Quand le prof est le mauvais élève

Pour la quatrième fois en une année, l’Etat a été condamné vendredi dernier dans les Alpes Maritimes pour sa politique migratoire, raison pour laquelle le Préfet du département, s’est vu suspendre par le Tribunal Administratif, le « réacheminement » de 19 mineurs vers l’Italie. (ici)
Il s’agit là pour l’Etat du revers le plus important faisant suite à trois précédentes condamnations.
Nous avons donc d’un côté des Associations et des citoyens, dont le plus emblématique est Cédric Herrou, condamné pour « délit de solidarité », et de surcroît – comme si la condamnation ne suffisait pas à elle seule – le voilà harcelé par les policiers aux ordres du Préfet. Rappelons que l’aide apportée par ce citoyen s’adresse essentiellement à des migrants mineurs.
D’un autre côté, nous avons l’Etat représenté au niveau du département par son Préfet. Dans l’organisation administrative française, le préfet n’est qu’un exécutant des politiques de l’Etat ce qui permet bien d’affirmer que les condamnations de la justice sont à l’encontre non pas de décisions isolées mais bien de l’Etat et du Gouvernement et en l’occurrence de l’application de la politique migratoire par le Ministre de l’Intérieur.
Nous avons donc l’Etat et son représentant local, le nommé Préfet Georges-François Leclerc, cité non par volonté de délation, mais pour rappeler qu’avant d’être un commis de l’Etat, il n’en demeure pas moins un citoyen libre de se démettre en cas d’ordres incompatibles avec sa conscience. Très visiblement son choix est fait, ses convictions validant son maintien au poste de Préfet.
En dépit de plusieurs condamnations confirmant une application illégale par l’Etat des lois françaises relatives à l’immigration et des Conventions Européennes en la matière signées par la France, le gouvernement continue à ne pas vouloir s’y conformer.
La plupart des citoyens, dans de nombreux domaines de leur vie sociale et professionnelle, sont amenés à prendre des engagements dont le respect (ou non) conduit souvent à évaluer leur fiabilité et leur honnêteté. L’entrée dans beaucoup de profession est par exemple conditionnée à l’engagement pour le salarié, de respecter un certain nombre de conditions d’exercice de sa profession, règlements fixés par l’entreprise et/ou par la loi. Le non respect desdits engagements est de nature à exposer le salarié dans son travail même et dans sa carrière future. Il y a bien évidemment le contre exemple de la quasi totalité des lanceurs d’alerte, qui, par nature même si nous voulons être provocateurs, sont durement et durablement sanctionnés pour avoir justement respecté leurs obligations de dénoncer des faits contraires à la loi dont ils ont eu connaissance.
L’exemple cité, qui vient se rajouter à la longue liste des condamnations de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour non respect d’un certain nombre de conventions internationales, ne fait que mettre en évidence que celui qui devrait en premier montrer l’exemple s’y exempte et de façon répétitive.
Nous parlions dans un précédent billet que quasiment tous les lanceurs qui participent au projet MetaMorphosis, avaient été confrontés d’une façon ou d’une autre, de la part de leur hiérarchie, à un fort sentiment d’impunité qui explique en grande partie, la façon dont les entreprises se permettent encore de traiter les lanceurs d’alerte. Il ne nous semble pas anodin que ce sentiment et ces comportements puissent être d’une certaine façon encouragés alors que le garant suprême de la loi s’affranchit lui même de ses propres obligations. Il n’est guère étonnant dans une telle situation que beaucoup de salariés confrontés à des agissements illégaux de leur employeur préfèrent se taire, se cachant derrière une autorisation implicite à ne pas dénoncer, la hiérarchie s’y exemptant elle-même.

Alors comment demander aux élèves de respecter les règles de la classe quand le professeur est le premier à les outrepasser ?

MM.

La vie des alertes: UBS bientôt le procès

Tout se passe cet automne, du 8 octobre au 15 novembre, à raison de trois demi-journées par semaine: UBS AG sera jugée à Paris pour son vaste système de fraude fiscale, ainsi que sa filiale française pour complicité et six hauts responsables de la banque en France et en Suisse, impliqués.
Leur sont reprochés les faits suivants: démarchage bancaire illégal (sans licence) d’une riche clientèle française au profit de la banque helvétique, blanchiment aggravé de fraude fiscale, double comptabilité pour masquer les mouvements de capitaux illicites entre les deux pays.

La fraude est estimée à quelque 10 milliards d’euros. Quant à l’amende elle peut se monter « jusqu’à la moitié de la valeur ou des fonds sur lesquels ont portés les opérations de blanchiment » selon le code pénal.

L’affaire et le résultat sont à suivre de près; MetaMorphosis qui compte un de ces lanceurs parmi ses membres fondateurs, y reviendra.
Merci aux lanceurs d’alerte, sans lesquels rien ne serait arrivé.

Fraude fiscale: UBS sera jugée cet automne à Paris

MM.

