoncé n’a jamais été remis en cause et perdure allègrement. Je sais que d’autres lanceurs d’alerte ont dénoncé les mêmes procédés, et qu’ils se sont heurtés exactement aux mêmes murs infranchissables, au même désintérêt ou à la même gêne. Tant de la part des élus, des organismes de contrôle, et de la justice (si tant est que cela veuille encore dire quelque chose)…

Wildleaks: la plateforme contre les actes écocides

Le trafic illégal d’espèces sauvages est une activité relevant du crime organisé et du terrorisme, menaçant certaines espèces d’extinction et mettant en danger l’écosystème et l’équilibre mondial.
Les crimes contre l’environnement représentent près de 190 milliards d’euros par an. Un marché juteux et peu risqué pour les trafiquants.

WildLeaks,(ici), né en février 2014 de l’Elephant Action League (EAL), une organisation californienne de lutte contre le braconnage, est une plateforme collaborative qui propose aux citoyens de dénoncer anonymement les crimes environnementaux commis contre la faune sauvage et les forêts.
« Les crimes contre la faune sauvage sont très souvent inaperçus, contestés, et les personnes n’en parlent pas. Avec cette plateforme, les témoins civils de ces crimes peuvent jouer un rôle crucial dans la lutte, sensibiliser et soutenir la justice » soutient Andrea Crosta, fondateur de WildLeaks.
La mission de WildLeaks consiste à recevoir et évaluer des informations (aux données cryptées) reçues anonymement, concernant la criminalité liée aux espèces sauvages et aux forêts, pour les transformer en opérations réalisables.
Ainsi, identifier et poursuivre les criminels et trafiquants qui bafouent les lois environnementales: voilà le but affiché. Plus encore, la plateforme a l’ambition de dénicher les hommes d’affaire et responsables politiques corrompus qui sont à la tête de ces réseaux.
Témoigner n’étant pas sans danger, la plateforme s’imposait : selon un rapport de l’ONG Global Witness, 185 personnes luttant pour sauvegarder leurs terres ou leurs forêts ont été assassinées en 2015 dans le monde.

Depuis sa création, la plateforme a déjà recueilli près d’une trentaine d’alertes susceptibles d’induire un recours en justice. Des actions dont le réel coût environnemental et humain n’est pas toujours mesuré. “Derrière un simple bibelot en ivoire en vente à Shanghai ou à Hong Kong, une personne se fait tuer en Afrique, une épouse perd son mari, un enfant devient orphelin ou soldat.” dénonce WildLeaks.

L’écocide, un concept-clé pour protéger la nature
Partout dans le monde, les initiatives pour la reconnaissance du crime d’écocide se multiplient. L’enjeu : que la justice internationale puisse sanctionner les atteintes à l’environnement. Faut-il une autre catastrophe pour faire bouger les lignes ?
En savoir plus sur ici

Il était une fois la Wells Fargo et ses whistleblowers

Ce soir, nous allons vous raconter une histoire extraordinaire.
Dans un pays lointain, des lanceurs d’alerte ont porté…l’alerte, ont été (difficilement) entendus par les Autorités de contrôle de leur secteur d’activité, puis licenciés par la banque, pour être ensuite, finalement réintégrés, les préjudices subis et salaires non perçus pendant ces années, devant être réglés par l’employeur licencieur.
Wells Fargo ends fight with a whistleblower in fake-accounts scandal
Leurs dénonces ? des comptes fantômes ouverts dans la banque, des surprimes d’assurances autos, des pratiques commerciales douteuses…une série de scandales qui apparaissent les uns après les autres.
Quoiqu’il en soit, des mesures de précautions et sanctions significatives (prises par la FED) sont tombées ce jour.

Ce merveilleux pays n’est pourtant pas très différent du nôtre. Nous avons la même économie, les mêmes principes de droit, les mêmes Autorités de contrôle, une justice dans les textes totalement indépendante, et sans doute ce pays ne compte pas plus de voyous qu’ailleurs.
Si dans ce pays une telle histoire est une réalité, chez nous, ce n’est qu’un rêve pieux.

