Flat tax et ruissellement : c’est loupé !

Paru le 24 juin dans Mediapart sous la plume de Romaric Godin, un article intitulé « La flat tax a bien été le pivot de la politique pro-riches du gouvernement », fait le point sur les premiers éléments en notre possession, relatifs à ce dispositif fiscal instauré par Macron dès son arrivée au pouvoir. Il s’agit du prélèvement forfaitaire unique de 30% sur les revenus du capital dont l’objectif premier affiché était de permettre une relance des investissements des entreprises.

A la lecture dudit article, tout est question de définition et d’interprétation. Et pour cause, Romaric Godin fait notamment référence à un éditorial paru le 20 juin dans le journal économique Les Échos, – propriété de Bernard Arnault -, qui évoquait, lui, « Les bons comptes de la flat tax ».

Trois idées principales peuvent être retenues :

  • Les Échos parlent de « bons comptes » car ce prélèvement forfaitaire unique ne pèsera pas sur le budget de l’ État en raison de l’envolée de dividendes distribués en 2018. Comme le souligne l’auteur de l’article de Médiapart : « On notera immédiatement qu’un manque à gagner nul ne représente pas un gain et que, partant, si l’ État n’a pas perdu d’argent, il n’en a pas gagné alors même que la hausse des versements de dividendes est vertigineuse et que les prix ont progressé de 1,6 % ». Pour les Echos donc, une stabilité des recettes fiscales alors que les revenus sont en hausse de 24%, représente un « bon compte ». On attend que Bernard Arnault vienne nous expliquer qu’il fait une bonne affaire quand il explose son chiffre d’affaire avec une profitabilité identique !
  • De cette augmentation vertigineuse de dividendes, les Échos n’en portent pas l’analyse plus loin, ne serait-ce en se demandant « d’où peut-elle bien provenir » ?! On constate en fait deux choses : pour les entreprises présentant un EBE (Excédent Brut d’Exploitation) suffisant, elles ont arbitré le versement de dividendes au détriment des autres usages habituels c’est-à-dire le reversement aux salariés et surtout dans l’investissement. Pour les entreprises ne bénéficiant pas d’un tel EBE, l’accroissement du versement des dividendes s’est fait tout simplement…par recours à l’endettement ! De ce point de vue guère de doute, la flat tax est un échec d’une part parce qu’elle ne répond pas à son objectif initial de dynamisation de l’investissement, d’autre part parce qu’elle présente une incidence anti- économique consistant à payer des profits non réalisés par un endettement pesant sur les années à venir. Rien de bien vertueux là-dedans, aucune trace de rationalité économique, mais bien la seule volonté de bénéficier à un instant T d’un avantage fiscal !
  • Car le fond du problème de la Flat tax est bien là (notons pour la petite histoire qu’un même schéma est très ardemment défendu en Italie par le leader d’extrême droite, Salvini , au point d’avoir menacé de quitter la coalition gouvernementale si son projet n’était pas adopté). Plusieurs économistes avaient alerté le gouvernement lors du vote de cette mesure, soulignant l’aberration pour des politiques disant poser la valeur travail au centre de leur action puisque cette flat tax conduit à une imposition marginale du travail très sensiblement supérieure à celle du capital. En d’autres termes nous avons un Macron qui nous explique que le travail doit être au centre de la vie de chaque citoyen et qui « en même temps », créé un système fiscal où il vaut mieux être rentier que salarié.

De cette situation aberrante, il en résulte bien évidemment des conséquences financières immédiates. Le ruissellement n’étant qu’un fantasme d’économistes attardés, les agents économiques, eux, réagissent dans leur seul intérêt et se positionnent à un moment T dans le schéma qui leur est plus profitable. En l’occurrence compte tenu de cette forte distorsion de fiscalité entre travail et capital, les salariés les plus fortunés vont logiquement arbitrer entre salaire et dividendes, diminuant fortement la part salariée de leur rémunération (plus fortement imposée) au profit de la part sous forme de dividendes (imposée forfaitairement à 30%). La première est soumise à cotisations sociales, la seconde également mais beaucoup moins puisque le 30% s’entend « tout compris ». Résultat de la manœuvre : les rentrées financières des organismes sociaux ont été fortement impactées ce qui explique en grande partie l’étonnement général et plus inquiétant encore celui du gouvernement à l’annonce de la détérioration rapide et soudaine des comptes de la sécu.

Les Échos se réjouissent et on aurait presque envie de dire que c’est bien normal. Les intérêts que ce journal représente, sont effectivement les grands gagnants de cette réforme fiscale ! On pourrait même penser que c’était le seul objectif de cette flat tax…Parce que sur l’ensemble des objectifs annoncés, force est de constater que l’échec est patent : aucune reprise de l’investissement, effet pervers de l’endettement, arbitrage d’opportunité des hauts revenus, et impact sensible sur les comptes sociaux.

Pour le ruissellement on repassera…

MM.

Meilleurs employeurs 2019 : l’Élysée a la cote

Tous les ans, les magazines spécialisés établissent un palmarès des entreprises préférées des jeunes diplômés, de celles qui ont une politique de ressources humaines des plus avantageuses.
Après analyse, nous voilà plus très convaincus de la qualité de ce classement. Et pour cause.

En effet, si vous regardez bien, dans la liste établie annuellement, vous vous rendrez compte que le Palais de l’Élysée n’est a aucun moment mentionné.
Et pourtant !

L’affaire Benalla nous avait mis la puce à l’oreille.

Une nouvelle affaire concernant le chauffeur de Macron et révélée ce jour par Mediapart , nous convainc que le cas Benalla n’était pas un cas isolé mais que la politique des Ressources humaines au Palais de l’Élysée est sans aucun doute, l’une des plus avantageuse et protectrice de France!

« Renvoyé devant le tribunal, le chauffeur de Macron est épargné par l’Élysée »

On se rappelle tous, que pour s’être déguisé en policier et avoir tapé sur tout ce qui bougeait, Benalla avait pu bénéficier en guise de sanction de quelques semaines de congés avec solde.

