Macron-Macri, à deux lettres près…

Renforcé par une victoire lors des législatives, le gouvernement a imposé au Parlement une réforme controversée du code du travail qui a déclenché une forte mobilisation et une réforme fiscale. Il veut également refonder les retraites et rendre le pays plus attractif pour les investisseurs étrangers. Les opposants dénoncent le risque de perte d’acquis sociaux.

La France avec Macron ? Non, l’Argentine avec Macri.

Dans son édition du jour, sous le titre «Les raisons qui poussent l’Argentine à appeler le FMI au secours», ici, Le Monde nous fait retourner à la réalité : «Éviter à tout prix le retour d’une nouvelle crise financière. Au nom de ce principe, l’Argentine a appelé à l’aide le Fonds monétaire international (FMI), mardi 8 mai, dix-sept ans après son spectaculaire défaut de paiement qui demeure un traumatisme national. Alors que le peso, la devise nationale, est en déroute sur les marchés, le président Mauricio Macri a indiqué avoir entamé des discussions avec l’institution multilatérale pour obtenir une ligne de financement. «Cela nous permettra de faire face au nouveau scénario mondial et d’éviter une crise telle que celles auxquelles nous avons été confrontés au cours de notre histoire», a-t-il expliqué dans une allocution télévisée. Chahuté par les investisseurs, le peso a perdu 18 % de sa valeur depuis le début de l’année. Pour enrayer sa chute, la banque centrale argentine a procédé à des injections massives d’argent frais puis relevé son principal taux d’intérêt à trois reprises ces derniers jours, jusqu’à le fixer à 40 % vendredi 4 mai. Malgré ce niveau record, le peso a continué à dévisser en début de semaine».

Pourtant tout allait bien il y a quelques mois encore. Enfin, c’est Les Échos, toujours aussi pertinent et objectif, qui le disait : «Argentine: à mi-mandat, la dynamique retrouvée de Macri» (ici) titrait le journal économique en décembre dernier.
Nous avons eu droit, en mars 2018, aux encouragements du FMI en la personne de Lagarde dont la vision et la probité ne sont plus à démontrer ! : «Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), a félicité vendredi le président argentin Mauricio Macri pour ses réformes économiques, soulignant notamment sa prudence en matière de déficit budgétaire».

Pourquoi alors tant d’enthousiasme et tant d’aveuglement d’une certaine presse et des instances de régulation du libéralisme mondialisé ? Maurizio Macri est le parfait candidat, une sorte de Macron latino-américain. Même dans le nom, à quelques lettres près, on pourrait s’y retrouver… Jeune, sémillant, ancien de la finance (Citibank) et héritier richissime (avec au passage quelques comptes offshores comme nous le rappelle les Panama Papers). Lui aussi est arrivé au pouvoir sur une forme de malentendu, dans un trou d’air politique créé par les errements en tout genre des Kirchner. Mais surtout il y a «the programme», un grand classique : réformes à tous les repas (fiscale, travail, retraites…), portes grandes ouvertes aux multinationales, politiques clairement orientées au bénéfice des plus aisés.

Et le même enthousiasme que Lagarde, cette certitude des gens persuadés de détenir la seule vérité, que l’on retrouve jusque dans les prévisions du gouvernement : le projet de budget 2018 se base sur une prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) de 3,5% sur l’ensemble de l’année, un déficit budgétaire de 3,2% du PIB, une augmentation de 12% des investissements et une inflation annuelle moyenne de 15,7%. Il prévoit que la monnaie argentine se maintiendra sous les 20 pesos pour un dollar, à 19,3 pesos. Le Parlement a approuvé une réforme fiscale par 52 voix pour et 16 contre, alors que le gouvernement tente d’attirer les investisseurs étrangers. Cette réforme réduit l’impôt sur les bénéfices des entreprises, en faisant passer son taux de 35% à 25% en cinq ans, et crée des réductions d’impôt en échange d’investissements. Elle fixe également un minimum non imposable pour les cotisations patronales.

Toutes ces autosatisfactions et le concert de louanges adressé au président argentin Macri pour sa politique économique, auquel a participé encore tout récemment la directrice générale du FMI, contrastent radicalement aujourd’hui avec la réalité et avec une toute autre musique, de plus en plus omniprésente en Argentine.