Mais quel est ce pays où l’Autorité de contrôle du secteur ne se contente pas de promesses mais interdit toute extension des activités tant que les dysfonctionnements ne sont pas corrigés?
Mais quel est ce pays où le gendarme du secteur impose non pas le licenciement de quelques seconds couteaux mais de quatre membres du Conseil d’Administration?
Mais quel est ce pays où des membres du Parlement agissent pour que les sanctions soient exemplaires et se réjouissent que les Autorités de contrôle puissent faire leur travail en indépendance et avec efficacité ?
Sans doute un Etat communiste qui a dû renier la beauté et la magie de l’économie libérale?
Eh bien non! Il s’agit des Etats-Unis de Trump et de l’une des plus grande banque du secteur…

En tous les cas, vous l’aurez compris, tous les donneurs de leçons habituels le disent en cœur: « pas de ça chez nous, ici on est en France ».

Une sanction sans précédent s’abat sur Wells Fargo
Wells Fargo defrauded the government during financial crisis: suit

MM.

L’alerte au temps de la censure

La sortie demain du livre « Vincent tout-puissant » co-écrit par Messieurs Jean-Pierre Canet et Nicolas Vescovacci fait l’objet ce jour d’une pré-couverture dans Télérama ici.

A ce titre, rappelons que certains membres fondateurs de MetaMorphosis sont bien malgré eux à la genèse de l’enquête menée sur la Banque Pasche – Crédit Mutuel CIC censurée par Canal+ et Bolloré, qui est devenue emblématique du cœur de la réflexion que mène le Collectif sur le vaste sujet de l’alerte.

Messieurs Canet et Vescovacci commencent leur récit par la déprogrammation par Canal+ du documentaire Banque Pasche – Crédit Mutuel CIC. Comme rappelé dans l’interview de Télérama, les lanceurs d’alerte leur avaient fait rapidement part de leur inquiétude de l’effective diffusion de leur travail sur cette chaîne. Certes parce qu’ils bénéficiaient d’une source privilégiée leur permettant d’avoir cette inquiétude avant même les réalisateurs du documentaire… mais pas uniquement. Leur sentiment reposait également sur la relation privilégiée et ancienne entretenue entre les groupes Crédit Mutuel (maison mère de la Pasche) et Bolloré, la banque étant un partenaire financier important de ce dernier. ici
Les lanceurs réagissaient également après deux années de combat en fonction de l’expérience qu’ils avaient de leur relation avec la presse.
Après avoir sollicité tout ce que la France peut compter de presse quotidienne et hebdomadaire, les silences des uns, les refus polis d’autres, voire les refus motivés de certains autres, pouvaient laisser penser, face à l’incapacité de susciter l’attention, que les rapports de pouvoir au sein du monde médiatique avaient très largement basculés au profit des financiers et au détriment de l’investigation (à l’exception notable de Médiapart et de un ou deux journalistes indépendants).

Malgré le professionnalisme, la volonté et la réelle indépendance des auteurs du reportage, les lanceurs ont très rapidement été pour toutes ces raisons, suspicieux dans la capacité d’obtenir une diffusion nationale de l’enquête selon le format qui avait été retenu.

Nous touchons là au second point de ce billet, cet exemple et toute la démonstration que souhaitent réaliser Messieurs Canet et Vescovacci au travers de leur livre, confirment une fois de plus que l’un des enjeux principaux de l’alerte est la capacité pour les lanceurs, déjà exclus du processus judiciaire, de trouver des canaux leur permettant de relayer leur témoignage.
Jeux de pouvoir, liens financiers, liens incestueux avec le politique (l’absence totale de réaction du monde politique -autant sollicité que les médias- étant à ce titre très révélatrice), procédures bâillons dont l’un des auteurs de « Bolloré tout-puissant » en est aujourd’hui la victime, prise de contrôle des rédactions, chantage à l’emploi… autant de situations et de techniques visant à faire taire l’alerte, sans que les lanceurs ne puissent compter sur quelles qu’autres formes de contre pouvoir, si ce n’est comme cherche à le faire MetaMorphosis, de fédérer des expériences et des combats au sein d’une structure totalement indépendante des pouvoirs aussi bien économique que politique.
Nous avons conscience à MetaMorphosis que sur le papier le combat peut apparaître fortement déséquilibré voire perdu d’avance diront certains, il n’en demeure pas moins que pour nous, tant qu’il y aura la liberté de parole, il y a la liberté d’agir et la possibilité de continuer à faire passer les messages.