Rebelote avec ledit chauffeur Stephane P., renvoyé en correctionnelle pour refus d’obtempérer lors d’un contrôle routier après plusieurs sommations de policiers. Il était à bord d’un véhicule de l’Élysée et n’était pas en service…

La sanction fut terrible: brève suspension administrative de 20 jours sans doute avec solde (Benalla n’avait lui pris que 15 jours!) et retour à l’Élysée pour occuper des fonctions de sécurité auprès du chef de l’État.
Nous laissons au soin des chauffeurs routiers et autres livreurs professionnels d’apprécier l’extraordinaire clémence de l’employeur « Palais de l’Élysée ».

Si on réfléchit bien : vous êtes lanceur d’alerte, vous assurez une dénonciation conformément à vos obligations professionnelles et /ou légales parce que vous êtes témoin de pratiques susceptibles de porter une grave atteinte à l’intérêt général, on vous remerciera dans les plus brefs délais et avec la plus grande violence possible.
Oubliez les vacances, l’affectation dans un nouveau poste, une vie sociale, une vie familiale et préparez-vous à un parcours du combattant «no limit».

Vous êtes salarié du Palais de l’Élysée, vous êtes pris en flagrant délit, votre comportement porte atteinte à l’image et à la réputation de votre employeur, par vos actions vous démontrez que vous n’êtes pas forcément la personne la plus habilitée à remplir les fonctions qui sont les vôtres mais vous pouvez envisager des vacances tous frais payés pour décompresser du stress tout en rêvant de votre prochaine affectation.

De deux choses l’une : soit l’employeur Palais de l’Élysée est un véritable Paradis du Salariat, dans ce cas nous vous conseillons tous de postuler auprès de lui dans les plus bref délais. Des emplois, très clairement il y en a, même pour ceux ayant fauté. (Au passage nous ne comprenons pas bien l’intérêt qu’il y avait pour Macron à devoir réformer le code du travail, à supprimer tant d’acquis sociaux puisque lui même en tant qu’employeur accorde des avantages qui vont bien au delà de ce que tout salarié ou syndicat pourrait rêver).
Soit, parce que l’État macronien est une start-up et que la vérité est sûrement à chercher dans cette voie, l’Élysée ne se comporte pas différemment des ex employeurs des lanceurs d’alerte, cacher des infractions, enterrer des affaires, mentir sur des faits, protéger les coupables, leur assurer toute forme de promotion et … s’acharner sur ceux qui respectent lois et règlements en vigueur!

En devenant un feuilleton, nous avons pu par moment rire du cas Benalla. Ce nouvel exemple pourrait prêter à sourire sauf qu’à bien y réfléchir, le comportement de l’employeur Macron traduit au plus haut sommet de l’État, une totale absence du sens des responsabilités et de la valeur du mérite.

MM.

Christine au pays des Soviets

Christine au pays des Soviets. Christine, vous connaissez ? En France, c’est Madame 400 patates. Dans le fameux arbitrage Tapie, c’est la ministre condamnée par la Cour de Justice de la République pour une « négligence » de 400 millions d’euros. Les voies du droit, comme celles du seigneur, sont impénétrables !

A MetaMorphosis nous avons connu des guichetiers de banque qui ont été virés avec perte et fracas pour quelques centaines d’euros d’erreur de caisse… Alors 400 millions, on ne va pas chipoter !

Les guichetiers en question sont alors entrés dans la galère, dans l’impossibilité de retrouver un travail à mesure de leur compétence tant ces malheureuses centaines d’euros sont gravées à tout jamais dans leur futur professionnel. La faute professionnelle, selon les cas, elle ne pardonne pas.

Avec 400 patates, vous avez droit à une promotion, car passer de simple ministre de la France à Directeur Général du FMI ça reste une belle promotion, et on n’aura pas l’impudence de relever l’ensemble des avantages rattachés à la fonction, notamment l’augmentation substantielle du salaire non soumis à l’impôt.

Mais bon… Christine ne vit pas dans le même monde que le guichetier et la justice n’est pas la même. C’est maintenant bien connu; se sont ceux qui nous rabâchent à longueur de journée les bienfaits du monde de l’entreprise, sur la nécessité de responsabiliser chacun à son niveau de compétences, qui sont les premiers à s’en exonérer quand ça les arrange. On a ici un merveilleux exemple puisque la « négligence » peut être reconnue dans le monde réel comme une faute professionnelle, mais pas pour la Directrice du FMI.

Autre exemple dans l’actualité : les procédures contre des employés pour «déloyauté» se multiplient. Mais Benalla, qui correspond parfaitement à ce cas, passe au travers des gouttes. Allez comprendre…

Revenons à Madame 400 patates. La voilà qui part en croisade contre la fiscalité des multinationales. Quelle mouche l’a donc piquée, et surtout pourquoi maintenant, si tardivement. Mystère ! Elle n’y va pas de main morte, comme le titre Les Échos «elle veut changer la règle du jeu».

Aveu intéressant, on ne savait pas qu’en matière fiscale il y avait des règles du jeu différentes en fonction des contribuables, nous qui en étions restés à un impôt égal pour tous en fonction de ses capacités contributives.

Mais ça, c’est la théorie, en plus d’en être le préambule de la déclaration des droits de l’homme !

Allons plus loin dans l’argumentation de la Directrice du FMI :

« La fiscalité est un sujet difficile, certes ; mais il est possible de bâtir une fiscalité des entreprises qui tienne mieux compte des mutations de l’économie mondiale. Je pense qu’il est temps de changer les règles du jeu dans ce domaine »

Christine Lagarde, Directrice Générale du Fonds monétaire international (FMI), en ouverture de son allocution consacrée à la fiscalité à Washington

Plusieurs contre-vérités ici. Mais de la part d’une personne négligente à hauteur de 400 millions d’euros, on ne va pas lui en tenir grief !

La fiscalité serait donc un sujet difficile. Nous aimerions bien savoir sur quoi s’appuie une telle assertion. Comment l’État moderne dont l’un des fondements est le consentement à l’impôt, a-t-il pu survivre et prospérer depuis plusieurs siècles alors que la condition même de son existence serait un sujet difficile ? Nous n’avons jamais entendu dire, même si des fraudes peuvent exister mais qui restent marginales par rapport aux sommes prélevées, que la TVA (et son prélèvement) était un sujet difficile ! Peut être parce qu’il touche la masse des citoyens indistinctement et qu’il n’y a là pour Christine aucune difficulté à prélever cet impôt !

