Carte blanche à Rémy Garnier, lanceur d’alerte de l’affaire Cahuzac

Elle est le compagnon de « voyage » inattendu de la plupart des lanceurs d’alerte. Elle leur prend la main très vite, dès les premiers soupçons et fait peser sa présence tout au long du combat. Elle a aussi beaucoup d’amis, ceux dénoncés en premier chef mais également certains acteurs du monde judiciaire, beaucoup de politiques et syndicalistes et de plus en plus de journalistes. Elle, c’est l’omerta que l’on traduit un peu rapidement en français comme la loi du silence, comme si cela n’était qu’une attitude passive, peut-être un peu lâche, mais sans véritable conséquence. On oublie que dans son terme premier cette omerta ça n’est pas que se taire c’est aussi la non dénonciation de crimes et délits et souvent le faux témoignage.

Les lanceurs d’alerte la connaissent bien, tous ceux qui baissent ou détournent le regard, tous ceux qui voudraient mais qui ne peuvent pas, tous ceux qui se cachent derrière une instruction en cours ou encore derrière ce joker d’immunité qu’est devenue la présomption d’innocence.

Si le silence est le pire ennemi des lanceurs, il est, on l’aura compris, le meilleur allié de ceux qui veulent taire la vérité. Parce qu’ils vivent ou on vécu cette omerta jusque dans leur chair, les lanceurs fondateurs de MetaMorphosis ont choisi d’afficher au fronton du Collectif : « Parce que la vérité se meurt dans le silence… » Des paroles aux actes, ils ont conçu ce site comme une porte ouverte aux témoignages de ceux qui se voient opposer cette omerta utilisée alors comme seule stratégie de communication. Nous ouvrons aujourd’hui le site, au travers d’une carte blanche à Rémy Garnier, lanceur d’alerte de l’affaire Cahuzac: « le statut de lanceur d’alerte, officiel ou autoproclamé, ne donne pas tous les droits. Une stricte déontologie s’impose sous peine de perdre toute crédibilité et nuire à la cause que l’on veut défendre... »

MetaMorphosis


Céline Boussié: Du soutien aveugle à la rupture consommée

En septembre 2016, un cadre de La France Insoumise a proposé ma candidature ainsi que celle de Céline Boussié pour les élections législatives de 2017, probablement en raison de notre réputation commune de lanceurs d’alerte domiciliés dans le même département, le Lot-et-Garonne.
Et en effet, nous figurons parmi les vingt premiers candidats potentiels (sur 577 circonscriptions) annoncés par Jean-Luc Mélenchon le samedi 15 octobre 2016 lors de la Convention de Lille.
Nos destins étaient en quelque sorte liés : à elle la circonscription d’Agen et à moi celle de Villeneuve-sur-Lot, sous réserve de l’acceptation des groupes d’appui locaux qui fut obtenue non sans réticences plus ou moins légitimes…  Nous serons éliminés au premier tour de ces élections, avec respectivement 11,50 % et 12, 21 % des voix.

Le 13 novembre 2016, le Comité de soutien à Céline Boussié m’adresse par courriel un appel à rejoindre la liste des personnalités qui l’encouragent à l’occasion du procès pénal en diffamation intenté par son employeur, l’IME Moussaron. J’accepte le 16 novembre et le comité m’adresse ses remerciements le 17 novembre.

La cause de la lutte contre la maltraitance des personnes vulnérables et/ou en situation de handicap est éminemment noble et, la figure de l’héroïne Céline se confondant avec cette cause, elle attire de multiples soutiens. De même, la protection des lanceurs d’alerte du champ médico-social ou d’ailleurs fait la quasi-unanimité dans les rangs de la gauche et bien au-delà, en dehors des clivages idéologiques : personnalités médiatiques, associations, partis politiques et syndicats de tous bords s’y associent volontiers.