Malgré le soutien inconditionnel des principaux médias du pays, la brutale répression des manifestations contre la réforme des retraites et les « cacerolazos » spontanés (manifestations rythmées par un concert de casseroles, forme emblématique de la mobilisation populaire en Argentine) qui ont clôturé l’année 2017, ont affecté la popularité du gouvernement depuis le début de l’année 2018.

La coalition au pouvoir qui a remporté de justesse les élections législatives d’octobre dernier face à une opposition divisée, ne peut plus fonder sa communication sur des promesses floues et sur le supposé « lourd héritage » laissé par les précédents gouvernements Kirchner. Néanmoins, et en dépit d’indicateurs économiques en berne, le discours du président Macri lors de l’ouverture de l’année législative s’est voulu résolument optimiste. Répétant son slogan de campagne comme un mantra «Si, se puede» (« si, c’est possible »), il a remercié à plusieurs reprises l’effort «de tous les Argentins», se félicitant de l’arrivée d’une mystérieuse «croissance invisible» et annonçant qu’il allait poursuivre dans cette voie, freiner l’endettement et multiplier les investissements. Mais l’inflation et les mesures d’austérité commencent à affecter sérieusement le pouvoir d’achat des ménages.

Dès sa victoire aux présidentielles en décembre 2015, Mauricio Macri avait annoncé qu’il allait mettre fin au contrôle des changes qui encadrait jusqu’alors le marché du peso argentin. Il s’agissait d’initier la réouverture complète de l’économie argentine au marché global, en supprimant les mesures protectionnistes du gouvernement précédent. Rapidement, cette libéralisation a favorisé une inflation que le président prétendait pourtant juguler. Outre la hausse générale des prix, cette mesure a engendré une diminution de la rentabilité des placements libellés en pesos. De nombreux investisseurs ont alors cherché à les revendre contre des dollars : la dévaluation du peso s’est aggravée et les prix ont poursuivi leur ascension. Pour enrayer cet engrenage, la Banque Centrale argentine a augmenté ses taux directeurs, mesure qui a généralement pour effet de limiter la création monétaire par le crédit bancaire et qui doit, théoriquement, réduire l’inflation. Cependant, l’élévation des taux d’intérêts des emprunts bancaires, qui renchérit les investissements, a ralenti l’économie, tout comme la baisse du pouvoir d’achat provoquée par l’inflation. Par ailleurs, pour endiguer la dévaluation, cette même Banque Centrale a acheté des pesos et vendu des dollars, ce qui a accru la fuite de devises, provoquée notamment par le déficit de la balance commerciale. Il a alors fallu limiter la valorisation du dollar face au peso et reconstituer le stock de devises nationales, ce que le gouvernement a fait en s’endettant en dollars sur les marchés financiers.

La boucle est bouclée : le creusement de la dette permet au gouvernement Macri de justifier la réduction des dépenses publiques. Les retraites ont été la première cible de cette politique qui touche presque l’ensemble des services publics et prestations sociales.
Dans un tel contexte, les principaux services publics tels l’école, ne sont pas épargnés. La situation des hôpitaux n’est pas meilleure, les mécanismes de redistribution sociale étant affectés.
Ainsi, l’inflation et ces attaques contre un État social argentin affaibli, se traduisent par une dégradation des conditions d’existence de nombreux argentins, et en particulier des secteurs les plus populaires.

Les politiques de l’administration Macri ne sont pas sans rappeler celles de son homologue français, Emmanuel Macron, avec lequel il partage cette volonté (cette croyance pourrait-on dire) de réduire les dépenses publiques allouées aux droits qui fondent l’État social, comme l’éducation ou la santé.

Certes la France n’est pas l’Argentine, certes la France ne fera sans doute pas appel demain au FMI. Ce qui est intéressant dans cette comparaison se sont les similitudes, la démonstration, quelque soient les histoires et les conditions propres d’exercice du pouvoir et de développement, de l’existence d’une politique économique mondialisée, de cette quasi obsession à maintenir une dette élevée pour justifier la mise à mort des droits sociaux.
Situations différentes, mais mêmes remèdes, mêmes certitudes, tant bien même les faits feraient mentir la doctrine, mêmes aveuglements.

MM.

