La justice, trois maux et combien de responsables

La publication de l’étude de la Commission Européenne Pour l’Efficacité de la Justice (CEPJ) sur l’état de la justice dans les pays européens, nous donne l’occasion de revenir sur cet acteur fondamental pour les lanceurs d’alerte, le pouvoir judiciaire. Essentiel bien évidemment quand le lanceur est embarqué dans son -trop- long marathon judiciaire, mais essentiel également en amont, l’action et les résultats des autorités judiciaires étant aussi un baromètre pour tout lanceur potentiel d’aller plus avant ou non dans sa démarche.

De nos expériences respectives à MetaMorphosis, nous en déduisons que la justice française est affectée de trois maux.

Les maux

➡️ Premièrement la non indépendance du Parquet, c’est-à-dire le lien de subordination hiérarchique et fonctionnel toujours existant et pugnace entre le pouvoir politique et les procureurs. Il fait parti de ces quelques serpents de mer qui accompagnent l’organisation institutionnelle de la cinquième république depuis sa création.
Les promesses ont été nombreuses de mettre fin à cette tutelle, jamais suivies d’effet. Ne soyons pas dupes, il n’y a aucune raison politique, ni technique, pas même institutionnelle à ne pas y mettre fin. Il s’agit juste d’une volonté politique bien comprise qui touche l’ensemble de l’échiquier politique, de l’extrême gauche à l’extrême droite, qui veut que tout exécutif ou potentiellement exécutif voit bien l’intérêt à maintenir ce lien de subordination, entre le politique et celui qui initie et autorise les instructions judiciaires. Le Président en exercice y est allé de sa justification du maintien d’un tel fonctionnement comme nous le rappelle cette dépêche de Reuters du 15 Janvier 2018 – Macron refuse d’accorder au parquet son indépendance totale ici, nous ressortant les mêmes arguments que ses prédécesseurs et reconnaissant à demi-mots la nécessité pour le pouvoir politique d’influer sur la politique pénale, donc par définition, même si on s’en défend, sur ce qui doit être jugé ou non et comment.
Si l’on avait encore des doutes, l’intervention, peu discrète au demeurant de l’Élysée dans la nomination du nouveau Procureur de la République de Paris, vient confirmer cette prééminence de l’exécutif sur une partie du judiciaire.
Il n’est pas inutile de rappeler la position très claire sur le sujet de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), instance judiciaire suprême : « Du fait de leur statut, les membres du ministère public [autrement dit les procureurs et membres du parquet, ndlr], en France, ne remplissent pas l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif, qui compte, au même titre que l’impartialité, parmi les garanties inhérentes à la notion autonome de magistrat ».
Bien évidemment cette non indépendance du parquet est de première importance pour les lanceurs d’alerte. Car avant même d’entamer son parcours judiciaire, encore faut-il qu’une instruction judiciaire soit ouverte. Dans nombre d’affaires dénoncées impliquant pouvoirs politiques et économiques, il ne faut pas être devin pour supposer que certaines -très et trop nombreuses- alertes ne voient jamais un traitement judiciaire du fait de l’intervention d’intérêts croisés bien compris.

➡️ Deuxièmement, la pauvreté des moyens alloués à la justice. On se reportera avec intérêt à l’article du Monde « Manque de moyens, surcharge… les déficits criants de la justice française » ici, faisant suite à la publication de la Commission Européenne Pour l’Efficacité de la Justice.
Quelques données : «Pour le fonctionnement de ses tribunaux, de ses cours, du ministère public et de l’aide judiciaire, donc sans compter les prisons, la France a consacré 65,90 euros par habitant en 2016. C’est 9 % de mieux qu’en 2010. Mais c’est très loin derrière des pays équivalents comme l’Allemagne (122 euros par habitant), la Belgique (82,30 euros) ou même l’Espagne (79,10 euros). Surtout la progression de ce budget est moins rapide que ce que la Cepej a constaté dans l’ensemble des 45 États membres du Conseil de l’Europe ayant livré leurs chiffres ». Et plus loin : « Les parquets les plus chargés se trouvent toujours incontestablement en France, qui compte en Europe quasiment le plus petit nombre de procureurs (2,9 pour 100 000 habitants), mais doit en même temps faire face au plus grand nombre de procédures reçues (7,45 pour 100 habitants), tout en ayant à remplir un nombre record de fonctions différentes (13) », lit-on dans ce volumineux rapport».

La République est pingre avec son pouvoir judiciaire. Là aussi ne soyons pas aveugles: il s’agit d’une volonté politique organisée visant, après la non indépendance des parquets, à détenir un autre moyen, indirect, d’influer sur le cours de la justice, côté siège cette fois-ci.

Avec de tels moyens et une telle organisation il n’y a plus de doute que les juges d’instruction sont amenés, bien involontairement, à faire des choix, à privilégier telle affaire à telle autre, à mobiliser plus de moyens sur l’une que sur l’autre, parfois, par manque de forces disponibles à devoir « laisser tomber » certaines affaires. Outre ce problème de sélectivité, volontaire ou involontaire, conscient ou inconscient, assumé ou forcé, le manque criant de moyens conduit nécessairement, pour les enquêtes ouvertes et « travaillées » à des délais d’instruction totalement disproportionnés. Si l’on va plus loin dans l’étude de l’allocation des moyens par pôle judiciaire, on ne sera pas étonnés de constater que ceux en charge des affaires complexes, de corruption, financières ou fiscales, sont parmi les plus mal lotis. Là encore, nous ne croyons pas au hasard.
Une fois de plus, une telle situation impacte directement le lanceur d’alerte.
À la différence d’autres justiciables qui vont devant les tribunaux pour faire valoir leurs droits, le lanceur est le plus souvent spectateur des affaires qu’il a dénoncées, exclu de toute partie civile.
N’ayant pas accès à la procédure, il a encore plus besoin d’une justice efficace et surtout rapide, qui entérine le bien fondé de son action et la justesse de ses dires, condition nécessaire à une reconstruction professionnelle et personnelle.
Au lieu de ça, le lanceur d’alerte doit patienter cinq, dix ans, parfois plus, pour que les faits qu’il a dénoncés soient enfin portés devant les tribunaux, quand ils le sont.