Les premiers éléments qui m’ont conduit à me poser des questions et à douter de la sincérité des engagements de Céline Boussié sont :
– Sa réputation déplorable au niveau local et ses divers lâchages ;
– L’agressivité d’un comité de soutien toujours menaçant ;
– Les contrevérités matraquées depuis son jugement de relaxe ;
– La censure de mon message sur le Livre d’or ;
– Les commentaires désobligeants à l’encontre des Prud’hommes ;
– Les mensonges autour du jugement prud’homal du 18 avril 2019 ;
– Les soupçons d’opportunisme syndical et politique ;
– Et accessoirement le titre de son livre…

Le 13 juin 2019, j’ai demandé et obtenu que mon nom soit rayé du Collectif des lanceurs d’alerte qui la soutiennent.
Deux causes principales se détachent parmi ces éléments :
1- Depuis le jugement de relaxe rendu par le Tribunal correctionnel de Toulouse, le 21 novembre 2017, je suis agacé par la communication récurrente de son Comité de soutien sur le thème mensonger et néanmoins repris en boucle par Céline Boussié et tous les médias de « la première lanceuse d’alerte relaxée en France ».
Mon billet de blog du 4 mars 2019 « Lanceur d’alerte, c’est relax » rend hommage à treize personnes dont Céline Boussié, mais il a le tort à ses yeux de faire apparaître que des lanceurs d’alerte ont été relaxés avant elle. Pour cette raison, le Comité de soutien a censuré mon message pourtant succinct et anodin sur son Livre d’or.
2- Puis vinrent les commentaires de Céline Boussié sur le jugement prud’homal du 18 avril 2019 que les médias ont répété sans même chercher à connaître la véritable motivation des juges.

Les contrevérités de l’intéressée et de son comité qui prétendaient contre toute évidence ne pas connaître ladite motivation ont excité ma curiosité. J’ai alors demandé la copie du jugement à Sylvie Bataille, présidente dudit comité qui a transmis ma requête à Céline Boussié, laquelle n’a jamais répondu.
J’en ai finalement obtenu gratuitement auprès du greffe du tribunal la copie intégrale que j’ai abondamment commentée dans mon billet du 17 juin 2019 intitulé « Un jugement Schizophrénique ? »

Ensuite, mes réactions s’enchaînent :
« Victime de son ego » le 6 juillet 2019 ;
« Alerte contre l’imposture » le 25 juillet 2019 ;
« Warrior et Nikita » le 26 juillet 2019.

Sur intervention de Céline Boussié mes cinq derniers billets de blog ont été dé-publiés le 2 août dernier, en bloc et sans faire le détail, par le Club Mediapart, notamment sous l’autorité de Martine Orange.
« Lanceur d’alerte, c’est relax ! » a été republié. Deux autres billets ont été republiés puis dé-publiés à nouveau…
Quatre billets, les plus critiques, restent censurés alors que leur caractère injurieux ou diffamatoire n’est nullement établi…
La censure et l’omerta que Céline Boussié et ses soutiens manipulés condamnent chez les autres, viennent de gagner une bataille.

Mais, je me sens moins seul depuis l’article « Parce que la vérité se meurt dans le silence » du collectif MetaMorphosis qui fait référence le 31 juillet 2019 à mes billets, juste avant leur dé-publication…

Rémy GARNIER, le 9 septembre 2019.

« Parce que la vérité se meurt dans le silence… »

A la création de MetaMorphosis, nous avons choisi pour formule « Parce que la vérité se meurt dans le silence… » Elle nous semblait bien résumer le combat des lanceurs d’alerte, ce combat pour une vérité qui s’oppose en permanence au silence de ceux dénoncés, des corps intermédiaires, de la justice, de la presse et tant d’autres. Nous ne pensions pas un jour qu’une telle formule trouverait une résonance dans le comportement de certains lanceurs d’alerte…

Dans le petit monde des lanceurs d’alerte, nous nous connaissons tous et parce que nous sommes confrontés aux mêmes problématiques et aux mêmes galères, nous prenons soin de suivre l’actualité des uns et des autres.

Le combat des lanceurs d’alerte est extrêmement difficile, contre ceux que nous avons dénoncés, contre la presse parfois et les politiques le plus souvent, mais aussi ne nous en cachons pas, contre une opinion publique qui n’est pas majoritairement derrière nous.