Ensuite la Directrice du FMI explique qu’il convient d’adapter les règles fiscales aux nouvelles donnes de l’économie mondiale. Nous comprenons tout à fait que l’impôt est également une matière mouvante qui doit s’adapter aux mutations de l’économie. Mais enfin, et le FMI est le premier à nous le répéter depuis des décennies, ces « mutations de l’économie mondiale » ne datent pas d’hier ! Mais alors, pourquoi donc Christine ne se réveille qu’aujourd’hui ? Était-elle -et le FMI avec elle- en hibernation depuis les années 80 ? La fiscalité semble pour Christine relever de la foi, il faut avoir la révélation…

Tout ceci ressemble beaucoup à un discours de circonstance, au secours d’un certain nombre de gouvernements libéraux en difficultés, en France et ailleurs, aux fins d’apaiser ces foules «populistes» qui réclament une plus juste répartition de la contribution de chacun. Mais ces « hordes barbares » ne peuvent pas comprendre, la fiscalité semble un sujet difficile ! En plus faisons-nous l’avocat du diable et nous dirons que Christine et le FMI sont ici contre-productifs. Le FMI est quand même l’organisation économique trans-nationale qui s’est le plus trompée ces 50 dernières années, une sorte de BHL de la philosophie du hard-discount. C’est lui-même qui le dit, par la voix de ses économistes en chef, sur l’Argentine, sur la Grèce récemment et bien d’autres.

Nous, à la place des Apple et autre Google, nous insisterons sur le fait qu’il ne faut pas porter attention à de telles déclarations au regard du taux d’échecs exemplaires de cette institution. Et oui Christine, ce n’est pas facile de s’improviser quand on ne l’est pas, exemplaire.

Et à lire le discours tenu à Washington à défaut de l’avoir entendu, on pourrait presque croire notre héroïne chez les Soviets.


MM.

Dimanche, jour du Seigneur…

Dimanche, jour du Seigneur ⛪️ … mais on va parler de sexe sur MetaMorphosis.
Non pas celui des lanceurs mais celui du maire du Havre, au prénom de saint prédestiné en cette journée, Luc Lemonnier.

Successeur du Premier Sinistre Édouard Philippe (comme dirait Coluche), au poste de premier magistrat de la ville du Havre, il s’est retrouvé contraint à la démission suite à l’envoi à plusieurs femmes de photographies explicites de son petit jésus… dans tous ses états !

Que Dieu le pardonne.

Le premier témoignage concernant les pratiques exhibitionnistes de Saint Luc, remonte à 2011…

Au total se sont quatre femmes qui accusent le maire d’envoi répété d’images pornographiques non sollicitées.
Luc, sous la contrainte, a décidé de démissionner : grave erreur selon nous, la sollicitation d’une audience auprès du Pape François lui aurait permis de garder son poste !

On a souvent parlé sur MetaMorphosis de la présomption d’innocence, de son utilisation et même de son abus par certains pour tenter de justifier, en dépit de l’accablement des faits et même parfois d’une condamnation en première instance, que leur virginité n’est pas atteinte.
Luc tient également à sa virginité et à son innocence. Et toute la clique de ses amis au premier desquels Édouard Philippe, y va de sa défense sur un autre registre, peu éloigné au final de celui de la présomption d’innocence: la vie privée. Parce que les alertes de ces quatre femmes ont été nombreuses au sein de la Mairie et du parti majoritaire, y compris jusqu’à Édouard Philippe, mais elles ont été ignorées.

« Encore ! » aurait-on tendance à dire à MetaMorphosis!

La vie privée a bon dos pour s’exonérer de toutes responsabilités. Outre qu’ils étaient non désirés, les envois de ces photographies ont été destinés à des personnes avec lesquelles Luc avait des relations professionnelles et même dans certains cas de subordination. Ce n’est quand même pas la même chose que d’envoyer l’icône du petit Jésus à des inconnues ou des personnes rencontrées en d’autres occasions. Ça arrange Luc c’est sûr, mais également la majorité municipale et l’ancien maire devenu premier ministre pour justifier de n’avoir rien fait, de n’avoir pas tenu compte de faits ténus et répétitifs. Encore !

C’est donc bien ça. Là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir ! Ce qui est sûr, c’est que ça ne les dérange pas…

MM.

« Parce que c’est son projet ! »

Parce ce que c’est son projet et qu’il en va de l’intérêt général de la France, il faut prendre régulièrement quelques nouvelles de la start-up Nation. Savoir comment elle va…et pour l’instant ça ne va pas très fort. Sans vouloir être médisants, faisons un point intermédiaire sur l’action de Macron et son gouvernement à la tête de la start-up nation France. Plongeons-nous dans ses secrets de fabrication…

Point intermédiaire de la situation:

  • Convaincre Trump de revenir dans la COP21: raté!
  • Réformer l’Europe avec l’Allemagne : raté !
  • Faire d’énormes cadeaux fiscaux aux ultras riches pour re-dynamiser l’économie : raté !
  • Défendre les libertés publiques et individuelles, accroître la participation des citoyens à la vie politique : raté !
  • Lutter contre le réchauffement climatique et diminuer les émissions de gaz à effets de serre : raté !

Stop.

On a tous été un peu benêts d’attendre des résultats de ce président et de ce gouvernement, car le mal vient de loin. N’oublions pas que le principal artisan, alors secrétaire général adjoint à l’Élysée de l’une des plus grande gabegie financière de ces dernières années, le CICE, s’appelait…Macron.

Aujourd’hui…Toulouse-Blagnac

Un autre affaire sortie par voix de presse ces derniers jours, un projet que Macron avait lui même défendu avec force, en dépit d’un nombre incalculable d’alertes qui avaient été portées à la connaissance de tous, dès l’origine !
Parlons de la privatisation partielle de l’aéroport de Toulouse Blagnac qui recèle tous les ingrédients de ce qu’il ne faut pas faire si l’on a un tant soit peu pour souci, la défense de l’intérêt général.