Alors, rejoignez MetaMorphosis le site et bientôt l’Association.

MM.

Et pour ceux qui n’ont pas vu ledit reportage:

Monnaie de singe

Reconnaissons le rôle précurseur joué par Transparency France dans l’affaire qui nous occupe aujourd’hui.
Rappelons que cette Association a défendu bec et ongles dans le cadre de la Loi Sapin2, sans jamais vraiment se soucier de ce que pouvaient en penser les principaux intéressés à savoir les lanceurs d’alerte, la fameuse Convention Judiciaire d’intérêt Public (CJIP).
Celle-ci permet à une entreprise coupable de faits relevant des tribunaux pénaux, de ne jamais être condamné contre la simple reconnaissance des faits et le paiement d’une amende. Transparency et le Gouvernement de l’époque ont démontré à cette occasion, le peu d’intérêt qu’ils portaient aux lanceurs d’alerte (tout en feignant le contraire) et leur totale méconnaissance de la nature même de leur action.
Qu’attendent les lanceurs d’alerte si ce n’est la reconnaissance par une décision de justice du bien fondé de leurs dénonciations, seule solution leur permettant d’envisager une reconstruction personnelle et professionnelle ?
Qui peut croire au bout de tant d’années de combat qu’un lanceur d’alerte puisse se résoudre à retrouver devant lui une organisation pouvant clamer haut et fort qu’elle n’a jamais été condamnée?

Marchons dans les pas de Transparency France et allons un peu plus loin dans cette logique, l’actualité récente nous donnant matière à faire une nouvelle proposition: instaurons dans le droit français la peine : « Je m’excuse ».
D’un côté Lactalis qui a en toute connaissance de cause avec la complicité bienveillante de la grande Distribution, mis sur le marché des produits dangereux pour les consommateurs et, ce que beaucoup semblent oublier, interdits à la vente. A ce que nous sachions, quand le cartel de Medellin met sur le marché de la cocaïne, le premier réflexe qui vient, est qu’il s’agit d’un produit interdit à la vente, aux effets également dangereux. Bizarrement, y compris au gouvernement, concernant Lactalis, cela ne semble pas avoir été la première réflexion. Madame Agnès Buzin Ministre des Solidarités et de la Santé, nous explique en effet dans les jours suivant la mise en évidence de ce scandale, « que les excuses de Lactalis: pas sûr que ce soit suffisant  » ici
On serait en droit d’attendre d’une Ministre de la République, qu’elle soit avant tout scandalisée par le fait que cette société ait continué à commercialiser des produits nocifs interdits à la vente. A la place, on la découvre déjà réfléchir à quel degré de « peine » ce manquement déclencherait une sanction, comme s’il y avait quand on enfreint la loi, un plan B autre que celui passant nécessairement par la case justice.
Nouvel exemple tout récent avec l’affaire des essais de Volkswagen sur des êtres humains et des singes. On découvre cette magnifique déclaration du porte-parole de la Chancelière Merkel mais au combien révélatrice qui nous dit que de tels agissements sont injustifiables « d’un point de vue éthique » ici. Comme nous savons tous depuis Platon que l’éthique ou la morale n’ont pas grand chose à faire avec le droit et donc la justice, nous en déduisons que pour le porte-parole de Madame Merkel, les agissements de Volkswagen ne relèvent pas de ladite justice.
Cette société l’a très bien compris puisqu’elle nous a tout de suite livré son analyse de la situation: « Je m’excuse » ici. Un « je m’excuse » du type : « voilà ça c’est dit, passons maintenant à autre chose ». Certes, c’était pour les essais sur les macaques, il ne reste plus qu’à le réitérer pour les hommes.