Aussi, nous pensons que pour battre en brèche un certain nombre de préjugés, les lanceurs se doivent d’être irréprochables aussi bien dans leur motivation, dans leur capacité à appuyer factuellement leur dire et dans leur communication.
Il y en va du devenir des alertes et des procédures judiciaires, aussi bien les parties adverses que la justice cherchant les failles ou apportant une attention toute particulière à la cohérence des timing des alertes et au poids de la preuve.

On a pu voir par exemple, des lanceurs tout à fait honnêtes dans leur démarche mais ayant été attaqués de toute part pour une ancienne faute (broutille) qu’ils auraient pu commettre dans le passé.

Le cas qui nous occupe -celui de Céline Boussié ayant dénoncé des faits de maltraitance dans un IME- est de première importance.

Pour des lanceurs d’alerte, c’est à dire ayant agi avec bonne foi, désintéressement et dans l’intérêt général, les publications sur les réseaux sociaux de certains documents il y a quelques mois, ont fait l’objet d’une véritable bombe. Ils mettent en évidence à notre avis, des incohérences qui, si elles étaient avérées, auraient un impact catastrophique sur l’ensemble des lanceurs.
Vol (ce que nous a indiqué la Présidente du Comité de soutien) ou pas vol de ces documents publiés peut être une question, la personne s’estimant lésée entamera sûrement les procédures adéquates. Faux ou pas faux documents, il en va de même.
Faisons néanmoins attention à ne pas tomber dans le biais des organisations que le lanceur attaque, qui systématiquement se cachent derrière le vol de documents ou la diffamation de certaines déclarations pour tenter de nier la réalité des faits.

Nous accordons que le site ayant publié en premier ces documents est pour le moins partisan et polémique, il n’en demeure pas moins que les faits sont là, que les documents à eux seuls posaient à l’époque, de nombreuses questions. Faute de réponse de la principale intéressée, il fallait pour comprendre les motivations de la justice prud’homale, attendre le compte rendu de sa décision. Et c’est Rémy Garnier, le lanceur d’alerte de l’affaire Cahuzac, qui, pour comprendre une telle décision dite « schizophrénique » par l’intéressée, se l’est procuré et le déchiffre… Si bien, qu’il en reste…stupéfait.

« Un jugement schizophrénique ? » Par Rémy Garnier

Si « comprendre » est notre leitmotiv, il est regrettable de constater que nulle presse ayant communiqué à ce sujet, n’ait trouvé bon et juste de se pencher dessus. L’obtention de la décision prud’homale ne semblait pourtant pas bien difficile ….et « éclairés », nous l’aurions été bien plus tôt.

Comme dit précédemment, le lanceur joue son alerte (et malheureusement dans certain cas sa vie) sur la cohérence de son comportement.

Les lanceurs savent deux choses des entreprises qu’ils dénoncent : que les comportements trahissent souvent plus que les paroles et que le refus de débattre ou la dénégation est déjà une forme d’aveu. Ils savent aussi que la presse, assoiffée de « sujets vendeurs » peut être manipulable.

Alors, n’en déplaise à beaucoup, une définition du Lanceur, celle retenue par la Loi Sapin 2, même si elle est imparfaite, n’en demeure pas moins fondamentale, tout comme les notions de désintérêt et bonne foi qu’elle véhicule.
Être lanceur n’est pas un choix, « Lanceurs d’alerte: si je veux, comme je veux, quand je veux… Pas vraiment  » , non plus un métier, ça n’est pas même un titre de gloire comme le rappelle Rémy Garnier dans une autre tribune intitulée « Victime de son égo  » .

« Victime de son égo » Rémy Garnier

Et si la frontière entre le lanceur, le repenti, le délateur est ténue, ouvrir la porte aux imposteurs, c’est définitivement décrédibiliser les lanceurs. C’est le plus beau cadeau qu’on puisse faire à ceux que les lanceurs dénoncent !
« Alerte à l’imposture  » , autre tribune de Rémy Garnier.

