Monaco: tout ce qui brille n’est pas d’or!

Monaco, tout ce qui brille n’est pas d’or. Nous pourrions nous y méprendre en se félicitant de quelques mesures adoptées à défaut de quelques actions concrètes, que ce qui est présenté par Monaco Tribune, serait de l’or en barre pour redorer le blason … Pourtant, nous pourrions confondre l’or et le toc comme à quelques lettres près, la transparence et l’apparence. Visiblement c’est beau puis ça sonne bien…Mais pour que l’or qui nous est présenté soit de l’or pas uniquement dans son apparence, regardons d’un peu plus près.

Comme vous l’avez sûrement remarqué nous sommes à MM. très attentifs aux questions relatives au blanchiment d’argent surtout quand ça concerne Monaco.
Une passion ou plutôt une déformation professionnelle !

Dans l’article de Monaco Tribune « Protocole d’entente Monaco-Suisse : le blanchiment d’argent dans le viseur » -étant rappelé qu’en matière de presse monégasque la frontière entre articles et hagiographies est extrêmement ténue- nous apprenons que Monaco et la Suisse vont «collaborer de manière étroite dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et son corollaire, le terrorisme».
En effet, par la voix du directeur par intérim du Siccfin (tracfin monégasque), Philippe Boisbouvier (que certains au fait des affaires monégasques connaissent), nous apprenons que Monaco vient de se rendre compte que les flux financiers provenant du blanchiment peuvent servir à financer des activités criminelles!

Nous sommes en 2019 et mieux vaut tard que jamais…Toutefois, et ce pour commencer, faisons quand même remarquer que par définition, s’il s’agit de flux financiers de blanchiment, ils proviennent nécessairement d’activités illégales donc criminelles. Nous avons comme l’impression, souvent quand il s’agit de Monaco, que c’est le chat qui se mord la queue…

Nous noterons que les organes suisses et monégasques de lutte contre le blanchiment ont décidé de collaborer de manière « plus étroite »  sur des sociétés d’un même groupe «implantés à la fois en Suisse et en Principauté». La précision n’étant pas innocente car outre le nécessité de l’existence de sociétés dans les deux pays, il faut qu’elles fassent partie d’un même groupe! Pour faire simple, il semble que si les personnes détiennent des sociétés dans les deux pays mais qu’elles ne font pas partie d’un même groupe (au sens juridique et ou économique, suppose t-on), l’échange d’information n’est pas mécanique. Peu importe, ça donnera du travail aux cabinets d’avocats d’affaires et autres sociétés fiduciaires …Ils sauront à présent quoi faire pour palier le problème de certains de leurs clients.

Nous passerons sur le fait que les deux pays ont convenu de placer comme règle préliminaire à toute coopération, la confidentialité des informations échangées. De ce point de vue nous n’avons aucun doute pour Monaco en tous les cas, que ladite confidentialité sera au-delà du raisonnable, respectée.

L’article en référence, rappelle que la signature de cette convention bilatérale s’inscrit dans le cadre des recommandations du GAFI (Groupe d’Action Financière) et puisque nous en avons fait directement l’expérience après l’avoir questionné, nous pouvons confirmer que le terme de «recommandations » est tout à fait approprié; rappelons qu’elles ne font l’objet d’aucun contrôle quant à leur effective application, si ce n’est l’émission d’un rapport non contraignant et ce, de façon pluriannuelle.

Enfin, Monaco par cette signature cherche à nous convaincre que «la Principauté poursuit ainsi ses efforts pour la transparence et apparaît de plus en plus comme un pionnier en la matière en Europe».
On ne parlait pas d’hagiographie pour rien…cette phrase étant une perle de l’autosatisfaction. De l’or en barre, mais plaqué voire du toc quand on y réfléchit bien. Sinon,

➡️ Il faudra qu’on nous explique un jour comment la transparence affichée fait bon ménage avec la confidentialité recherchée.

➡️ Il faudra qu’on nous explique, alors que Monaco est effectivement signataire de multiples accords identiques avec d’autres pays et s’inscrit avec la France dans le cadre d’une coopération judiciaire renforcée, comment et pourquoi les multiples affaires qui secouent la Principauté depuis une dizaine d’années (dont celle de la banque Pasche qui nous est chère), n’ont jamais débouché à ce jour sur aucune condamnation ou fermeture d’établissement ?

➡️ Serions-nous à Monaco plus qu’ailleurs dans ce type de pays où l’on se glorifie de disposer de tous les outils pour lutter contre le blanchiment et les activités criminelles mais où «en même temps», on se donne tout le mal du monde pour enterrer les affaires, protéger les contrevenants et éliminer les lanceurs d’alerte ?

➡️ A noter finalement, qu’il y a peu de différence avec la France si ce n’est la violence des procédés.

Alors on peut être fiers d’adopter moult lois, recommandations, accords. Tout y est, mais en apparat aux regards des affaires qui peinent à être traitées. Pour que ce soit de l’or en barre, sans doute manque-t-il le carat de la volonté ? Certainement! Il n’en demeure pas moins que sans cette dernière, c’est du toc; et le toc vaut que dalle!

