Notre sélection d’articles – Semaine du 12/01

Belle Tribune de Denis Robert parue dans Le Nouveau Magazine Littéraire sur son combat pour la vérité et son constat trente années après. « Vous voulez la preuve ultime que rien ne change dans ces affaires de paradis fiscaux ? La preuve ultime, c’est moi. »
Le blues du lanceur d’alerte

Nouvel et triste exemple du divorce entre la haute administration et le peuple. Comme le dit Médiapart, « Faites ce que je dis! mais ne dites pas ce que je fais! »
Les parachutes en or de la Banque de France

Article complet de CADTM contredisant par des chiffres, les présupposés de la politique économique gouvernementale.
S’il était encore besoin de le rappeler: « Ainsi c’est bien l’absence de recettes qui creuse le déficit, plus que l’augmentation des dépenses. »
France : La commission des finances dénonce une gestion opaque de la dette au seul profit des acteurs financiers

Dans Libération, interview de Manon Aubry de Oxfam sur les paradis fiscaux: « Pour être efficaces, les listes doivent s’accompagner de sanctions. »
Paradis fiscaux : «Pour être efficaces, les listes doivent s’accompagner de sanctions»

Défendre nos libertés passe par la défense de nos données, ou quand l’Assemblée Nationale française nie le droit européen. Soutenons la Quadrature du Net.
Loi données personnelles : l’Assemblée nationale nie le droit européen pour protéger la loi renseignement

MetaMorphosis : des nouvelles du front

Parce que mener un projet comme MetaMorphosis avec les difficultés propres aux lanceurs d’alerte, est un combat, il faut revenir tous les jours à la tâche.
Petit à petit, pas après pas, sans véritable moyen hormis notre bonne volonté, nous avançons.
Comme annoncé lors de sa création, nous avons essayé ces derniers mois de ne pas tomber dans le piège du site fourre tout et compilation de toutes sortes d’informations, déjà existant et ne présentant que peu d’intérêt, pour s’appuyer sur des faits d’actualité relatifs à l’alerte, nous permettant d’apporter sous forme de Tribunes, notre contribution de lanceurs aux débats.
Nous entrons dans une seconde phase: d’une part MetaMorphosis doit offrir à ses lecteurs et aux tiers une meilleure visibilité; d’autre part, il est essentiel qu’il multiplie les contenus sous des formats multimédias en donnant la parole, à tous ceux qui, dans la société civile, réfléchissent aux questions relatives à l’alerte.
Le premier point passe par la constitution (en cours) et l’immatriculation (prochaine) de l’Association Loi 1901 du « Collectif MetaMorphosis », créé par les cinq fondateurs du site. Nous ouvrirons rapidement pour ceux qui le souhaitent les adhésions à l’Association, ce qui permettra à ses sociétaires de participer aux actions de l’Association et indirectement à l’animation du site.
Parallèlement, nous procéderons au dépôt du nom « Collectif MetaMorphosis ».
Le second point s’ancre dans la philosophie développée par MetaMorphosis et la multiplication des supports multimédias. Avec toujours l’alerte comme cœur de cible, MetaMorphosis a pour objectif de réfléchir à toutes les questions de pouvoir au sein de la Société qui peuvent conduire à la manifestation de l’alerte.
Sans oublier notre vocation à décrire, accompagner, et militer en faveur de l’alerte, nous souhaitons montrer ce qui, dans ces dysfonctionnements, défauts d’application ou jeux de pouvoir, peuvent conduire et la loi et les instances de contrôle, à se retrouver en défaut, nécessitant alors l’intervention d’un lanceur qui vient dénoncer ces manquements ou alerter d’un risque pour l’intérêt général.
De la sorte, nous allons être amenés à interroger différents champs d’étude des sciences sociales qui travaillent sur ces questions de pouvoirs et contre pouvoirs au sein de la Société et des organisations, afin d’essayer de mettre en évidence les causes profondes à l’origine de l’alerte.
Pour une meilleure approche, ce vaste champ d’analyse et la complexité des problématiques qui le traversent, nécessitent, pour offrir une lecture aisée, que MetaMorphosis développe son discours au-delà des seules tribunes, au moyen des riches supports multimédias qu’offre un site sur internet.
Ainsi, prochainement, vous pourrez accéder aux premières interviews de MetaMorphosis, de courte durée sur un sujet précis, dans l’attente de la diffusion de notre premier débat en cours de préparation.
Afin de soutenir notre action, nous ferons évoluer dans les prochains mois le site avec un accès payant pour certains contenus jumelés pour ceux qui le désirent à une adhésion à l’Association comprenant comme cela est d’usage, une cotisation annuelle.
Pas à pas nous avançons, le projet est ambitieux. Nous souhaitons prendre le temps et nous donner les moyens pour faire de MetaMorphosis un lieu, où tous ceux qui pensent qu’une saine démocratie passe par un équilibre entre les pouvoirs et un soutien à ceux qui alertent sur les dangers qu’ils peuvent faire courir, s’y retrouveront.

