Vous l’aurez sans doute remarqué, depuis un certain temps pour ne pas dire un temps certain, à chaque fois que le gouvernement sollicite une commission ou commande un rapport sur un sujet économique ou de société, les conclusions s’inscrivent parfaitement dans la politique voulue par lui. C’est parce que Macron marche que le reste suit…
Soyons honnêtes, il y a des contre-exemples; le plus connu étant sans doute le rapport Borloo sur les banlieues que Macron a immédiatement passé à la broyeuse sans oublier préalablement d’humilier son auteur en public.
Ce même Borloo avait eu la drôle d’idée de suggérer qu’en investissant dans l’habitat, pour l’emploi et les infrastructures de banlieues, ce programme pourrait donner à ses habitants un peu plus de dignité et d’envie de s’investir dans le projet national.
Quelle erreur, puisqu’il leur suffit de regarder Hanouna pour être heureux !
A cette exception près, on peut dire que Macron a la baraka puisqu’à chaque fois qu ’il veut engager une réforme controversée, une commission pond un beau rapport allant forcément dans le sens des volontés de l’exécutif.
Quelle baraka! Toutefois permettez-nous d’être sceptiques. Prenons donc un exemple autre et regardons d’un peu plus près.
Il s’agit ici, d’un rapport de « contribution au grand débat national » remis le 27/03 au ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin.
Le site Bastamag s’en fait l’écho dans un article du 03/04/2019, signé Olivier Petitjean.
La principale conclusion dudit rapport est de réaliser « jusqu’à 25 milliards d’économie ». Vous avouerez que ça tombe bien… puisqu’à moins de s’être exilé ces deux dernières années sur une île déserte, vous devez être au courant que toute la politique économique et sociale du gouvernement macron, se résume en un seul mot : économie.
Comment arriver à ce résultat magique ? En explorant « une piste majeure » (dixit) et « sous-exploitée » (re-dixit) : une externalisation généralisée des services publics.
En clair et sans langue de bois, il s’agit tout simplement de basculer le maximum de missions publiques vers la sous-traitance à des entreprises privées.
Comme le rappelle Bastamag, la privatisation des fournitures de services publics ne peut être que marginale dans la mesure où les fournisseurs sont peu nombreux et bénéficient déjà vis-à-vis de l’État, d’un rapport de force favorable qui n’a aucune raison de changer face à des prestataires privés.
Nous l’aurons donc compris, la promesse d’économie faramineuse ne pourra être réalisée que sur les salariés, ce qui veut dire sous-traitance à des salaires moindres et à des droits sociaux bien inférieurs à ceux des fonctionnaires.
Nous pourrions croire qu’avec des salaires moindres, nous aurons nécessairement des salariés moins formés et compétents, et moins motivés. Raté ! Le rapporteur nous rassure que grâce à son tour de passe-passe, la qualité des services rendus à la population ne sera pas altérée !
Sommes-nous idiots ? Comment n’y avons-nous pas pensé plus tôt ?
Bastamag le souligne : « dans le contexte du mouvement des Gilets Jaunes et du grand débat national, la proposition pourrait séduire : des services publics moins coûteux, mais autant voire plus efficaces, que demander de plus ? »
Et là une nouvelle fois vous n’y couperez pas, ce miracle est rendu possible grâce aux « vertus de la concurrence ».
Bien évidemment les auteurs du rapport semblant avoir un cahier des charges assez strict, n’ont pas porté leur regard sur les expériences étrangères similaires puisqu’ils auraient pris le risque de découvrir les effets catastrophiques de l’externalisation des services publics réalisés au Royaume-Uni…
Ici encore nous sommes au cœur de la méthode macron qu’Ismael Emelien a le culot de qualifier de « progressiste » : d’abord poser l’objectif qui est le fruit d’une conception idéologique quand ça n’est pas de classe puis construire ensuite toute une pseudo argumentation pour justifier que l’objectif énoncé n’offre pas d’alternative.
Bien évidemment pour procéder de la sorte, quelques complices sont nécessaires… D’où l’importance de choisir dans ces commissions des personnes « adaptées ».
Revenons à nos 25 milliards d’économie. Le rapport est rédigé par un certain Olivier Duha, PDG de l’entreprise Webhelp spécialisée dans la relation client sachant que ce monsieur a pris soin de faire appel au cabinet de lobbying Altermind fondé par l’homme d’affaire et publiciste Mathieu Laine réputé proche d’Emmanuel Macron. Et Mathieu, en réorganisation, il s’y connait…
On n’aura pas l’impudence de relever que les premiers bénéficiaires d’une éventuelle externalisation de services publics seraient des groupes comme Sodexo, Elior ou Atos avec lesquels Laine semble entretenir des relations ou même Webhelp, la société que dirige le rédacteur du rapport.
En résumé, la stratégie macron est imparable : si je veux mener telle politique j’identifie les groupes privés qui pourraient en bénéficier et je leur demande d’écrire un rapport démontrant le bienfondé de ma politique… A ce jeu, il est gagnant à tous les coups, et nous ne sommes plus vraiment étonnés à ce que les rapports et recommandations qui se suivent aillent tous dans le même sens.
Nous avons souvent sur MetaMorphosis, évoqué le poids des lobbies dans la détermination des politiques publiques. Comme souligne Bastamag : «Quand le gouvernement se fait dicter sa politique par les lobbies».
Il n’est pas inutile de rappeler qu’il y a quelques semaines, le Défenseur des Droits Jacques Toubon mettait en garde dans son rapport d’activité 2018, sur « l’évanescence croissante des services publics » et sur ses effets sur les personnes pour lesquelles ils -les services publics- constituent le principal recours. N’oublions pas que cette façon de procéder n’est pas prête à changer puisqu’elle s’inscrit dans la démarche « action publique 2022 » mise en place par le gouvernement pour réfléchir à la transformation de l’État. Dans ce cadre, il a été privilégié un recours massif à des consultants externes et à des sociétés privées.
Comme le démontre notre cas du jour, tout est dans la méthode et puisque ce gouvernement a décidé sur ce sujet et beaucoup d’autres de tordre la réalité au bénéfice des intérêts qui le soutiennent, cette « modernisation » des services publics prend le même chemin que les privatisations, à savoir le bradage d’actifs et services publics au bénéfice d’intérêts amis.
En marche, c’est toujours aussi magique…
MM.