Procédures bâillons et indépendance de la presse

MetaMorphosis, en tant qu’Association et site d’information relatif à l’alerte, indépendant et apolitique, se joint à la démarche de ces journalistes. Ayant pu travailler avec certains d’entre eux, nous confirmons leur attachement à l’indépendance et leur volonté de nourrir par leur travail, le débat public.
En qualité de lanceurs d’alerte, les fondateurs de MetaMorphosis n’oublient pas non plus que dans leurs longs combats, ils ont été amenés à croiser de nombreux journalistes qui n’ont pas eu besoin d’être menacés judiciairement pour décider d’eux-mêmes de censurer leur travail.
Le combat légitime et important de certains passent aussi par la dénonciation du manque d’éthique professionnelle d’une partie de la corporation.

Face aux poursuites-bâillons de Bolloré: nous ne nous tairons pas!

Ce jeudi 25 janvier s’ouvre un procès contre Mediapart, L’Obs et Le Point, et deux ONG, Sherpa et ReAct, attaqués en diffamation par la holding luxembourgeoise Socfin, fortement liée au groupe Bolloré.
Ce procès marque une nouvelle étape dans les poursuites judiciaires lancées par Bolloré et ses partenaires contre des médias.
Ces poursuites systématiques visent à faire pression, à fragiliser financièrement, à isoler tout journaliste, lanceur d’alerte ou organisation qui mettrait en lumière les activités et pratiques contestables de géants économiques avec pour objectif : les dissuader d’enquêter et les réduire au silence, pour que le « secret des affaires », quand celles-ci ont des conséquences potentiellement néfastes, demeure bien gardé.
C’est l’intérêt général et la liberté d’expression qui sont ainsi directement attaqués. Les communautés locales, les journalistes, les associations, les avocats, ou les lanceurs d’alerte : tous les maillons de la chaîne des défenseurs de droits sont visés par ces poursuites.

Informer n’est pas un délit ! On ne se taira pas !

Actualité judiciaire: l’indépendance du Parquet attendra

Deux décisions récentes sur des sujets qui nous intéressent tous et notamment les lanceurs d’alerte (en premier lieu ceux dont les dossiers touchent la finance), méritent d’être brièvement rappelés. Nous comprenons qu’une justice totalement indépendante du pouvoir politique et égale pour tous n’est pas à l’ordre du jour de ce quinquennat. Il est à regretter qu’elle ne soit pas non plus à l’ordre du jour de la plupart des politiques ou partis, autant d’éléments qui malheureusement compliquent la tache des lanceurs d’alerte.

1/ L’indépendance du parquet
L’arrêt de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) du 27 juin 2013 rappelle que le parquet français, en raison de son statut, ne présente pas la garantie d’indépendance vis à vis de l’exécutif qui caractérise, comme l’impartialité, une autorité judiciaire au sens de l’article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. A cette occasion, le syndicat de la magistrature soulignait dans un communiqué que la CEDH avait rappelé aux autorités françaises que les magistrats du parquet ne présentaient pas les garanties d’indépendance leur permettant d’être considérés comme des autorités judiciaires au sens de la Convention, que de modifier à la marge la composition du CSM (Conseil Supérieur de la Magistrature) était insuffisante, mais qu’il convenait de conférer au ministère public les garanties statutaires lui permettant d’exercer ses missions avec toute l’indépendance nécessaire au bon fonctionnement de notre démocratie.
La France condamnée par la CEDH… à une réforme constitutionnelle !
Il n’est pas inutile de rappeler que la France représente à ce titre une exception parmi les grands pays démocratiques européens, le Parquet n’ayant pas comme en Italie par exemple l’obligation d’instruire, sa mise sous tutelle politique peut conduire dans certains cas à « une gestion » des instructions ce dont certains lanceurs d’alerte pourraient témoigner.
Lors de l’audience solennelle de rentrée de la Cour de Cassation, lundi 15 janvier, le chef de l’Etat s’est prononcé en faveur du maintien d’une « chaîne hiérarchique » entre les magistrats du parquet et le ministre de la Justice. il refuse d’accorder au parquet son indépendance totale.
Macron refuse d’accorder au parquet son indépendance totale
Suite à cette annonce, le syndicat de la magistrature a communiqué:


Malgré les promesses, cette situation semble devoir perdurer quelle que soit la couleur politique affichée et au-delà des beaux discours nous ne pouvons que constater qu’il y a une maladie bien française du politique consistant à toujours s’assurer d’avoir la main, en cas de besoin, sur les affaires judiciaires.

2/ Le verrou de Bercy
Auditionnée ce mardi 15 Janvier à l’Assemblée, La procureur du PNF (Parquet National Financier), Eliane Houlette, a estimé que le « verrou » de Bercy « bloque toute la chaîne pénale ».


