Le CICE ou l’art de jeter un «pognon de dingue» par la fenêtre

Sous la plume de Romaric Godin, «CICE : une évaluation biaisée» (ici), Médiapart revient sur le CICE à l’occasion de la publication du rapport 2018 du comité de suivi du Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE), publié le 02 octobre dernier.

⚠️ Tout d’abord une précision méthodologique qui ne manque pas de piquant:
«Ce sixième rapport d’évaluation, publié par France Stratégie, successeur du commissariat général au plan qui est sous la responsabilité de Matignon, est globalement décevant puisque les équipes n’ont pas eu accès aux données pour 2016. On s’en tient donc aux évaluations pour 2014 et 2015».
C’est effectivement tout à fait intéressant et pertinent de faire un rapport annuel sans les données de l’année étudiée! Mais bon, l’objectif étant ailleurs, on ne va pas s’arrêter à de telles contingences.
Ce comité de suivi, qui déjà ne suit pas grand-chose en l’absence des données adéquates, n’a que pour seul objectif, quitte à tordre gentiment la réalité, de se convaincre lui-même à savoir le CICE, « si ça n’existait pas, il faudrait l’inventer ».
«Cet avis sur l’emploi est donc globalement positif ou du moins présenté comme tel. Certes, le chiffre de 100 000 emplois en deux ans, financé par un soutien public de 36 milliards d’euros sur ces deux années, est en réalité très faible. Mais il semble suffisant pour mettre en avant un élément positif à une mesure que ce comité semble moins avoir à cœur d’évaluer que de défendre».
«Le comité doit ensuite «constater» que «l’existence d’un effet significatif du CICE sur l’investissement demeure difficile à établir sur la période 2013-2015». En réalité, comme il est précisé juste après, il s’agit bien d’une «absence d’effet».
➡️ Tout l’art de se convaincre que s’il ne se passe rien, ce n’est déjà pas si mal !
Mais comme le dispositif est amené à perdurer sous d’autres formes, autant le sur-vendre: «Le biais du comité de suivi amène également des doutes sur les nouvelles attentes affichées pour la baisse de cotisations qui remplacera le CICE dès le 1er janvier prochain. On attend encore 100 000 emplois supplémentaires créés d’ici 2022, ce qui est fort coûteux et, encore une fois, fort douteux».
Comme le fait remarquer Romaric Godin, honnêteté intellectuelle et souci d’efficacité économique devraient conduire nos politiques à conclure que «les politiques de subventions publiques à la baisse du coût du travail semblent en réalité incapables de changer la donne économique du pays» au lieu de s’entêter dans ce type de dispositif.
A moins que certains y trouvent leur compte !

❓ Parce qu’au final, il n’y a qu’une seule question qui compte :
l’efficacité du CICE est-elle proportionnelle à son coût faramineux ?
Instauré début 2013, le CICE devait créer un million d’emplois. Cinq ans plus tard, le bilan est quasi nul. En revanche, cette mesure emblématique du quinquennat de François Hollande, a coûté beaucoup plus cher que prévu.
➡️ On aimerait bien aussi comprendre où sont passés les milliards du CICE.
Rappelons l’objectif affiché, leitmotiv quasi-unique aujourd’hui de toute politique publique: «restaurer la compétitivité des entreprises françaises face à leurs concurrentes étrangères et leur permettre d’embaucher, d’investir, d’exporter davantage et de reconstituer leur trésorerie».
Pourtant, cinq ans après la mise en œuvre du CICE, le bilan est plus que poussif côté résultats, mais affolant en revanche au regard des sommes distribuées, dont le montant se chiffre en dizaines de milliards.
Depuis 2013, le coût du CICE a en effet augmenté de façon exponentielle. Pour le comprendre, il faut revenir sur son mécanisme. Destiné à toutes les entreprises dès lors qu’elles emploient des salariés, il prend la forme d’une réduction d’impôts, calculée sur le montant des salaires inférieurs à 2,5 SMIC. Mais celle-ci ne sera déduite que l’année suivante. En cas d’excédent fiscal, l’entreprise peut reporter le montant du crédit d’impôt sur plusieurs années. Si l’excédent persiste, elle recevra un chèque au bout de trois ans. On comprend donc aisément que les sommes concernées augmentent chaque année depuis 2013. D’autant que le taux du CICE qui était de 4% en 2013, a été porté à 6% de la masse salariale à partir de 2014, puis à 7% en 2017, avant de retomber à 6% en 2018.