➡️ Troisièmement et enfin, plus qu’un maux, c’est un questionnement.
La population des juges doit-elle ressembler à la population qu’ils jugent ?
La question ne se poserait sans doute pas si L’École Nationale de la Magistrature (ENM) n’était pas confrontée à la difficulté à diversifier les profils de ses élèves. Affirmer que la magistrature ne recrute que parmi les « jeunes femmes de bonnes familles » serait sans doute caricatural. Mais les chiffres révèlent que depuis une quinzaine d’années, 75 % des nouveaux magistrats qui entrent en fonctions sont des femmes, et quelque 60 % sont issus de familles de catégories socioprofessionnelles supérieures. Sans doute ne peut-on pas demander à l’ENM, unique porte d’entrée à la magistrature, de gommer seule les inégalités sociales que ni l’éducation nationale ni l’enseignement supérieur ne parviennent à corriger. Le problème est suffisamment préoccupant pour que la garde des sceaux actuelle, ait chargé le 17 avril le Conseil National du Droit (un aréopage de hauts magistrats, avocats, universitaires, etc.) d’une mission pour identifier les leviers susceptibles d’assurer une mixité de genre et d’origine sociale dans les professions du droit.

Selon Olivier Leurent, directeur de l’ENM, «le corps des magistrats doit tendre vers une représentation fidèle du corps social, mais attention à l’excès qui voudrait qu’un chef d’entreprise juge un chef d’entreprise ou un Noir juge un Noir », ici, dans un article du monde « Le recrutement de magistrats peine à se diversifier ».
Dans une démarche plus volontariste encore, l’École de la magistrature a créé il y a dix ans des classes préparatoires « Égalité des chances » qu’elle finance entièrement. A Paris, Bordeaux et Douai, trois classes accueillent au total 56 élèves sélectionnés en fonction de leur origine sociale et géographique. L’autre stratégie de diversification a été de multiplier les voies d’accès à l’école, sur concours ou sur titre, à des personnes déjà dans la vie active (professeurs, avocats, greffiers, fonctionnaires, juristes d’entreprise, etc.).
S’il faut se garder d’en tirer des conclusions définitives, le fait que le corps judiciaire lui-même s’inquiète d’un manque de diversité sociale de ses membres et de ses recrutements, doit nous interroger sur la justice rendue.
Qui juge qui ? La question est patente pour les lanceurs d’alerte, essentiellement quand leurs dossiers ne sont pas traités par des services spécialisés -le Parquet National Financier par exemple- mais demeurent dans des tribunaux provinciaux où les liens entre les notables locaux demeurent forts. On peut légitimement se poser la question, sans tomber dans les extrêmes bien connus des Tribunaux du commerce, du positionnement du juge instruisant ou jugeant, quand il le fait au détriment d’un notable local avec lequel il partage bien souvent origine sociale, clubs divers, lieux de villégiature et autres. Le lanceur qui dénonce, ne partage à priori rien avec lui si ce n’est, osons le croire, une farouche défense d’une justice indépendante.

Combien de responsables ?

Trois maux donc et au final un seul vrai responsable, en tous les cas, un acteur unique qui a entre les mains une grande partie de la solution.
L’indépendance effective de la justice, la mise à disposition de moyens suffisants à l’exercice de ses missions, et une diversification sociales de ses acteurs, ne dépendent que de la volonté du politique.

D’expériences et devant une telle conclusion, nous aurions tendance à MetaMorphosis à ne pas être très optimistes sur des évolutions positives pour la justice. Il faudra sans doute passer par une indépendance indiscutable du parquet et un système permettant d’allouer un budget d’une façon indépendante du seul pouvoir exécutif.

MM.

La CJIP, une justice au rabais

Revoilà la CJIP (Convention Judiciaire d’Intérêt Public) ! Nous en avions déjà longuement parlé et débattu sur MetaMorphosis (ici et ) et il faut dire que nous n’avions pas eu, à priori, l’intention d’y revenir.
Nous sommes allés dans ce débat, très tôt, avec notre légitimité de lanceurs d’alerte, voyant que d’autres se proclamant leur défenseur, monopolisaient le débat sans jamais prendre le soin de les interroger parmi les premiers intéressés. Nous sommes entrés avec force dans ce débat car nous avions tout de suite vu que la CJIP risquait de conduire à un déni de l’action des lanceurs d’alerte, qu’elle conduisait à nier ce pour quoi ils se battaient, et parce que notre conception de la justice était opposée à un tel dispositif.

L’un des principaux défenseurs de cette disposition était à l’époque l’association Transparency International France (TIF). Seule contre tous, mais fière de l’être, TIF revient, au travers d’une tribune de son Président «La convention judiciaire d’intérêt public, un instrument utile pour faire reculer la corruption et l’évasion fiscale» (publiée par le journal Le Monde ici), soulignant son engagement en faveur de la CJIP tout en rappelant le contexte de son adoption.
«La CJIP est une innovation récente, inspirée des mécanismes américain et anglais de transaction pénale et introduite en droit français par la loi dite Sapin 2. Avec ce dispositif, le procureur de la République peut décider de renoncer à engager des poursuites contre des entreprises accusées de corruption, à condition que l‘entreprise reconnaisse les faits, collabore avec la justice, mette en œuvre des mesures de remédiation, paie une amende et indemnise les victimes.
Ces engagements sont formalisés dans une convention signée par l’entreprise sous le contrôle du juge et en toute transparence puisqu’elle est rendue publique. L’Agence française anticorruption en contrôle la bonne exécution. Dès 2016, Transparency International France avait plaidé activement en faveur de ce dispositif, qui vient enrichir la palette des réponses pénales en matière de délinquance économique et financière».

Reconnaissons que ce n’est pas parce que l’on est quasiment les seuls à maintenir une position que l’on a nécessairement tort. Ce serait faire un procès d’intention.

Alors voyons les arguments, en reprenant le temps long de la prose de la Tribune de TIF pour ne pas être accusés de déformation des propos.

«Rappelons de quel constat nous étions alors partis. Plus de seize années après la ratification par Paris de la convention de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la corruption internationale, aucune entreprise n’avait été condamnée de façon définitive en France pour des faits de corruption. La quasi-immunité de fait dont bénéficiaient les entreprises françaises ne les incitait pas à se doter de dispositifs efficaces de prévention de la corruption».
Pouvait-on se satisfaire de cette situation – quasi-immunité de fait, lenteur des procédures et donc inefficacité de notre réponse pénale face aux flux financiers illicites, sans cesse plus sophistiqués, opaques et internationalisés ?
Certainement pas ! Et ce d’autant moins que l’arsenal judiciaire français ne prémunissait nullement les entreprises françaises contre de sévères condamnations à l’étranger, notamment aux États-Unis. Chacun garde en mémoire le cas emblématique d’Alstom.
En confiant au juge pénal une nouvelle arme, la CJIP, la loi Sapin et le projet de loi de lutte contre la fraude fiscale entendent répondre à cette urgence»
.