MM.

Natixis: la victoire du lanceur d’alerte

Suite à la décision du tribunal prud’homal lundi 22 janvier 2018, le directeur des risques de la Natixis, qui s’était dressé contre de graves irrégularités au sein de la banque, obtient l’annulation de son licenciement et sa réintégration au sein de la société.
Nous tenions à souligner l’importante victoire de ce lanceur d’alerte, importante car elle confirme le bien fondé à la fois de l’attitude du lanceur et de la nature des faits dénoncés, une victoire qui ne se limite pas, comme bien souvent, à l’unique procès en diffamation, à la seule parole du lanceur d’alerte, qui même relaxé, risque d’attendre longtemps pour que les faits dénoncés soient -s’ils le sont un jour- enfin traités.
Sur ces sujets, il n’est de grande victoire sans condamnation et/ou amendes infligées aux auteurs des infractions et sans régularisation des dysfonctionnements constatés.

Par ailleurs, rappelons que cette histoire est symptomatique de ce que vivent la plupart des lanceurs d’alerte qui même en respectant scrupuleusement la procédure d’alerte, conformément à la loi, sont soumis aux pressions, licenciement express, discrédits, blacklistage…
La réintégration de celui qui n’a fait que son travail peut ainsi être perçue comme une réhabilitation: une réelle victoire.

Enfin, comme souligné par Mediapart dans l’article ci- joint, cette affaire confirme que l’on ne peut décidément se reposer sur l’unique auto-régulation des marchés par les sociétés. Cette croyance dans la capacités des acteurs privés à s’auto-réguler étant l’un des axes de la politique économique du gouvernement français, il y a peu à attendre de ce côté là. Nous voyons bien qu’il existe une forte opposition entre la défense par l’entreprise d’un intérêt privé et la nécessité pour la collectivité, et donc pour l’Etat, de défendre l’intérêt général.
A l’image de ce qui est fait en Angleterre, il apparaît comme essentiel que des employés ayant des postes sensibles ou à fortes responsabilités, ne soient pas uniquement hiérarchiquement soumis à leur entreprise mais également à l’Instance régulatrice de la profession, unique façon d’apporter aux lanceurs un meilleur niveau de protection en cas de dysfonctionnements déclarés, et par conséquent de réguler au mieux ce qui relèverait de l’intérêt général.
Si ceci est un vœu, nous n’oublions pas qu’il convient simultanément de revoir la composition et le fonctionnement desdites instances, trop d’exemples démontrant qu’elles n’agissent, même quand elles sont prévenues en temps et en heure, que trop tardivement et/ou insuffisamment, voire pas du tout. L’exemple dans le présent article, le prouvant encore une fois.
Natixis: après le camouflet de l’AMF, celui de la justice

En ce jour de soutien à la presse et aux journalistes face aux procédures baillons et parce qu’informer n’est pas un délit, soulignons le travail d’investigation d’une certaine presse, malheureusement de plus en plus rare, sans laquelle le dossier Natixis ainsi que celui de défense du lanceur, se seraient sans doute perdus dans les méandres de la justice.