La justice par l’exemple

S’ouvre le procès en appel de Jérôme Cahuzac.
Médiapart, à l’origine et un des acteurs principaux de cette affaire, revient ici sur cette actualité.
L’enjeu principal semble être la confirmation ou non de la peine de prison de trois ans infligée en première instance. Nous ne reviendrons pas sur les détails de l’affaire, bien connue et largement documentée par Médiapart, si ce n’est pour rappeler quelques caractéristiques bien souvent communes à la plupart des affaires dénoncées.
Outre l’habituel « c’est celui qui dit qui est », on retrouve le plus souvent chez les personnes incriminées un sentiment d’impunité dont Fabrice Arfi se fait l’écho ce jour dans une interview donnée à Brut ici.

Ces deux éléments, confirmation d’une peine de prison ferme et sentiment d’impunité, sont loin d’être isolés l’un de l’autre, bien au contraire, il nous apparaît qu’il existe une corrélation forte.
Beaucoup de lanceurs et au premier chef parmi les fondateurs de MM. pourront attester que ce sentiment d’impunité est bien plus que partagé dans le monde politique et le monde des affaires, qu’ils constituent même l’un des paramètres de la réalisation d’opérations illégales.
Quel lanceur n’a pas entendu dire de la bouche de sa propre hiérarchie que de toute façon « on ne s’en prend jamais aux banques », (ou autre grosse entité), « nous sommes intouchables » ?
C’est bien parce que ce sentiment d’impunité fait partie intégrante à certains niveaux de hiérarchie, de l’exercice même du métier, c’est bien parce que ce sentiment d’impunité est intégré par les personnels en situation d’autorité ou de pouvoir, que la banalisation d’agissements contraires aux règles ou à la loi est devenue courante dans certains métiers. En un mot, « pourquoi se priver » quand on sait qu’il est intégré au sein de la profession et pire au sein des entités chargées de la contrôler, voire même de la justice, que la probabilité d’être poursuivi ou pire condamné pour agissements illicites est extrêmement faible. La hiérarchisation des entreprises joue également dans cette situation où l’on constate souvent que ceux qui sont à la manœuvre prennent soin de mêler ou d’exposer les hiérarchies en amont ou en aval pour s’assurer leur propre protection. Et tant qu’à faire dans l’illégalité, tout le monde a intégré le « plus c’est gros plus ça passe ».
Au-delà de cette constatation, il importe de comprendre que si ce sentiment semble si largement répandu au sein des organisations, c’est sans doute parce que la justice aurait échoué dans l’une de ses missions, à savoir l’exemplarité.
Il ne peut y avoir de justice sans peine, il ne peut y avoir de justice rendue au bénéfice de la collectivité si elle n’a pas pour fonction de montrer l’exemple.
Nous en revenons au cas de Monsieur Cahuzac. Même s’ils condamnent ses agissements, certains nous expliquent aujourd’hui qu’ils ne souhaitent à personne d’être condamné à une peine de prison ferme. Au-delà du fait que beaucoup de lanceurs vous diront qu’il peut y avoir des peines bien pires que celle de la prison, ce type de réflexion nous semble hors sujet car il faut bien voir que la peine ne sanctionne pas l’homme mais ses agissements dont il est à tout moment pleinement responsable.
Nous pensons au contraire que la justice serait bien éclairée à retrouver sa fonction d’éducation qui passe aussi par des peines conformes aux faits reprochés, évitant ainsi que se propage ce sentiment bien réel d’une justice à deux vitesses, celle des petits délits et celle des « cols blancs ».
Au-delà de ce constat et on l’aura compris, l’objectif est de refouler ce sentiment d’impunité et ce cercle vicieux où l’absence de peine exemplaire conduit à la reproduction d’actes délictueux qui eux-mêmes ne sont pas ou peu sanctionnés.
Il n’est pas inutile de rappeler comme le fait Fabrice ARFI dans l’interview, qu’il s’agit encore une fois d’une spécificité bien française, des cas similaires à l’affaire Cahuzac en France, pouvant être documentés dans des pays démocratiques comparables, donnant lieu le plus souvent à des condamnations fortes agrémentées de peines de prison fermes.
Ceci expliquant sans doute cela, le nombre d’affaires dans ces pays, est sensiblement inférieures…

MM.

Il y a délit et délit !