« Tout le monde veut devenir milliardaire ! »

A l’heure où la chose économique est devenue pour nos politiques une foire d’empoigne où l’incontinence intellectuelle se mélange aux idéologies rances, essayons de prendre un peu de hauteur pour répondre à cette injonction macronienne « Tout le monde veut devenir milliardaire ! ».
Faut dire qu’ils n’y vont pas avec le dos de la cuillère, tout y passe : de l’économie de bistrot (le budget de l’État c’est comme le budget des ménages), de la pseudo-théorie surannée (le ruissellement), de l’idéologie à toutes les sauces (le président des riches), du foutage de gueule puissance dix (les millions d’emploi que créera -pas- le Medef avec de l’argent public), de la décriminalisation généralisée de la vie des entreprises, etc… sans oublier l’irrésistible « y’a pas d’autre solution », quel triste monde !

Tout d’abord, regardons l’excellent documentaire historique diffusé par Arte sur « Les Routes de l’Esclavage » (ici).
Au-delà de la tragédie, éminemment et essentiellement humaine, que constitue l’esclavage, nous pouvons dégager trois lignes forces de l’entrée des européens sur ce «marché» à la suite de la longue période des Empires arabes. Les européens, et plus spécifiquement les portugais, industrialisent l’esclavage dans le cadre des exploitations de cannes à sucre, à partir d’un échange triangulaire (marchandises, esclaves, canne à sucre). La dimension raciale (blancs et noirs) n’émergera que tardivement aux Antilles à l’occasion d’une généralisation du processus, comme moyen de production, l’esclave n’étant qu’un outil parmi d’autres comme le révèlent les inventaires de l’époque. Rapidement cette conception purement productiviste trouve ses limites, la sur-exploitation de cette « ressource » conduisant à son épuisement rapide (espérance de vie très courte) et à son incapacité à se renouveler (taux de mortalité des enfants extrêmement élevé). Un temps, l’augmentation du nombre d’esclave permet de compenser cette détérioration des conditions de production, mais au risque de l’émergence de conditions (poids respectifs des populations blanches et noires) politiques et sociales instables. C’est ce processus, allié à une prise de conscience humaniste avec le courant des Lumières et des réformés, et à des révoltes d’esclaves, qui conduira au final à l’interdiction ou l’abolition de l’esclavage en Europe. Si l’on accepte, comme les esclavagistes, de considérer l’esclave comme une simple variable de production, nous voyons très bien que les processus à l’œuvre et leurs conséquences ne sont aujourd’hui guère différentes : sur-exploitation et épuisement des ressources, non renouvellement naturel conduisant à des risques climatiques, politiques et sociaux, transfert général des richesses entre pays (mondialisation) mais aussi au sein même des États entre classes sociales, maintient de populations (même si elles n’ont plus le statut « légal » d’esclave) en monnaie d’échange…

Le document d’Arte finit la description de l’esclavagisme européen en s’interrogeant sur la contribution de ce « mode de production » à la richesse des nations (pour reprendre le titre de l’un des livre fondateur du libéralisme économique) et à l’avantage déterminant que prend l’Europe aux XVII et XVIII siècles sur le reste du monde. Parce que c’est bien de cela dont il s’agit au final : à l’origine, il n’y a aucune notion raciale dans l’esclavagisme (de toute façon autorisé et même légitimité par le Vatican), qui n’est qu’un simple mode de production (contraint et violent faut-il le rappeler), fondateur du capitalisme et ancêtre de ceux expérimentés par la suite. Dans son livre référence, Thomas Piketty avait tenté de chiffrer le « gain » pour l’économie américaine de la généralisation de l’esclavage dans les territoires du sud, montrant une contribution importante ayant sans aucun doute largement contribué à donner aux États-Unis une avance économique sur les anciennes puissances coloniales européennes dès le XIX siècle. Il en est de même un ou deux siècles plus tôt pour les pays européens. Même si tous les historiens ne s’entendent pas sur le chiffrage précis de cette contribution de l’esclavage aux économies européennes, n’oublions pas un principe premier du capitalisme, aujourd’hui encore plus, d’actualité : les capitaux vont en priorité vers les marchés offrant les meilleurs profits. Or le taux de profit tiré de la traite au XIXe siècle, est deux fois supérieur à celui généré par d’autres types « d’investissement ». C’est ce qui explique l’orientation massive de capitaux vers le commerce triangulaire. De toute façon un commerce ne perdure pas trois siècles s’il n’assure pas une haute rentabilité.