Rappelons que le privilège revenant à Bercy en matière de poursuite pénale pour fraude fiscale n’a pu être supprimé.
Adopté par le Sénat, l’amendement suggérant la suppression partielle du «verrou de Bercy», étudié dans le cadre du projet de loi sur la moralisation de la vie politique, avait été rejeté le 25 juillet 2017 à l’Assemblée nationale.
Notons néanmoins que la question du verrou de Bercy fait l’objet aujourd’hui d’une mission: dix-neuf députés, de tous bords politiques, vont enquêter et auditionner jusqu’en avril au sujet des procédures de poursuites contre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales. Ils se prononceront alors, pour ou contre le monopole de Bercy.
Fraude fiscale. L’Assemblée nationale lance une mission sur le verrou de Bercy

Ce sujet, comme le souligne la Procureure Madame Houlette, conduit à une inégalité de traitement des français devant la loi fiscale. Soulignons aussi que peu de politiques sembleraient enclin à se priver d’un tel levier de pouvoir.
Avec l’indépendance du Parquet, le verrou de Bercy est devenu le serpent de mer de la vie politique française qui constitue, parmi d’autres, des entraves à l’action des lanceurs d’alerte.

Lancer l’alerte : est-ce vraiment sérieux et nécessaire ?

L’actualité récente nous permet de mettre en perspective l’action du lanceur d’alerte.
Nous ne nous attacherons pas ici aux seules victoires personnelles, qui n’ont pour effet que l’auto-satisfaction, quand elles ne s’attaquent pas au sujet même de l’alerte.

Cinq années après les déclarations d’Edward Snowden et en dépit de la couverture médiatique et de l’émotion (toujours sincère ?) qu’elles ont pu susciter, nous apprenons que la Chambre des représentants des États-Unis a adopté jeudi dernier un projet de loi visant à renouveler le programme de surveillance d’Internet de la NSA sans mandat, en faisant fi des objections des défenseurs de la vie privée.

Quatre années après les révélations, suite à son heureuse et bienvenue relaxe prononcée par la cours de cassation luxembourgeoise, Antoine Deltour a posté le message suivant:
« …Enfin, maintenant qu’on a presque fini de parler du sort des lanceurs d’alerte, on va peut-être enfin pouvoir se ré-intéresser au fond de l’affaire. Et j’ai justement quelques réflexions à partager.
1) Les révélations « Luxleaks 2 » de décembre 2014 sont tombées dans l’oubli alors qu’elles impliquent TOUS les grands cabinets d’audit, y compris les concurrents de PwC.
2) Le Luxembourg, qui a brillé dans sa communication post-Luxleaks (« ce sont des pratiques du passé, nous avons fait beaucoup de progrès depuis ») continue à s’opposer à l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés, contre l’avis même de J.C. Juncker.
3) Malgré quelques avancées en faveur de la justice fiscale, les recettes de l’impôt sur les sociétés continuent de diminuer en Europe comme la banquise au pôle nord. Et les bénéfices des multinationales grimpent comme le niveau de la mer aux Maldives. C’est le résultat de la course verse le bas qui découle de la concurrence fiscale.
4) La succession des scandales, et surtout les Paradise Papers, me font peu à peu douter qu’on arrive un jour à mettre de l’ordre dans tout ça.
5) Enfin, à mon avis, nous ferions mieux de mobiliser notre temps de cerveau disponible pour atténuer l’effondrement et construire l’après. Car l’espèce humaine ne va pas pouvoir continuer longtemps à détruire son propre milieu de vie sans un rappel à l’ordre assez brutal. »

2008 : le premier « Leak » SwissLeaks. Que reste t-il dix ans après, que reste t -il après les PanamaPapers, MaltaFiles, LuxLeaks, ParadisePapers etc ? Sans parler de tous les scandales qui ont touché telles ou telles multinationales ? Rien ou plutôt la bonne parole de Moscovici, Commissaire Européen aux affaires économique et monétaire, à la fiscalité et à l’union douanière: « il n’y a pas de Paradis Fiscaux en Europe. »
Comme le nuage de Tchernobyl qui avait été suffisamment discipliné pour ne pas franchir les frontières européennes, l’argent de la fraude fiscale, du blanchiment ou de la corruption fait de même.
Se faisant, nous comprenons mieux la Commission : il n’y a pas grand chose à faire.

Pourquoi lance t-on l’alerte ?
Pour être célèbre ? Sûrement pas, même si certains semblent y trouver un échappatoire à l’isolement.
Par vocation ? Non plus.
Pour défendre des valeurs ? Sans doute une bonne raison mais non suffisante.
À la question souvent posée « regrettez-vous d’avoir lancé l’alerte ? »
Outre qu’elle n’ait pas de sens, il n’y a jamais de réponse satisfaisante.
Enfin reste la question : « le referiez-vous ? »
On oublie souvent que la motivation première du lanceur est de se conformer à ses obligations professionnelles et ou légales. Dénoncer consiste alors à informer les Autorités de contrôles et ou judiciaires que certaines personnes s’affranchissent des règlements et lois que la Société a posés pour veiller à l’intérêt de tous. Bien souvent cette obligation de dénoncer est également une obligation personnelle qui risque d’exposer judiciairement le salarié en cas de silence.
Tout ceci pour souligner que dans la démarche de l’alerte il y a un lien de cause à effet, et donc un besoin de résultat.
On ne dénonce ni par vocation ni par plaisir mais parce que c’est le plus souvent une obligation ce en quoi nous attendons que les Autorités désignées à cet effet, ou la justice, fassent cesser les risques que représentent pour la Société, les agissements de certains.
Poser la question aux lanceurs « à quoi a servi votre alerte ? » Nombreux vous répondront, après un si long combat et tant d’années, à rien.

