Nous sommes un collectif apolitique de lanceurs d’alerte qui souhaite partager ses expériences pour mettre en œuvre un outil citoyen permettant d’accompagner les lanceurs et d’informer le public.
Le collectif est épaulé par des professionnels, avocats, journalistes d’investigation, et associations dédiées à l’alerte.
L’affaire « De Rugy », des journalistes les nerfs à vif.
« Ce journalisme n’est pas le nôtre». Les rédactions du groupe EBRA (Dauphiné Libéré, Le Progrès, DNA, L’Est Républicain…) se désolidarisent des propos de Pascal Jalabert réclamant à Mediapart ses sources sur l’affaire De Rugy… Et ils nous le font savoir par un beau communiqué !
Les membres fondateurs de MetaMorphosis ont ri deux minutes à ces déclarations rappelant qu’Ebra appartient au Groupe Crédit Mutuel!
Pour la petite histoire, à l’époque où l’affaire de la banque Pasche (filiale du Crédit Mutuel) avait été révélée par Mediapart, sujet traité au travers de pas moins de 8 articles ici, là, puis ici, ou encore là, puis là, enfin ici et d’ une Une chez ce dernier, aucune reprise, pas une ligne ou si peu qu’elles seraient passées inaperçues, pas même une indignation quelconque au regard des faits dénoncés n’avaient fait l’objet d’un article ou encart dans quasi l’ensemble des journaux du Groupe Ebra!
Mieux encore, à l’époque où nous avions tourné dans le « Spécial Investigation » pour Canal+, nous n’oublions pas que feu le grand patron du Crédit Mutuel qu’était Michel Lucas, avait téléphoné en personne à Vincent Bolloré pour lui demander sa non diffusion pure et simple! Censure faite. Reprise par France télévision, l’enquête «Pièces à conviction» sera quand même diffusée.
De l’affaire comme de ces incidents, nul journaliste du Groupe ne s’est publiquement indigné alors que ces journaux couvrent quasi tout l’Est de la France! Pas de vague… Pour qu’une affaire n’existe pas, il suffit de ne pas en parler.
Se désolidariser des propos de Jalabert est une chose. Par contre, Messieurs les journalistes, si vous voulez être légitimes dans vos propos, encore faudrait-il que vous soyez exemplaires dans vos actions et ne pas avoir une indignation à géométrie variable! Cette indignation confortable d’aujourd’hui alors qu’elle fut sélective hier… Il aurait été plus noble à une époque, de s’offusquer pour la censure à laquelle au final vous avez participé, que de gesticuler à présent quant à l’indispensable protection des sources, vous rappelant qu’elle ne vaut rien quand il est décidé d’ignorer une affaire en amont.
Qu’est ce qu’un lanceur d’alerte ? Question de multiple fois évoquée sur MetaMorphosis et ailleurs, dont on pourrait penser que chacun en a plus ou moins une définition et une idée précise.
Il a été porté à la connaissance de MetaMorphosis les termes d’une conversation entre un lanceur d’alerte et une personne bien connue du monde de l’alerte navigant au travers des problématiques des lanceurs. Précisons tout de suite, que cette dernière n’est pas elle même un lanceur ce qui explique sans doute en partie les arguments qui sont les siens.
Cette personne critique vertement MetaMorphosis sur trois points précis, critique qui impose à notre sens une clarification.
La loi Sapin 2
Tout d’abord, il est reproché à MetaMorphosis dans sa définition du lanceur d’alerte, de prendre comme référence la loi Sapin 2.
Il est vrai que le Parlement Européen et la Commission ont validé un nouveau cadre protecteur des lanceurs d’alerte qui va bien au-delà de la loi Sapin 2 et apporte de réelles avancées notamment dans la possibilité du choix du canal d’alerte ce dont MM. s’est fait l’écho à plusieurs reprises. A cette heure-ci, ladite directive n’est toujours pas retranscrite dans le droit français (et l’on peut raisonnablement penser qu’elle le sera le plus tard possible compte tenu de l’attitude du gouvernement français dans la négociation de la directive) et donc si des lanceurs veulent faire valoir leurs droits devant les tribunaux français, ils n’ont d’autre possibilité que de se référer au cadre légal en vigueur et accessoirement à certaines dispositions de la CEDH sur la question. La situation des lanceurs étant déjà suffisamment difficile, il n’est pas nécessaire d’aller chercher des complications supplémentaires en s’appuyant sur une définition non encore applicable dans le droit. On peut effectivement souhaiter que la définition européenne soit le plus rapidement possible le cadre sur lequel les lanceurs pourront se baser, il n’en demeure pas moins, quitte à déplaire à certains, que dans un État de droit, ce sont les lois en vigueur qui s’appliquent et non pas celles que chaque citoyen souhaiterait se voir appliquer ! Alors oui, quand MM. fait référence à la définition du lanceur d’alerte, même s’il n’en est pas totalement satisfait, il s’appuie sur celle qui fait référence actuellement : à savoir la loi Sapin 2.