MM.

Procédures bâillons et indépendance de la presse

MetaMorphosis, en tant qu’Association et site d’information relatif à l’alerte, indépendant et apolitique, se joint à la démarche de ces journalistes. Ayant pu travailler avec certains d’entre eux, nous confirmons leur attachement à l’indépendance et leur volonté de nourrir par leur travail, le débat public.
En qualité de lanceurs d’alerte, les fondateurs de MetaMorphosis n’oublient pas non plus que dans leurs longs combats, ils ont été amenés à croiser de nombreux journalistes qui n’ont pas eu besoin d’être menacés judiciairement pour décider d’eux-mêmes de censurer leur travail.
Le combat légitime et important de certains passent aussi par la dénonciation du manque d’éthique professionnelle d’une partie de la corporation.

Face aux poursuites-bâillons de Bolloré: nous ne nous tairons pas!

Ce jeudi 25 janvier s’ouvre un procès contre Mediapart, L’Obs et Le Point, et deux ONG, Sherpa et ReAct, attaqués en diffamation par la holding luxembourgeoise Socfin, fortement liée au groupe Bolloré.
Ce procès marque une nouvelle étape dans les poursuites judiciaires lancées par Bolloré et ses partenaires contre des médias.
Ces poursuites systématiques visent à faire pression, à fragiliser financièrement, à isoler tout journaliste, lanceur d’alerte ou organisation qui mettrait en lumière les activités et pratiques contestables de géants économiques avec pour objectif : les dissuader d’enquêter et les réduire au silence, pour que le « secret des affaires », quand celles-ci ont des conséquences potentiellement néfastes, demeure bien gardé.
C’est l’intérêt général et la liberté d’expression qui sont ainsi directement attaqués. Les communautés locales, les journalistes, les associations, les avocats, ou les lanceurs d’alerte : tous les maillons de la chaîne des défenseurs de droits sont visés par ces poursuites.

Informer n’est pas un délit ! On ne se taira pas !

Paradis fiscaux: une espèce en voie de disparition

C’était une liste noire déjà restreinte…
Le conseil des ministres des finances de l’Union européenne avait validé en décembre une liste noire de 17 pays, à la suite de plusieurs scandales d’évasion fiscale. À l’époque de la création de la liste noire européenne, des associations comme Oxfam ou Transparency International avaient critiqué l’initiative, regrettant qu’aucun pays européens ne figurent sur la liste, alors même que des États comme le Luxembourg ou l’Irlande proposent des largesses fiscales qui n’ont rien à envier à certaines paradis fiscaux. Ils avaient jugé que le choix des États à mettre ainsi à l’index était le fruit de compromis politiques qui avaient abouti à une liste trop restrictive.

A présent, cette liste l’est encore plus.
Les ministres des finances de l’Union européenne ont retiré huit pays de leur liste noire des paradis fiscaux:
Panama, la Corée du Sud, les Emirats arabes unis, la Tunisie, la Mongolie, Macao, les îles de la Grenade et la Barbade

Il reste donc: les Samoa, les Samoa américaines, l’île de Guam, Bahreïn, les îles Marshall, la Namibie, les Palaos, Sainte-Lucie et Trinité-et-Tobago…des confettis à l’autre bout du monde!

N’oublions pas, c’était en 2009.

Actualité judiciaire: l’indépendance du Parquet attendra

Deux décisions récentes sur des sujets qui nous intéressent tous et notamment les lanceurs d’alerte (en premier lieu ceux dont les dossiers touchent la finance), méritent d’être brièvement rappelés. Nous comprenons qu’une justice totalement indépendante du pouvoir politique et égale pour tous n’est pas à l’ordre du jour de ce quinquennat. Il est à regretter qu’elle ne soit pas non plus à l’ordre du jour de la plupart des politiques ou partis, autant d’éléments qui malheureusement compliquent la tache des lanceurs d’alerte.