✅ Nous ne pouvons que souscrire à ce constat, la situation ante-CJIP n’était pas satisfaisante. Il fallait donc trouver des moyens d’y remédier.

«L’objectif [de la CJIP] est clair : s’assurer que les entreprises responsables de faits de corruption ou qui fraudent le fisc soient sanctionnées rapidement, à des niveaux à la hauteur de la gravité des faits, et contraintes à coopérer et à mettre en place des programmes de remédiation adaptés.
De manière connexe, les économies de temps et d’argent ainsi réalisées permettront à la Justice de traiter plus rapidement les affaires de corruption et de fraude et ainsi d’en multiplier le nombre. La CJIP est donc un instrument utile entre les mains du juge pour faire reculer la corruption et l’évasion fiscale».

L’objectif affiché est alléchant : on y parle de responsabilités, de sanctions en accord avec la gravité des faits, et de dispositifs de prévention. Un monde parfait en somme…
En réalité, tout est dans le poids des mots, dans celui que l’on veut bien leur donner, conformément à l’image que l’on se fait d’une Justice de plein exercice dans une démocratie.

Chercher les responsabilités certes, mais la justice est là pour déclarer aussi des culpabilités.
Se limiter aux seules responsabilités c’est rendre la justice hémiplégique. Les lanceurs ne dénoncent pas pour qu’on leur égrène la longue liste des responsables, des responsables à demi, des responsables par omission, des responsables contre leur volonté, des responsables contre leur plein grès et tant d’autres, mais pour que soient désignés par la justice les coupables des faits dénoncés.

❎ Sanctionner à la hauteur de la gravité des faits ? Les premières sanctions financières prononcées sous la CJIP sont la démonstration qu’il s’agit soit d’un vœu pieux soit d’un aveu d’impuissance. Il faudra quand même que l’on nous explique pourquoi des entreprises motivées par l’unique profit accepteraient, même si on prend en compte les risques d’images dont au final elles n’ont dans la réalité que faire, de payer une amende supérieure au titre de la CJIP à celle qu’elles entoureraient devant un tribunal ?
Nous savons pertinemment, notamment dans le secteur financier, que les sommes payées sont toujours inférieures aux gains encaissés, ce qui explique pourquoi ces entreprises continuent ce type d’affaires puisque qu’elles sont, au final, toujours gagnantes, même en tenant compte des amendes potentielles.

❎ Quant aux dispositifs de prévention, l’expérience américaine dont on se revendique pour vanter les bienfaits de la CJIP démontre au contraire leur inutilité : on ne compte plus les entreprises, notamment des banques, condamnées plusieurs fois en quelques années, pour quasiment les mêmes faits et qui étaient censées mettre en place des dispositifs de prévention. Soit ils ne servent à rien, soit ils ne sont pas contrôlés.

Alors oui on y arrive, TIF est elle aussi dans l’air du temps, la CJIP c’est pour faire des économies et désengorger les tribunaux. La belle affaire !
Parce que, et c’est la position des lanceurs d’alertes et de tout citoyen un peu attachés à une Justice digne de ce nom, nous pourrions plutôt nous battre pour que la France consente à sa justice un budget et des effectifs suffisants, au moins équivalents à ceux des autres grands pays européens, alors qu’elle ne fait que s’enfoncer depuis de longues années en queue de peloton.
Il y a des combats plus nobles que celui d’une justice au rabais.

Ensuite, nous avons droit à un florilège de bonnes intentions dont on se dit qu’il aurait été judicieux d’y penser avant.

«Pour autant, le recours à ce dispositif, alternatif aux poursuites, suppose néanmoins que certains préalables soient réunis. L’analyse des quatre premières conventions signées nous incite à être vigilants et à demander que soient précisées et renforcées les conditions de mise en œuvre et de sanction de la CJIP.
Le recours à cette procédure devrait tout d’abord être exclu en cas de récidive ou lorsque les faits présentent une gravité exceptionnelle. Dans de tels cas, l’exemplarité du procès pénal reste essentielle. Elle ne devrait également être possible que si l’entreprise accepte de coopérer pleinement et sincèrement à l’enquête en cours».
« Transparency avait proposé que l’amende puisse être modulée en fonction du niveau de coopération. Enfin, concernant les sanctions, la loi gagnerait à être modifiée afin que puisse être prononcée, en sus de l’amende (qui vient sanctionner le comportement) et de l’indemnisation des victimes, la confiscation et la restitution des profits illicites.
Ainsi, au-delà des polémiques, ne dispersons pas notre énergie face à la délinquance économique internationale. Concentrons notre énergie sur l’évaluation du dispositif afin d’en tirer les leçons et d’en renforcer la portée et l’efficacité. C’est ainsi que la CJIP pourra véritablement prendre sa place dans la panoplie des outils efficaces de lutte contre la corruption et la fraude fiscale».

✅ Merci TIF, pour cette Tribune et surtout merci, pour cette phrase, où tout est dit :
«Dans de tels cas, l’exemplarité du procès pénal reste essentielle».
Nous voyons bien où TIF se positionne, en écho à toutes les dispositions prises par les derniers gouvernements et spécifiquement l’actuel (droit à l’erreur, droit des affaires…) : un droit pénal à la carte, que vous soyez récidiviste ou pas, que ce soit grave ou pas…
Mais qui va décider de la gravité des faits, gravité pour qui ?
TIF voudrait se faire, «en même temps» procureur et avocat ?

Ce ne peut pas être la position des lanceurs d’alerte et TIF le saurait si elle s’en souciait.
Il est d’ailleurs très révélateur que cette Tribune ne prenne à aucun moment le soin de citer les lanceurs d’alerte, ni de parler Justice autrement qu’en terme de procédures.
Les lanceurs ne demandent qu’une chose et n’ont besoin que d’une chose : de Justice! Celle qui condamne et non celle qui amende, celle qui répare par une privation d’exercice et non par une simple privation de quelques sous, celle qui s’inscrit dans le temps, sur un casier judiciaire, et non celle qui offre au mis en cause de proclamer haut et fort, à la face des lanceurs d’alerte, qu’il n’a jamais été condamné.

Avec une vraie Justice le lanceur d’alerte peut se reconstruire, avec la CJIP on ne fait que le marginaliser un peu plus…
Derrière les mots il y a les choses, derrière les mots il y a un vécu et des souffrances, derrière le courage de dénoncer il ne peut et il ne doit y avoir que la Justice.

MM.

Contrôler, un peu, sans sanction, c’est mieux !

