Sanofi, un groupe pharmaceutique qui vous veut du bien

Une «bonne» nouvelle et quelques questions…

La «bonne» nouvelle c’est le journal Le Monde du 09 Juillet 2018 qui s’en fait l’écho (ici) : «Le groupe pharmaceutique a annoncé, lundi, l’arrêt immédiat de la production de son usine chimique, devant le tollé suscité par des informations sur ses émissions hors norme de rejets toxiques », « afin d’opérer les améliorations techniques indispensables à un retour à la normale ».
En cause, des rejets dans l’atmosphère de substances dangereuses dans des quantités très supérieures aux limites autorisées. «Toutes les conditions en matière d’émissions et d’absence de risques pour les salariés et les riverains devront être réunies pour que l’État puisse autoriser une reprise de l’activité du site», a indiqué le gouvernement mardi 10 juillet.

On a bien fait de mettre des guillemets à bonne pour « bonne » nouvelle. À la limite, ça ne devrait même pas être une nouvelle… ou alors nous n’avons plus qu’à nous réjouir qu’une entreprise pharmaceutique qui ne respecte pas les règles élémentaires qui lui sont imposées, qui s’en rend compte mais ne fait rien, décide, parce que la presse s’en empare, de stopper son petit jeu de massacre. Nous devrions même lui donner une médaille pour cet acte de bravoure !

Parce que malheureusement, nous en sommes un peu là : un politicien corrompu qui est condamné à un ou deux ans de sursis, et le pays d’applaudir et de louer la sévérité de la justice, alors qu’il aurait pris du ferme et beaucoup plus dans la plupart des autres pays européens. Une banque qui négocie (et donc est exemptée de toute condamnation judiciaire) une amende de dix millions d’euros, et le peuple qui se réjouit que les fautes soient punies, sans que personne ne se demande combien de profits l’entreprise a pu engranger avec ses malversations.
Applaudissons tous en cœur l’extraordinaire acte de bravoure de Sanofi… et surtout pas de mauvais esprit à reparler du scandale maison de la Depakine.

Donc «aux grands maux, les grands remèdes», l’arrêt immédiat de l’usine a été annoncé ce 09 juillet. Dans un souci d’exactitude, on rappellera néanmoins qu’en octobre 2017, les rejets toxiques constatés dépassaient déjà toutes les normes… Si le temps ne fait rien à l’affaire, il aura quand même fallu attendre (quoi?) pour enfin décider d’interrompre «momentanément » toute production afin effectuer sur le site les travaux nécessaires pour un retour à la normale des valeurs. « Mieux vaut tard que jamais » dira l’optimiste, on peut donc se féliciter sur ce point et ne plus porter trop d’attention aux premières expertises alarmantes qui semblent s’être évaporées en même temps que les rejets incriminés.

Tout ceci pour nous ramener au sujet de l’alerte. Si alerter, que ce soit de la part de lanceurs -dont ce peut être l’obligation professionnelle mais en aucun cas le métier- ou d’autorités de contrôle dédiées -dont c’est la raison d’être- c’est prévenir pour que soit mis fin aux dysfonctionnements constatés; ne rien entendre ou tenter de minimiser le problème est un manquement grave à l’exercice de sa mission.
Dans le cas présent la passivité (pour ne pas dire plus) de l’entreprise et des autorités publiques, aurait pu avoir raison de la santé des riverains sans que des médias décident d’assumer d’alerter conduisant à la décision que l’on connaît.
Une fois de plus nous avons confirmation : nous ne pouvons guère faire confiance à un auto-contrôle des entreprises, le «rien faire», synonyme de dépenses non engagées, étant toujours (et on pourrait même dire « naturellement ») la décision privilégiée ; les autorités de contrôle sont déficientes ou inefficaces, en l’absence de moyens, d’un réel pouvoir de contrainte et d’une véritable autonomie par rapport aux industriels, elles ne remplissent que d’une façon parcellaire leur mission.

Revenons tout de même à la question centrale : comment Sanofi peut-elle sciemment rejeter jusqu’à 190 000 fois la norme autorisée de bromopropane, une substance classée comme cancérigène, mettant en danger la santé de ses salariés et des habitants de Mourenx ?
D’après le journal Mediapart qui a révélé l’affaire (ici), Jade Lindgaard, auteur de l’article va plus loin dans son enquête : «Mais les anomalies de l’usine de Sanofi à Mourenx ne s’arrêtent pas là. C’est lors d’une visite d’inspection, en septembre 2017, que des inspecteurs de l’environnement ont découvert que deux cheminées du site ne faisaient l’objet d’aucune mesure alors que le suivi des rejets de COV est obligatoire. Ils l’ont donc réclamé.
Sanofi s’est plié à leur demande plus d’un mois plus tard, en octobre. Les dépassements astronomiques de rejets de COV sont signalés dans une note interne de février 2018 »
et de rajouter que « Selon Patrick Mauboulès, de la Sepanso (Société pour l’Étude, la Protection et l’Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest), la situation est d’autant plus inquiétante qu’il y a des raisons de penser que ces rejets excessifs se produisent depuis 2012, date de la mise en place d’un nouveau procédé de fabrication sur le site ».
Question: Entre 2012 et 2017 aucun contrôle n’aurait été ni fait ni réclamé, pas même pensé?

Voilà donc un nouvel adage pour une nouvelle ère : «qui va vérifier s’il y a des anomalies, s’expose à en trouver».
C’est bien connu, alerter étant source d’angoisse, mieux vaut se taire… En effet, toujours selon Mediapart, «Patrice Laurent, le maire de Mourenx, dont certains habitants vivent à quelques dizaines de mètres du site, a appelé à ne pas alerter la population et à respecter «la sérénité», pour continuer à vivre et travailler en sécurité sur cette zone».
Tout va bien puisque «à la suite d’une rapide étude des risques sanitaires, le groupe Sanofi considère que les rejets de son usine ne sont pas dangereux pour la santé des riverains».
On a eu chaud ! Si ignorer le danger c’est «travailler en sécurité» , alors ignorer le thermomètre en cas de fièvre, c’est vous garantir la pleine forme ?

Ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire.
Il nous manquait le dernier pied pour que la chaise soit bien stable, « ne rien faire » : «Représentants écologistes et syndicaux s’alarment, mais l’État ne sanctionne pas».

MM.

Interpol, une police sous influence ?

C’est une solide enquête qu’ont menée Mathieu Martinière et Robert Schmidt sur Interpol, organisation mondiale créée le 7 septembre 1923 dans le but de promouvoir la coopération policière internationale. Cette organisation est connue pour délivrer, entre autres, des notices rouges, documents d’alerte qui une fois publiés permettent d’assurer la traque planétaire de criminels recherchés dans le monde.

Toutefois, est-elle indépendante ?
Comment se finance t-elle ?

Le documentaire revient en détail sur ces points, soulignant les limites de ses actions, les conflits d’intérêt et collusion dans lesquels elle bascule.

Si dans l’imaginaire collectif, cette institution évoque un univers d’enquêteurs aux pouvoirs considérables, faute de moyens financiers et de volonté des États membres pouvant lui assurer financièrement une indépendance et un fonctionnement optimal, la présente enquête nous dévoile les revers de la médaille d’une organisation fonctionnant sur fonds privés et exposée à de graves conflits d’intérêts.

Quid de son indépendance, éthique et efficience ?

Un reportage édifiant, disponible du 15/03/2018 au 18/05/2018.

MM.