Enfin, quand on a la prétention de vouloir « briser l’omerta » on ne s’y vautre pas, refusant de répondre à des questions légitimes et dénigrant, parfois violemment ceux qui ont vraiment l’intérêt général pour seule motivation. Si l’on veut vraiment « briser l’omerta » on n’en fait pas sa ligne de défense !

Tout ceci doit également nous interroger sur la Maison des Lanceurs, seul lieu indépendant où les lanceurs sont censés pouvoir se raccrocher. Nous avions déjà évoqué sur MM. à travers « La maison des lanceurs d’alerte: tout ça pour ça  » les doutes que nous portions sur sa réelle utilité. Les éléments troublants concernant Céline Boussié qui en est la secrétaire générale adjointe, sont sans doute portés à sa connaissance depuis de longs mois… sans aucune réaction de sa part, sans aucune mesure préventive.

La Maison des lanceurs a-t-elle conscience qu’elle joue ici sa légitimité ?

En espérant que ça fasse réfléchir tous ceux qui voient des lanceurs à chaque coin de rue…

MM.

Des lanceurs d’alerte interpellent la Secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées.

Pour que les actions des lanceurs d’alerte ne restent vaines, merci de signer et diffuser la pétition ci-jointe. : Pétition
Le Collectif MétaMorphosis se joint à cette démarche.

Plaidoyer pour des institutions sociales et médico-sociales de qualité.

Lettre ouverte à Madame Sophie Cluzel, Secrétaire d’Etat chargée des Personnes handicapées.

Dans l’intérêt essentiel des Personnes en situation de handicap mais également de l’ensemble des personnes vulnérables, de leurs familles et des professionnels qui les accompagnent, nous ne nous contenterons plus de beaux discours et d’effets d’annonces.
Nous exigeons des actes forts en conformité avec les recommandations de l’ONU faites à la France.

Lors de vos vœux au Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées le 18 Janvier dernier vous avez promis d’être «intraitable» sur la maltraitance. Plus récemment, le jeudi 25 janvier, vous avez affirmé «On n’a pas à rougir de notre politique du handicap» en ajoutant que la France se situe en ce domaine «dans la moyenne supérieure européenne».

Vos prédécesseurs avaient en leur temps fait des déclarations en la matière similaires aux vôtres.

A titre d’exemples, bien éloignés de toute exhaustivité :
– Madame Marie-Arlette Carlotti, Ministre déléguée aux Personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion, avait déclaré, lors d’un discours à l’IME «Cours de Venise» suite à la diffusion d’un documentaire sur M6 [Zone interdite (19 janvier 2014) : «Ces centres qui maltraitent les enfants handicapés»] : «Personne ne peut être insensible aux images d’enfants handicapés, violentés par ceux-là mêmes qui sont censés leur apporter attention, soin et réconfort. Je sais que de nombreux concitoyens ont été choqués par ces images de maltraitance. Comment ne pas l’être ? Face à l’intolérable, il faut agir avec fermeté. Face à l’émotion, il faut agir avec discernement.» (…) «Les situations de maltraitance ne peuvent exister qu’en raison d’une chaîne de défaillances, voire plus grave, de complaisances» (…) «Pour protéger ces enfants, je veux que l’on respecte la loi car il existe des lois et des procédures.» (…) «Je veux réaffirmer avec force ce que sont ces lois et ces procédures».
– Madame Marie-Anne Montchamp, ancienne Secrétaire d’Etat chargée des Personnes handicapées, actuelle Présidente du Conseil National pour l’Autonomie, avez déclaré le 12 Janvier 2005 à Paris : «La lutte contre les maltraitances infligées à des enfants et des adultes, d’autant plus vulnérables qu’ils sont très fragilisés et qu’ils peuvent par conséquent constituer une proie facile pour ceux qui n’hésitent pas à abuser de leur autorité et à profiter de cette fragilité, doit être une priorité absolue qui nous engage tous. Elle doit faire l’objet d’une détermination sans faille de notre part.» Ce discours intervenait après une visite en Avril 2005, dans l’IME de Moussaron du Gers. Après s’être entretenue avec le personnel, la Secrétaire d’Etat avait tenu à «rendre hommage aux personnels qui sont en permanence aux côtés des enfants, regarder le travail qui est fait. Ils font preuve d’un immense dévouement» alors que ce même établissement avait été dénoncé pour maltraitance quelques années auparavant et avait fait l’objet d’un rapport accablant de l’IGAS en 1997…