1/ L’indépendance du parquet
L’arrêt de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) du 27 juin 2013 rappelle que le parquet français, en raison de son statut, ne présente pas la garantie d’indépendance vis à vis de l’exécutif qui caractérise, comme l’impartialité, une autorité judiciaire au sens de l’article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. A cette occasion, le syndicat de la magistrature soulignait dans un communiqué que la CEDH avait rappelé aux autorités françaises que les magistrats du parquet ne présentaient pas les garanties d’indépendance leur permettant d’être considérés comme des autorités judiciaires au sens de la Convention, que de modifier à la marge la composition du CSM (Conseil Supérieur de la Magistrature) était insuffisante, mais qu’il convenait de conférer au ministère public les garanties statutaires lui permettant d’exercer ses missions avec toute l’indépendance nécessaire au bon fonctionnement de notre démocratie.
La France condamnée par la CEDH… à une réforme constitutionnelle !
Il n’est pas inutile de rappeler que la France représente à ce titre une exception parmi les grands pays démocratiques européens, le Parquet n’ayant pas comme en Italie par exemple l’obligation d’instruire, sa mise sous tutelle politique peut conduire dans certains cas à « une gestion » des instructions ce dont certains lanceurs d’alerte pourraient témoigner.
Lors de l’audience solennelle de rentrée de la Cour de Cassation, lundi 15 janvier, le chef de l’Etat s’est prononcé en faveur du maintien d’une « chaîne hiérarchique » entre les magistrats du parquet et le ministre de la Justice. il refuse d’accorder au parquet son indépendance totale.
Macron refuse d’accorder au parquet son indépendance totale
Suite à cette annonce, le syndicat de la magistrature a communiqué:


Malgré les promesses, cette situation semble devoir perdurer quelle que soit la couleur politique affichée et au-delà des beaux discours nous ne pouvons que constater qu’il y a une maladie bien française du politique consistant à toujours s’assurer d’avoir la main, en cas de besoin, sur les affaires judiciaires.

2/ Le verrou de Bercy
Auditionnée ce mardi 15 Janvier à l’Assemblée, La procureur du PNF (Parquet National Financier), Eliane Houlette, a estimé que le « verrou » de Bercy « bloque toute la chaîne pénale ».


Rappelons que le privilège revenant à Bercy en matière de poursuite pénale pour fraude fiscale n’a pu être supprimé.
Adopté par le Sénat, l’amendement suggérant la suppression partielle du «verrou de Bercy», étudié dans le cadre du projet de loi sur la moralisation de la vie politique, avait été rejeté le 25 juillet 2017 à l’Assemblée nationale.
Notons néanmoins que la question du verrou de Bercy fait l’objet aujourd’hui d’une mission: dix-neuf députés, de tous bords politiques, vont enquêter et auditionner jusqu’en avril au sujet des procédures de poursuites contre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales. Ils se prononceront alors, pour ou contre le monopole de Bercy.
Fraude fiscale. L’Assemblée nationale lance une mission sur le verrou de Bercy

Ce sujet, comme le souligne la Procureure Madame Houlette, conduit à une inégalité de traitement des français devant la loi fiscale. Soulignons aussi que peu de politiques sembleraient enclin à se priver d’un tel levier de pouvoir.
Avec l’indépendance du Parquet, le verrou de Bercy est devenu le serpent de mer de la vie politique française qui constitue, parmi d’autres, des entraves à l’action des lanceurs d’alerte.

Lancer l’alerte : est-ce vraiment sérieux et nécessaire ?