Macron a raison. L’organisation économique dont il se fait aujourd’hui le VRP zélé permet sans doute à chacun de devenir milliardaire: encore faut-il le vouloir ! Certains de ses amis nous le montrent aujourd’hui encore : il y a beaucoup de forêts à détruire, beaucoup de fonctionnaires et politiques à corrompre, beaucoup de populations malléables… En un mot des taux de profit élevés en perspective. Question de choix…

Ensuite, portons-nous sur une étude originale publiée par l’organisation américaine Trucost sous le titre « Natural Capital at Risk » (ici, le compte rendu en français fait par E-RES). Ce travail de chercheurs tend à montrer qu’aucune grande industrie ne serait rentable si elle payait ses impacts sur l’environnement.
Lisons : « Depuis longtemps on parle du principe de « pollueur-payeur ». Le concept est simple : lorsqu’un dommage est commis sur l’environnement, c’est celui qui a causé le dommage qui doit payer pour en gérer les conséquences sur la collectivité.
Régulièrement, on applique ce principe lorsque par exemple une entreprise est responsable d’une catastrophe écologique comme une marée noire : l’entreprise peut alors avoir à payer une amende aux collectivités qui ont été affectées. Mais que se passerait-il si on décidait d’appliquer totalement ce principe ? Si chaque entreprise devait gérer les externalités négatives de son activité sur la planète ? ».
« À l’heure actuelle le principe pollueur payeur n’est en effet appliqué que très partiellement. En fait, la plupart des pollutions causées par les entreprises (ou les autres acteurs) ne sont jamais ni mesurées, ni évaluées, et encore moins facturées. C’est ce que l’on appelle « les externalités environnementales » : l’activité de l’entreprise a une conséquence indirecte sur l’environnement, qui affecte la société. Pourtant, ce n’est pas l’entreprise qui finance le coût de cette externalité, mais bien la société, c’est à dire les citoyens.
Sur le principe, il semblerait plus logique que ce soit l’entreprise qui finance ce dont elle est responsable. Et c’est théoriquement possible, si on arrive à comptabiliser la valeur de ces externalités. Et c’est justement là tout l’enjeu : comment évaluer la valeur et le coût de réalités aussi diverses que la biodiversité, une forêt, ou une tonne de CO2 ?
C’est ce que se sont attachés à faire les chercheurs à l’origine de l’étude. Avec une méthodologie complexe et détaillée, ils sont parvenus à évaluer la valeur des externalités liées à l’activité économiques des grands secteurs industriels mondiaux. Et leurs résultats sont très inquiétants
».

Nous vous laissons découvrir dans l’étude détaillée, les résultats .
Au final, aucun grand secteur économique parmi les 100 plus rentables de la planète, ne serait bénéficiaire s’il devait réellement financer ses coûts pour la planète.

Il est facile de faire fortune sur les dos des autres. Nous sommes d’accord avec Macron : tout le monde peut devenir milliardaire. Nous pouvons tous être le propriétaire d’un groupe intégré qui détruit l’environnement local, corrompt les politiques pour obtenir des marchés, exploite la main d’œuvre… Nous pouvons tous être la figure emblématique d’un réseau social mondial après avoir pris soin d’éjecter nos co-créateurs ; nous pouvons tous être le leader mondial de la micro-informatique quand nous sommes en situation de quasi-monopole et que nous avons pris soin d’éradiquer toute concurrence… Les exemples ne manquent pas, nous pourrions aussi parler de tous ces milliardaires qui le sont devenus en ne payant pas ou peu d’impôts !!

Macron, toujours lui, a fait récemment un peu de service après vente dans Forbes. Le politique doit se soumettre aux affaires. La morale aussi, et tout le monde sera milliardaire. (ici)
Tant pis pour les autres; sauf que l’économie ce n’est pas que des chiffres, des taux de profit, mais aussi des choix, des choix de vie, des choix éthiques. Laissons leurs milliards aux esclavagistes et autres pollueurs.

Il suffirait qu’un jour, des chercheurs s’attaquent à l’étude de l’origine des «richesses des milliardaires». Comment se sont-elles constituées ? Si nous externalisions les impacts sur l’environnement, les situations de monopoles, les actes de corruption, des prévarications diverses, les « optimisations » en tout genre… que resterait-il de ces fortunes ?

MM.

In fine, mieux vaut arnaquer que dénoncer

Petite histoire du jour : «comment le crime paie».