➡️ Le chiffrage du CICE donne le tournis.
Les créances accumulées sur les salaires 2013 par des entreprises totalement shootées aux exonérations et allègements divers et variés dont le montant va croissant, auraient atteint 11,6 milliards d’euros. En 2014, année où le crédit d’impôt est passé de 4% à 6%, leur montant dépasse les 17,5 milliards, approche les 18 milliards en 2015 et s’élève à 15,1 milliards en 2016. Alors quel est le vrai coût de ce scandale d’État ?
Au total, depuis la mise en place du CICE, plus de 62 milliards de créances fiscales auraient été déclarées par les entreprises françaises. Mais le coût réel est en fait largement supérieur car il ne s’agit que de créances partielles. En effet, les créances qui sont consenties au titre des salaires d’une année (par exemple 2013) ne sont connues et effectivement dépensées que plus tard, compte tenu du mécanisme qui est celui d’un crédit d’impôt.

➡️ Le coût final promet donc d’être faramineux.
Les prévisions du projet de loi de finance 2018 ont de quoi donner des sueurs froides. Ces prévisions budgétaires comptabilisent les sommes effectivement dépensées par l’État tous millésimes confondus. Elles sont de 6,6 milliards d’euros en 2014, 12,5 milliards en 2015, 12,9 en 2016, 16,5 en 2017, puis culminent à 21 milliards d’euros en 2018. L’impact du CICE se traduira bien après son extinction, puisqu’il pèsera encore pour 19,6 milliards d’euros en 2020. Il aura donc coûté au total 99,3 milliards d’euros. Pire, en 2019, les allègements de cotisations sociales qui prendront la suite du crédit d’impôt s’ajouteront aux montants astronomiques du CICE, puisque les entreprises le perçoivent en décalé.

➡️ Pour 100 milliards, on est en droit d’attendre des résultats particulièrement probants. Malheureusement, le rapport du comité de suivi piloté par France stratégie fournit peu de chiffres concrets. Au registre des effets «partiellement vérifiables», l’amélioration des marges des entreprises qui était pourtant l’un des objectifs premiers du CICE. En revanche, aucun impact n’a pu être démontré concernant l’investissement, les dépenses de recherche et développement, ou encore les exportations. Autant d’arguments ayant pourtant justifié cette gabegie.
Là où les résultats du CICE sont les plus décevants, c’est sur l’impact en matière d’emploi. Ce méga crédit d’impôt aurait contribué à créer ou préserver 100 000 emplois en moyenne sur la période 2013-2015. Mais, ajoute le rapport, dans une fourchette de 10 000 à 200 000 emplois, soit un rapport de un à vingt. A ce stade ce n’est plus de fourchette qu’il faut parler, mais de râteau…

➡️ Car on peine à comprendre où les milliards engloutis dans cette usine à gaz, qui ont effectivement profité à l’ensemble des entreprises françaises, ont bien pu se retrouver dans leur bilan. Apparemment, ils auraient, selon les auteurs du rapport, contribué à augmenter les salaires des cadres et professions intellectuelles. Un effet pas vraiment défendu par ses promoteurs lors de sa mise en place.
Ont-ils aussi servi à arrondir les dividendes ? Le comité indique que l’effet sur les dividendes est « incertain », les données utilisées ne permettant pas de trancher.
Comme le comité de suivi ne sait définitivement pas grand-chose, allons voir ailleurs : le Henderson Global Dividend Index, qui mesure l’évolution des dividendes dans le monde, indique que les entreprises françaises détiennent le record en la matière. En 2016, elles ont distribué 34,5 milliards d’euros à leurs actionnaires, contre 29 milliards en Allemagne et 27,6 milliards au Royaume-Uni. Et la tendance se confirme et s’amplifie en 2017.

De là à penser que l’argent public finirait dans les dividendes ! Ne soyons pas négatifs !
De toute façon, dixit Macron, on n’a pas le droit de se plaindre…

MM.

Cachez ce que je ne saurais voir mais surtout faites moi voir ce qui est caché…

86 % des 270 000 demandeurs d’emploi contrôlés remplissent toutes leurs obligations. Et sur les 14% radiés, seuls 40 % étaient indemnisés par l’Unedic (enquête nationale Pôle Emploi 2016).
40 millions d’euros par an : c’est l’estimation du coût des fraudes à Pôle emploi, quand celui de la fraude fiscale représente dans le même temps, entre 60 et 80 milliards (selon les estimations).