La justice est lente et cette lenteur est clairement identifiée : faiblesse des moyens et manque de volonté des juges. Si cet argument nous voulons bien l’entendre, en quoi cela devrait être le problème du justiciable et à fortiori du lanceur ?
Ceci est un choix politique dont on identifiera sans problème les volontés cachées. L’ensemble des affaires précédemment citées dure depuis cinq à dix années et permet de mettre en perspective l’action des lanceurs : in fine (s’il y a un jour une fin) tout ceci, pour quel résultat ? Edward Snowden est toujours à Moscou et la loi de surveillance générale a été renouvelée. Antoine Deltour est innocenté et comme il le souligne lui même, le business fiscal du Luxembourg réalisé au détriment des autres états membres continue… HSBC (l’affaire arrivée à terme après dix années d’instruction) ne sera jamais condamnée après avoir « négocié » avec la justice le prix d’une amende et ironie de l’histoire, ce qui reste un échappatoire à la justice commune a été défendu par une association de « défense » des lanceurs d’alerte.
UBS sera peut être jugée un jour mais encore combien de cartes en main pour éloigner la date fatidique ? Les affaires des cabinets en optimisation fiscales du Panama, des Bahamas et d’ailleurs, ont-elles été sérieusement affectées ? Pendant ce temps on tue une journaliste d’investigation à Malte… et chaque lanceur en charge de son affaire qu’il ne peut laisser faute de quoi sans doute serait-elle enterrée, attend son tour.
Beaucoup d’autres affaires bien qu’ayant connu de fortes médiatisations, sont dans la même situation. Tant d’années après, les résultats ne sont vraiment pas convaincants.

Alors s’il s’agit de lancer l’alerte pour faire du bruit, ce n’est ni la motivation ni le but recherché par les lanceurs. Cela fait sans doute plaisir à une certaine presse, à quelques acteurs auto-proclamés défenseurs de la « cause », et à quelques politiques usant l’alerte à des fins de récupération… Malheureusement il semble qu’il faut être lanceur pour se rendre compte qu’après l’agitation, le calme plat revient très vite, promesses et engagements évaporés.
Lancer l’alerte, c’est avant toute chose mettre fin aux pratiques dénoncées. A défaut, rapidement pour que les instances de contrôles ou le pouvoir judiciaire prennent des mesures conservatoires dans un souci de précaution. Or là aussi, la présomption d’innocence reste la plus forte. Combien de personnes dénoncées, pour certaines mises en examen, et qui demeurent néanmoins en plein exercice de leurs fonctions, nullement inquiétées? Combien de lanceurs d’alerte, dès leur dénonciation, alors même que les instructions ouvertes viennent confirmer le bien fondé de leurs soupçons, alors même que l’avancée des procédures vient confirmer la réalité des infractions, demeurent marginalisés, personnellement et professionnellement, dans l’incapacité de se reconstruire ?

Si le but du système est, au terme de dix années de combat à minima, s’entendre dire que l’on a bien fait de porter l’alerte mais que dans les faits aucune mesure pendant tout ce temps n’a été prise pour mettre un terme aux pratiques délictueuses dénoncées, qu’aucune des personnes responsables n’a été réellement suspendues à minima voire condamnées au mieux, alors nous avons la réponse au titre de cet article : lancer l’alerte n’est pas sérieux, ni à titre personnel pour les conséquences désastreuses que l’on connait, ni même pour l’intérêt général qui n’en récolterait quasiment jamais et que trop tardivement les fruits.
Mieux vaut tard que jamais ? Très certainement si nous prenons le cas d’Irène Frachon et du Médiator qui reste malheureusement le rare exemple qui infirmerait la règle… Mais pour combien de morts ?

MM.

Lactalis: de l’intérêt général aux intérêts privés.

Rappel : Selon les informations du Canard enchaîné (du 3 janvier 2018), le géant des produits laitiers a tu les conclusions d’enquêtes internes menées dès le mois d’août 2017 par Lactalis Nutrition Santé. Ces dernières rapporteraient bien la présence de salmonelles sur du matériel de nettoyage et sur des carrelages dans l’usine de Craon en Mayenne.
L’affaire du lait contaminé commence donc là, par la conséquence: 37 nourrissons, âgés de 2 semaines à 9 mois, ont été atteints de salmonellose, quelques cas en Europe, comme en Espagne et en Grèce.
Ce n’est que le 2 décembre 2017, une fois le risque de contamination confirmé par l’agence Santé publique France, que Lactalis enclenche une première procédure de rappel et de retrait de concernant douze références suivi d’un retrait massif de laits infantiles le 10 décembre.