En résumé : des années de déclarations et d’effets d’annonces, sans que jamais ne soient réellement appliqués les textes de lois existants, ni que le Rapport du Sénat en 2003 «Maltraitance envers les personnes handicapées, Briser la loi du silence» soit pris en compte, au détriment des personnes vulnérables et en situation de grande dépendance accueillies dans les institutions françaises.

A de multiples reprises, la France a été condamnée par l’ONU pour son non-respect de la Convention Internationale des enfants handicapés. Le 19 Janvier dernier, c’est le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU (CDH) qui cette fois-ci a interpellé notre Pays au sujet de son non-respect des droits des Personnes handicapées.

Parmi les 300 recommandations faites à la France, comme dans le rapport précédent de 2015, le Comité des Droits de l’Homme a recommandé à la France d’assurer des conditions de vie dignes et de préserver l’intégrité physique et psychique des Personnes handicapées placées en institution, et le Comité des droits de l’enfant s’est dit de nouveau préoccupé par les cas de mauvais traitements d’enfants handicapés dans les institutions et par le fait que ces établissements ne faisaient pas suffisamment l’objet d’une surveillance indépendante conformément à l’article 16 alinéa 3 de la Convention Relative aux droits des Personnes handicapées que la France a pourtant ratifiée voici plus de 10 ans désormais.

Pour avoir osé briser le silence, Madame Céline Boussié, après avoir alerté l’Agence Régionale de Santé de Midi-Pyrénées pour des dysfonctionnements graves dans la prise en charge et l’accompagnement de résidents polyhandicapés et des faits de maltraitance (résidents attachés, assis nus sur des seaux dans la promiscuité la plus totale, enfermés dans des cages de verre…), a fait l’objet de poursuites pénales par son ancien employeur l’IME de Moussaron à Condom dans le Gers.

Contrairement aux lanceurs et lanceuses d’alertes précédents, Didier Borgeaud, Bernadette Collignon et Chrystel Cornier (1995 et 1999) qui avaient dénoncé les mêmes faits et été condamnés pour diffamation, Céline Boussié a été relaxée le 21 Novembre dernier.

L’ensemble des plaintes ayant été classées par le Procureur de la République d’Auch en Mars 2014, dont celle de la Ministre déléguée aux Personnes handicapées de l’époque, au motif que la Justice avait été « instrumentalisée », les dirigeants de l’établissement, à ce jour et depuis plus de 20 ans, ne sont pas inquiétés, mis en examen et condamnés pour ces traitements indignes et dégradants alors que dans la relaxe remarquablement motivée de Madame Céline Boussié (voir attendus publiés par Dalloz) le tribunal s’émeut des révélations livrées par la prévenue en indiquant que «nul ne peut rester indifférent aux lits avec barreaux trop petits, à la toilette faite devant l’ensemble du groupe, aux mesures de contention, ainsi qu’à la difficile gestion de la violence» et rappelle que des rapports de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Agence régionale de santé (ARS), mettaient en exergue «une maltraitance institutionnelle».

Combien d’autres lanceurs et lanceuse d’alerte en ce domaine et pour les mêmes faits, Madame la Secrétaire d’Etat, dont nous ignorons tout, tant le silence prévaut et les sanctions sont terribles pour celles et ceux qui osent dénoncer ?… Car, comme le dit si bien Céline Boussié : « Faire le choix de lancer l’alerte, c’est faire le choix d’un suicide moral, physique, professionnel, familial et financier » tant l’impunité de certains établissements et de leurs gestionnaires de droit privé gérants des fonds publics est encore aujourd’hui prédominante. Impunité expressément dénoncée par Jorge Cardonna, membre du Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies et Rapporteur de l’ONU en 2016.