MM.


Qui ne cherche pas, ne trouve pas…

Il va falloir revoir ses classiques.
Ce qui est bien avec les adages populaires c’est que l’on ne sait jamais vraiment d’où ils viennent. Ce qui est bien aussi, c’est qu’on peut facilement les détourner en fonction de ses propres besoins.
« Qui cherche, trouve » dit-on. Tout aussi simple et moins fatiguant, nous avons le « Qui ne cherche pas, ne trouve pas » ! Certains en sont devenus des spécialistes au point d’en faire leur mot d’ordre.
Nous pourrions vous raconter l’histoire d’un procureur, d’un juge et d’un service de police judiciaire devenus les maîtres en la matière. Il faut dire que nous n’avons sûrement pas trouvé plus efficace pour enterrer une affaire gênante. Quand on dit « pas chercher », c’est vraiment pas chercher. Pas de perquisitions, des auditions extra-lights, des réquisitions obscures et garanties sans réponses précises, des demandes d’informations à la partie incriminée « à sa guise » ! Rien de bien contraignant et nous sommes assurés d’avance d’un résultat nul. Même si ça ne marche pas toujours comme souhaité, si des journalistes venaient à produire publiquement des pièces venant alimenter la procédure instruite, pas de soucis, il suffit de ne pas en faire la réquisition.
Il faut toujours garder à l’esprit que celui qui ne cherche pas, ne trouve pas. Ainsi, dans quelques années, on pourra se tourner vers les lanceurs d’alerte et leur dire que malgré les efforts gigantesques déployés, le dossier d’instruction reste vide. Il n’y a rien, circulez, « circulez, y’a rien à voir ! »

La Commission européenne n’est pas en reste. Elle a également appris la leçon. Elle nous a fait le coup récemment avec les paradis fiscaux dans le but de nous sortir une liste vierge de tout pays européen. Nous avons cherché, nous avons passé tous les pays au crible d’une batterie de critères, et puis non, pas de paradis fiscaux en Europe. La bonne nouvelle !
Rebelote avec Malte.
Dans un article du 24 Avril 2018 sous le titre « Projet Daphne : la Commission européenne refuse d’enquêter sur l’État de droit à Malte » (ici), le journal Le Monde nous indique : « La discrétion était de mise ces derniers jours à Bruxelles à la suite des révélations du « Projet Daphne », dont Le Monde est partenaire. Initié par le réseau Forbidden Stories, il vise à poursuivre les enquêtes de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia, assassinée dans son pays le 16 octobre 2017. Vente abusive de passeports « en or » à des non-citoyens de l’Union européenne (UE), recherche d’un éventuel mobile politique dans le meurtre de Mme Galizia, attitude de la justice maltaise ? Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, a certes eu des paroles fortes, lundi 23 avril, en salle de presse de l’institution, promettant que « tout ce que le projet Daphne révèle sera examiné par la Commission et si elle pense qu’elle peut agir elle le fera. Nous continuerons à mettre la pression sur les autorités maltaises. » Mais quelques jours plus tôt, le chef des porte- parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas, avait, elle, écarté l’éventuelle poursuite de Malte, plus petit Etat de l’UE, pour violation de l’Etat de droit : « Si la question est : y a t-il une infraction à l’Etat de droit à Malte ? La réponse est non. » Pour l’heure, la seule conséquence au niveau européen du « Projet Daphne », est la nomination, lundi, par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, d’un rapporteur spécial sur le meurtre de la journaliste maltaise, le néerlandais Pieter Omtzigt. Une initiative qui n’a, de fait, rien à voir avec les instances de l’UE ».

Voilà, circulez y’a rien à voir. Et comment sait-on qu’il n’y a rien à voir ? En n’allant pas voir ! CQFD.
Quand on pense à la malhonnêteté de tous ces journalistes qui apportent documents et témoignages multiples corroborant l’existence probable de dysfonctionnements de l’État de droit à Malte, on se dit : vivement la loi secrets des affaires !

La loi secret des affaires, la loi mal nommée. La loi « secret de faire des affaires », ça aurait été plus judicieux.
C’est vrai que quand toute information pourra être classée secrète, il n’y aura plus aucune utilité à chercher et nous pourrons définitivement adopter ce nouvel adage : qui ne cherche pas, ne trouve pas.
Tout ceci n’est pas très nouveau, si ce n’est que nous tendons à le généraliser.

Nous donnons à votre réflexion cet exemple dans le domaine financier.
Depuis les attentats du 11 Septembre 2001, sous la pression à l’origine des États-Unis, la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme est devenue l’un des devoirs primordiaux de l’exercice du métier de banquier.
Avec le temps, diverses lois et dispositions règlementaires sont venues encadrer les activités bancaires pour veiller au bon exercice de cette lutte. La plupart des pays et des établissements bancaires ont relayé dans leurs lois et règlements les dispositions en la matière.