Voilà où nous en sommes, attendons la fin des enquêtes en cours pour connaitre les responsabilités effectives de chacun.
Au-delà du cas précis de Lactalis, cette affaire nous semble révélatrice et concerner directement les lanceurs d’alerte à plus d’un titre.
– l’alerte au sein de l’entreprise: si l’alerte a été lancée, une fois de plus il apparaît qu’elle n’a pas suffisamment voire pas du tout été prise en compte.
Au-delà des questions de rapports de force aux sein des Sociétés et précarisation de l’emploi salarié, il nous semble que le processus d’alerte entériné notamment par la loi Sapin2 est insuffisant ou mal calibré. On ne peut se limiter à une seule alerte interne si concomitamment n’est pas réalisée l’alerte auprès d’une instance de contrôle, régulation, ou judiciaire. Nous touchons là à l’une des principales limites de la loi Sapin2 qui contraint le lanceur à respecter un processus d’alerte, attendre les délais de prise en charge ou non, certes en l’encadrant dans l’entreprise mais l’expérience nous apprend que pour les alertes portant sur les sujets graves, la hiérarchie est soit déjà informée soit complice et qu’il existe moult motifs qui permettront de marginaliser voire se défaire assez rapidement du lanceur.
– Le cas Lactalis est révélateur d’un dysfonctionnement grave des Autorités de contrôle, et ce quelque soit le secteur d’activité. Comme expliqué dans l’article de Libération paru ce jour et à consulter ici, « cette crise sanitaire n’est pas qu’un simple accident de parcours mais l’échec d’un système basé sur un principe d’auto-contrôle ».
Il y a dans le contrôle étatique à la française, un présupposé selon lequel l’Etat, représentant l’intérêt général, pourrait faire confiance à des entreprises ou à un secteur d’activité représentant des intérêts personnels ou catégoriels. C’est une erreur de sens, les deux intérêts étant par définition opposés, on ne peut donc se satisfaire de ce système d’auto contrôle où des professionnels surveillent d’autres professionnels ou des banquiers contrôlent des banquiers ou des notaires contrôlent des notaires…
Loin de nous l’idée que tous les professionnels défendront systématiquement leurs intérêts personnels, mais il en relève de la responsabilité de l’Etat par principe et par précaution, de s’assurer que lesdites instances de contrôles bénéficient d’une indépendance suffisante pour exercer leur fonction dans l’intérêt général.

Les exemples sont malheureusement nombreux où l’Etat a abandonné son rôle de défense de l’intérêt général à des intérêts privés ou corporatistes aux conséquences prévisibles et dont l’affaire Lactalis n’est qu’une nouvelle illustration.

MM.

La presse: faut-il lancer l’alerte ?

Nous vous recommandons la lecture suivante Macron décodeur-en-chef de Fréderic Lordon, tribune parue dans le blog du Monde Diplomatique le 08/01/2018.

Cette tribune s’inscrit dans le cadre de la volonté du Président Macron de proposer une loi visant à contrôler les fake-news. Au-delà de ce sujet, Frédéric Lordon met en évidence l’importante responsabilité que porte la presse dans la désaffection du public à son égard et dans sa perte de crédibilité.
Nous, lanceurs d’alerte, considérons que ce sujet nous intéresse directement .
Une fois l’alerte lancée, une fois la justice saisie (quand c’est le cas), et au regard de l’extrême lenteur de cette dernière, le lanceur est lui, pendant ce temps, plongé dans un violent isolement. Seule une presse indépendante et volontaire pourrait assurer le relais. Or, comme le montre très bien Frédéric Lordon, la presse dans son ensemble (même si quelques trop rares exceptions existent), a largement participé à sa propre marginalisation en acceptant ce qu’il appelle « une fusion des pouvoirs ».
Loin de nous l’idée de faire le procès de la presse, certains de ses acteurs ayant montré notamment sur des dossiers d’importance, la prépondérance de leur rôle dans l’éclatement de la vérité. Néanmoins, force est de constater aujourd’hui, que ce rôle qui est en danger, se réduit à peau de chagrin.
Partant de cet état des lieux général et très souvent confirmé par nos expériences, il est de plus décevant de constater que les quelques supports de presse se revendiquant encore de l’investigation, limitent leur travail à des comptes-rendus de Pv d’auditions ou d’ordonnances de renvoi, ce qui concourt également et un peu plus à la marginalisation et l’isolement du lanceur d’alerte préalablement victime des lenteurs des procédures elles-mêmes.
A titre d’exemple nous publions ici un récent échange de messages Facebook entre un « citoyen inquiet », un « lanceur largué » et un « journaliste pressé », le tout volontairement anonymisé pour ne porter préjudice à personne, le « journaliste pressé » faisant partie d’un grand groupe de presse régionale. Au delà de la perceptible pression exercée par le Groupe et son actionnaire sur ses journalistes, il est révélateur d’une réelle dégradation du sens du métier, et de son rôle essentiel qui serait dans toute démocratie, d’informer à minima.
Soumission au lobby, dites-vous? Un journalisme de préfecture?