L’actualité récente nous permet de mettre en perspective l’action du lanceur d’alerte.
Nous ne nous attacherons pas ici aux seules victoires personnelles, qui n’ont pour effet que l’auto-satisfaction, quand elles ne s’attaquent pas au sujet même de l’alerte.

Cinq années après les déclarations d’Edward Snowden et en dépit de la couverture médiatique et de l’émotion (toujours sincère ?) qu’elles ont pu susciter, nous apprenons que la Chambre des représentants des États-Unis a adopté jeudi dernier un projet de loi visant à renouveler le programme de surveillance d’Internet de la NSA sans mandat, en faisant fi des objections des défenseurs de la vie privée.

Quatre années après les révélations, suite à son heureuse et bienvenue relaxe prononcée par la cours de cassation luxembourgeoise, Antoine Deltour a posté le message suivant:
« …Enfin, maintenant qu’on a presque fini de parler du sort des lanceurs d’alerte, on va peut-être enfin pouvoir se ré-intéresser au fond de l’affaire. Et j’ai justement quelques réflexions à partager.
1) Les révélations « Luxleaks 2 » de décembre 2014 sont tombées dans l’oubli alors qu’elles impliquent TOUS les grands cabinets d’audit, y compris les concurrents de PwC.
2) Le Luxembourg, qui a brillé dans sa communication post-Luxleaks (« ce sont des pratiques du passé, nous avons fait beaucoup de progrès depuis ») continue à s’opposer à l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés, contre l’avis même de J.C. Juncker.
3) Malgré quelques avancées en faveur de la justice fiscale, les recettes de l’impôt sur les sociétés continuent de diminuer en Europe comme la banquise au pôle nord. Et les bénéfices des multinationales grimpent comme le niveau de la mer aux Maldives. C’est le résultat de la course verse le bas qui découle de la concurrence fiscale.
4) La succession des scandales, et surtout les Paradise Papers, me font peu à peu douter qu’on arrive un jour à mettre de l’ordre dans tout ça.
5) Enfin, à mon avis, nous ferions mieux de mobiliser notre temps de cerveau disponible pour atténuer l’effondrement et construire l’après. Car l’espèce humaine ne va pas pouvoir continuer longtemps à détruire son propre milieu de vie sans un rappel à l’ordre assez brutal. »

2008 : le premier « Leak » SwissLeaks. Que reste t-il dix ans après, que reste t -il après les PanamaPapers, MaltaFiles, LuxLeaks, ParadisePapers etc ? Sans parler de tous les scandales qui ont touché telles ou telles multinationales ? Rien ou plutôt la bonne parole de Moscovici, Commissaire Européen aux affaires économique et monétaire, à la fiscalité et à l’union douanière: « il n’y a pas de Paradis Fiscaux en Europe. »
Comme le nuage de Tchernobyl qui avait été suffisamment discipliné pour ne pas franchir les frontières européennes, l’argent de la fraude fiscale, du blanchiment ou de la corruption fait de même.
Se faisant, nous comprenons mieux la Commission : il n’y a pas grand chose à faire.

Pourquoi lance t-on l’alerte ?
Pour être célèbre ? Sûrement pas, même si certains semblent y trouver un échappatoire à l’isolement.
Par vocation ? Non plus.
Pour défendre des valeurs ? Sans doute une bonne raison mais non suffisante.
À la question souvent posée « regrettez-vous d’avoir lancé l’alerte ? »
Outre qu’elle n’ait pas de sens, il n’y a jamais de réponse satisfaisante.
Enfin reste la question : « le referiez-vous ? »
On oublie souvent que la motivation première du lanceur est de se conformer à ses obligations professionnelles et ou légales. Dénoncer consiste alors à informer les Autorités de contrôles et ou judiciaires que certaines personnes s’affranchissent des règlements et lois que la Société a posés pour veiller à l’intérêt de tous. Bien souvent cette obligation de dénoncer est également une obligation personnelle qui risque d’exposer judiciairement le salarié en cas de silence.
Tout ceci pour souligner que dans la démarche de l’alerte il y a un lien de cause à effet, et donc un besoin de résultat.
On ne dénonce ni par vocation ni par plaisir mais parce que c’est le plus souvent une obligation ce en quoi nous attendons que les Autorités désignées à cet effet, ou la justice, fassent cesser les risques que représentent pour la Société, les agissements de certains.
Poser la question aux lanceurs « à quoi a servi votre alerte ? » Nombreux vous répondront, après un si long combat et tant d’années, à rien.