Des organismes internationaux ont été créés pour superviser cette retranscription dans les lois nationales et des dispositifs d’information et de formation des employés de banque ont été institués pour s’assurer qu’ils étaient en mesure de comprendre et d’appliquer les directives sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Ces organismes internationaux [Gafi (Groupe d’Action Financière), Moneyval…] sont censés contrôler au travers de rapports pluri-annuels, que les États ont effectivement modifié leur législation conformément aux dispositions prévues.
Tout ceci a l’air en apparence parfait. On contrôle bien que les États se soient mis à la page et que les salariés en soient informés et formés.
Mais qui contrôle si les lois et règlements sont effectivement appliqués ? Personne… Vous pouvez écrire au Gafi par exemple ; il vous répondra noir sur blanc qu’il est là pour s’assurer que les lois nationales ont été modifiées comme il se doit, mais pour ce qui est de leur application effective, en fait, personne ne semble s’en assurer.
Une fois de plus, si on ne cherche pas à savoir si les lois sont effectives dans les faits, on ne saura jamais s’il existe des dysfonctionnements.

Autre adage, même conséquence : le principe de précaution qui devient « soyons précautionneux à ne pas avoir trop de principes ».
Dans son édition du jour, sous le titre « Le député Dassault, cité dans les Paradise Papers, rejoint la Fondation Intepol » (ici), Médiapart nous rappelle qu’en politique le bon sens populaire (« il ne faut jamais être trop prudent ») n’est pas de mise.
Nous ne reviendrons pas sur cette fameuse Fondation Interpol, aux dérives multiples, qui a fait l’objet d’un reportage complet que nous avons diffusé sur MetaMorphosis (ici).
Revenons à l’article de Médiapart : « Le 13 avril dernier, il l’a annoncé fièrement sur Twitter, photos à l’appui. «Je suis honoré d’avoir été nommé membre de la Fondation Interpol sous la responsabilité de son Excellence l’éminent Elias Murr, qui a pour vocation de rapprocher les polices pour un monde plus sûr. Une responsabilité collective qui nécessite une alliance à l’échelle mondiale», a tweeté le député de l’Oise Olivier Dassault, 66 ans, président du conseil de surveillance du Groupe Dassault jusqu’en mars 2018, administrateur du Figaro et de Valeurs actuelles, pilote d’avion à ses heures perdues et fils de Serge Dassault. Mais alors qu’Interpol est censée lutter contre toute forme de criminalité financière, plusieurs membres de cette fondation posent de véritables questions éthiques pour l’agence policière. Le premier est Stuart Gulliver, président d’HSBC jusqu’en février 2018, banque au cœur du scandale d’évasion fiscale « SwissLeaks ». Détenteur d’un compte caché en Suisse lié à une société panaméenne, Stuart Gulliver sera prié de quitter la Fondation Interpol en 2016. Mais il sera remplacé au sein de la fondation par Douglas Flint, alors président exécutif d’HSBC.
Le président de la fondation en personne, Elias Murr, est lui aussi cité dans les SwissLeaks. En effet, le Libanais a possédé un compte à la HSBC de Genève, à travers une compagnie dénommée Callorford Investments Limited. Un compte qui a abrité 42 millions de dollars en 2006-2007. Se défendant par le truchement d’un porte-parole, Elias Murr rétorquera au Consortium international des journalistes (ICIJ) que ces fonds sont connus, et n’avaient aucun lien avec ses fonctions politiques. Le nouveau membre de la Fondation Interpol, Olivier Dassault, n’est pas éloigné non plus des scandales financiers, en tant que président du conseil de surveillance du Groupe Dassault de 2011 à mars 2018, poste qu’il a dû délaisser afin d’éviter les conflits d’intérêts avec son mandat de député, comme la loi sur la transparence de la vie publique le stipule. En effet, en novembre 2017, l’enquête des « Paradise Papers » menée par le Consortium international des journalistes a démontré que le groupe Dassault était impliqué dans un système de fraude à la TVA sur l’île de Man, un paradis fiscal situé en mer d’Irlande »
.

Nous aurions pu penser, de la part des deux parties et compte tenu de leur « historiques » respectifs, que la prudence serait de mise. Assurément non. La précaution c’est pour les autres, les principes aussi d’ailleurs.
Combien de lanceurs d’alerte, cherchant à se repositionner professionnellement, et pas forcément dans leur secteur d’activité ont entendu après avoir joué la carte de la transparence, « mieux vaut attendre la fin du procès avant de vous embaucher ». Le principe de précaution fonctionne ici à plein. Étant tout de même rappelé que le lanceur d’alerte n’a rien à se reprocher si ce n’est d’avoir répondu à ses propres obligations, qu’il n’est généralement poursuivi de rien, mise en examen de rien… mais il semble qu’il faut tout de même mieux être prudent!
Paradoxalement, ce même principe de précaution ne s’applique visiblement pas à ceux mis en examen et qui bossent toujours… la présomption d’innocence fonctionne, elle, à bloc! Quid principe de précaution? « C’est quand je le veux bien! »
Heureusement que nous ne traînons pas la batterie de casseroles de Dassault ou d’Interpol, parce que là se serait… Non, rien.

MM.