Que dire également du fait que la jurisprudence maltraitance [Cour d’appel de Paris – 18 novembre 2005 ; Cour de cassation – 26 septembre 2007] établissant que la dénonciation de maltraitance «constitue une liberté fondamentale qui doit profiter d’une protection légale renforcée.» laisse pourtant toujours le champ libre à certains employeurs gestionnaires d’établissements et services sociaux et médico-sociaux qui, en toute impunité, perpétuent les licenciements pour un tel motif alors même qu’ils sont expressément coupables de violation d’une liberté fondamentale ?…

De surcroît, ces employeurs agissent de la sorte en pleine conscience et en parfaite connaissance de ladite jurisprudence. En effet, l’ensemble des associations gestionnaires ont été dûment tenus informés par la Direction générale des affaires sociales (DGAS) via la «Note d’information n°DGAS/SD5D/2007/456 du 26 décembre 2007 relative à une jurisprudence civile portant sur le signalement de faits de maltraitance dans les établissements sociaux et médico-sociaux.» adressée aux Ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité ; Ministre du logement et de la ville ; Préfets de région ; Préfets de département ; Directions départementales des affaires sanitaires et sociales, lesquelles ont diffusé cette jurisprudence fondamentale pour le secteur social et médico-social auprès de toutes les associations gestionnaires des établissements et des services sociaux et médico-sociaux sur l’ensemble du territoire national.

De tels agissements s’exercent donc en pleine conscience. Ce qui en dit long sur le sentiment de toute puissance qui animent leurs auteurs.

Pour toutes ces raisons, notamment, Madame la Secrétaire d’Etat, dans l’intérêt essentiel des Personnes en situation de handicap mais également de l’ensemble des personnes vulnérables, de leurs familles et des professionnels qui les accompagnent, nous ne nous contenterons plus de beaux discours et d’effets d’annonces.

Nous exigeons des actes forts en conformité avec les recommandations de l’ONU faites à la France.

A ce titre, l’IME Moussaron dans le Gers est un triste mais néanmoins remarquable «cas d’école», parmi bien d’autres, en matière de maltraitances, de dysfonctionnements mais aussi de lourde responsabilité portée par les pouvoirs publics tant cet établissement a «bénéficié» d’une totale impunité qui perdure à ce jour.

En conséquence, nous exigeons que toute la lumière soit faite dans ce dossier, qu’il y ait une enquête parlementaire et un audit ministériel afin de déterminer les responsabilités de chacun et chacune, avec condamnation et sanction à l’encontre des responsables conformément aux recommandations du Comité des Droits de l’Homme dans son cinquième rapport périodique du 17 août 2015. Nous exigeons également la réhabilitation des lanceurs et lanceuses d’alerte précédemment condamnés, dont notamment Madame Bernadette Collignon.

Nous exigeons également que le terme et la locution «maltraitance» et «maltraitance institutionnelle» soient désormais inscrits dans le Code pénal. En effet, le fait qu’ils n’y figurent pas à ce jour est objectivement des plus préjudiciables.

Lors de la mise en œuvre et application du Nouveau Code pénal, on avait espéré y voir mentionnées et explicitées de telles dispositions. Ce ne fut hélas pas le cas. Seule la notion de «vulnérabilité» y fut insérée créant ainsi un vide juridique permettant notamment de fait de classer sans suite toute plainte pour «maltraitance».

Enfin, Madame la Secrétaire d’Etat, nous demandons que soit porté à l’Assemblée nationale et au sein de votre Secrétariat un véritable travail de réflexion et d’élaboration à ce sujet. En ce sens, nous demandons qu’une délégation de notre Comité de soutien, ainsi que Madame Céline Boussié et Monsieur Jean Font (auteur de la jurisprudence maltraitance de 2007) soient reçus par vous et pleinement partie prenante desdits travaux essentiels à plus d’un titre.

Agen le 26 Janvier 2018

Signataires du Plaidoyer :

Pour le comité de soutien à Céline Boussié : Sylvie Bataille et Céline Boussié