Qui a dit « Informer n’est pas un délit » ?
Si vous êtes un habitué de MetaMorphosis, vous avez sûrement la réponse.
Plus difficile. Qui a dit : « Dénoncer un délit, ce n’est pas de la délation » ?
L’auteur de cette maxime, au demeurant d’une grande vérité et pour ainsi dire à la base de toute action des lanceurs d’alerte, n’est autre que Christian Estrosi. Le bien nommé « motodidacte » nous gratifie de cette pensée profonde à l’occasion de la défense de sa nouvelle trouvaille niçoise en cours de test au joli nom de « reporty », ici, une application sécuritaire devant permettre à tout citoyen de dénoncer un délit ou une incivilité en temps réel à la police.
Nous ne discuterons pas ici de l’intérêt de cette initiative du maire de Nice, ayant trop peur d’arriver à la même conclusion que pour les caméras de surveillance dont l’efficacité n’est plus à démontrer depuis un certain soir de 14 juillet…
Reconnaissons que nous serons pour une fois d’accord avec l’énoncé de Monsieur Estrosi quand il dit « Dénoncer un délit, ce n’est pas de la délation ».
Sauf qu’il doit bien y avoir un loup quelque part…
Au fait, de quel délit parle t-on?
En droit un délit est toujours un délit quelle qu’en soit la gravité appréciée par le degré de la peine encourue ou par la réprobation morale qu’il peut engendrer.
Etant nécessairement rationnel, le maire de Nice doit considérer que tout délit vaut dénonciation et qu’il ne pourra en aucun cas être reproché à celui qui la réalise, un quelconque acte de délation. Sans faire un catalogue des positions et votes politiques de ce personnage, remontons seulement deux années en arrière à l’occasion du vote de la Loi Sapin2 qui visait à donner un cadre juridique aux personnes qui dans l’exercice de leur fonction sont amenées à dénoncer des délits. Quelle a bien pu être la position de Monsieur Estrosi sur ce texte qui prévoyait également quelques dispositions de moralisation de la vie politique?
Il a, une fois de plus, comme à l’occasion de proposition de lois sur la fraude fiscale et sur le verrou de Bercy, voté contre ces textes.
Nous ne discuterons pas de la cohérence des positions qu’il partage avec la plupart de ses collègues parlementaires, les votes étant le plus souvent conditionnés à des décisions partisanes et/ ou de défense de son électorat, il n’en demeure pas moins que ce type de position met en évidence que le corps politique et de façon générale la Société, ont une appréciation très sélective des délits. Système au combien pernicieux car il nous semble rejaillir dans le fonctionnement même de la justice.
Sans juger de leurs utilités, quelques affaires récentes (qui rappelons-le encore une fois, méritent une justice exemplaire) ont mis en évidence les moyens extraordinaires mis en oeuvre par les services de police et de la justice, sur une seule affaire – un cas récent de féminicide a mobilisé jusqu’à 500 personnes pendant plusieurs semaines, de l’aveu même de la Procureure en charge du dossier – en écho à la litanie des affaires politico-financières pour lesquelles l’Etat est incapable de mobiliser plus d’un fonctionnaire à temps plein.
En quoi consiste l’application niçoise estrosienne? Dénonciation d’un vol à l’étalage, d’un vol à l’arrachée? D’une dégradation de véhicule? D’un comportement suspect?…Autant de petits délits qui ont à faire quelque part à une atteinte aux biens privés. Les questions politico-financières et c’est bien en cela que réside tout le problème, sont des atteintes à la propriété collective dans lesquelles chaque citoyen a individuellement du mal à se retrouver et donc à en comprendre les enjeux, tant pour la Société que pour lui-même.
Pour ceux qui naviguent depuis de longues années dans ce type d’affaire, à l’image des lanceurs d’alerte, il est évident qu’il n’existe ni au sein des services de police ni au sein de la justice elle-même et encore moins de la part du corps politique, de volonté et souvent de capacité à mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour traiter convenablement ces affaires.
Sous une pression électorale et médiatique, notre justice et notre police sont devenues des services de proximité visant à contenir quand ça n’est pas entretenir, le fameux « sentiment d’insécurité » au détriment d’une insécurité plus insidieuse mais tout autant pernicieuse pour la cohésion du corps social. Ne pas s’attaquer à la corruption au sein des corps institués c’est hypothéquer l’avenir.

MM.