Allons-y pour une liste non-exhaustive des anomalies repérées:

  • prix de cession inadapté
  • choix du repreneur non professionnel et n’offrant pas les garanties financières nécessaires pour le moins étranges.
  • clauses particulières ne visant qu’à protéger des intérêts particuliers au détriment de ceux de la collectivité …
  • secret à tous les étages

Et dire que cet homme aurait été un banquier d’affaire … sans doute dans une autre vie !

Par une décision du 11 mars 2019 devant la Cour d’appel administrative de Paris, le Rapporteur Général a relevé nombre d’anomalies et manques de respect des règles du cahier des charges de la privatisation de l’aéroport toulousain ce qui pourrait conduire à la nullité des actes administratifs de cession de cet actif.
Il ouvre ainsi la voie à une possible annulation de la vente, les actes passés alors, étant considérés comme nuls.

L’acquéreur vendeur

Pour mémoire on rappellera que l’acquéreur chinois de l’époque avait totalement disparu dans la nature pendant de longs mois avant de réapparaître, qu’il s’est servi au détriment de l’État qui dans les faits reste actionnaire majoritaire, un énorme dividende venant plomber les comptes et les investissements futurs nécessaires et qu’il a évoqué récemment sa volonté de céder ses parts à un prix sensiblement supérieur à celui qu’il avait versé à l’État lors de son acquisition.

En temps « normal »

Dans le monde réel que semblent ignorer Macron et son Gouvernement, outre le fait qu’une telle opération n’aurait jamais eu lieu dans ces termes, l’éventuel responsable commercial et financier qui aurait pu agir de la sorte, aurait été remercié dans les plus brefs délais avec pertes et fracas.
Il est par conséquent un peu facile de tout mettre sur le dos de l’incompétence même si dans le cas présent elle semble flagrante.

Plus choquant encore et l’on est sans doute ici face à l’expression d’un sentiment d’impunité, c’est l’assurance et l’insistance avec laquelle Macron s’était permis à l’époque de répondre à ses détracteurs, assurant le menton haut et fier, que ces derniers ne comprenaient rien à l’ opération éminemment bénéfique qu’il faisait réaliser ainsi à la Collectivité !

Devant une telle avalanche de dysfonctionnements (pour rester poli) et d’une telle arrogance, on ne peut que légitimement s’interroger sur d’éventuelles motivations cachées à réaliser dans ces conditions une cession dont on sait pertinemment que la Collectivité n’en sortira pas gagnante. Ce sont ici de simples interrogations mais, à notre avis, elles nécessiteraient d’être approfondies.

Comme nous l’avons souvent souligné sur MM. et quitte à se répéter sur ce dossier mais aussi sur celui de la future privatisation de l’aéroport de Paris ou encore des conditions ubuesques des concessions autoroutières, nous sommes au centre de la philosophie politique et économique de ce gouvernement à savoir un transfert massif de bien publics dans des conditions totalement défavorables pour la Collectivité à des intérêts privés, avec pour fil rouge la pensée éminemment idéologique et de classe selon laquelle les intérêts privés des détenteurs du capital transcenderaient l’intérêt général.
On retrouve cette pratique et cette idée, aussi bien dans les cas concrets que nous venons d’évoquer que dans tout le travail législatif de ce gouvernement et de sa majorité, à l’exemple même de la loi secret des affaires ou encore comme nous l’avons vu ces derniers jours, dans la position défendue par la France sur la Directive Européenne de la protection de lanceurs d’alerte.

MM.

CICE: elle n’est pas belle la vie ?

Le CICE (Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi), rien à redire, pour les grosses entreprises, c’est d’une grande efficacité ! Percevoir de l’argent public, sans contrepartie soit sans réelle obligation de résultat…Elle n’est pas belle la vie?

Même si le gouvernement s’oppose à le faire, et pour cause, c’est bien la question de l’efficacité du CICE qui est posée. Était-il utile d’injecter des dizaines de milliards d’euros d’argent public pour soutenir les entreprises ? Et surtout dans quels buts ?      

CICE : une polémique quant à son efficacité                                                    

 « Les cas qui ont suscité le plus de polémique sont ceux des grandes entreprises qui ont supprimé des emplois alors même qu’elles recevaient cette aide publique, à l’image d’Auchan, de Sanofi et de Carrefour…Au cours des dernières années, de nombreuses voix se sont élevées pour réformer le CICE, en imposant aux grandes entreprises des contreparties contraignantes en matière d’emploi ou de salaires, ou en les forçant à rembourser les aides en cas de plan social. Mais rien de tel n’a été mis en place. »


journal Le Monde: « Qui bénéficie des 20 milliards d’euros du CICE ? »

Un constat amer :

« 2000 emplois menacés chez Conforama »

Puis Ford – « Gironde: Ford aurait touché environ 20 millions d’euros d’aides publiques directes depuis 2013 pour son site de Blanquefort ». Ici se joue le sort de 850 salariés. C’est aussi 40 millions d’euros d’aides au total selon les syndicats. « Les syndicats estiment qu’au total les aides dépassent les 40 millions d’euros contre les 26 millions avancés par Ford, car ils prennent en compte les aides « indirectes » qui ont bénéficié à l’entreprise, comme le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et les mesures de chômage partiel (puisque l’employeur bénéficie d’une allocation de l’État correspondant aux heures chômées). »

Pour Ford, une solution ?

Voilà qui est dit : « L’État ne peut pas, en droit, demander à Ford, dont l’usine de Blanquefort va fermer, de lui rembourser les aides perçues au cours des dernières années » – Benjamin Griveaux porte-parole du gouvernement.

Par conséquent :

Si l’objectif initial du CICE était « le financement de l’amélioration de [la] compétitivité [des entreprises] à travers notamment des efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement », il convient de rappeler que préservation (d’emploi) n’est pas création, et que le CICE représente une manne de 20 milliards d’euros par an …sans de réelles contreparties réclamées aux bénéficiaires.

Disons les choses clairement : le CICE n’est rien d’autre qu’une mesure permettant une baisse massive des impôts des entreprises déguisée en allègement de charges en passant par la case « aides publiques ».

Ce n’est pas de la « politique économique », mais juste un « choix politique » d’aide massive à une catégorie bien précise de la population.