Au-delà de la question de forme, ce genre de débat est d’une inutilité incroyable qui ne vient que polluer un peu plus l’action des lanceurs déjà confrontés à suffisamment de barrières en tout genre pour que ceux prétendant les aider viennent en rajouter. Mais il est vrai que pour le comprendre, il faut être soi même lanceur c’est à dire être confronté à une réalité quotidienne tellement oppressante, qu’il n’y a plus de place pour les grands et les beaux discours inutiles.
La notion du désintérêt
Ensuite, nous avons une position différente sur la notion de désintérêt. Suite à notre précédent propos, l’action désintéressée du lanceur fait partie de la définition de la loi Sapin 2 qui est à ce jour la référence sur cette question. Notre interlocuteur, n’a pas pris soin de toute évidence de bien lire la loi. Son argumentation repose sur le fait que même si le lanceur est honnête dans sa démarche, il aurait toujours un intérêt personnel à agir. Donc, selon lui, le lanceur est nécessairement intéressé et ce faisant il serait donc inutile de revendiquer et de se battre pour cette notion de désintérêt. Or, ce n’est pas ce que dit la loi. Elle mentionne que le lanceur est une personne « qui agit par désintérêt »; le désintérêt ne porte donc pas sur le lanceur lui même mais sur son action, ce qui est foncièrement différent ! Il est évident que tout lanceur a un intérêt, ne serait-ce que soit mis fin aux faits délictueux dénoncés, ne serait-ce s’il s’engage dans une longue procédure au bénéfice de l’intérêt général, qu’il n’en supporte pas lui seul les conséquences professionnelles et financières. On ne parle pas ici de l’intérêt du lanceur et même si nous reconnaissons que la loi Sapin 2 est loin d’être satisfaisante, nous pensons à MM. que cette notion d’une action désintéressée est primordiale. A défaut, c’est la porte ouverte à la validation morale et juridique de tous ceux qui réalisent un acte de dénonciation avec pour motivation première et quasiment unique d’en tirer un intérêt personnel. Sans motivation financière, l’aviseur fiscal ne réalise pas d’alerte. Sans un intérêt personnel qui lui est propre, le délateur ne passera pas à « l’action ». La position du lanceur de ce point de vue est totalement différente puisque la motivation première de son action n’est pas de satisfaire un intérêt immédiat, mais bien de mettre fin à des atteintes à l’intérêt général. Il est triste que certains ayant la prétention de se poser en référant des lanceurs ne soient pas en mesure de faire cette différence essentielle, et en proclamant haut et fort que « tous les lanceurs sont intéressés » ils nuisent gravement à leur action et portent un trouble dans l’esprit de l’opinion publique. Une fois de plus, il faut être effectivement un lanceur d’alerte pour mesurer cette différence, car au final bien souvent ni le délateur ni l’aviseur agissant par intérêt personnel ne vont connaître le parcours mortifère des lanceurs.