La justice est lente et cette lenteur est clairement identifiée : faiblesse des moyens et manque de volonté des juges. Si cet argument nous voulons bien l’entendre, en quoi cela devrait être le problème du justiciable et à fortiori du lanceur ?
Ceci est un choix politique dont on identifiera sans problème les volontés cachées. L’ensemble des affaires précédemment citées dure depuis cinq à dix années et permet de mettre en perspective l’action des lanceurs : in fine (s’il y a un jour une fin) tout ceci, pour quel résultat ? Edward Snowden est toujours à Moscou et la loi de surveillance générale a été renouvelée. Antoine Deltour est innocenté et comme il le souligne lui même, le business fiscal du Luxembourg réalisé au détriment des autres états membres continue… HSBC (l’affaire arrivée à terme après dix années d’instruction) ne sera jamais condamnée après avoir « négocié » avec la justice le prix d’une amende et ironie de l’histoire, ce qui reste un échappatoire à la justice commune a été défendu par une association de « défense » des lanceurs d’alerte.
UBS sera peut être jugée un jour mais encore combien de cartes en main pour éloigner la date fatidique ? Les affaires des cabinets en optimisation fiscales du Panama, des Bahamas et d’ailleurs, ont-elles été sérieusement affectées ? Pendant ce temps on tue une journaliste d’investigation à Malte… et chaque lanceur en charge de son affaire qu’il ne peut laisser faute de quoi sans doute serait-elle enterrée, attend son tour.
Beaucoup d’autres affaires bien qu’ayant connu de fortes médiatisations, sont dans la même situation. Tant d’années après, les résultats ne sont vraiment pas convaincants.

Alors s’il s’agit de lancer l’alerte pour faire du bruit, ce n’est ni la motivation ni le but recherché par les lanceurs. Cela fait sans doute plaisir à une certaine presse, à quelques acteurs auto-proclamés défenseurs de la « cause », et à quelques politiques usant l’alerte à des fins de récupération… Malheureusement il semble qu’il faut être lanceur pour se rendre compte qu’après l’agitation, le calme plat revient très vite, promesses et engagements évaporés.
Lancer l’alerte, c’est avant toute chose mettre fin aux pratiques dénoncées. A défaut, rapidement pour que les instances de contrôles ou le pouvoir judiciaire prennent des mesures conservatoires dans un souci de précaution. Or là aussi, la présomption d’innocence reste la plus forte. Combien de personnes dénoncées, pour certaines mises en examen, et qui demeurent néanmoins en plein exercice de leurs fonctions, nullement inquiétées? Combien de lanceurs d’alerte, dès leur dénonciation, alors même que les instructions ouvertes viennent confirmer le bien fondé de leurs soupçons, alors même que l’avancée des procédures vient confirmer la réalité des infractions, demeurent marginalisés, personnellement et professionnellement, dans l’incapacité de se reconstruire ?

Si le but du système est, au terme de dix années de combat à minima, s’entendre dire que l’on a bien fait de porter l’alerte mais que dans les faits aucune mesure pendant tout ce temps n’a été prise pour mettre un terme aux pratiques délictueuses dénoncées, qu’aucune des personnes responsables n’a été réellement suspendues à minima voire condamnées au mieux, alors nous avons la réponse au titre de cet article : lancer l’alerte n’est pas sérieux, ni à titre personnel pour les conséquences désastreuses que l’on connait, ni même pour l’intérêt général qui n’en récolterait quasiment jamais et que trop tardivement les fruits.
Mieux vaut tard que jamais ? Très certainement si nous prenons le cas d’Irène Frachon et du Médiator qui reste malheureusement le rare exemple qui infirmerait la règle… Mais pour combien de morts ?