Le sentiment de cet échange? Il en ressort l’absence d’une réelle volonté d’informer, de questionner et de s’opposer aux pouvoirs. Presque du désintérêt, alors qu’on nous assène que certaines informations à révéler seraient d’intérêt public et « les lanceurs » nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie. Quid des lanceurs si les journaux ne suivent pas? De notre démocratie?
Face à une presse pleinement investie dans le marché de la publicité et du buzz, il semble difficile aujourd’hui pour un lanceur de sensibiliser sur son dossier s’il n’est pas en amont pleinement documenté et s’il ne permet pas de faire immédiatement un lien avec un sujet d’actualité. Ne nous leurrons pas, entre les choix de lignes éditoriales servant souvent d’excuse pour ne pas traiter voire relater des faits graves, la presse a aussi son marketing et business! Quant aux quelques lanceurs qui parviennent malgré tout, à témoigner médiatiquement, très vite le sujet traité comme « fait divers » tombera tout comme eux dans les oubliettes…

Si la presse n’est pas tout à fait morte, faudrait-il qu’elle retrouve son indépendance et veuille vraiment s’attacher à son rôle essentiel qui est d’informer (tant que ce n’est pas encore un délit), d’enquêter, de suivre les sujets et de porter un œil critique sur les discours des différents pouvoirs. Quant à devoir lancer l’alerte, en espérant qu’elle puisse encore bénéficier d’un peu d’écho , mieux vaut vous prévenir que face à l’isolement, vous devrez vous armer de patience et persévérance.

MM.

Lanceur d’alerte: se soumettre ou se démettre.

« Vous ne m’offrez d’autre alternative que celle de me soumettre ou de me démettre », a écrit Jean-Guy de Chalvron au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Dans ce courrier rédigé fin novembre, il fait état de « nombreuses divergences de fond » entre ses propositions et les recommandations finales de la commission et déplore l’« absence de consensus » sur le contenu de la lettre de griefs qui a été adressée au candidat de la France insoumise. Faute d’avoir été entendu, le rapporteur de la commission chargée de contrôler les dépenses des candidats à la dernière présidentielle a démissionné de l’institution.

La Commission des comptes de campagne refait parler d’elle.
Petit rappel: « Un précédent est désormais connu, mais aurait pu provoquer un scandale d’Etat à l’époque. En 1995, alors que la CNCCFP rejette le compte de campagne du « petit candidat » Jacques Cheminade, elle valide ceux d’Edouard Balladur et de Jacques Chirac dont les comptes sont « manifestement irréguliers » selon les conclusions des rapporteurs. La CNCCFP justifie sa décision en affirmant ne pas vouloir remettre en question l’élection de Jacques Chirac. »
Source: JDD

Plus de vingt ans après, mêmes acteurs, mêmes dysfonctionnements. D’un côté des Rapporteurs, professionnels, désintéressés, agissant quasi-bénévolement, de l’autre une Commission de professionnels de la politique faisant partie de la même oligarchie que les candidats.
D’un côté des dysfonctionnements graves avec est-il besoin de le rappeler, des fonds publics, de l’autre, une Commission qui ne trouve rien à redire dans une formidable unanimité que l’on pourra juger suspecte.
Une fois de plus, les amis jugent les amis et le travailleur consciencieux et professionnel est sanctionné et se voit obligé de revêtir l’habit de lanceur d’alerte.
Alors, on entend tout de suite les réseaux sociaux bruisser des messages assassins des soutiens aux candidats incriminés, soumis de France et autres, on ressort les fiches de la rhétorique officielle et on nous vend une dialectique de bas étage pour justifier l’injustifiable, jusqu’à, palme d’or pour l’instant de la soumission politicienne, nous expliquer que les malversations sont le fait d’une insuffisance de moyens de ladite Commission. On se croirait revenu au temps béni du « Pénélope Gate », décidément quelle que soit la couleur affichée, le discours et les pratiques pour défendre un système en perdition sont les mêmes.
Si de « dégagisme » le peuple français a effectivement besoin, ceux qui s’en sont fait arbitrairement le porte parole feraient bien de se l’appliquer avant tout à eux-mêmes.

Mais laissons les professionnels de la dialectique politicienne dans leur abîme intellectuelle pour revenir au sujet. Une fois de plus, il n’y a de lanceur d’alerte que parce qu’il y a une déficience des Autorités de contrôle.
Voter des lois est une chose, prévoir des Autorités de contrôle en est une autre. S’assurer que lesdites Autorités assumeront en toute indépendance et efficacement leur travail est loin d’être effectif. Les jeux de pouvoirs et de connivences sont une fois de plus à l’oeuvre. Des politiciens contrôlent des politiciens comme des banquiers contrôlent des banquiers, des notaires des notaires etc. Tant que nous donnerons du crédit à des professionnels de la politique n’ayant jamais connu une quelconque autre activité et ayant toujours vécus d’argent public, la tentation sera trop grande à vouloir vivre au sein d’une oligarchie corporatiste. Ce que nous voyons avec certains politiciens de droite se retrouve chez ceux du camp opposé puisqu’ils ont les mêmes parcours, les mêmes relations, les mêmes cercles de pouvoir.
Comme lors de l’affaire Cahuzac dans laquelle un lanceur d’alerte du Tracfin avait été sanctionné, peu importe la couleur partisane, on défend avant tout une couleur de caste.
Tout ceci est un mal bien français qui malheureusement nous laisse entrevoir des jours sombres pour les lanceurs d’alerte, la loi, son application et son contrôle étant entre les mains de gens partageant un même intérêt.
Tout ceci est une fois de plus confirmé par les « chantres de la transparence » qui au lieu d’en faire son éloge, se sont jetés sur les basses théories complotistes qui aujourd’hui traversent l’ensemble du champ politique de son extrême droite à son extrême gauche.
Il aurait été plus noble de s’offusquer des dangers que fait porter à l’exercice d’une saine démocratie l’absence d’autre alternative pour ces Rapporteurs que la démission et le recours à une communication publique. Parce que c’est bien ce qui est en jeu comme nous le rappelle l’épisode de 1995 : les lois et les règles ne seraient pas identiques pour tous, ce qui est la négation même de la démocratie.