Contrôler, un peu, sans sanction, c’est mieux !
Revenons rapidement sur l’affaire de l’IME de Moussaron suite à une rencontre récente, organisée par les deux lanceuses d’alerte de ce dossier (dénonciation de maltraitance sur enfants handicapés), Bernadette Collignon et Céline Boussié, toutes deux accompagnées de représentants syndicaux, et l’ARS (Agence Régionale de Santé).

L’article de La Dépêche «Maltraitance à l’IME de Moussaron : les lanceurs d’alerte dénoncent l’impunité de la direction» (ici), rappelle les circonstances et le contexte de cette rencontre ainsi que la nature des questionnements et des échanges entre les deux parties.

Frapper à la porte des autorités de contrôle ?

Si lancer une alerte reste une bataille de long terme aux conséquences ravageuses pour le lanceur, il est bon ton de souligner la responsabilité de ceux qui en support à l’exercice de votre profession, sont chargés d’une part de vous écouter, d’autre part de vérifier vos dires et auxquels cas, outre prendre en temps et en heure les mesures adéquates que tout professionnel est censé attendre de leur part, se sentir à minima concernés par les suites à donner à un dossier où nombres de lignes rouges ont été franchies.

Nous profitons donc de cet événement pour rappeler que les comportements de l’autorité de contrôle de la profession dénoncés par les lanceuses d’alerte est malheureusement chose courante quel que soit le secteur d’activité, et demeure sans doute l’un des éléments essentiels à la solution de la situation des lanceurs d’alerte.

Les autorités de contrôle, efficientes ?

Mieux vaut prévenir que guérir, dit-on habituellement. On n’en demande pas tant, encore que… la pratique de contrôles non planifiés et totalement impromptus serait déjà une bonne façon de prévenir.
A défaut, lorsque les symptômes sont identifiés, ou que l’on est alerté de leur éventuelle existence, la moindre des choses serait de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer une guérison rapide et efficace. Tout ceci semble tellement évident que l’on a tendance à l’oublier : effectuer des contrôles « surprises » pour prévenir, déceler les dysfonctionnements par des contrôles approfondis, y mettre fin par des injonctions, et sanctionner ceux qui ont fauté.
Car au final, les contrôles ne sont nécessaires que s’ils veillent en même temps à la prévention et à l’exemplarité, seule façon de créer une culture de la déontologie et leurs organes utiles que s’ils sont respectés et que leurs décisions permettent d’améliorer les comportements.

De la théorie à la pratique

Dans la vraie vie, nous en sommes très loin.
➡️ Comment veut-on qu’un organe de contrôle qui prévient le futur audité plusieurs mois à l’avance de sa venue soit pris au sérieux, quand il n’informe pas préalablement des informations dont il voudra prendre connaissance ?
➡️ Comment veut-on qu’il soit à la fois respecté et que sa mission permette de changer les comportements quand, même devant l’évidence, il ne prend jamais de sanctions ?
➡️ Comment veut-on que ceux qui sont en charge au sein de l’entreprise de s’assurer du respect des dispositions légales se sentent concernés, quand l’autorité de contrôle dont ils peuvent eux-mêmes dépendre, ne remplit pas ses propres obligations en transmettant à la justice les affaires les plus graves ?

Rappelons-le, l’alerte dans l’IME Moussaron a longtemps été lancée, puis étouffée jusqu’à ce qu’elle réapparaisse au grand jour, reportage à l’appui confirmant l’ensemble des déclarations.
La dernière lanceuse de ce même dossier, la seule reconnue en tant que telle par la justice (ici), elle, n’a pas diffamé. Sans doute, les images l’ont sauvée.
Et ?
Rien.

On aurait pu s’attendre à ce que l’ARS prenne enfin ses entières responsabilités jusqu’à déposer plainte auprès du Procureur Général de la République au regard des faits graves dénoncés par les lanceuses. Il n’en est rien non plus.
« L’ARS nous a répondu qu’ils ne pouvaient pas le faire pour des faits antérieurs » dixit Xavier Guiot, présent au rendez-vous.
L’ARS, aurait-elle donc, elle aussi, manqué à ses devoirs ?
Quoi qu’il en soit, elle a contrôlé à nouveau en avril dernier et assuré aux lanceuses, que la gestion de l’IME s’est améliorée.
Contrôler, un peu, sans sanction, c’est mieux !

Conséquences

Les manquements à la loi et les comportements inappropriés ne diminueront pas, car ceux qui les commettent ne se sentent pas menacés et ceux en mesure d’y mettre fin, ne s’en sentent pas obligés.

Sans des autorités de contrôle dotées de véritables pouvoirs et démontrant surtout une volonté réelle à la fois d’éducation par ses actions de préventions et de sanctions par des décisions rapides et exemplaires, il y a peu de chance que la situation évolue favorablement.
Par nature même, l’entreprise, si elle sait qu’elle n’a pas grand-chose à craindre, privilégiera toujours son intérêt direct et sa renommée à la dénonciation de comportements déviants.
La composition de toutes ces autorités de contrôles d’une part et les pouvoirs d’investigation et de sanction octroyés par le législateur d’autre part, sont les deux axes sur lesquels toute évolution positive doit s’ancrer.

En vérité ne perdons pas de vue qu’avec des autorités de contrôle dignes de ce nom, une multitude d’affaires n’auraient pas même besoin de lanceurs d’alertes, ou en tous les cas pour un temps très limité, ce qui leur permettrait de revenir rapidement à une vie normale et de ne pas subir indéfiniment la peine du juste.

MM.

Discuter de la thématique de l’alerte ?

Un moindre défi pour la rédaction « Lelanceur » qui s’apprête à rencontrer ces six prochains mois des lanceurs d’alerte un peu partout en France, afin de créer ensemble une nouvelle revue consacrée à l’alerte et à l’enquête.
La rentrée du Lelanceur qui reprend le 04 septembre à Brest, se poursuivra sur Paris, le 20 septembre 2018 en présence de membres fondateurs du Collectif MetaMorphosis, Nicolas Forissier, lanceur d’alerte de l’affaire UBS et Gilles Mendes pour les détournements de la loi Handicap.
Seront également présents une chercheuse spécialiste de l’alerte et du cofondateur de la plateforme de protection des lanceurs d’alerte (PPLAF) en Afrique.

L’évènement aura lieu Jeudi 20 septembre entre 18h et 20h au café-restaurant La Halle aux Oliviers de La Bellevilloise, 19-21 rue Boyer, Paris 20e.

C’est gratuit et ouvert à tous, en vous inscrivant à rencontres@lelanceur.fr

Venez nombreux.

MM.