MM.

Lactalis: de l’intérêt général aux intérêts privés.

Rappel : Selon les informations du Canard enchaîné (du 3 janvier 2018), le géant des produits laitiers a tu les conclusions d’enquêtes internes menées dès le mois d’août 2017 par Lactalis Nutrition Santé. Ces dernières rapporteraient bien la présence de salmonelles sur du matériel de nettoyage et sur des carrelages dans l’usine de Craon en Mayenne.
L’affaire du lait contaminé commence donc là, par la conséquence: 37 nourrissons, âgés de 2 semaines à 9 mois, ont été atteints de salmonellose, quelques cas en Europe, comme en Espagne et en Grèce.
Ce n’est que le 2 décembre 2017, une fois le risque de contamination confirmé par l’agence Santé publique France, que Lactalis enclenche une première procédure de rappel et de retrait de concernant douze références suivi d’un retrait massif de laits infantiles le 10 décembre.

Voilà où nous en sommes, attendons la fin des enquêtes en cours pour connaitre les responsabilités effectives de chacun.
Au-delà du cas précis de Lactalis, cette affaire nous semble révélatrice et concerner directement les lanceurs d’alerte à plus d’un titre.
– l’alerte au sein de l’entreprise: si l’alerte a été lancée, une fois de plus il apparaît qu’elle n’a pas suffisamment voire pas du tout été prise en compte.
Au-delà des questions de rapports de force aux sein des Sociétés et précarisation de l’emploi salarié, il nous semble que le processus d’alerte entériné notamment par la loi Sapin2 est insuffisant ou mal calibré. On ne peut se limiter à une seule alerte interne si concomitamment n’est pas réalisée l’alerte auprès d’une instance de contrôle, régulation, ou judiciaire. Nous touchons là à l’une des principales limites de la loi Sapin2 qui contraint le lanceur à respecter un processus d’alerte, attendre les délais de prise en charge ou non, certes en l’encadrant dans l’entreprise mais l’expérience nous apprend que pour les alertes portant sur les sujets graves, la hiérarchie est soit déjà informée soit complice et qu’il existe moult motifs qui permettront de marginaliser voire se défaire assez rapidement du lanceur.
– Le cas Lactalis est révélateur d’un dysfonctionnement grave des Autorités de contrôle, et ce quelque soit le secteur d’activité. Comme expliqué dans l’article de Libération paru ce jour et à consulter ici, « cette crise sanitaire n’est pas qu’un simple accident de parcours mais l’échec d’un système basé sur un principe d’auto-contrôle ».
Il y a dans le contrôle étatique à la française, un présupposé selon lequel l’Etat, représentant l’intérêt général, pourrait faire confiance à des entreprises ou à un secteur d’activité représentant des intérêts personnels ou catégoriels. C’est une erreur de sens, les deux intérêts étant par définition opposés, on ne peut donc se satisfaire de ce système d’auto contrôle où des professionnels surveillent d’autres professionnels ou des banquiers contrôlent des banquiers ou des notaires contrôlent des notaires…
Loin de nous l’idée que tous les professionnels défendront systématiquement leurs intérêts personnels, mais il en relève de la responsabilité de l’Etat par principe et par précaution, de s’assurer que lesdites instances de contrôles bénéficient d’une indépendance suffisante pour exercer leur fonction dans l’intérêt général.

Les exemples sont malheureusement nombreux où l’Etat a abandonné son rôle de défense de l’intérêt général à des intérêts privés ou corporatistes aux conséquences prévisibles et dont l’affaire Lactalis n’est qu’une nouvelle illustration.

MM.

La presse: faut-il lancer l’alerte ?