Prenons un exemple : vous voulez faire protéger votre maison ou votre commerce par une société privée de protection. Vous signez avec cette entreprise un contrat qui prévoit notamment l’installation de certains outils de télésurveillance, reliés à son centre de contrôle, et des visites régulières et programmées par ses équipes sur les lieux à protéger. La société vous adresse chaque mois un relevé de ses activités. Au bout de quelque temps vous vous rendez compte que les outils installés ne sont reliés à rien et que les visites sur site ne sont réalisées qu’aléatoirement, en tous les cas pas aux jours et heures attestées, quand elles ne le sont pas du tout.
Manque de pot, vous faites l’objet d’un cambriolage dans l’un de vos locaux.
Logiquement, vous vous retournez, devant les tribunaux, contre la société qui était censée assurer la surveillance, d’autant plus que votre assurance rechigne à vous indemniser estimant que l’obligation de protection prévue à son propre contrat n’a pas été respectée.
En attendant la justice, vous ne pouvez cesser toute activité et avez besoin de continuer la surveillance de vos locaux. A qui vous adressez-vous?
Et bien à la société qui vous a menti, qui n’a pas rempli ses obligations contractuelles, et que vous poursuivez en justice ! CQFD…

Dans la vraie vie, sauf troubles psychologiques profonds, ça ne devrait pas se passer ainsi.
Pour nos politiques et élus, les choses ne sont pas aussi claires !!

Le Monde nous explique dans son édition du 03 Avril : «Le sujet est derrière nous», assurait l’entourage de la maire Anne Hidalgo au début du mois de mars. La tempête soulevée par les révélations dans la presse sur la fraude au contrôle du stationnement payant dans la capitale est pourtant loin d’être retombée.
Selon les informations du Monde, il ne s’agit pas de la dérive de quelques agents de la société privée Streeteo, comme expliqué dans un premier temps. La direction de cette entreprise reconnaît qu’au moins un «manageur haut placé» était impliqué dans l’arnaque.
Par ailleurs, l’ampleur de la fraude paraît plus importante que prévue, avec «près de 5 000» amendes infligées par des agents non assermentés, selon Christophe Najdovski, adjoint aux transports à la mairie de Paris.
Début mars, le parquet de Paris avait diligenté une enquête préliminaire pour«faux, usage de faux et escroqueries» sur l’entreprise Streeteo, société privée, filiale du groupe Indigo (anciennement Vinci Park), à qui la mairie a confié le contrôle du stationnement dans quatorze arrondissements. De son côté, la municipalité vient de déposer une plainte pour les mêmes griefs. Elle ne vise pas directement la direction de l’entreprise mais une «personne non dénommée».
Alors que le dossier rebondit sur le terrain judiciaire, la mairie doit aussi faire face aux attaques de l’opposition parisienne qui surfe sur la grogne des automobilistes, grogne entretenue par les rumeurs sur l’illégalité des «prunes» qui leur seraient infligées.
Dès le début de janvier, la machine déraille. Pour remplir les quotas, le système est dévoyé à Streeteo : une partie des contrôles étaient réalisés par des agents dans les bureaux de l’entreprise et non sur le terrain».

Il se passe alors un «truc énorme» : un salarié va décider d’une part, qu’il n’a nullement été embauché pour faire des choses illégales, et va estimer d’autre part, en citoyen responsable, que le respect de la loi passe avant les ordres de sa hiérarchie… Vivement le secret des affaires !!

« Ces «contrôles en chambre» ont duré «quelques semaines», reconnaît Streeteo, jusqu’à ce que la ville fasse un premier rappel à l’ordre, puis qu’un salarié, Hamidou Sall, décide de dénoncer le système et diffuse, le 17 février, une vidéo sur YouTube. On y voit des agents qui enregistrent des listes de numéros de plaques d’immatriculation dans leurs mini ordinateurs dans des bureaux.
Chef d’équipe, M. Sall raconte au Monde qu’il avait une petite vingtaine d’agents sous son autorité. « Chacun avait une feuille A4 recto verso avec 1 000 plaques à rentrer dans sa machine, raconte-t-il. A la fin de la journée, nous étions censés avoir enregistré 20 000 plaques. Les agents devaient indiquer pour chacune d’elle un motif de non-délivrance de FPS : voiture appartenant à une personne handicapée, véhicule occupé, personne agressive ou “autres”. » Quelques semaines avant de poster cette vidéo, M. Sall avait décidé de démissionner. «Je n’avais pas postulé pour faire des choses illégales, les conditions de travail étaient malhonnêtes», confie-t-il .
Bintou Guirassy faisait partie des agents qui se retrouvaient au siège pour «taper des plaques». «On savait que c’était une arnaque et qu’on faisait quelque chose d’illégal pour remplir les quotas, mais on était convoqués au siège par nos chefs pour le faire», dit-elle »
.