Vous reprendrez bien un peu de secret…

Nous y voilà ! La machine à se taire, à faire taire, est donc en marche.
Première décision importante relative au secret des affaires, le cas du magazine économique Challenges (expliqué dans le détail dans l’article paru dans Médiapart ce jour, ici) nous laisse augurer des jours tourmentés pour la liberté de la presse et, accessoirement et concomitamment, pour la liberté d’alerter.
Rappelons-nous à l’époque de la présentation du projet de loi sur le secret des affaires, des alertes qui avaient été portées par des journalistes et des Associations sur le risque que pouvait représenter cette disposition, notamment au regard du flou de sa définition, pour la liberté de la presse et pour la liberté de l’alerte citoyenne.
Rappelons-nous que ses défenseurs faisaient fi de ces remarques arguant – toujours sur le terrain de l’efficacité économique – que cette loi avait pour objectif unique de protéger les secrets des entreprises face à la concurrence.
Que nous sommes loin de ces vœux pieux dans le cas de l’affaire Challenge vs Conforama. Même si la décision n’est pas encore définitive puisque le Directeur de la publication a décidé de faire appel, l’arrêt du Tribunal du Commerce dit en substance, en motivant sa décision sur des arguments pour le moins fragiles comme l’a rappelé Médiapart dans son article, qu’au titre du secret des affaires, Challenges n’est pas autorisé à révéler que la chaîne de distribution Conforama connait de graves difficultés suite aux procédures contre les malversations réalisées par son actionnaire Sud-africain, dans lesquelles on retrouve pour la petite histoire et à l’image d’Enron, un grand cabinet d’audit international qui a allègrement certifié les comptes!
Bizarrement, le Tribunal du Commerce prend une décision pour soi-disant protéger l’entreprise qui va à l’encontre de l’un des sacro-saints piliers de l’économie de marché à savoir leur transparence et une information égale pour tous.
Il y aurait comme le fait remarquer le journal économique, des acteurs de marché qui pourraient bénéficier d’une information de première importance et d’autres qui en seraient interdits. Nous ne parlons même pas, mais qui s’en soucierait, des salariés du Groupe qui pourraient être intéressés quant à l’état de santé de leur employeur.
Au final de quoi parle-t-on ? De quel secret parle-t-on ? Dans le cas présent, vu les faits qui sont reprochés à l’actionnaire, on pourrait se demander si l’on ne protège pas en fait le secret de malversation…
Il semble malheureusement qu’il y ait une logique à ça, qui s’initie peu à peu dans le droit, visant à décriminaliser toute action répréhensible des entreprises. Il n’y a pas d’autre logique par exemple dans la CJIP (Convention Judiciaire d’Intérêt Public) où toute condamnation formelle est abandonnée. Il n’y a pas d’autre logique dans le cas nous occupant, que de préserver les intérêts d’une société au détriment de l’information des marchés.
On voit à présent, et on suivra avec beaucoup d’attention les prochaines décisions s’appuyant sur le secret des affaires, que l’on cherche effectivement à limiter le droit d’information de la presse mais que l’on cherche aussi à ôter aux différents acteurs l’information nécessaire à des prises de positions financières sur telle ou telle société.
Plus loin, même s’il n’y a pas à cette heure-ci à notre connaissance de décisions relatives à des sujets d’alerte prises sous couvert du secret des affaires, le cas Challenges vs Conforama ne laisse rien présager de bon. En théorie on voit bien qu’à toute alerte, il pourrait se voir opposer le secret d’affaire puisqu’il s’agit dans la majorité des cas, de mettre en évidence des dysfonctionnements ou des malversations, qui, par définition, dès qu’elles sont connues du public, sont de nature à altérer la confiance en elle de ses partenaires et des marchés.
CQFD !

MM.

Monnaie de singe

Reconnaissons le rôle précurseur joué par Transparency France dans l’affaire qui nous occupe aujourd’hui.
Rappelons que cette Association a défendu bec et ongles dans le cadre de la Loi Sapin2, sans jamais vraiment se soucier de ce que pouvaient en penser les principaux intéressés à savoir les lanceurs d’alerte, la fameuse Convention Judiciaire d’intérêt Public (CJIP).
Celle-ci permet à une entreprise coupable de faits relevant des tribunaux pénaux, de ne jamais être condamné contre la simple reconnaissance des faits et le paiement d’une amende. Transparency et le Gouvernement de l’époque ont démontré à cette occasion, le peu d’intérêt qu’ils portaient aux lanceurs d’alerte (tout en feignant le contraire) et leur totale méconnaissance de la nature même de leur action.
Qu’attendent les lanceurs d’alerte si ce n’est la reconnaissance par une décision de justice du bien fondé de leurs dénonciations, seule solution leur permettant d’envisager une reconstruction personnelle et professionnelle ?
Qui peut croire au bout de tant d’années de combat qu’un lanceur d’alerte puisse se résoudre à retrouver devant lui une organisation pouvant clamer haut et fort qu’elle n’a jamais été condamnée?

Marchons dans les pas de Transparency France et allons un peu plus loin dans cette logique, l’actualité récente nous donnant matière à faire une nouvelle proposition: instaurons dans le droit français la peine : « Je m’excuse ».
D’un côté Lactalis qui a en toute connaissance de cause avec la complicité bienveillante de la grande Distribution, mis sur le marché des produits dangereux pour les consommateurs et, ce que beaucoup semblent oublier, interdits à la vente. A ce que nous sachions, quand le cartel de Medellin met sur le marché de la cocaïne, le premier réflexe qui vient, est qu’il s’agit d’un produit interdit à la vente, aux effets également dangereux. Bizarrement, y compris au gouvernement, concernant Lactalis, cela ne semble pas avoir été la première réflexion. Madame Agnès Buzin Ministre des Solidarités et de la Santé, nous explique en effet dans les jours suivant la mise en évidence de ce scandale, « que les excuses de Lactalis: pas sûr que ce soit suffisant  » ici
On serait en droit d’attendre d’une Ministre de la République, qu’elle soit avant tout scandalisée par le fait que cette société ait continué à commercialiser des produits nocifs interdits à la vente. A la place, on la découvre déjà réfléchir à quel degré de « peine » ce manquement déclencherait une sanction, comme s’il y avait quand on enfreint la loi, un plan B autre que celui passant nécessairement par la case justice.
Nouvel exemple tout récent avec l’affaire des essais de Volkswagen sur des êtres humains et des singes. On découvre cette magnifique déclaration du porte-parole de la Chancelière Merkel mais au combien révélatrice qui nous dit que de tels agissements sont injustifiables « d’un point de vue éthique » ici. Comme nous savons tous depuis Platon que l’éthique ou la morale n’ont pas grand chose à faire avec le droit et donc la justice, nous en déduisons que pour le porte-parole de Madame Merkel, les agissements de Volkswagen ne relèvent pas de ladite justice.
Cette société l’a très bien compris puisqu’elle nous a tout de suite livré son analyse de la situation: « Je m’excuse » ici. Un « je m’excuse » du type : « voilà ça c’est dit, passons maintenant à autre chose ». Certes, c’était pour les essais sur les macaques, il ne reste plus qu’à le réitérer pour les hommes.