Aucune stratégie industrielle dans ce dispositif, aucune politique sectorielle à l’œuvre, aucun axe de politique écologique, aucune ciblage en terme de gamme… Le CICE ne cherche pas non plus à accroître la compétitivité des entreprises, sauf à nous faire croire que quel que soit le secteur d’activité ou la branche, les entreprises auraient exactement les mêmes soucis de productivité.

Baisser l’impôt sur les sociétés de 20 milliards d’euros aurait eu le même résultat : très peu de création nette d’emploi, très faible augmentation des salaires, peu d’investissements par rapport aux sommes en jeu, mais explosion des dividendes qui dans leur majorité ont dû servir à l’acquisition de titres d’entreprises (étrangères) sur le marché secondaire donc sans incidence aucune sur l’économie nationale, ou alimenter les comptes bancaires dans les paradis fiscaux.

Un pognon de dingue, pour un résultat de dingue ! Elle n’est pas belle la vie ? Commençons par demander aux salariés.

MM.

Benalla, les oligarques russes…l’AFP versus Médiapart.

 Nous en convenons, la vie moscovite a ses charmes et n’est pas vraiment désagréable tant qu’on a les moyens d’y vivre.
C’est le cas des expatriés, par exemple quand ils sont détachés d’une grande agence de presse publique comme l’AFP. La condition pour y mener une vie paisible est sans doute de ne pas trop s’y faire remarquer et en tous les cas, de tenir un discours plutôt bienveillant à l’égard de l’homme fort de la Cité.

Selon les affaires, cette bienveillance peut également plaire au petit Président logeant l’Élysée. Alors si l’on mêle cette situation moscovite à l’affaire Benalla, nous sommes sûrs de ne faire que des heureux…
De là, quand on est journaliste de profession pour le compte de l’AFP à Moscou, nier les évidences concernant les deux oligarques russes clients de Benalla, est – et c’est le moins qu’on puisse dire – un peu limite.

✅ Fort à propos, Médiapart répond ce jour indirectement à son confrère, à travers l’article ci-après : Benalla et les contrats russes: qui sont les deux oligarques au cœur de l’enquête
Nous noterons simplement que là où le journaliste de l’AFP, Thibault Marchand, affirme ne connaître aucun lien entre les oligarques en question et la présidence russe, ces mêmes oligarques reconnaissent eux-mêmes être « les soldats de Poutine ».

contrats russes
« Benalla et les contrats russes: qui sont les deux oligarques au cœur de l’enquête »

🔴 Qu’est-ce autre qu’un soldat que celui qui répond même aveuglément aux ordres qu’on lui donne, qui est disposé à monter au front en lieu et place et en assumant tous les risques du donneur d’ordre?
Soit le correspondant moscovite de l’AFP passe plus de temps dans les hauts lieux culturels locaux, et n’a pas le temps de vraiment s’informer, ce qui serait alors de l’incompétence, soit, d’une façon subliminale dira-t-on, il cherche sous couvert de la renommée de l’AFP à faire passer le message qu’il n’y aurait aucun risque d’ingérence au travers des activités de Benalla quand il était encore salarié de l’Élysée puisque ces oligarques seraient de simples citoyens dégagés de toute influence politique.
A qui fera-t-on croire que l’on peut constituer de telles fortunes en Russie sans l’aval du pouvoir politique ?
Même une dépêche AFP ne ferait pas l’affaire!

✅ Si nous ne pouvons que remercier Médiapart pour la qualité et le sérieux de son travail sur l’affaire Benalla sans lequel nous ne saurions sans doute pas grand chose des turpitudes de ce bouffon de la République qu’est Benalla, nous aurions néanmoins, une remarque à leur faire quant à la présentation que fait le journal en ligne de ces oligarques russes comme cela est encore le cas dans l’article évoqué précédemment.

Il s’agit d’une question de vocabulaire qui à notre sens, a toute son importance.

« Benalla et les contrats russes: qui sont les deux oligarques au cœur de l’enquête »

Il est ainsi indiqué que ces oligarques « ont fait fortune » ou « ont construit leur fortune », alors que – pour parler clairement – ces personnes y compris celles plus médiatisées à Londres ou à Monaco ayant investi dans des clubs de foot par exemple, n’ont jamais rien construit de leur vie au sens noble du terme, mais ont tout simplement avec la complicité du pouvoir politique, capté des pans entiers de biens publics. En présentant les choses comme le fait Médiapart, une forme de légitimité est donnée à ces fortunes alors qu’on se situe bien plus tôt dans des systèmes de prévarication ou de détention de bien mal-acquis.

➡️ Nier les liens consanguins entre ces oligarques et le pouvoir politique, est faire preuve de mauvaise foi en ignorant comment Poutine a pu déposséder certains de ses anciens compagnons oligarques déchus en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.

Même si les mécanismes sont sans doute plus subtils, il serait intéressant que les économistes et/ou sociologues se penchent un jour sur les mécanismes à l’œuvre ayant permis à certaines grandes fortunes françaises de se constituer, fortunes représentant pour Macron, le modèle indépassable de sa Start-up Nation.

Il est fort à parier que là aussi, le mythe en prenne un coup.

MM.

Question presse: Macron plus fort que Trump

L’Élysée a décidé de fermer sa salle de presse, écartant les journalistes de l’exercice du pouvoir. Donald Trump avait imaginé en son temps la même manœuvre à la Maison-Blanche, avant d’y renoncer.

Ces jours-ci, tout le monde scrute les rapports entre le président Trump et les médias alors qu’une série de colis piégés a été envoyée aux ennemis présumés du chef de l’État américain, Hillary Clinton, Barack Obama, CNN, Georges Soros, etc. Après avoir joué, non bien longtemps l’unité nationale et n’étant pas lui non plus à l’abri d’un égarement, Donald Trump a continué d’attaquer les médias américains et leurs « fake news », concluant que cette presse portait seule la responsabilité de ces attaques.
«Mais le sort des journalistes n’est pas toujours enviable non plus ailleurs dans le monde», relate le Washington Post en évoquant l’Europe où trois journalistes ont été tués en un an alors qu’ils enquêtaient sur des affaires de corruption.
«Il devient également de plus en plus difficile de faire ce travail, y compris dans des pays où la liberté de la presse est garantie et où les journalistes ne sont pas physiquement menacés, raconte le quotidien américain. Il suffit de regarder la France d’Emmanuel Macron, où la règle implicite est de faire relire et approuver la moindre citation par son auteur, et où les journalistes sont de plus en plus écartés du pouvoir».