COMPTES DE CAMPAGNE : IRRÉGULARITÉS DANS LES DÉPENSES DE JEAN-LUC MÉLENCHON ET D’AUTRES CANDIDATS ?

Comptes de campagne: démission du rapporteur ayant contrôlé les dépenses de Mélenchon à la présidentielle

La guerre des drones: morts par métadonnées

« Le convoi s’était arrêté pour prier dans une région du sud de l’Afghanistan, bastion des talibans, quand des missiles Hellfire ont jailli du ciel, carbonisant les trois véhicules et exterminant 23 civils ». Cette attaque de février 2010, fondée sur l’analyse d’images prises par des drones américains téléguidés par des opérateurs qui furent plus tard décrits comme « imprécis et non professionnels » lors d’une enquête militaire, a alimenté
les critiques montantes envers la guerre des drones secrète des Etats-Unis.
Les opérateurs qui ont confondu de simples voyageurs pour des insurgés avaient analysé depuis une base militaire du Nevada des enregistrements vidéos flous pris par un drone Predator en Afghanistan, et leur interprétation erronée a déclenché le massacre des milliers de kilomètres plus loin.
Ils affirment n’avoir vu sur les images que des hommes à l’allure militaire, mais plusieurs victimes et blessés se sont révélés être des femmes, habillées de couleurs vives.

Le drame, et ce qu’il révèle du programme militaire secret des drones américains, est au coeur de «National Bird », un documentaire dérangeant.
Ce film suit trois lanceurs d’alerte (dont Lisa Ling) qui, rongés de culpabilité, ont décidé de parler.
« Je savais qu’il fallait que je fasse quelque chose car ce qui se passait était (moralement inacceptable) et devenait hors de contrôle », a dit à l’AFP Lisa Ling, ancienne analyste militaire d’images captées par des drones.
Dans le documentaire, elle montre une lettre de félicitations reçue pour avoir aidé à identifier 121.000 insurgés en deux ans, et invite les spectateurs à extrapoler le nombre de morts depuis que l’Amérique a déclaré la guerre aux talibans après les attentats du 11 septembre 2001.
« L’une des difficultés avec la guerre des drones, souligne Lisa Ling, est le manque de fiabilité des images floues à partir desquelles sont prises des décisions de vie ou de mort. »
Mais pour elle, le plus gros problème est le détachement géographique et émotionnel des opérateurs de drones par rapport aux cibles lointaines de leurs décisions.

L’administration du président Barack Obama dit avoir éliminé 2.500 extrémistes entre 2009 et fin 2015, la plupart par drones, et reconnaît jusqu’à 116 victimes civiles tuées par des drones au Pakistan, Yémen, en Somalie et en Libye.
Le Bureau of investigative journalism estime qu’il y en a eu environ six fois plus.
Le président Obama, dont le gouvernement a accéléré le recours aux attaques de drones, a assuré en 2013 que ces attaques étaient seulement menées en cas de « quasi certitude » qu’une cible recherchée était présente.
« A l’époque on ne savait pas grand chose », souligne Sonia Kennebeck, la réalisatrice de « National Bird ».
Elle est parvenue à remonter la trace de Lisa Ling et d’Heather Linebaugh, une autre ancienne opératrice de drones souffrant de syndrome de stress post-traumatique, et celle de « Dan », un analyste de renseignement qui a fait l’objet d’une enquête dans le cadre de la Loi américaine sur l’espionnage.

Kennebeck a voyagé avec Lisa Ling en Afghanistan pour rencontrer les proches des victimes de l’attaque de 2010, ou ceux qui ont été gravement blessés, parfois mutilés, par les tirs de missiles.

La journaliste voulait lancer un débat national qu’elle jugeait inexistant et nécessaire pour savoir si les Américains voulaient qu’une guerre de drones soit menée en leur nom, et comment la réglementer.

« De quelle précision a-t-on besoin avant de lâcher une bombe sur une maison? Est-ce qu’on sait à 100% qui est dedans et qui on tue? », interroge-t-elle.

D’après le cercle de réflexion américain indépendant New America, les Etats-Unis sont en train d’être rejoints par d’autres pays dans leur guerre des drones: 86 pays sont équipés de ces technologies pour des applications commerciales ou militaires. Et 19 nations ont des programmes de frappes militaires par ces appareils aériens sans pilote.

Plus tôt cette année, le Nigeria est devenu le 8e pays à avoir utilisé des drones de combat.

Pour Lisa Ling, il faut comprendre que, « vu du sol, ces drones, c’est du terrorisme ».