Nous ne pouvons que conseiller à toutes les sociétés faisant l’objet d’instruction judiciaire, Lafarge par exemple ou telles ou telles banques, de se saisir de ce nouvel argument de défense qui semble imparable et bien compris de la classe politique: des excuses valent pardon et rédemption, inutile d’aller à l’église.

Si les peuples européens montrent un tel désaveu dans leur classe politique, une telle méfiance dans les systèmes judiciaires, un tel sentiment d’impunité pour les grandes sociétés et les puissants, cela vient aussi d’une dénaturation du sens même de l’exercice du droit relayé en cela par ceux qui ont justement la charge de le faire appliquer.

A ne pas y faire attention, ces petites incisions dans le corps de la justice où celui qui est mis en cause finit lui même par décider de sa peine (parce qu’au final dans la CJIP l’inculpé garde la main comme en témoigne la transaction signée avec HSBC), c’est la démocratie qu’on risque d’assassiner.
Finissons sur un exemple qui vient illustrer le propos et qui est d’autant plus inquiétant qu’il sort de la bouche d’un procureur de la République déclarant ainsi: « Ce n’est pas normal qu’il y ait si peu de déclarations de soupçons sur la Côte d’Azur. Les professionnels n’ont pas le courage de lâcher les chiens. » ici
Rappelons que les professionnels en question, Notaires et Agents Immobiliers, ont au titre du blanchiment les mêmes obligations que celles censées encadrer la profession bancaire. S’agissant de leurs responsabilités professionnelle et légale, il est étonnant et symptomatique de la bouche d’un Procureur de confondre Courage et Obligation.

A quand une justice du mea-culpa et des peines appréciées en fonction du niveau de courage de chacun?

MM.

Natixis: la victoire du lanceur d’alerte

Suite à la décision du tribunal prud’homal lundi 22 janvier 2018, le directeur des risques de la Natixis, qui s’était dressé contre de graves irrégularités au sein de la banque, obtient l’annulation de son licenciement et sa réintégration au sein de la société.
Nous tenions à souligner l’importante victoire de ce lanceur d’alerte, importante car elle confirme le bien fondé à la fois de l’attitude du lanceur et de la nature des faits dénoncés, une victoire qui ne se limite pas, comme bien souvent, à l’unique procès en diffamation, à la seule parole du lanceur d’alerte, qui même relaxé, risque d’attendre longtemps pour que les faits dénoncés soient -s’ils le sont un jour- enfin traités.
Sur ces sujets, il n’est de grande victoire sans condamnation et/ou amendes infligées aux auteurs des infractions et sans régularisation des dysfonctionnements constatés.

Par ailleurs, rappelons que cette histoire est symptomatique de ce que vivent la plupart des lanceurs d’alerte qui même en respectant scrupuleusement la procédure d’alerte, conformément à la loi, sont soumis aux pressions, licenciement express, discrédits, blacklistage…
La réintégration de celui qui n’a fait que son travail peut ainsi être perçue comme une réhabilitation: une réelle victoire.

Enfin, comme souligné par Mediapart dans l’article ci- joint, cette affaire confirme que l’on ne peut décidément se reposer sur l’unique auto-régulation des marchés par les sociétés. Cette croyance dans la capacités des acteurs privés à s’auto-réguler étant l’un des axes de la politique économique du gouvernement français, il y a peu à attendre de ce côté là. Nous voyons bien qu’il existe une forte opposition entre la défense par l’entreprise d’un intérêt privé et la nécessité pour la collectivité, et donc pour l’Etat, de défendre l’intérêt général.
A l’image de ce qui est fait en Angleterre, il apparaît comme essentiel que des employés ayant des postes sensibles ou à fortes responsabilités, ne soient pas uniquement hiérarchiquement soumis à leur entreprise mais également à l’Instance régulatrice de la profession, unique façon d’apporter aux lanceurs un meilleur niveau de protection en cas de dysfonctionnements déclarés, et par conséquent de réguler au mieux ce qui relèverait de l’intérêt général.
Si ceci est un vœu, nous n’oublions pas qu’il convient simultanément de revoir la composition et le fonctionnement desdites instances, trop d’exemples démontrant qu’elles n’agissent, même quand elles sont prévenues en temps et en heure, que trop tardivement et/ou insuffisamment, voire pas du tout. L’exemple dans le présent article, le prouvant encore une fois.
Natixis: après le camouflet de l’AMF, celui de la justice

En ce jour de soutien à la presse et aux journalistes face aux procédures baillons et parce qu’informer n’est pas un délit, soulignons le travail d’investigation d’une certaine presse, malheureusement de plus en plus rare, sans laquelle le dossier Natixis ainsi que celui de défense du lanceur, se seraient sans doute perdus dans les méandres de la justice.