Ce n’est donc pas par pure rationalité économique que l’accent est mis sur le contrôle des chômeurs plutôt que sur d’autres types de fraudes. Situation toujours aussi énigmatique où les apôtres de l’efficacité et de la rationalité en économie sont les premiers à hiérarchiser leurs priorités en totale opposition à ces principes.
Alors on nous remet sur la table ce qui est présenté comme l’argument «infaillible», que les pays scandinaves ont depuis longtemps mis en place une obligation pour les chômeurs d’accepter les emplois proposés.
Cette comparaison est peu convaincante. D’une part, le chômage y est beaucoup plus faible et les moyens des services d’accompagnement et de formation pour l’emploi sont plus importants. D’autre part, ces sociétés sont moins inégalitaires; le mépris ou le soupçon envers les pauvres est moins ancré dans leur histoire et les mentalités.
En France, les services de Pôle emploi peinent déjà à assurer un suivi pour chacun, les formations proposées sont de qualités très inégales et c’est souvent l’offre disponible plutôt que les besoins réels des usagers qui détermine les stages suivis.

C’est donc moins la sollicitude envers les chômeurs que la méfiance à leur égard qui motive la (énième) réforme de Pôle Emploi. Après tout, le ton était déjà donné. Notre président n’a-t-il pas reproché aux travailleurs en lutte de «foutre le bordel» au lieu de changer de département pour trouver un emploi ? N’a-t-il pas qualifié les opposants à la loi travail de «fainéants» ? À noter que l’usage du mot «fainéant» a augmenté fortement à la première moitié du XIX siècle, avant de redescendre doucement jusqu’aux années 1970, puis de revenir en fanfare avec la crise de 2008. Cette référence au XIXe siècle n’est pas anodine. C’est de cette période que date la méfiance à l’égard des pauvres.
Comme nous le rappelle Marc Loriol, sociologue et chercheur au CNRS, «de la Révolution française découle un double principe contradictoire : celui du caractère sacré de la vie humaine — d’où un devoir d’assistance pour ceux qui ne peuvent travailler du fait de leur âge ou d’une invalidité —, et celui de la responsabilité individuelle qui fait de chacun l’artisan de son bonheur ou de son malheur. L’idée de chômage comme absence d’emploi n’existe pas encore. Si les révolutionnaires de 1789 avaient posé une distinction entre bons et mauvais pauvres, rendant ces derniers responsables de leur état, ceux de 1848 ont imaginé, avec les ateliers nationaux une autre solution : offrir des emplois d’utilité publique dans les grandes villes. Un projet vite abandonné. Il faut attendre la fin du XIXe, avec les progrès des techniques d’assurance, le développement des grandes entreprises et de la comptabilité nationale, pour que s’impose l’idée de chômage involontaire. Quand une grande entreprise ferme, difficile de nier que le chômage en résultant est involontaire. D’ailleurs, au début, seuls les anciens salariés des grandes entreprises étaient comptabilisés comme chômeurs. «L’invention du chômage», c’est-à-dire sa reconnaissance comme un risque social (et non un choix individuel) s’est faite progressivement entre la fin du XIXe siècle et les années 1950 ».

Aujourd’hui, dans le discours d’Emmanuel Macron et certains ministres ou députés LREM, il semble y avoir un retour de la méfiance envers les pauvres qu’il faudrait pénaliser pour éviter les «abus».
Cette méfiance est non justifiée. Nous le rappelions en introduction, fin 2016 les contrôleurs de Pôle emploi ont épluché 270 000 dossiers. 86 % des personnes contrôlées remplissaient bien leurs obligations de recherche active d’emploi, de formation. Les 14 % restantes pouvaient recouvrir des situations très hétérogènes. Certaines sont découragées par des échecs répétés ou des démarches qu’elles ne comprennent pas ou jugent inutiles. D’autres peuvent refuser des offres pour des raisons rationnelles comme ne pas bloquer ses chances d’obtenir un emploi plus stable ou plus en accord avec leurs compétences. Parfois, les coûts économiques et sociaux d’une mobilité géographique et professionnelle ne sont pas compensés par les avantages en cas d’emploi précaire et mal rémunéré. Parmi ces chômeurs «rationnels», évoquons les cadres qui ont réalisé une belle carrière, avec un bon salaire, mais qui ont perdu leur emploi car «trop coûteux» ou en désaccord avec des politiques de restructuration visant la rentabilité à court terme.
En raison de leur âge, il leur est difficile de retrouver un emploi au même niveau de salaire et de responsabilité. Reste une minorité de chômeurs, ceux qui peuvent considérer que, compte tenu de leur faible niveau de qualification et des salaires faibles des emplois proposés, pénibles et peu épanouissants, les périodes de chômages sont un moyen de développer des projets personnels plus intéressants. Par rapport à ceux qui acceptent ces emplois, leur position peut être jugée moralement comme répréhensible. Mais ils sont peu nombreux, se contentent d’un niveau de vie modeste et parviendront parfois, grâce à leur projet personnel, à réaliser une reconversion vers une activité plus valorisante qui les éloignera du chômage.
Les personnes voulant rester au chômage pour garder un filet minimum de protection sociale tandis qu’elles exercent une activité au noir, voire illégale, sont très peu nombreuses. Pourtant, c’est ce cas peu représentatif qui est généralement brandi pour justifier des mesures contre les chômeurs.