Nous ne pouvons que conseiller à toutes les sociétés faisant l’objet d’instruction judiciaire, Lafarge par exemple ou telles ou telles banques, de se saisir de ce nouvel argument de défense qui semble imparable et bien compris de la classe politique: des excuses valent pardon et rédemption, inutile d’aller à l’église.

Si les peuples européens montrent un tel désaveu dans leur classe politique, une telle méfiance dans les systèmes judiciaires, un tel sentiment d’impunité pour les grandes sociétés et les puissants, cela vient aussi d’une dénaturation du sens même de l’exercice du droit relayé en cela par ceux qui ont justement la charge de le faire appliquer.

A ne pas y faire attention, ces petites incisions dans le corps de la justice où celui qui est mis en cause finit lui même par décider de sa peine (parce qu’au final dans la CJIP l’inculpé garde la main comme en témoigne la transaction signée avec HSBC), c’est la démocratie qu’on risque d’assassiner.
Finissons sur un exemple qui vient illustrer le propos et qui est d’autant plus inquiétant qu’il sort de la bouche d’un procureur de la République déclarant ainsi: « Ce n’est pas normal qu’il y ait si peu de déclarations de soupçons sur la Côte d’Azur. Les professionnels n’ont pas le courage de lâcher les chiens. » ici
Rappelons que les professionnels en question, Notaires et Agents Immobiliers, ont au titre du blanchiment les mêmes obligations que celles censées encadrer la profession bancaire. S’agissant de leurs responsabilités professionnelle et légale, il est étonnant et symptomatique de la bouche d’un Procureur de confondre Courage et Obligation.

A quand une justice du mea-culpa et des peines appréciées en fonction du niveau de courage de chacun?

MM.

Carte blanche à Yasmine Motarjemi lanceuse d’alerte chez Nestlé

MetaMorphosis est heureux d’accueillir la contribution de Madame Yasmine Motarjemi lanceuse d’alerte chez Nestlé, ex Directrice de la sécurité sanitaire des aliments.
Titulaire d’un doctorat en ingénierie alimentaire de l’Université de Lund en Suède, elle rejoint en 1990, l’Organisation mondiale de la santé à Genève en tant que scientifique senior. De 2000 à 2010, elle a occupé le poste de vice-présidente adjointe chez Nestlé et a travaillé en tant que responsable mondiale de la sécurité des produits Nestlé.

À la suite du scandale de l’épidémie de salmonelle liée à Lactalis, de nombreux réseaux sociaux ont soulevé la question: pourquoi n’y a-t il pas eu de lanceur d’alerte dans cette entreprise?
Yasmine Motarjemi répond à la question, dans la Tribune « L’ère de la dénonciation est arrivée ».

« Le problème est que le harcèlement psychologique et le licenciement abusif, suivis de chômage, menacent ceux qui osent protester contre la négligence. Le harcèlement psychologique est utilisé pour exercer des représailles contre les lanceurs d alerte, mais le harcèlement a également des répercussions sur le travail des employés, leur santé et la sécurité des produits, de multiples façons.

Le dimanche 7 janvier 2018, à l’occasion de la remise des Golden Globe, les vedettes de l’industrie l’industrie cinématographique étaient vêtues de noir pour manifester contre le harcèlement sexuel et montrer leur solidarité avec les victimes.

Certains cas de harcèlement ont eu lieu il y a plusieurs années et les victimes sont restées silencieuses. Certaines victimes ont accepté ce harcèlement dans le but de promouvoir leur carrière. Néanmoins, il est admirable que l’industrie cinématographique soit maintenant mobilisée pour purger le système et apporter un certain degré de moralité à leurs pratiques.

En revanche, dans l’industrie alimentaire, personne ne s’élève contre le harcèlement et le mobbing, que les raisons soient sexuelles, de jalousie, de discrimination, de représailles ou pour réduire au silence les lanceurs d’alerte. Pas plus les collègues que les associations professionnelles ou les autorités ne font preuve de solidarité avec les victimes. Elles ne manifestent aucun intérêt pour mettre fin à de telles pratiques.

Les conséquences du harcèlement moral pour les victimes sont profondes et durables. Leur vie est souvent irrémédiablement détruite. De telles pratiques de management devraient retenir l’attention du public.