MM.

Procédures bâillons et indépendance de la presse

MetaMorphosis, en tant qu’Association et site d’information relatif à l’alerte, indépendant et apolitique, se joint à la démarche de ces journalistes. Ayant pu travailler avec certains d’entre eux, nous confirmons leur attachement à l’indépendance et leur volonté de nourrir par leur travail, le débat public.
En qualité de lanceurs d’alerte, les fondateurs de MetaMorphosis n’oublient pas non plus que dans leurs longs combats, ils ont été amenés à croiser de nombreux journalistes qui n’ont pas eu besoin d’être menacés judiciairement pour décider d’eux-mêmes de censurer leur travail.
Le combat légitime et important de certains passent aussi par la dénonciation du manque d’éthique professionnelle d’une partie de la corporation.

Face aux poursuites-bâillons de Bolloré: nous ne nous tairons pas!

Ce jeudi 25 janvier s’ouvre un procès contre Mediapart, L’Obs et Le Point, et deux ONG, Sherpa et ReAct, attaqués en diffamation par la holding luxembourgeoise Socfin, fortement liée au groupe Bolloré.
Ce procès marque une nouvelle étape dans les poursuites judiciaires lancées par Bolloré et ses partenaires contre des médias.
Ces poursuites systématiques visent à faire pression, à fragiliser financièrement, à isoler tout journaliste, lanceur d’alerte ou organisation qui mettrait en lumière les activités et pratiques contestables de géants économiques avec pour objectif : les dissuader d’enquêter et les réduire au silence, pour que le « secret des affaires », quand celles-ci ont des conséquences potentiellement néfastes, demeure bien gardé.
C’est l’intérêt général et la liberté d’expression qui sont ainsi directement attaqués. Les communautés locales, les journalistes, les associations, les avocats, ou les lanceurs d’alerte : tous les maillons de la chaîne des défenseurs de droits sont visés par ces poursuites.

Informer n’est pas un délit ! On ne se taira pas !

Actualité judiciaire: l’indépendance du Parquet attendra

Deux décisions récentes sur des sujets qui nous intéressent tous et notamment les lanceurs d’alerte (en premier lieu ceux dont les dossiers touchent la finance), méritent d’être brièvement rappelés. Nous comprenons qu’une justice totalement indépendante du pouvoir politique et égale pour tous n’est pas à l’ordre du jour de ce quinquennat. Il est à regretter qu’elle ne soit pas non plus à l’ordre du jour de la plupart des politiques ou partis, autant d’éléments qui malheureusement compliquent la tache des lanceurs d’alerte.

1/ L’indépendance du parquet
L’arrêt de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) du 27 juin 2013 rappelle que le parquet français, en raison de son statut, ne présente pas la garantie d’indépendance vis à vis de l’exécutif qui caractérise, comme l’impartialité, une autorité judiciaire au sens de l’article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. A cette occasion, le syndicat de la magistrature soulignait dans un communiqué que la CEDH avait rappelé aux autorités françaises que les magistrats du parquet ne présentaient pas les garanties d’indépendance leur permettant d’être considérés comme des autorités judiciaires au sens de la Convention, que de modifier à la marge la composition du CSM (Conseil Supérieur de la Magistrature) était insuffisante, mais qu’il convenait de conférer au ministère public les garanties statutaires lui permettant d’exercer ses missions avec toute l’indépendance nécessaire au bon fonctionnement de notre démocratie.
La France condamnée par la CEDH… à une réforme constitutionnelle !
Il n’est pas inutile de rappeler que la France représente à ce titre une exception parmi les grands pays démocratiques européens, le Parquet n’ayant pas comme en Italie par exemple l’obligation d’instruire, sa mise sous tutelle politique peut conduire dans certains cas à « une gestion » des instructions ce dont certains lanceurs d’alerte pourraient témoigner.
Lors de l’audience solennelle de rentrée de la Cour de Cassation, lundi 15 janvier, le chef de l’Etat s’est prononcé en faveur du maintien d’une « chaîne hiérarchique » entre les magistrats du parquet et le ministre de la Justice. il refuse d’accorder au parquet son indépendance totale.
Macron refuse d’accorder au parquet son indépendance totale
Suite à cette annonce, le syndicat de la magistrature a communiqué:


Malgré les promesses, cette situation semble devoir perdurer quelle que soit la couleur politique affichée et au-delà des beaux discours nous ne pouvons que constater qu’il y a une maladie bien française du politique consistant à toujours s’assurer d’avoir la main, en cas de besoin, sur les affaires judiciaires.

