Un procès pour l’exemple ou l’exemple par le procès

Sous la plume de Martine Orange, Médiapart nous relate hier (ici), l’audience du 26/02/2018 devant le Tribunal de Grande Instance d’Avignon concernant la plainte de François Mariani contre François Pignon son ancien employé, et Philippe Pascal, ancien inspecteur de l’URSSAF.
Nous ne reviendrons pas sur le détail de l’audience bien documenté dans l’article référencé et résumé dans la phrase suivante: « …le tribunal…a décidé d’ignorer durant toute l’audience, ce que contenait cet enregistrement pour ne se focaliser que sur le fait d’avoir enregistré son employeur à son insu » .
Cet exemple nous permet de revenir sur l’un des acteurs des alertes bien souvent ignoré mais qui par certaines de ses décisions influe largement sur la manifestation de la vérité. Nous parlons de la Justice, non seulement celle qui va s’évertuer à tout faire pour ne pas donner suite aux dénonciations mais également celle qui, lorsqu’une enquête est ouverte car l’importance des faits dénoncés ne permet pas de procéder autrement, va s’évertuer à ralentir quand ça n’est pas carrément plomber l’instruction.
Il ne s’agit pas pour nous d’accuser toute la justice. On nous répond souvent que comme dans toute autre profession, il se pourrait que certains de ses membres ne fassent pas toujours preuve d’exemplarité. Nous l’entendons bien, mais comparer la justice à d’autres professions nous semble déjà une erreur. Nous ne pouvons entrer avec elle dans une comptabilité absurde qui voudrait que l’on se satisfasse de la grande majorité qui ferait son travail honnêtement et professionnellement. Plus qu’ailleurs, la présence de brebis galeuses est inacceptable et ne peut être d’aucune façon justifiée d’autant plus que nous sommes dans un système où le justiciable n’a quasiment aucune possibilité de contester ce type d’agissement.
Malheureusement l’exemple cité par Médiapart n’est pas un cas isolé, nombre de lanceurs d’alerte pouvant témoigner jusqu’à un acharnement de la justice pour refuser ou altérer la portée des preuves remises par les plaignants. Pour l’illustrer, nous prendrons un exemple concret qui concerne deux lanceurs fondateurs du Collectif MetaMorphosis.
A la demande de leur avocate, ils avaient procédé à un enregistrement sonore de leur hiérarchie, le Conseil de ces lanceurs estimant, au regard des décisions de la Cour de Cassation et de la jurisprudence de la Cour Européenne qui stipulent qu’un salarié peut produire toute pièce si elle n’est qu’un des seuls moyens lui permettant de constituer sa défense, que cet élément serait retenu dans les différentes procédures. En effet, soumis au secret professionnel, les lanceurs n’avaient que très peu d’alternatives pour alimenter leur défense. A l’occasion de la procédure prud’homale où ils souhaitaient démontrer que leur licenciement était le résultat de leur dénonciation, ils ont produit ledit enregistrement où leur hiérarchie confirmait d’une part le bien fondé de leurs soupçons et d’autre part, que leur licenciement (sans les en avoir tenus dûment informés) était programmé plus de six mois avant la date effective.
Que la partie adverse fasse tout son possible pour minorer la portée d’un tel élément n’est en soi pas choquant et fait malheureusement partie du jeu de la procédure judiciaire. Par contre, que la juge en charge de l’instruction, malgré l’importance évidente de cette pièce pour la défense des salariés, fasse tout pour l’exclure de la procédure, pose une question de loyauté. Le Tribunal est même allé jusqu’à faire sienne l’argumentation de l’accusé selon laquelle l’enregistrement aurait été obtenu dans des conditions déloyales à savoir sous l’emprise de l’alcool de l’interviewé, enregistrement réalisé selon eux à son insu et dans un débit de boissons, alors que son écoute prouve immédiatement l’heure matinale de sa réalisation dans les locaux professionnels. Au final, la juge a décidé d’exclure cette pièce de la procédure, ne permettant pas aux lanceurs, compte tenu des contraintes professionnelles qui étaient les leurs, de pouvoir assurer convenablement leur défense.
Cette procédure prud’homale a été émaillée d’autres faits similaires, la Juge se rangeant systématiquement du côté de l’argumentaire de la partie adverse, même quand celle-ci était incapable de fournir les justificatifs correspondants.
Dernier exemple et malheureusement la liste n’est pas exhaustive: au cours de la procédure et avant même le délibéré de la première instance, la partie incriminée a fait publier dans différents sites de presse sur internet une décision de justice qui leur était bien évidemment favorable alors rappelons le, qu’aucune décision officielle n’avait été prise, en prenant soin de citer le nom de la Chambre et des trois lanceurs, tout ceci à l’entête de l’ordre des avocats local. Quand cet élément fut porté à la connaissance de la Présidente du Tribunal, elle a totalement éludé la question alors que de l’avis des lanceurs, il aurait pu être un élément complémentaire confirmant une attitude déloyale de la partie incriminée.
L’affaire relatée par Médiapart et les exemples cités plus haut, nous servent à rappeler que dans le long et dur combat des lanceurs, il se peut parfois qu’ils n’aient pas pour adversaire l’unique partie sur laquelle porte les soupçons. Nous avons déjà insisté dans MetaMorphosis sur les difficultés que rencontrent les lanceurs avec la presse, parfois avec des avocats indélicats, souvent avec des Associations plus soucieuses de la défense de leurs propres intérêts. Nous pensons aussi qu’il ne faut pas éluder les problèmes rencontrés avec l’Institution Judiciaire. Cela peut prendre la forme, et les exemples sont nombreux, de l’impossibilité pour le lanceur d’obtenir une ouverture d’instruction judiciaire en dépit des faits dénoncés et des preuves à l’appui, des relations de pouvoir entre notables pouvant être un obstacle à un sain exercice de la Justice.
Trop souvent au cours des procédures, le lanceur qui doit en permanence prouver sa bonne foi, peut être confronté à certains acteurs de la Justice qui ne semblent pas exercer leur métier selon les règles de l’art et en toute objectivité.
Que dirions-nous d’un juge d’instruction, face à une affaire de dénonciation non documentée de preuves – les lanceurs étant soumis au secret professionnel – qui verrait apparaître dans la presse des éléments corroborant les faits dénoncés mais qui n’estimerait pas utile d’en faire la réquisition afin d’alimenter sa procédure ? Nous dirions qu’il n’est soit pas professionnel soit pas totalement honnête.
Malheureusement de telles situations existent…

MM.

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