➡️ Mercredi 23 octobre, l’Élysée a annoncé la fermeture de sa salle de presse, permettait aux journalistes suivant le Président, d’observer directement le perron de l’Élysée et d’être au plus près du pouvoir exécutif. Les médias seront déménagés en dehors du palais présidentiel avant la fin de l’année. L’Association de la presse présidentielle a dénoncé « une décision unilatérale incompréhensible et inacceptable » dans un communiqué.

Le Washington Post rappelle que Donald Trump aussi, au début de sa présidence, avait eu l’idée de déménager le « pool » de journalistes hors de la Maison-Blanche. Face à l’indignation suscitée, Trump avait fait machine arrière. Macron, non.


De manière plus large, le quotidien américain explique que le président français «a accusé les médias français d’être responsables de sa chute de popularité», notamment en raison de l’affaire Benalla.
À cette période, retrace le Washington Post, «Macron avait finalement assumé sa responsabilité dans le scandale, mais seulement après avoir attaqué les médias, recyclant même la rhétorique de Trump sur les ‘fake news’ et le manque de légitimité des journalistes».
Et de rappeler que fin juillet, au plus fort du scandale de son ancien petit protégé, Macron, prend tous ses accents « trumpiens » : «We have a press that no longer seeks the truth».

Le Washington Post trouve que Macron n’est pas seul à la manœuvre dans cette attaque frontale contre la presse, d’autres politiciens français ayant des attitudes encore plus extrêmes. «Last week, for instance, in the aftermath of a police raid on his home and party headquarters that were related to, among other things, alleged campaign finance violations, Jean-Luc Mélenchon, leader of the far-left “France Unbowed,” urged his followers to “ruin” journalists wherever possible». Et le grand quotidien de la capitale états-unienne de rappeler que même dans la bouche de Trump ou de ses colistiers, un tel terme est incongru, relevant plus du vocabulaire d’un politicien d’un état autoritaire.

Par ailleurs, le journal américain souligne que sur la scène internationale, Macron aime à se présenter comme un défenseur acharné de la presse libre. Concernant l’assassinat du journaliste saoudien, par ailleurs éditorialiste attitré du Post, Jamal Khashoggi au consulat saoudien d’Istanbul ce mois-ci, si Macron a demandé des explications au Roi, il n’a pas pour autant suspendu, au moins temporairement, les ventes d’armes au royaume.

Pour les journalistes qui couvrent la présidence française, ce comportement est tout à fait révélateur du décalage constant de Macron entre les discours et les actions concrètes, entre les beaux discours pour l’extérieur et ses actions à l’intérieur.
La réalité est autre et la signification première de ce déménagement de la salle de presse de l’Élysée traduit selon les journalistes accrédités, une volonté de museler les capacités d’observation, d’investigation et d’analyse de la presse nationale.

MM.

Le CICE ou l’art de jeter un «pognon de dingue» par la fenêtre

Sous la plume de Romaric Godin, «CICE : une évaluation biaisée» (ici), Médiapart revient sur le CICE à l’occasion de la publication du rapport 2018 du comité de suivi du Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE), publié le 02 octobre dernier.

⚠️ Tout d’abord une précision méthodologique qui ne manque pas de piquant:
«Ce sixième rapport d’évaluation, publié par France Stratégie, successeur du commissariat général au plan qui est sous la responsabilité de Matignon, est globalement décevant puisque les équipes n’ont pas eu accès aux données pour 2016. On s’en tient donc aux évaluations pour 2014 et 2015».
C’est effectivement tout à fait intéressant et pertinent de faire un rapport annuel sans les données de l’année étudiée! Mais bon, l’objectif étant ailleurs, on ne va pas s’arrêter à de telles contingences.
Ce comité de suivi, qui déjà ne suit pas grand-chose en l’absence des données adéquates, n’a que pour seul objectif, quitte à tordre gentiment la réalité, de se convaincre lui-même à savoir le CICE, « si ça n’existait pas, il faudrait l’inventer ».
«Cet avis sur l’emploi est donc globalement positif ou du moins présenté comme tel. Certes, le chiffre de 100 000 emplois en deux ans, financé par un soutien public de 36 milliards d’euros sur ces deux années, est en réalité très faible. Mais il semble suffisant pour mettre en avant un élément positif à une mesure que ce comité semble moins avoir à cœur d’évaluer que de défendre».
«Le comité doit ensuite «constater» que «l’existence d’un effet significatif du CICE sur l’investissement demeure difficile à établir sur la période 2013-2015». En réalité, comme il est précisé juste après, il s’agit bien d’une «absence d’effet».
➡️ Tout l’art de se convaincre que s’il ne se passe rien, ce n’est déjà pas si mal !
Mais comme le dispositif est amené à perdurer sous d’autres formes, autant le sur-vendre: «Le biais du comité de suivi amène également des doutes sur les nouvelles attentes affichées pour la baisse de cotisations qui remplacera le CICE dès le 1er janvier prochain. On attend encore 100 000 emplois supplémentaires créés d’ici 2022, ce qui est fort coûteux et, encore une fois, fort douteux».
Comme le fait remarquer Romaric Godin, honnêteté intellectuelle et souci d’efficacité économique devraient conduire nos politiques à conclure que «les politiques de subventions publiques à la baisse du coût du travail semblent en réalité incapables de changer la donne économique du pays» au lieu de s’entêter dans ce type de dispositif.
A moins que certains y trouvent leur compte !