La maison des lanceurs d’alerte: tout ça pour ça

Et la lumière fut…

« Cette Maison des lanceurs d’alerte, projet en gestation depuis une quinzaine d’années est porté par 23 ONG et syndicats et doit voir le jour avant la fin novembre. Son ambition : assurer aux lanceurs d’alerte une protection juridique, administrative et éventuellement financière ».

Quinze ans de grossesse, le bébé ne peut être que beau. Dans cette maison, vivement qu’on s’y retrouve tous !

Ah, merde: « L’idée n’est pas forcément d’accueillir les gens dans cette Maison des lanceurs d’alerte, mais il y aura une permanence téléphonique ».
Dommage qu’il ait fallu quinze années pour aller chez Darty y acheter un téléphone répondeur à 30 euros…

Quinze années mais au moins le lanceur pourra se décharger du poids de ses « secrets »!
« Il faudra aussi réfléchir au moyen de sécuriser la transmission de l’information pour éviter que les gens ne se mettent en danger ». Oui, c’est sûr, Snowden s’est dit « je vais balancer mes infos et je verrai ensuite comment les sécuriser… ».

Mais bon, l’essentiel c’est de se sentir protégé : « D’où l’idée de créer un espace réellement protecteur pour ces salariés parfois détenteurs de lourds secrets », sauf qu’il n’y a pas «forcément» d’espace et que les informations ne sont pas protégées ! Compliqué tout ça. D’un autre côté, le projet n’est animé que par 23 ONG et syndicats!

Ah, les syndicats, ils ont l’air au cœur du projet et c’est bien normal car : « L’action syndicale peut être très utile dans l’alerte. Si le syndicat s’engage dans ce sens, ça change tout ».
Ah oui, c’est vrai, nous n’avons pas précisé sur quelle planète se trouvait cette « Maison des lanceurs d’alerte ». Parce que nous les lanceurs, sur notre planète, les syndicats en plus d’avoir été absents au premier moment de l’alerte, jouent très majoritairement -lorsqu’ils apparaissent- la carte de l’intérêt catégoriel contre l’intérêt général, la carte de leur situation contre celle des lanceurs.
Si ceux à l’origine du projet avaient pris soin de recevoir quelques uns d’entre nous, ils auraient eu une avalanche de témoignages et d’expériences concrètes… Sans doute leur ligne téléphonique était en dérangement. Ça doit être ça… certains lanceurs attendent depuis deux ans que T.I. France daigne leur répondre!

Après, que dire de plus ?
Qu’il y a les méchantes lois Sapin II et droit des affaires, que créer la « Maison des lanceurs d’alerte » c’est les combattre, que les lanceurs vont en chier, mais qu’on est là pour leur dire comment en chier!

On va vous rassurer: les lanceurs en chient très bien tout seul. Aux abonnés absents, nous y sommes habitués; ceux qui montrent leur tête aux médias ou sur les marches des Palais de justice uniquement pour se faire mousser, nous les connaissons bien…Ah l’entre-soi quand tu nous tiens!

Pour paraphraser Coluche et résumer ce que sera cette « Maison »:
«Dites-moi ce dont vous avez besoin, je vous expliquerai comment vous en passer» !

MM.

PS: Si vous trouvez le ton inapproprié, sachez qu’on peut être extrêmement vulgaire sans dire un seul gros mot.

« bla bla bla les lanceurs d’alerte »

Facebook fait encore des siennes. Censure déguisée ? Ça commence à faire beaucoup…
Nous avions entamé une discussion fort intéressante lancée par Philippe Juraver de la France Insoumise, un des porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, qui a dû s’arrêter tout net suite à la suppression de l’ensemble des échanges. Et Facebook qui va encore nous dire que c’est un problème technique….

Trêve de plaisanterie.

➡️ Résumons :

Nous avions été intrigués par le post suivant:


Les lanceurs d’alerte du Collectif MetaMorphosis, s’ils connaissent bien Céline Boussié et son alerte, n’étaient pas informés de celle menée par Marie Laure Darrigade présentée pour la première fois comme lanceuse alors même que s’était tenue une conférence d’université d’été dont le thème très ambitieux était d’aider tout un chacun « à apprendre à reconnaître » (sic) les lanceurs d’alerte!

Le sujet nous concernant directement, nous avons cherché à en savoir plus, toujours prêts à aider les lanceurs dans leur combat.
Pour se faire, nous avons osé questionner un des porte-parole de la FI, et faute de réponse, osé relancer… Aux dits posts, la réponse fut pour le moins étonnante.

Le plus étrange dans cet échange est que la personne présentant Madame Darrigade comme lanceuse, fut incapable d’expliquer en quoi et sur quels faits repose son alerte.
Nous n’insisterons pas sur l’arrogance qui voudrait que les questions que l’on se pose n’auraient aucun intérêt puisque de toute façon il s’agit de faire la révolution sans réfléchir!
La lutte des lanceurs d’alerte ne serait (en plus d’être déformée), qu’accessoire.
Voilà où nous en sommes…

Nous vous posons là, la suite des échanges :

Faute d’arguments certainement, ces échanges s’arrêtèrent brusquement puis disparurent mystérieusement après les habituels « blocages » des quelques intervenants…sans doute le fait de l’horrible impérialiste américain Facebook puisque nous savons tous que la FI est une défenseuse intransigeante de la liberté d’expression et de la vérité… tant qu’il s’agit de la sienne!

➡️ En résumé, et sans vouloir en faire une religion, nous estimons comme exprimé dans l’un des posts, que les combats se gagnent dans le respect de ce qu’endurent ceux qui les mènent, que la défense des lanceurs d’alerte passe par la reconnaissance d’un statut précis, seul gage de visibilité et de crédibilité. Par conséquent, nous condamnons toutes récupérations pouvant se faire sur leur dos, à des fins politiciennes que cela se passe à Debout la France, à la FI ou ailleurs.
MetaMorphosis défend des alertes et des lanceurs, MetaMorphosis ne reconnait pas le droit aux usurpateurs de faire leur honteux business sur le dos de ceux qui ont pris tous les risques, qui les assument et qui les paient au prix fort. Qu’ils prennent notre place!