On ne sait pas très bien ce que sont devenus ces salariés et ce que leur réserve l’avenir avec ce poids infamant de l’honnêteté qui pèse désormais sur leurs épaules.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. C’était sans compter sur nos élus qui nous ont réservé une suite et fin heureuse.

L’hebdomadaire Marianne nous raconte cet épilogue dans un article du 03 Avril : «Après avoir constaté des dysfonctionnements dans le nouveau contrôle du stationnement payant, la mairie de Paris annonce s’apprêter à porter plainte pour faux, usage de faux et escroquerie contre Streeteo… qui va toutefois continuer à s’occuper des PV parisiens.
Une tape sur les doigts en public… et c’est tout. Par la voix de l’adjoint chargé des Transports, Christophe Najdovski, la mairie de Paris annonce dans Le Parisien qu’elle va déposer une plainte contre la société Streeteo pour faux, usage de faux et escroquerie. En cause, les différents dysfonctionnements constatés depuis le 1er janvier, date à laquelle Streeteo a été chargé, avec une autre société, du contrôle du stationnement dans la ville de Paris via une délégation de service public. Contrôles fictifs, amendes distribuées à tort, agents non assermentés… L’entreprise va devoir « rendre des comptes » assure l’élu.
Paradoxalement, cette plainte ne va rien changer au contrat qui lie la ville et l’entreprise. « Nous nous réservons le droit de résilier ce contrat si de nouveaux problèmes surgissent », indique simplement Najdovski, ajoutant que « Streeteo a déjà pris des mesures en interne avec des mises à pied ». Lorsque le Parisien lui demande avec bon sens si le choix de cette entreprise n’est « tout simplement pas le bon », l’adjoint répond à côté : « Ces sociétés travaillent également à l’étranger. Elles ont l’habitude de ce genre de marché »
.

Au final, un grand classique. Des excuses, quelques têtes qui volent et on oublie tout… « Elles ont l’habitude de ce genre de marché » nous dit l’adjoint aux transports de la ville de Paris.
C’est une remarque ou un lapsus ?

Nous dédicaçons cette petite histoire à l’attention de tous les lanceurs d’alerte qui, pour avoir rempli leurs obligations professionnelles et/ou légales, se retrouvent marginalisés ou exclus professionnellement, totalement déclassés à titre personnel, poursuivis judiciairement et épuisés financièrement.
On vous l’a dit : l’incompétence, la magouille, la malhonnêteté paient. Au pire votre employeur magouilleur n’aura que quelques petites excuses à faire, alors choisissez bien votre camp…

MM.

En référence à l’article du journal Le Monde du 03 Avril 2018 : Arnaque aux amendes à Paris : Streeteo reconnaît «des erreurs inexcusables», ici.

https://media.giphy.com/media/l0HFkA6omUyjVYqw8/giphy.gifQuand la toxicité a bon dos

La Cour des comptes vient de rendre public son habituel rapport annuel. Comme à chaque fois, il y aurait beaucoup à dire mais concentrons-nous aujourd’hui sur le chapitre qu’elle consacre aux coûts de sortie des emprunts toxiques contractés par les Collectivités locales au début des années 2000.
Rappelons que 579 Collectivités (départements, villes, syndicats intercommunaux…) ont contracté dans ces années là des emprunts dits « toxiques » à savoir pour l’essentiel, des emprunts à taux variables indexés sur certaines devises (notamment le franc suisse).
Suite à la crise financière de 2008, et à la forte variation des monnaies ou des cours de marché sur lesquels ces prêts s’appuyaient, beaucoup de collectivités se sont retrouvées en situation difficile, contraignant l’Etat à intervenir et à supporter en grande partie les coûts de sortie.
Dans son dernier rapport, la Cour des comptes chiffre le coût pour le fond dédié créé à cet effet, à 2.6 milliards d’euros, ici.
La Cour des comptes souligne les « risques inconsidérés » pris par certaines collectivités de taille importante: « les dix plus gros bénéficiaires du fond disposaient d’une capacité d’expertise liée à leur taille qui aurait dû leur permettre des choix plus éclairés en matière d’emprunt ». On soulignera pour la petite histoire, que la métropole de Lyon et le Conseil Départemental du Rhône, ont été parmi les plus exposés.