Nous vous recommandons la lecture suivante Macron décodeur-en-chef de Fréderic Lordon, tribune parue dans le blog du Monde Diplomatique le 08/01/2018.

Cette tribune s’inscrit dans le cadre de la volonté du Président Macron de proposer une loi visant à contrôler les fake-news. Au-delà de ce sujet, Frédéric Lordon met en évidence l’importante responsabilité que porte la presse dans la désaffection du public à son égard et dans sa perte de crédibilité.
Nous, lanceurs d’alerte, considérons que ce sujet nous intéresse directement .
Une fois l’alerte lancée, une fois la justice saisie (quand c’est le cas), et au regard de l’extrême lenteur de cette dernière, le lanceur est lui, pendant ce temps, plongé dans un violent isolement. Seule une presse indépendante et volontaire pourrait assurer le relais. Or, comme le montre très bien Frédéric Lordon, la presse dans son ensemble (même si quelques trop rares exceptions existent), a largement participé à sa propre marginalisation en acceptant ce qu’il appelle « une fusion des pouvoirs ».
Loin de nous l’idée de faire le procès de la presse, certains de ses acteurs ayant montré notamment sur des dossiers d’importance, la prépondérance de leur rôle dans l’éclatement de la vérité. Néanmoins, force est de constater aujourd’hui, que ce rôle qui est en danger, se réduit à peau de chagrin.
Partant de cet état des lieux général et très souvent confirmé par nos expériences, il est de plus décevant de constater que les quelques supports de presse se revendiquant encore de l’investigation, limitent leur travail à des comptes-rendus de Pv d’auditions ou d’ordonnances de renvoi, ce qui concourt également et un peu plus à la marginalisation et l’isolement du lanceur d’alerte préalablement victime des lenteurs des procédures elles-mêmes.
A titre d’exemple nous publions ici un récent échange de messages Facebook entre un « citoyen inquiet », un « lanceur largué » et un « journaliste pressé », le tout volontairement anonymisé pour ne porter préjudice à personne, le « journaliste pressé » faisant partie d’un grand groupe de presse régionale. Au delà de la perceptible pression exercée par le Groupe et son actionnaire sur ses journalistes, il est révélateur d’une réelle dégradation du sens du métier, et de son rôle essentiel qui serait dans toute démocratie, d’informer à minima.
Soumission au lobby, dites-vous? Un journalisme de préfecture?

Le sentiment de cet échange? Il en ressort l’absence d’une réelle volonté d’informer, de questionner et de s’opposer aux pouvoirs. Presque du désintérêt, alors qu’on nous assène que certaines informations à révéler seraient d’intérêt public et « les lanceurs » nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie. Quid des lanceurs si les journaux ne suivent pas? De notre démocratie?
Face à une presse pleinement investie dans le marché de la publicité et du buzz, il semble difficile aujourd’hui pour un lanceur de sensibiliser sur son dossier s’il n’est pas en amont pleinement documenté et s’il ne permet pas de faire immédiatement un lien avec un sujet d’actualité. Ne nous leurrons pas, entre les choix de lignes éditoriales servant souvent d’excuse pour ne pas traiter voire relater des faits graves, la presse a aussi son marketing et business! Quant aux quelques lanceurs qui parviennent malgré tout, à témoigner médiatiquement, très vite le sujet traité comme « fait divers » tombera tout comme eux dans les oubliettes…

Si la presse n’est pas tout à fait morte, faudrait-il qu’elle retrouve son indépendance et veuille vraiment s’attacher à son rôle essentiel qui est d’informer (tant que ce n’est pas encore un délit), d’enquêter, de suivre les sujets et de porter un œil critique sur les discours des différents pouvoirs. Quant à devoir lancer l’alerte, en espérant qu’elle puisse encore bénéficier d’un peu d’écho , mieux vaut vous prévenir que face à l’isolement, vous devrez vous armer de patience et persévérance.

MM.