➡️ Finissons positivement en répondant nous-mêmes à la question, «comment reconnaître les lanceurs d’alerte ?» sans trop compter sur les talents oratoire et d’argumentation de Monsieur le porte-parole : « bla, bla, bla… ».
Nous lui rappellerons qu’il existe aujourd’hui un cadre juridique sous le nom de Loi Sapin II qui définit qui peut se prévaloir du statut de lanceur d’alerte :
Le lanceur d’alerte est « une personne qui, dans le contexte de sa relation de travail, signale un fait illégal, illicite et dangereux, touchant à l’intérêt général, aux personnes ou aux instances ayant le pouvoir d’y mettre fin ».
«Un lanceur d’alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général, dont elle a eu PERSONNELLEMENT connaissance. »

Nous avons beaucoup écrit sur cette loi dans MétaMorphosis, relevant incohérences et insuffisances mais nous militons pour une définition précise du statut pour deux raisons essentielles :
– La crédibilité des lanceurs, dénonciation ne pouvant être délation
– La nécessité d’une protection qui ne peut s’inscrire que si le lanceur est en mesure d’appuyer ses dires à des faits (la force de la preuve)

Un tel statut est nécessaire car il protège le lanceur de personnes mal intentionnées et du discours habituel des entreprises incriminées à ne voir que délation et vengeance.
L’attitude de certains à dénoncer des faits pour chercher à recouvrir un avantage personnel ou satisfaire un règlement de compte, nuit énormément à la cause des lanceurs. Nous ne pensions pas que certains iraient jusqu’à utiliser le combat des lanceurs pour satisfaire des ambitions politiques, argumentant ce qu’aucun exemple ne vient confirmer, bien au contraire, que seule la défense de la cause au travers d’un organe politique ou syndical lui assurerait une fin heureuse.
Il ne s’agit pas de croyance en un parti mais de combat républicain. Les alertes qui dénoncent soit des manquements à la loi soit des risques relevant de l’intérêt général ne sont pas question d’encartage politique mais relèvent uniquement du droit et de la justice.
S’autoproclamer lanceur sous la bannière d’un parti et vouloir faire croire qu’une telle action se ferait au nom de tous, c’est totalement méconnaître la réalité de ce qu’est une alerte citoyenne ou pire la mépriser.

MM.

Dans la série « c’est quand même bien foutu »

Certains des lanceurs d’alerte fondateurs de MetaMorphosis se sont vus intimer un jour qu’il fallait choisir leur camp.
Que dans nos relations privées ou intimes nous choisissons notre camp, même si la formule peut paraître cavalière, elle ne semble pas aberrante. Les affinités, le partage de valeurs, modes de vie ou idées nous conduisent nécessairement à privilégier certaines relations à d’autres.
Dans l’exercice d’une profession, d’autant plus fortement réglementée, on ne voit pas très bien ce que des « camps » viennent y faire. Il n’y a, nous semble-t-il, qu’un seul camp, celui des réglementations et lois en vigueur, de l’exercice de son métier selon les règles et usages qui l’encadrent.
Bizarrement, la justice apparaît de plus en plus sensible à une telle argumentation et prendre des décisions en fonction des actions de chacun par rapport au positionnement de l’accusé ou de la victime dans le modèle dominant. Nous l’avions déjà évoqué sur ce site, le corps judiciaire n’est qu’un corps social parmi d’autres, qui a une fâcheuse tendance à se conformer et à reproduire le discours dominant.

Deux exemples dans l’actualité du jour.

➡️ Capital le 18/08/2018: «Promotion du livre de Marlène Schiappa aux frais de l’État: la CNIL passe l’éponge», ici .

Bel exemple de notre «c’est bien foutu quand même».
Le journal nous rappelle que «Le «détournement de finalité de fichier» est passible de cinq ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende».

A part certains ayatollahs macronistes, tout le monde conviendra que Schiappa est à la fois insupportable, inutile et dangereuse. Nous avons quand même à faire à quelqu’un qui ne doit pas disposer de toutes ses facultés mentales pour avoir vu un jour en Brigitte Macron la nouvelle Simone de Beauvoir (sic).

Nous vous rassurons, Schiappa a choisi le bon camp : elle bénéficie, grâce à la grande mansuétude de la CNIL, du «droit à l’erreur». Après Lagarde qui bat tous les records, avec une petite erreur condamnable à 300.000 euros c’est déjà un beau résultat pour Schiappa…
Mais soyez rassurés, le « droit à l’erreur » ne s’applique pas à tous. Et certaines erreurs, malgré votre bonne foi, on ne peut vous les pardonner…

➡️ The Guardian du 18/08/2018 «Former UBS trader Kweku Adoboli vows to fight deportation», ici.
On ne reviendra pas sur l’histoire de ce trader d’UBS qui rappelle un peu le cas de Kerviel en France, puisqu’il reconnaît ses responsabilités mais insiste que ses actes n’ont pu être commis qu’avec l’accord ne serait-ce que tacite de son employeur.
Comme dans le cas de la Société Générale, Adoboli a été le seul à payer, lourdement.
Mais quand c’est fini, ça n’est jamais vraiment terminé… Il faut qu’il paye et jusqu’au bout! vive la double peine! Après la condamnation judiciaire, le bannissement, les autorités britanniques envisagent de l’expulser dans son pays de naissance, le Ghana, avec tous les risques que cela peut représenter pour lui…

Résultat des courses:
Si tu as bien choisi ton camp, les cinq ans de prison potentiels se transforment en un «droit à l’erreur», dit autrement «nada»…le camp des plus « forts » serait visiblement celui empreint de la « bonne foi » validant rapidement et sans appel la non poursuite de l’affaire.
Si tu n’as pas choisi le bon camp, tu fais ta peine… Ta bonne foi? toujours remise en question. Quoi qu’il en soit on te le fera payer, tant qu’on peut, et plus encore!

Il suffit de le savoir.

MM.

Pour mémoire, ici dans la série du « c’est quand même bien foutu », tribune n°1

Discuter de la thématique de l’alerte ?

Un moindre défi pour la rédaction « Lelanceur » qui s’apprête à rencontrer ces six prochains mois des lanceurs d’alerte un peu partout en France, afin de créer ensemble une nouvelle revue consacrée à l’alerte et à l’enquête.
La rentrée du Lelanceur qui reprend le 04 septembre à Brest, se poursuivra sur Paris, le 20 septembre 2018 en présence de membres fondateurs du Collectif MetaMorphosis, Nicolas Forissier, lanceur d’alerte de l’affaire UBS (ici) et Gilles Mendes pour les détournements de la loi Handicap ().
Seront également présents une chercheuse spécialiste de l’alerte et du cofondateur de la plateforme de protection des lanceurs d’alerte (PPLAF) en Afrique.

L’évènement aura lieu Jeudi 20 septembre entre 18h et 20h au café-restaurant La Halle aux Oliviers de La Bellevilloise, 19-21 rue Boyer, Paris 20e.

C’est gratuit et ouvert à tous, en vous inscrivant à rencontres@lelanceur.fr

Venez nombreux.

MM.