2/ Le verrou de Bercy
Auditionnée ce mardi 15 Janvier à l’Assemblée, La procureur du PNF (Parquet National Financier), Eliane Houlette, a estimé que le « verrou » de Bercy « bloque toute la chaîne pénale ».


Rappelons que le privilège revenant à Bercy en matière de poursuite pénale pour fraude fiscale n’a pu être supprimé.
Adopté par le Sénat, l’amendement suggérant la suppression partielle du «verrou de Bercy», étudié dans le cadre du projet de loi sur la moralisation de la vie politique, avait été rejeté le 25 juillet 2017 à l’Assemblée nationale.
Notons néanmoins que la question du verrou de Bercy fait l’objet aujourd’hui d’une mission: dix-neuf députés, de tous bords politiques, vont enquêter et auditionner jusqu’en avril au sujet des procédures de poursuites contre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales. Ils se prononceront alors, pour ou contre le monopole de Bercy.
Fraude fiscale. L’Assemblée nationale lance une mission sur le verrou de Bercy

Ce sujet, comme le souligne la Procureure Madame Houlette, conduit à une inégalité de traitement des français devant la loi fiscale. Soulignons aussi que peu de politiques sembleraient enclin à se priver d’un tel levier de pouvoir.
Avec l’indépendance du Parquet, le verrou de Bercy est devenu le serpent de mer de la vie politique française qui constitue, parmi d’autres, des entraves à l’action des lanceurs d’alerte.

Lancer l’alerte : est-ce vraiment sérieux et nécessaire ?

L’actualité récente nous permet de mettre en perspective l’action du lanceur d’alerte.
Nous ne nous attacherons pas ici aux seules victoires personnelles, qui n’ont pour effet que l’auto-satisfaction, quand elles ne s’attaquent pas au sujet même de l’alerte.

Cinq années après les déclarations d’Edward Snowden et en dépit de la couverture médiatique et de l’émotion (toujours sincère ?) qu’elles ont pu susciter, nous apprenons que la Chambre des représentants des États-Unis a adopté jeudi dernier un projet de loi visant à renouveler le programme de surveillance d’Internet de la NSA sans mandat, en faisant fi des objections des défenseurs de la vie privée.

Quatre années après les révélations, suite à son heureuse et bienvenue relaxe prononcée par la cours de cassation luxembourgeoise, Antoine Deltour a posté le message suivant:
« …Enfin, maintenant qu’on a presque fini de parler du sort des lanceurs d’alerte, on va peut-être enfin pouvoir se ré-intéresser au fond de l’affaire. Et j’ai justement quelques réflexions à partager.
1) Les révélations « Luxleaks 2 » de décembre 2014 sont tombées dans l’oubli alors qu’elles impliquent TOUS les grands cabinets d’audit, y compris les concurrents de PwC.
2) Le Luxembourg, qui a brillé dans sa communication post-Luxleaks (« ce sont des pratiques du passé, nous avons fait beaucoup de progrès depuis ») continue à s’opposer à l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés, contre l’avis même de J.C. Juncker.
3) Malgré quelques avancées en faveur de la justice fiscale, les recettes de l’impôt sur les sociétés continuent de diminuer en Europe comme la banquise au pôle nord. Et les bénéfices des multinationales grimpent comme le niveau de la mer aux Maldives. C’est le résultat de la course verse le bas qui découle de la concurrence fiscale.
4) La succession des scandales, et surtout les Paradise Papers, me font peu à peu douter qu’on arrive un jour à mettre de l’ordre dans tout ça.
5) Enfin, à mon avis, nous ferions mieux de mobiliser notre temps de cerveau disponible pour atténuer l’effondrement et construire l’après. Car l’espèce humaine ne va pas pouvoir continuer longtemps à détruire son propre milieu de vie sans un rappel à l’ordre assez brutal. »

2008 : le premier « Leak » SwissLeaks. Que reste t-il dix ans après, que reste t -il après les PanamaPapers, MaltaFiles, LuxLeaks, ParadisePapers etc ? Sans parler de tous les scandales qui ont touché telles ou telles multinationales ? Rien ou plutôt la bonne parole de Moscovici, Commissaire Européen aux affaires économique et monétaire, à la fiscalité et à l’union douanière: « il n’y a pas de Paradis Fiscaux en Europe. »
Comme le nuage de Tchernobyl qui avait été suffisamment discipliné pour ne pas franchir les frontières européennes, l’argent de la fraude fiscale, du blanchiment ou de la corruption fait de même.
Se faisant, nous comprenons mieux la Commission : il n’y a pas grand chose à faire.