Dans l’industrie alimentaire ou dans d’autres industries telles que les produits pharmaceutiques, les transports, les produits chimiques, etc., de tels événements auront une incidence sur la sécurité des biens de consommation et de l’environnement, ainsi que sur la santé et le bien-être des personnes. Je pense que l’industrie alimentaire et les autres secteurs d’activité devraient apprendre de l’industrie cinématographique et mettre un terme à ces pratiques qui peuvent ruiner la vie.

La balle est dans la cour des dirigeants et de la haute direction, en d’autres termes, les vedettes du secteur alimentaire ».

Yasmine Montarjemi

Version originale en anglais: ici

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En savoir plus:

Du journal Le Monde : Une ancienne de Nestlé dénonce la gestion défaillante du groupe en matière de sécurité alimentaire

Article Yasmine Journal -L'Essor- Fév 2015 by France Culture on Scribd

Lettre de Yasmine Motarjemi à M.Schneider by Le Lanceur on Scribd

Natixis: la victoire du lanceur d’alerte

Suite à la décision du tribunal prud’homal lundi 22 janvier 2018, le directeur des risques de la Natixis, qui s’était dressé contre de graves irrégularités au sein de la banque, obtient l’annulation de son licenciement et sa réintégration au sein de la société.
Nous tenions à souligner l’importante victoire de ce lanceur d’alerte, importante car elle confirme le bien fondé à la fois de l’attitude du lanceur et de la nature des faits dénoncés, une victoire qui ne se limite pas, comme bien souvent, à l’unique procès en diffamation, à la seule parole du lanceur d’alerte, qui même relaxé, risque d’attendre longtemps pour que les faits dénoncés soient -s’ils le sont un jour- enfin traités.
Sur ces sujets, il n’est de grande victoire sans condamnation et/ou amendes infligées aux auteurs des infractions et sans régularisation des dysfonctionnements constatés.

Par ailleurs, rappelons que cette histoire est symptomatique de ce que vivent la plupart des lanceurs d’alerte qui même en respectant scrupuleusement la procédure d’alerte, conformément à la loi, sont soumis aux pressions, licenciement express, discrédits, blacklistage…
La réintégration de celui qui n’a fait que son travail peut ainsi être perçue comme une réhabilitation: une réelle victoire.

Enfin, comme souligné par Mediapart dans l’article ci- joint, cette affaire confirme que l’on ne peut décidément se reposer sur l’unique auto-régulation des marchés par les sociétés. Cette croyance dans la capacités des acteurs privés à s’auto-réguler étant l’un des axes de la politique économique du gouvernement français, il y a peu à attendre de ce côté là. Nous voyons bien qu’il existe une forte opposition entre la défense par l’entreprise d’un intérêt privé et la nécessité pour la collectivité, et donc pour l’Etat, de défendre l’intérêt général.
A l’image de ce qui est fait en Angleterre, il apparaît comme essentiel que des employés ayant des postes sensibles ou à fortes responsabilités, ne soient pas uniquement hiérarchiquement soumis à leur entreprise mais également à l’Instance régulatrice de la profession, unique façon d’apporter aux lanceurs un meilleur niveau de protection en cas de dysfonctionnements déclarés, et par conséquent de réguler au mieux ce qui relèverait de l’intérêt général.
Si ceci est un vœu, nous n’oublions pas qu’il convient simultanément de revoir la composition et le fonctionnement desdites instances, trop d’exemples démontrant qu’elles n’agissent, même quand elles sont prévenues en temps et en heure, que trop tardivement et/ou insuffisamment, voire pas du tout. L’exemple dans le présent article, le prouvant encore une fois.
Natixis: après le camouflet de l’AMF, celui de la justice

En ce jour de soutien à la presse et aux journalistes face aux procédures baillons et parce qu’informer n’est pas un délit, soulignons le travail d’investigation d’une certaine presse, malheureusement de plus en plus rare, sans laquelle le dossier Natixis ainsi que celui de défense du lanceur, se seraient sans doute perdus dans les méandres de la justice.

MM.