Aide-toi, car ni le ciel ni les politiques ne t’aideront

Dans l’affaire Dewayne Johnson contre Monsanto reprise par l’ensemble de la presse internationale (ici – New York Times 10 Août 2018 : «Monsanto Ordered to Pay $289 Million in Roundup Cancer Trial »), il est bien évidemment question de l’opiniâtreté et de l’obstination d’un individu, d’avocats ayant su intelligemment mener le procès à l’avantage de leur client, et d’un juge statuant dans un État de Californie qui démontre une nouvelle fois qu’il est, notamment sur ces questions de santé publique, en marge du reste de l’Amérique.

De l’affaire Dewayne Johnson contre Monsanto, s’il est une leçon à retenir, c’est celle que les batailles se gagnent seul et que bataille après bataille on finit bien, on l’espère, par gagner la guerre.

Ne préjugeant de l’appel instruit par Monsanto, force est de constater que cette victoire est celle d’un homme seul, d’un citoyen. Car sur ce sujet comme bien d’autres relevant de l’intérêt général, l’histoire nous apprend que, pour le défendre, on ne peut définitivement plus compter sur ceux que l’on aurait dû normalement appeler selon la tradition démocratique, les « représentants du peuple ».
Inactifs sur toutes ces questions, ils ne sont en revanche pas avares de récupération.
Notre ministre à « l’a-écologie », notre Hulot, n’échappe pas à la règle, s’étant fendu immédiatement après cette décision judiciaire, de déclarations qui sentent bon le tirage de couverture. C’est le «début d’une guerre» contre les pesticides…et un «cas d’école du principe de précaution» ici, puis de renchérir avec « le jugement contre Monsanto «vient corriger l’indifférence des politiques » , .
Pour une fois, François Hollande a raison; il n’y a pour tous ces acolytes et sans doute chez l’auteur même du propos, que leur petite personne qui intéresse, se forger une insignifiante postérité sur le malheur des autres et sur leur propre inaction lâche.

Rappelons qu’à l’image des lanceurs d’alerte, Dewayne Johnson ne devrait pas mener un tel combat. D’autant plus que pour le mener et le gagner en première instance, il a besoin d’autres combats individuels lui permettant de mettre en évidence les pratiques coupables de Monsanto.

Du poids de la preuve…
Le journal Le Monde du 11 Août 2018 : «Les « Monsanto Papers », à la base de la controverse sur le glyphosate », ici, revient sur « ce qui a joué un rôle déterminant dans la condamnation de la firme, le 10 août, par la justice californienne. » -Les Monsanto Papers- « […] Ils mettent en lumière un profond hiatus entre les avis rassurants de la plupart des agences réglementaires et la connaissance que la firme a de son produit phare. »
Et le New York Times de rappeller le paradoxe : «In September 2017, the Environmental Protection Agency concluded a decades-long assessment of glyphosate risks and found that the chemical was not likely carcinogenic to humans. But the World Health Organization’s cancer arm in 2015 classified glyphosate as “probably carcinogenic to humans.”».

On en est là : quand nos gouvernants et parlementaires nous rabâchent qu’il n’est pas démontré que le glyphosate est cancérigène pour l’homme, Dewayne Johnson nous démontre qu’on meurt d’une exposition au glyphosate! Mais Dewayne Johnson est bien évidemment un menteur, le temps de la procédure, celui que la maladie a bien voulu lui laisser jusqu’à ce qu’un tribunal vienne à en douter.
On ne va pas épiloguer sur le poids des intérêts financiers, sur la force des lobbies, sur la passivité intéressée, sur la lâcheté consciente de nos classes dirigeantes qui ont perdu depuis longtemps tout sens de l’intérêt général.
Ce triste cas et tant d’autres devraient nous avoir déjà convaincus et nous aider à nous méfier davantage de tous les beaux parleurs qui nous annoncent des lendemains qui chantent, jusqu’à se taire le jour où le pouvoir devient leur maître.
C’est Dewayne Johnson qui pose la première pierre jurisprudentielle alors que ceux en « devoir de faire », ont en plus tous les « pouvoirs de faire ».
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont une utilisation très précautionneuse du principe de précaution. Car c’est la seconde leçon de cette affaire : même si nous admettons qu’il n’y a aucune preuve indiscutable et intangible de cause à effet entre l’exposition à de telles substances et des maladies mortelles, rien n’empêche le législateur de les interdire au titre du principe de précaution. Il aurait été bien avisé de le faire dès les premiers soupçons sur les effets supposés du Mediator ou de l’amiante, mais c’est bien connu, l’homme politique n’apprend jamais rien de l’histoire.

Parce qu’en plus, c’est une affaire qui roule : on n’a aucun mal ni aucun scrupule à assigner à résidence alors même qu’aucun acte répréhensible n’a été commis, une personne suspectée en liens avec des organisations terroristes, ou pire, une personne susceptible de peut être participer à une manifestation qui aura peut-être lieu et qui donnera peut-être lieu à des débordements qui pourront peut-être conduire à des détérioration de matériels… etc…

Avec des peut-être nos hommes politiques rêvent de refaire le monde !
Avec des certitudes Dewayne Johnson fait avancer le monde : Dewayne Johnson est malade, Dewayne Johnson va certainement mourir du cancer mais Dewayne Johnson peut dire enfin que c’est Monsanto le responsable.

MM.

«La fin de la honte»

Après une semaine agitée en macro-benalla faite de révélations au pas de charge, de commentaires en tout genre, d’un peu de fake-news, de récupération politicienne pour certains, de beaucoup de mépris pour d’autres, soyons au minimum satisfaits que la justice se soit emparée de l’affaire et que la Commission d’enquête du Sénat (on ne fera pas honte à l’Assemblée Nationale!), tente avec un certain succès pour l’instant, de démêler les fils du vrai et du faux.
A ce stade, en l’état d’avancement des instances d’enquête, la chronique de Daniel Scheidermann intitulée « Vu de Barjac. Un emballement Benalla ? Alors, vive l’emballement! » (ici) nous semble synthétiser au mieux toute cette agitation que nous pourrions résumer dans la sentence : «La loi, dans son application, c’est pour les autres».