Tout banquier privé ou d’affaires ayant travaillé dans les années 2000, a eu affaire d’une façon ou d’une autre, à ce type de prêt indexé essentiellement sur le franc suisse ou le yen.
Il n’y a sur le fond, rien de répréhensible à proposer ce type de produit ou pour être plus précis de montage car ces prêts étaient souvent adossés à des actifs.
Ceci étant dit, il convient de rappeler que si le banquier peut vendre tout ce qui est autorisé, un certain nombre de règles professionnelles voire réglementaires encadrent l’exercice de son métier.
Parmi ces règles, il s’impose aux banquiers de s’assurer que le contractant a une connaissance suffisante du risque, qu’il est en mesure d’apprécier et de comprendre les risques directs et indirects liés au produit vendu.
Autre règle, et nous ne serons pas exhaustifs dans leur énoncé, le banquier doit s’assurer que le produit souscrit s’inscrit dans la stratégie patrimoniale du souscripteur, qu’il doit être conforme à un certain équilibre au sein du patrimoine et répondre aux objectifs de gestion retenus.
Dans le cas des prêts toxiques, et puisque la Cour des comptes souligne qu’aussi bien l’Etat, les élus et les banques sont coupables de cette situation, nous sommes en droit de nous poser quelques questions.
Par définition, la gestion des finances d’une Collectivité ne peut être court-termiste. Elle s’inscrit bien au contraire, dans une vision parfois sur plusieurs générations, compte tenu du coût unitaire important des investissements collectifs et d’un retour sur investissements à long terme.
Comment dans ce contexte les établissements financiers dont certains étaient publics ou para publics (DEXIA et consorts), ont pu proposer des montages à base de taux variables qui présentent par définition même un risque dépassant l’horizon temporel de quelques années ?
Pire, il semble que les outils de couverture ont été peu ou mal utilisés.
Comment des élus et à fortiori les Cours régionales des comptes ont-elles pu accepter que soient souscrits de tels prêts sans exiger que toutes les garanties soient prises pour préserver les finances publiques ?
Le rapport de Cour des comptes est très clair à ce sujet puisqu’il souligne la responsabilité conjointe des élus locaux « qui ont pris des risques inconsidérés sans en informer correctement leur Assemblée délibérante », des banques qui « ont conçu ces produits structurés et encouragé leur souscription », enfin celle de l’Etat « qui n’a pas pris la mesure des risques encourus ».

Une fois de plus, le trop grand pouvoir laissé à certains élus sans qu’ils bénéficient pour autant des compétences nécessaires, l’absence ou la défaillance du contrôle de l’Etat et la facilité déconcertante avec laquelle les banques ont pu sur-vendre ces produits très rentables pour elles, placent la Collectivité devant le fait de devoir subir une situation et in fine contraignent le contribuable à payer les errements de décideurs irresponsables.

Loin de nous de tomber dans quelques théories du complot, mais force est de constater une fois de plus avec cette affaire, après Areva, Alstom… et tant d’autres, que le problème semble être toujours le même: des décisions en petit comité, des partenaires de l’entre-soi, des autorités de contrôles inefficaces, des alertes dont on ne tient jamais compte.
En un mot, les donneurs de leçon de bonne gestion sont bien souvent de mauvais gouvernants.

MM.

DIGIWHIST une initiative européenne pour détecter la corruption et mauvaise gestion

Heureux de relayer ce post de nos amis Xnet d’Espagne qui nous informe de l’intéressante initiative européenne DIGIWHIST, qui doit permettre de détecter d’éventuelles anomalies relatives à des faits de corruption ou de mauvaises pratiques de gestion.

« C’est un grand projet de données pour la détection de la fraude au niveau européen, quelque chose comme une grande «machine» de la société civile pour détecter la corruption et les mauvaises pratiques dans la gestion de l’argent public. »

Pour en savoir plus:
DIGIWHIST