Si nous ne sommes pas sur une posture de rationalité économique quelle est donc la finalité de ces gesticulations ?

La recherche d’un bénéfice politique à moindre coût. Le sociologue Norbert Elias a caractérisé le racisme par le fait d’assimiler ceux de son propre groupe aux meilleurs de leur catégorie et les autres aux pires. Le racisme de classe n’échappe pas à cette logique. Alors que «ceux qui réussissent» (selon les termes de Macron) sont plutôt vus comme des entrepreneurs innovants qui ouvrent des marchés et créent des emplois (et non comme des héritiers adeptes de l’optimisation fiscale), le soupçon est jeté sur les chômeurs en les assimilant aux quelques fraudeurs évoqués précédemment.
Une telle posture reflète sans doute les préjugés liés à l’origine sociale de Macron et des politiciens d’En Marche. Elle permet de déculpabiliser face à la forte remontée des inégalités. Elle est aussi politiquement facile. Car nous sommes paradoxalement plus choqués par le détournement de quelques centaines d’euros par notre voisin, que par celui de millions d’euros par des personnes très éloignées de notre univers quotidien.
Facile également car elle fait passer le chômage pour une question de responsabilité individuelle et non de création d’emplois. Facile enfin car elle possède un avantage pour le gouvernement : décourager plus de personnes à effectuer les démarches pour être indemnisées, radier davantage de demandeurs d’emplois et pousser les autres à accepter des emplois précaires ou mal payés. À chaque nouvelle sanction envisagée, la stigmatisation des chômeurs culpabilise plus encore les demandeurs d’emplois.
Le seul problème français est celui de la création d’emplois qui dépend de la politique macroéconomique du gouvernement. Marc Loriol nous le rappelle : «Il faut insister là-dessus : le gouvernement est dans la diversion permanente ; il détourne l’attention des vrais enjeux. Par ailleurs, ces mesures vont inciter les chômeurs à accepter des emplois précaires. Le projet libéral du gouvernement repose sur l’idée qu’on ne peut plus offrir le plein-emploi, et que la seule chose que la société puisse viser, c’est de contraindre les gens à accepter des miettes de travail. Et en effet, sur le papier, si vous obligez tous les chômeurs à travailler deux ou trois heures par semaine, vous n’avez plus de chômage…».

Tout n’est qu’affaire de statistiques.

Cachez ce que je ne saurais voir mais surtout faites moi voir ce qui est caché…

MM.

En référence à l’article paru dans Le Monde du 19 Mars 2018 : « Unédic, chômage… le gouvernement présente ses arbitrages » (ici).

« Si c’est bon pour l’emploi… »

“Est-il indécent de se battre pour notre économie, nos emplois ?”
Interrogé en 2015 sur les accords commerciaux et les ventes d’armes massives de la France à l’Arabie Saoudite, pays ayant procédé cette année là à l’exécution de près de 200 personnes et menant une guerre sanguinaire au Yémen, l’innommable Manuel Valls nous avait gratifiés de cette «maxime». En un mot, tout est permis… si c’est bon pour le business (l’emploi n’est qu’une excuse, on l’aura compris), petite musique bien connue des lanceurs d’alerte!
Dans la bouche de ce personnage, rien de très choquant au final. De la présidence de François Hollande, marquée du sceau du reniement et de la lâcheté, rien de très étonnant.

Médiapart nous informe ce jour (ici) qu’une étude juridique, rendue publique par les ONG Amnesty International et ACAT France, interroge pour la première fois la légalité des transferts d’armes de la France dans le cadre du conflit yéménite qui aurait déjà fait plus de 10.000 morts civils.
Selon cet avis juridique, fruit d’une année de collaboration entre le cabinet d’avocats Ancile et les deux ONG, précise Laurence Greig, co-auteure avec Joseph Breham du rapport, «il ressort […] un risque juridiquement élevé que les transferts d’armes soient illicites au regard des engagements internationaux de la France […]. Le gouvernement français a autorisé des exportations de matériels militaires, vers l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU), dans des circonstances où ces armes peuvent être utilisées dans le conflit au Yémen et pourraient servir à la commission de crimes de guerre».
Médiapart résume ainsi la situation : «En d’autres termes, les armes françaises ont peut-être tué des civils au Yémen et l’État français pourrait être complice de crimes de guerre et se voir poursuivi en justice».