Nous voulions prendre un peu de hauteur et essayer de comprendre ce qui se cache derrière tout ça. C’est peut-être l’écrivain Édouard Louis qui nous apporte un début de réponse avec cet extrait d’une interview donnée en mai dernier à la RTBF ci-dessous. «Pour moi l’émergence de quelqu’un comme Emmanuel Macron, c’est l’émergence de la fin de la honte». Laissons derrière nous l’épisode de la petite frappe élyséenne, et écoutons les exemples avancés par Édouard Louis.
On dit souvent sur les questions d’immigration notamment, mais pas seulement, que la «parole se libère». En fait, cela ne veut pas dire grand-chose, ce qui importe de comprendre c’est ce qu’elle peut bien libérer. Des messages de haine, des signaux d’exclusion, des paroles de rejet de tout ce qui est autre… qui hier retenus, reviennent à la surface. Ce qui les rend possibles, et surtout audibles par beaucoup, c’est qu’effectivement, quelque part, certains ont renoncé à avoir honte, persuadés au fond d’eux-mêmes de l’énormité, de la mauvaise foi, de la fausseté ou même de l’atrocité de certains de leurs propos, cette barrière entre le pensé et le dit, celle qui empêchait justement que toutes les mauvaises vérités ne soient pas bonnes à dire, a volé en éclats.
Nous aurions tendance à suivre Édouard Louis sur les références qu’il prend au macronisme ou au trumpisme.
Au final, c’est bien à cela auquel on assiste dans la campagne de communication du casseur élyséen de manifestants ces derniers jours, pilotée par son ancien (?) employeur : ne pas avoir honte d’affirmer qu’il aurait pu agir ainsi pour sauver la France et ce, dans l’intérêt supérieur de la Nation…

Mais ne pensons pas que tout ceci soit l’apanage des seuls hommes politiques.

Au-delà de ses problèmes de cours de bourse dont nous nous sommes fait l’écho (ici), Facebook semble avoir des interrogations qui interrogent!
En fait c’est surtout son animateur principal, Mark Zuckerberg, qui mérite d’être interrogé.
Dans son édition du 29 juillet 2018, The Guardian publie une excellente tribune de John Naughton (ici) dont le titre évocateur pose à notre sens la question essentielle: «Has Zuckerberg, like Frankenstein, lost control of the monster he created ?».

Dans une interview accordée mercredi 18 juillet à Kara Swisher du site américain Recode, le patron du réseau social aux 2 milliards d’utilisateurs considère que le négationnisme relève de la liberté d’expression et ne doit pas, à ce titre, faire l’objet d’une modération.
Interrogé sur la présence sur Facebook du site complotiste d’Alex Jones, Infowars (près d’un million d’abonnés), Mark Zuckerberg explique que seuls les contenus pouvant entraîner «de réels dommages physiques» feront l’objet d’un retrait, pas ceux qui suscitent un «large débat».
«Prétendre que le massacre de l’école Sandy Hook n’a pas eu lieu ne relève pas du débat. C’est faux» lui objecte alors Kara Swisher la journaliste et de poursuivre «Vous ne pouvez pas simplement retirer ce genre de contenu ?»
«Je suis d’accord, c’est faux» répond Mark Zuckerberg, avant d’enchaîner sur la question du négationnisme :

Zuckerberg : « Je suis Juif, et il y a un groupe de personnes qui nie la réalité de l’Holocauste.
Swisher : – Oui, il y en a beaucoup.
Zuckerberg : Je trouve ça profondément choquant. Mais en fin de compte, je ne crois pas que notre plateforme doive retirer ces choses parce que je pense qu’il y a des choses que tout le monde ne comprend pas. Je ne pense pas qu’ils se trompent intentionnellement, mais je pense…
Swisher : – Dans le cas des négationnistes, ça se pourrait bien, mais continuez…
Zuckerberg : Il est difficile de s’en prendre à l’intention et de comprendre l’intention. Je pense simplement, aussi odieux que certains de ces exemples puissent être, je pense que la réalité est aussi qu’il m’arrive de me tromper quand je parle publiquement. Je suis sûr que vous aussi. Je suis sûr que beaucoup de dirigeants et de personnalités publiques que nous respectons le font aussi, et je ne pense pas qu’on puisse dire : nous allons virer les gens de la plateforme s’ils se trompent, même plusieurs fois. »

Le PDG de Facebook poursuit en suggérant qu’à l’avenir, sa plateforme s’abstiendra simplement d’intégrer ce type de contenus à son fil d’actualité pour ne pas les promouvoir. Autrement dit, il sera encore possible de poster et de partager sur Facebook des contenus affirmant que le massacre évoqué par Sandy Hook était une mise en scène ou que la Shoah est un mensonge.

Du côté du journal juif américain The Forward, on s’interroge : «Pourquoi Zuckerberg est-il si convaincu que les négationnistes sont embrouillés ou ignorants plutôt qu’antisémites ? Zuckerberg est une personnalité publique et un influenceur de tout premier plan ; pourquoi est-il si pressé d’offrir en sacrifice le génocide historique de son peuple sur l’autel de la liberté d’expression ?».

Pour être tout à fait complet, il convient de rappeler que contrairement à la France et à plusieurs autres pays européens, l’incitation à la haine (dont relève, en droit français, le négationnisme) n’est pas considérée aux Etats-Unis comme un délit mais comme une opinion protégée constitutionnellement, seule l’incitation à la violence tombant sous le coup de la loi.

Revenons au texte de John Naughton dans The Guardian : «I can see only three explanations for it. One is that Zuckerberg is a sociopath, who wants to have as much content – objectionable or banal – available to maximise user engagement (and therefore revenues), regardless of the societal consequences. A second is that Facebook is now so large that he sees himself as a kind of governor with quasi-constitutional responsibilities for protecting free speech. This is delusional: Facebook is a company, not a democracy. Or third – and most probably – he is scared witless of being accused of being “biased” in the polarised hysteria that now grips American (and indeed British) politics».

On peut tout à fait aborder cette question d’un pur point de vue juridique et constitutionnel. Malheureusement, s’il peut servir de paravent à Facebook, l’argumentation de base est effectivement choquante : «Pourquoi Zuckerberg est-il si convaincu que les négationnistes sont embrouillés ou ignorants plutôt qu’antisémites ?».
La troisième hypothèse de John Naughton mérite toute l’attention : Zuckerberg a sans doute perdu le contrôle du «monstre», qui, s’il veut continuer à exister, est obligé de s’inscrire dans la bipolarisation politique à l’honneur aujourd’hui, cette bipolarisation qui rend légitime toute parole sous couvert de liberté d’expression, car la honte de dire tout ce que l’on pense, est bel et bien finie.

Face à tout ce brouhaha, ceux qui, comme les lanceurs d’alerte, veulent encore porter une parole juste malgré le poids de la preuve, sont bien nus. S’ils s’attendent à ce que la loi soit dite, elle n’est audible que pour certains; s’ils veulent que la honte poursuive les voleurs, les corrompus et les petites frappes, il suffit de se rendre à l’évidence qu’il n’y a même plus de retenue à être un monstre, même publiquement.

MM.