❓ Parce qu’au final, il n’y a qu’une seule question qui compte :
l’efficacité du CICE est-elle proportionnelle à son coût faramineux ?
Instauré début 2013, le CICE devait créer un million d’emplois. Cinq ans plus tard, le bilan est quasi nul. En revanche, cette mesure emblématique du quinquennat de François Hollande, a coûté beaucoup plus cher que prévu.
➡️ On aimerait bien aussi comprendre où sont passés les milliards du CICE.
Rappelons l’objectif affiché, leitmotiv quasi-unique aujourd’hui de toute politique publique: «restaurer la compétitivité des entreprises françaises face à leurs concurrentes étrangères et leur permettre d’embaucher, d’investir, d’exporter davantage et de reconstituer leur trésorerie».
Pourtant, cinq ans après la mise en œuvre du CICE, le bilan est plus que poussif côté résultats, mais affolant en revanche au regard des sommes distribuées, dont le montant se chiffre en dizaines de milliards.
Depuis 2013, le coût du CICE a en effet augmenté de façon exponentielle. Pour le comprendre, il faut revenir sur son mécanisme. Destiné à toutes les entreprises dès lors qu’elles emploient des salariés, il prend la forme d’une réduction d’impôts, calculée sur le montant des salaires inférieurs à 2,5 SMIC. Mais celle-ci ne sera déduite que l’année suivante. En cas d’excédent fiscal, l’entreprise peut reporter le montant du crédit d’impôt sur plusieurs années. Si l’excédent persiste, elle recevra un chèque au bout de trois ans. On comprend donc aisément que les sommes concernées augmentent chaque année depuis 2013. D’autant que le taux du CICE qui était de 4% en 2013, a été porté à 6% de la masse salariale à partir de 2014, puis à 7% en 2017, avant de retomber à 6% en 2018.

➡️ Le chiffrage du CICE donne le tournis.
Les créances accumulées sur les salaires 2013 par des entreprises totalement shootées aux exonérations et allègements divers et variés dont le montant va croissant, auraient atteint 11,6 milliards d’euros. En 2014, année où le crédit d’impôt est passé de 4% à 6%, leur montant dépasse les 17,5 milliards, approche les 18 milliards en 2015 et s’élève à 15,1 milliards en 2016. Alors quel est le vrai coût de ce scandale d’État ?
Au total, depuis la mise en place du CICE, plus de 62 milliards de créances fiscales auraient été déclarées par les entreprises françaises. Mais le coût réel est en fait largement supérieur car il ne s’agit que de créances partielles. En effet, les créances qui sont consenties au titre des salaires d’une année (par exemple 2013) ne sont connues et effectivement dépensées que plus tard, compte tenu du mécanisme qui est celui d’un crédit d’impôt.

➡️ Le coût final promet donc d’être faramineux.
Les prévisions du projet de loi de finance 2018 ont de quoi donner des sueurs froides. Ces prévisions budgétaires comptabilisent les sommes effectivement dépensées par l’État tous millésimes confondus. Elles sont de 6,6 milliards d’euros en 2014, 12,5 milliards en 2015, 12,9 en 2016, 16,5 en 2017, puis culminent à 21 milliards d’euros en 2018. L’impact du CICE se traduira bien après son extinction, puisqu’il pèsera encore pour 19,6 milliards d’euros en 2020. Il aura donc coûté au total 99,3 milliards d’euros. Pire, en 2019, les allègements de cotisations sociales qui prendront la suite du crédit d’impôt s’ajouteront aux montants astronomiques du CICE, puisque les entreprises le perçoivent en décalé.

➡️ Pour 100 milliards, on est en droit d’attendre des résultats particulièrement probants. Malheureusement, le rapport du comité de suivi piloté par France stratégie fournit peu de chiffres concrets. Au registre des effets «partiellement vérifiables», l’amélioration des marges des entreprises qui était pourtant l’un des objectifs premiers du CICE. En revanche, aucun impact n’a pu être démontré concernant l’investissement, les dépenses de recherche et développement, ou encore les exportations. Autant d’arguments ayant pourtant justifié cette gabegie.
Là où les résultats du CICE sont les plus décevants, c’est sur l’impact en matière d’emploi. Ce méga crédit d’impôt aurait contribué à créer ou préserver 100 000 emplois en moyenne sur la période 2013-2015. Mais, ajoute le rapport, dans une fourchette de 10 000 à 200 000 emplois, soit un rapport de un à vingt. A ce stade ce n’est plus de fourchette qu’il faut parler, mais de râteau…

➡️ Car on peine à comprendre où les milliards engloutis dans cette usine à gaz, qui ont effectivement profité à l’ensemble des entreprises françaises, ont bien pu se retrouver dans leur bilan. Apparemment, ils auraient, selon les auteurs du rapport, contribué à augmenter les salaires des cadres et professions intellectuelles. Un effet pas vraiment défendu par ses promoteurs lors de sa mise en place.
Ont-ils aussi servi à arrondir les dividendes ? Le comité indique que l’effet sur les dividendes est « incertain », les données utilisées ne permettant pas de trancher.
Comme le comité de suivi ne sait définitivement pas grand-chose, allons voir ailleurs : le Henderson Global Dividend Index, qui mesure l’évolution des dividendes dans le monde, indique que les entreprises françaises détiennent le record en la matière. En 2016, elles ont distribué 34,5 milliards d’euros à leurs actionnaires, contre 29 milliards en Allemagne et 27,6 milliards au Royaume-Uni. Et la tendance se confirme et s’amplifie en 2017.

De là à penser que l’argent public finirait dans les dividendes ! Ne soyons pas négatifs !
De toute façon, dixit Macron, on n’a pas le droit de se plaindre…

MM.

Le revenu universel, une idée à suivre ?

En visite au Brésil en 2011, Barack Obama se vit remettre une lettre du président du Basic Income Earth Network (BIEN). Co-signée par l’économiste belge Philippe Van­Parijs, cette lettre attirait l’attention du président américain sur un fait peu connu: « le Brésil est le premier pays au monde à avoir adopté une loi visant à l’instauration progressive d’un revenu de base universel pour l’ensemble de la population ». Votée en 2004 par tous les partis à l’instigation d’un sénateur de gauche, cette loi donne à toute famille dont les revenus sont inférieurs à un certain seuil, le droit de toucher une somme mensuelle par enfant, à condition que celui-ci soit vacciné et scolarisé.