(Source: AFP) Du dailymail du 03/11/2016 ‘National Bird’ shines light on secretive drone wars By AFP

Du journal Courrier International du 03/01/2018 :
La guerre des drones menée par les États-Unis, portée à son apogée sous l’ère Obama, a longtemps été présentée comme une manière “chirurgicale” de lutter contre le terrorisme. Pourtant, entre 2012 et 2013, 90 % des victimes n’étaient pas les cibles initialement définies. Jeremy Scahill, journaliste d’investigation à The Intercept, dénonce la mise en place d’un “programme d’assassinats” américain envers des personnes jamais jugées, et qui a fait plusieurs centaines de victimes civiles depuis 2009.

Guerre des drones. “Les États-Unis pensent avoir le droit de tuer comme bon leur semble”

Et pour ne pas oublier ceux qui subissent: What it’s really like to live with drone warfare

Lancer l’alerte: mythes et réalités

Du côté des « anges » est un film documentaire français de Mathieu Verboud réalisé en 2007 sur les « whistleblowers », les lanceurs d’alerte.
Dénoncer des faits contraires à l’éthique ou à l’intérêt collectif se paie individuellement et le plus souvent au prix fort. C’est ce que montre ce documentaire, à travers une poignée d’exemples, glanés aux Etats-Unis, mais aussi en Europe.
Lancer l’alerte, oui, à condition de ne pas avaler le sifflet.
Dénoncer, oui, encore faut-il être entendu. Autrement c’est « se jeter sous le train, en espérant l’arrêter »…
Cette enquête édifiante pose en creux la question des contre-pouvoirs dans notre société gagnée par l’individualisme. Quels sont-ils, et surtout qui les relaie à l’heure où le journalisme d’investigation jouit de moins en moins de place et de moyens?

De l’alerte à la télé-réalité

Inspiré en cela par la philosophie et l’action des Associations Anglo-Saxonnes de défense des lanceurs d’alertes, MétaMorphosis a été pensée autour de deux forces principales :
– Son caractère non-partisan et à fortiori apolitique, l’alerte transcendant par définition le jeu des partis puisqu’elle s’adresse à l’intérêt général.
– La nécessité d’identifier l’alerte au-delà des revendications catégorielles et de privilégier sa défense à celle, individuelle, du lanceur.

Dans ce contexte :

– Nous nous étonnions récemment de la banalisation du champ de l’alerte à tout type de revendications sectorielles (pour légitimes qu’elles soient) jusqu’au ridicule de l’affectation de ce qualificatif par une certaine presse partisane à des hommes politiques (Macron le Lanceur) ou des activités sectorielles (les banques lanceuses), quand ce n’est pas certains politiques qui proclament ainsi une confrère (Eric Coquerel à Danielle Simonet). Ces démarches n’ont à notre sens pour seules conséquences, une dévalorisation de l’action des réels lanceurs d’alerte et la propagation d’un trouble dans l’esprit de l’opinion publique.

– A la création de MétaMorphosis, nous rappelions que le choix du caractère apolitique et non partisan de l’Association était dicté par la volonté de privilégier l’intérêt général; nous soulignions aussi que l’expérience d’une lanceuse d’alerte dans le domaine bancaire (Stéphanie Gibaud) s’affichant ouvertement depuis plusieurs années avec un parti politique (Debout La France) a nui à la compréhension du combat. D’autres depuis ont suivi le même chemin, tenant quasiment les mêmes discours bien que positionnés différemment sur l’échiquier politique, allant jusque dans l’ hémicycle de l’Assemblée Nationale se faire citer sans vraiment parler de l’alerte. Ici aussi, ces démarches n’ont à notre sens, comme le démontre le cas évoqué précédemment, que l’effet contraire du but recherché à savoir dans l’opinion publique l’assimilation de l’alerte à une démarche partisane, ce qui nous le rappelons, est la négation même de l’alerte qui veille à la défense de l’intérêt général. De même que la Défense des Droits de l’Homme ne peut être partisane car elle s’adresse à l’ensemble de l’humanité quelles que soient les différences de ses composantes, l’alerte s’adresse à tous dans la mesure où elle met en évidence les dysfonctionnements et/ou la non application de lois qui constituent les règles du corps social de l’ensemble de la Nation et non uniquement de certaines de ses fractions.

– Nous pensions avoir tout vu, mais le besoin quasi maladif de certains lanceurs à personnifier leur action nous fait franchir une nouvelle étape dans le ridicule. On connaît maintenant ce qui semble être un jeu pour certains : un petit clic contre un peu de notoriété, une pensée pour une cause contre le gain d’une place dans le monde merveilleux des people… Le lanceur sera t-il mieux classé que la starlette de télé réalité ? Tout un programme…
Si nous ne sommes pas comptables de ce que font les autres, de la perception qu’ils ont du lanceur et des alertes, nous restons responsables de cautionner ce qui ne pourra jamais être une bonne idée : une place sur un podium.
Comme pour les démarches précédentes, cette façon d’agir obscurcit le sens de l’alerte derrière le rôle idolâtré du lanceur; elle a pour conséquence une fois de plus, de substituer la notion d’intérêt général à celle de l’intérêt particulier voire partisan, et de ne créer qu’un peu plus de confusion dans l’esprit d’un public mal informé.