Il n’est pas inutile de rappeler qu’en France, la vente et l’exportation d’armes et d’armements sont en principe interdites, toute vente et tout transfert d’armement découlant de dérogations. Selon les chiffres de l’Institut international de recherche pour la paix de Stockholm (Sipri) du 12 mars dernier, l’État français est le troisième vendeur d’armement au monde. De 2006 à 2015, l’Arabie saoudite a été son premier client d’après le ministère de la défense français. Il ne fait plus aucun doute aujourd’hui que des armes françaises ont été utilisées contre les civils yéménites par l’Arabie Saoudite ou les Émirats Arabes Unis.
«L’opacité totale entourant le régime de contrôle français rend difficile le fait de s’assurer que […] les autorisations d’exportation sont bien délivrées conformément aux critères du TCA et de la Position commune […], notamment que les armes exportées ne pourront pas participer à violer le droit international […] ou le droit international humanitaire», souligne l’étude du cabinet d’avocats. Par ailleurs, des années peuvent s’écouler entre la signature des contrats et la livraison.

Mais tout ceci est-il vraiment important ? “Est-il indécent de se battre pour notre économie, nos emplois” sur un tas de cadavres de civils innocents ? Manuel Valls n’a pas la réponse ! Un dirigeant de Nexter (matériels militaires) non plus : il s’était félicité en mars 2016 à l’Assemblée nationale que des chars Leclerc étaient déployés au Yémen : «Leur implication au Yémen a fortement impressionné les militaires de la région».
Sans doute, l’essentiel est de montrer que la France a les plus gros chars…
Et l’ONG ACAT de rappeler que la France tient un double discours : «elle se targue d’être à la pointe du Traité sur le commerce des armes et d’être le pays des droits de l’homme, elle ne cesse d’appeler au processus de paix mais jette de l’huile sur le feu en vendant des armes, apportant ainsi une forme de soutien diplomatique aux pays concernés».

Le business comme seul gouvernail, des procédures d’exportation opaques, des contrôles inexistants ou dépourvus de toute transparence, des ventes illégales et illégitimes, un droit de regard de la représentation nationale absent… autant «d’us et coutumes» auxquels les lanceurs d’alerte sont habitués.

Comme le rappelle Amnesty International : «Le manque de la transparence de la France sur ses transferts d’armes ainsi que sur le processus décisionnel aboutissant ou non à la délivrance d’une autorisation à l’exportation ne permettent pas par ailleurs d’assurer que la France agisse dans le respect de ses engagements. Il n’existe aucune information publique indiquant que la France ait suspendu ou annulé des licences d’exportations depuis le début du conflit».
«Qui pouvait imaginer la survenance de ce conflit au Yémen ?» se justifie la ministre des Armées, Florence Parly, quand un journaliste la questionne sur les ventes d’armes de la France aux participants au conflit au Yémen. Sa ligne de défense semble suggérer que Paris n’a approuvé les exportations militaires vers ces pays qu’avant le conflit. Sans pouvoir se douter qu’en 2017, le Yémen serait devenu l’une des pires crises humanitaires au monde, terrain de potentielles violations graves du droit international. L’affirmation de la ministre de la Défense résiste mal à une vérification des faits. ACAT demande d’ailleurs aujourd’hui la création d’une enquête parlementaire.
En attendant, le business continue notamment avec un nouveau client très prometteur, l’Egypte.

«Le fait de fournir des armes qui vont probablement faciliter la répression interne en Égypte est contraire aux dispositions du Traité sur le commerce des armes dont la France est partie et bafoue la Position commune de 2008 de l’Union européenne», s’indigne Amnesty International.
Denis Jacqmin, chercheur au Grip (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité) à Bruxelles souligne : «La vente d’armes à l’Arabie saoudite, à la fois par la France et le Royaume-Uni, compte tenu de ce qui se passe au Yémen, c’est clairement une violation de la Position commune. Le problème de ce texte, c’est qu’il n’y a pas de juge pour tirer la sonnette d’alarme».

Les lanceurs d’alerte reconnaîtront leurs petits : des lois, des engagements, mais pas de contrôle, aucune transparence, et surtout personne pour juger et s’assurer de leur application et de leur respect.

C’est bien fait quand même…

MM.