De l’avis général, cette mesure, baptisée « Bolsa Família », a contribué à réduire les inégalités et n’a pas entamé l’incitation au travail.
À tort ou à raison, elle est considérée comme un premier pas vers un véritable revenu universel, tel qu’il en existe dans l’État d’Alaska : une même somme versée individuellement à chaque habitant d’un pays, sans condition, quel que soit son niveau de revenu et de richesse. Introduite en 1976 par un gouverneur républicain (manne pétrolière aidant) cette mesure contribue à faire de l’Alaska l’un des États américains où la pauvreté est la moins répandue et les inégalités les moins fortes.

Le revenu universel, une curiosité politique

➡️ Détracteurs
L’idée d’un revenu universel est le plus souvent considérée comme une lubie d’utopistes bien (ou mal) pensants. Le revenu universel « incite à vivre aux dépens des autres », affirme ainsi l’économiste libéral Pascal Salin. Une mesure « intellectuellement simpliste, socialement perverse et politiquement impraticable », tonne Nicolas Colin, fondateur de The Family, un « accélérateur de croissance pour les start-up du numérique ». Naguère jugé désincitatif et contre-productif par l’économiste de gauche Edmund Phelps, Prix Nobel d’économie, il vient d’être estimé irréaliste par Policy Network, un think tank social démocrate britannique. Et se voit également rejeté par des analystes de gauche comme l’économiste français Denis Clerc.

Néanmoins, le concept de revenu universel mérite un examen attentif.

➡️ Partisans
C’est au minimum une curiosité politique, car il recrute des partisans sur tout l’échiquier, de l’extrême droite à l’extrême gauche. Aux États-Unis par exemple, l’un de ses défenseurs les plus déterminés est Charles Murray, un néoconservateur situé à la droite de la droite. Il lui a consacré un livre en 2006 et revient régulièrement à la charge. À ses yeux, sauf dans les petits pays très consensuels d’Europe du Nord, les systèmes de protection sociale mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ont épuisé leurs vertus. Leurs défauts sont tels qu’ils sont devenus « autodestructeurs », car ils génèrent un gouffre financier inévitablement croissant et « dégradent les traditions de travail, d’épargne et de bon voisinage ». Au grand dam des militants de gauche, Murray voit dans le revenu universel un substitut pur et simple de l’État providence, permettant de supprimer toutes les prestations sociales existantes.

À l’autre bout de l’éventail, on peut citer le Français André Gorz, qui préconisait en 1988 un revenu universel de niveau élevé, pour « libérer la production de soi des contraintes de la valorisation économique ». Et, aujourd’hui, le Français Julien Dourgnon, ancien conseiller politique d’Arnaud Montebourg et actuel conseiller de Benoît Hamon. Dans un entretien récent, il cite Karl Marx et l’ancien ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, s’en prend au « capitalisme salarial » et propose le revenu universel pour « sortir de la spirale infernale productiviste ».

🔴 Un ovni de la politique économique, donc.
Comme le faisait observer en l’an 2000 l’éditorialiste de droite Samuel Brittan, les partisans du revenu universel s’appuient sur des justifications très variées et proposent des schémas extrêmement divers.
Au chapitre des justifications, citons pêle-mêle : le souci d’éliminer la pauvreté, la réduction des inégalités, le souhait d’en finir avec les contrôles humiliants liant l’octroi de prestations à diverses conditions, l’objectif de fonder la société sur une autonomie maximale de l’individu (concept de « liberté réelle »), le rééquilibrage des comptes de la protection sociale, la simplification du système fiscal et redistributif, la réduction du rôle de l’État dans l’économie, la volonté de trouver un remède à un marché du travail fragilisé par le numérique, l’ambition de concilier marché du travail et économie de décroissance ou du moins « soutenable », le désir de donner un nouveau moyen d’autonomie aux femmes…

De droite à gauche : le choix des cibles

Selon son orientation politique ou ses préférences philosophiques, le promoteur du revenu de base va privilégier deux ou trois de ces objectifs au détriment des autres et en tirer des conclusions toutes différentes sur la nature du schéma à tracer.

Un partisan de droite peut par exemple à la fois insister sur le souci d’éliminer la pauvreté et rejeter l’objectif de réduire les inégalités.
Un partisan de gauche peut à la fois promouvoir la liberté réelle et défendre l’idée d’un accroissement des prélèvements obligatoires.

Souvent considéré comme le père du concept, le révolutionnaire Thomas Paine l’envisageait non seulement comme un moyen de réduire la pauvreté, mais aussi comme un juste retour pour les hommes que la civilisation a peu à peu privés de leurs droits de propriété sur la nature. Le revenu universel est donc un instrument de justice destiné à compenser une spoliation collective.

Cette forme de justification se retrouve sous différentes plumes plus proches de nous. Ainsi, le Prix Nobel d’économie Herbert Simon expliquait en 2000 que tout citoyen défavorisé par son lieu ou son milieu de naissance a droit à une juste compensation de la part de la société (ou, concernant les habitants des pays pauvres, de la part de ceux des pays riches). Aujourd’hui, on voit même des entrepreneurs de la Silicon Valley défendre l’idée d’un revenu universel comme un droit à une juste compensation de la part de la société numérique. Un « dividende numérique » serait dû à tous les laissés pour compte réels ou potentiels de la robotisation et de l’intelligence artificielle.

Le revenu universel : la solution ?

✅ Le revenu universel pourrait s’avérer être un excellent outil pédagogique pour qui souhaite penser ou repenser de fond en comble le système de protection sociale et la fiscalité d’un pays.
Dans les démocraties, les luttes électorales sont largement fondées sur les moyens de remédier aux dysfonctionnements de ces dispositifs, résultats d’une accumulation de mesures prises au cours du siècle précédent.
✅ L’idée du revenu universel court circuite toutes les idées de réforme pour inviter à une remise à plat et avancer la possibilité d’une révolution dans la façon de penser la société de demain.
✅ Elle invite aussi à procéder à des expérimentations nouvelles, comme celle que la Finlande a engagé en 2017. Et, en même temps, elle contraint l’utopiste à se confronter à la dure réalité des chiffres. Un exercice astreignant, qui rappelle à chaque pas l’obligation d’examiner la question, guère triviale, de savoir s’il ne vaut pas mieux, malgré tout, chercher à améliorer le système existant plutôt qu’à le faire imploser.

Réfléchissons-y.

MM.