Toutes ces actions conduisent aujourd’hui à un profil type de l’alerte résumé à une personne partisane et/ou médiatisée. Une telle situation arrange à la fois les Associations françaises de pseudo défense de l’alerte et l’essentiel de la presse mainstream, leur permettant, en ne s’attachant qu’à la personne et son parcours, de masquer leur inaction totale sur ces sujets. Il est regrettable que des lanceurs, s’affichant de surcroît en opposition à une telle presse, se prêtent à ce jeu. Il ne faut pas s’étonner ensuite que la défense des sujets d’alerte soit si peu d’actualité et si peu suivi d’effets.

Tous ces éléments confortent MétaMorphosis dans sa stratégie même si elle peut apparaître moins facile d’accès et moins rapidement compréhensible. Nous demeurons convaincus que c’est en plaçant l’alerte au centre de nos démarches et en évitant ces écueils que nous pourrons, pas après pas, faire avancer les vrais combats.

MM.

A Monaco aussi, on veut sa loi (ou pas) sur la protection des lanceurs d’alerte, mais…

Suite au vote de la loi Sapin II en France et pour répondre aux directives européennes en la matière, Monaco présente sa proposition loi sur la protection des lanceurs d’alerte relativement éloignée des recommandations européennes.
La lecture du texte ci-après vous en convaincra.
n° 229 – Proposition de loi relative à la protection des lanceurs d’alerte

Un point dans la proposition de loi parmi d’autres, mérite d’être souligné:
« Ne souhaitant pas accorder un blanc-seing, la bonne foi n’est pas suffisante, encore faut-il que l’information signalée ou révélée porte sur des faits bien particuliers. Sont ainsi concernées, en premier lieu, les informations révélant l’existence d’un crime ou d’un délit dont la peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à dix ans, ce qui inclut les infractions de blanchiment, de trafic d’influence et de corruption, à l’exception de la corruption passive et active commise par un agent privé. En revanche, force est de constater que la prise illégale d’intérêt prévue par l’article 114 du Code pénal n’est pas concernée. »

Pour être reconnu comme lanceur d’alerte à Monaco, dénoncer conformément à ses obligations professionnelles et ou légales des soupçons d’opérations illicites, n’est pas suffisant. Encore faut-il que les faits dénoncés soient passibles pour leurs auteurs, d’une peine égale ou supérieure à dix années!
D’une certaine façon le lanceur d’alerte à Monaco se transforme en auxiliaire de justice, à charge pour lui d’apprécier préalablement à son alerte, la peine potentiellement encourue pour ces faits !!!
Dénoncer des faits passibles d’une peine de neuf ans, dont on comprendra qu’ils représentent déjà une gravité certaine, n’est donc pas suffisant pour obtenir le statut de lanceur d’alerte.
D’une part, il apparaît pour le législateur Monégasque, que la gravité d’un crime n’est pas dans le crime lui-même mais dans la peine éventuellement encourue par son auteur, d’autre part, il fait totalement fi du processus judiciaire lui-même qui voudrait qu’au cours de l’enquête, des faits plus graves que ceux dénoncés puissent apparaître.
Il semble donc que le législateur monégasque souhaite que le statut du lanceur d’alerte soit conditionné au résultat même de l’enquête et du jugement judiciaire ce qui est en totale contradiction avec la définition du lanceur donnée par l’Europe, notamment sur les critères de bonne foi et de désintéressement.
Cela a pu faire dire au Ministre d’Etat Serge Telle, dans une interview donnée à L’Observateur de Monaco que les dénonciations réalisées dans le cadre de l’affaire banque Pasche Monaco, ne permettraient pas à leurs auteurs d’être reconnus comme lanceurs d’alerte en Principauté.
« C’est un texte très imparfait. Il faut l’améliorer pour que la protection juridique recherchée soit réelle. En effet, les lanceurs d’alerte dans l’affaire de la Banque Pasche par exemple n’auraient pas bénéficié de la protection, le texte prévoyant des délits condamnés à une peine de 10 ans. »

Outre le fait que l’on puisse s’étonner qu’une Autorité politique semble connaitre avant l’ordonnance de renvoi le résultat de l’enquête judiciaire rappelant certaines pratiques mises à jour récemment par la presse française dans l’affaire Rybolovlev/ Bouvier, il faut donc comprendre que les faits documentés à la fois par Médiapart, et Pièces à Convictions d’une gravité certaine et concernant des personnes aujourd’hui poursuivies par la justice Américaine et plusieurs justices européennes, ne seraient pas suffisants aux yeux de Monaco pour accorder une protection, à ceux qui n’ont fait que répondre aux obligations légales et professionnelles que Monaco lui-même leur impose.

Les mauvaises langues diront certainement que si Monaco ne voulait pas de lanceurs d’alerte, il ne s’y serait pas pris autrement.

Souhaitons que l’Europe rappelle à Monaco qu’il est encore temps de revoir sa copie, un tel projet en l’état étant incompatible avec ses propres recommandations.

Et pour bien vous faire prendre des vessies pour des lanternes, on va jusqu’à s’en vanter auprès de Snowden….