Pourquoi lance t-on l’alerte ?
Pour être célèbre ? Sûrement pas, même si certains semblent y trouver un échappatoire à l’isolement.
Par vocation ? Non plus.
Pour défendre des valeurs ? Sans doute une bonne raison mais non suffisante.
À la question souvent posée « regrettez-vous d’avoir lancé l’alerte ? »
Outre qu’elle n’ait pas de sens, il n’y a jamais de réponse satisfaisante.
Enfin reste la question : « le referiez-vous ? »
On oublie souvent que la motivation première du lanceur est de se conformer à ses obligations professionnelles et ou légales. Dénoncer consiste alors à informer les Autorités de contrôles et ou judiciaires que certaines personnes s’affranchissent des règlements et lois que la Société a posés pour veiller à l’intérêt de tous. Bien souvent cette obligation de dénoncer est également une obligation personnelle qui risque d’exposer judiciairement le salarié en cas de silence.
Tout ceci pour souligner que dans la démarche de l’alerte il y a un lien de cause à effet, et donc un besoin de résultat.
On ne dénonce ni par vocation ni par plaisir mais parce que c’est le plus souvent une obligation ce en quoi nous attendons que les Autorités désignées à cet effet, ou la justice, fassent cesser les risques que représentent pour la Société, les agissements de certains.
Poser la question aux lanceurs « à quoi a servi votre alerte ? » Nombreux vous répondront, après un si long combat et tant d’années, à rien.

La justice est lente et cette lenteur est clairement identifiée : faiblesse des moyens et manque de volonté des juges. Si cet argument nous voulons bien l’entendre, en quoi cela devrait être le problème du justiciable et à fortiori du lanceur ?
Ceci est un choix politique dont on identifiera sans problème les volontés cachées. L’ensemble des affaires précédemment citées dure depuis cinq à dix années et permet de mettre en perspective l’action des lanceurs : in fine (s’il y a un jour une fin) tout ceci, pour quel résultat ? Edward Snowden est toujours à Moscou et la loi de surveillance générale a été renouvelée. Antoine Deltour est innocenté et comme il le souligne lui même, le business fiscal du Luxembourg réalisé au détriment des autres états membres continue… HSBC (l’affaire arrivée à terme après dix années d’instruction) ne sera jamais condamnée après avoir « négocié » avec la justice le prix d’une amende et ironie de l’histoire, ce qui reste un échappatoire à la justice commune a été défendu par une association de « défense » des lanceurs d’alerte.
UBS sera peut être jugée un jour mais encore combien de cartes en main pour éloigner la date fatidique ? Les affaires des cabinets en optimisation fiscales du Panama, des Bahamas et d’ailleurs, ont-elles été sérieusement affectées ? Pendant ce temps on tue une journaliste d’investigation à Malte… et chaque lanceur en charge de son affaire qu’il ne peut laisser faute de quoi sans doute serait-elle enterrée, attend son tour.
Beaucoup d’autres affaires bien qu’ayant connu de fortes médiatisations, sont dans la même situation. Tant d’années après, les résultats ne sont vraiment pas convaincants.

Alors s’il s’agit de lancer l’alerte pour faire du bruit, ce n’est ni la motivation ni le but recherché par les lanceurs. Cela fait sans doute plaisir à une certaine presse, à quelques acteurs auto-proclamés défenseurs de la « cause », et à quelques politiques usant l’alerte à des fins de récupération… Malheureusement il semble qu’il faut être lanceur pour se rendre compte qu’après l’agitation, le calme plat revient très vite, promesses et engagements évaporés.
Lancer l’alerte, c’est avant toute chose mettre fin aux pratiques dénoncées. A défaut, rapidement pour que les instances de contrôles ou le pouvoir judiciaire prennent des mesures conservatoires dans un souci de précaution. Or là aussi, la présomption d’innocence reste la plus forte. Combien de personnes dénoncées, pour certaines mises en examen, et qui demeurent néanmoins en plein exercice de leurs fonctions, nullement inquiétées? Combien de lanceurs d’alerte, dès leur dénonciation, alors même que les instructions ouvertes viennent confirmer le bien fondé de leurs soupçons, alors même que l’avancée des procédures vient confirmer la réalité des infractions, demeurent marginalisés, personnellement et professionnellement, dans l’incapacité de se reconstruire ?

Si le but du système est, au terme de dix années de combat à minima, s’entendre dire que l’on a bien fait de porter l’alerte mais que dans les faits aucune mesure pendant tout ce temps n’a été prise pour mettre un terme aux pratiques délictueuses dénoncées, qu’aucune des personnes responsables n’a été réellement suspendues à minima voire condamnées au mieux, alors nous avons la réponse au titre de cet article : lancer l’alerte n’est pas sérieux, ni à titre personnel pour les conséquences désastreuses que l’on connait, ni même pour l’intérêt général qui n’en récolterait quasiment jamais et que trop tardivement les fruits.
Mieux vaut tard que jamais ? Très certainement si nous prenons le cas d’Irène Frachon et du Médiator qui reste malheureusement le rare exemple qui infirmerait la règle… Mais pour combien de morts ?

MM.