La notion de bonne foi
Enfin, dernier point tout aussi fondamental et qui démontre une fois de plus une totale méconnaissance de la part de notre interlocuteur du sujet de l’alerte, la notion de bonne foi. La loi Sapin 2 prévoit que le lanceur d’alerte cette fois-ci et non son action, doit être de bonne foi. Nous voyons mal d’un point de vue purement éthique comment on peut s’opposer à cette notion. Il semble en effet évident à partir du moment où l’on dit agir pour l’intérêt général parce qu’il existerait des atteintes graves à la loi, ou des actions contraires à la morale, que l’on puisse agir autrement que de bonne foi. Il faut quand même avoir un drôle de fonctionnement pour prétendre qu’il serait superflu de demander aux lanceurs qu’ils agissent selon ce critère. Parce qu’à défaut, cela signifierait que toute alerte même de mauvaise foi, aurait la même valeur et la même portée juridique que celle réalisée conformément à ce principe. Plus encore, et c’est en ce sens que la position de notre interlocuteur est aberrante, le législateur a souhaité inscrire cette notion de bonne foi avant tout pour protéger le lanceur d’alerte ! En effet, compte tenu des cloisonnements des systèmes d’information dans la plupart des organisations, il peut s’avérer qu’un lanceur fasse une dénonciation sur la base des informations en sa possession, persuadé ce faisant qu’il répond à ses obligations professionnelles et légales. Il agit de bonne foi puisque rappelons-le, la loi ne demande pas au lanceur de se substituer à la justice mais juste d’avoir des soupçons raisonnables et documentés pouvant lui laisser penser que ce qu’il dénonce est un manquement aux lois ou une atteinte à la morale. Or il peut s’avérer que des informations non portées à sa connaissance lors de l’alerte viennent infirmer les soupçons d’origine. Le juge appréciera alors si le lanceur a agi de bonne foi et si c’est le cas, il sera à l’abri de toutes poursuites ou représailles. Cette notion de bonne foi est donc fondamentale car elle est avant tout une protection pour le lanceur, et la jeter avec l’eau du bain comme se le propose notre interlocuteur c’est une nouvelle fois affaiblir le lanceur et l’exposer à des parcours judiciaires interminables. A nouveau, quitte à radoter, il faut être lanceur pour comprendre l’importance de cette notion puisqu’à MM. dans la longue expérience qui est la nôtre, nous avons été amenés à croiser ce type de personnage s’affichant haut et fort comme lanceur mais dont les motivations et la bonne foi suscitent d’innombrables questionnements.
Un coup de gueule aujourd’hui dans MM. parce que les lanceurs commencent vraiment à être fatigués de tous ces gens, associations, donneurs de leçons en tout genre, qui ne sont pas eux-mêmes des lanceurs, qui s’autorisent à parler en leur nom et à leur place alors qu’ils ont une connaissance toute relative du sujet. N’en déplaise à tous ces gens, un lanceur n’est pas un délateur, un lanceur n’est pas motivé par un intérêt personnel, un lanceur ne fait pas de dénonciation pour se venger, un lanceur agit de bonne foi ce qui est la meilleure garantie d’un éventuel droit à l’erreur.
Nous le savons, MM. et ses animateurs gênent, car MM. maîtrise le sujet, parce que MM. est légitime dans sa parole et ses actions, et qu’ MM. ne se taira pas même si certains font tout pour l’évincer.
Être lanceur n’est pas un choix, ça n’est pas si je veux, comme je le veux, pas même quand je le veux !
« Des journalistes de presse écrite, de radio, de télé, du web, des artistes, des acteurs de l’actualité, des photographes, des experts, des témoins viennent à votre rencontre cet été.Trois jours de rencontres, d’ateliers et de rendez-vous festifs pour comprendre le monde comme il va. Les 12, 13 et 14 juillet, dans un petit village au bord de l’eau, venez discuter de l’actualité sans tabou dans une ambiance conviviale et un cadre exceptionnel » .
Nicolas Forissier, membre fondateur du Collectif MetaMorphosis, principal lanceur d’alerte de l’affaire UBS France ayant connu une première décision judiciaire cette année, est invité au Festival International du Journalisme à participer à l’une des conférences proposées:
« LES JOURNALISTES SONT-ILS AU-DESSUS DES LOIS ? »
Il interviendra en sa qualité de lanceur d’alerte le
Samedi 13 juillet à 11H00 sur le thème : « Mis en cause, survit-on à une affaire ? » au côté de deux politiques Messieurs Julien Dray et Jean-François Copé.
et
le Dimanche 14 juillet à 10H00 sur la thématique : « Lanceurs d’alertes : l’heure des journalistes citoyens ? » au côté de Maître William Bourdon.
Organisées par l’une des références de la presse française et des titres de renommée internationale (Le Temps, El Pais…), ces journées de débats axées sur le travail des journalistes au service du droit de savoir des citoyens, associent un lanceur d’alerte en la personne de Nicolas Forissier confirmant la place essentielle qui est la leur dans la défense de cette liberté fondamentale.
Cette participation est également un grand succès pour MetaMorphosis, qui démontre que par son positionnement apolitique et hors des sentiers balisés par les associations traditionnelles, la parole du lanceur est réhabilitée et associée aux grands débats de société.
Ces conférences et ateliers sont ouverts à tous. Un long programme vous attend.
Comme à son habitude, Macron est arrivé au G20 le museau fier, décidé à ne pas se laisser marcher sur les pieds. De la posture. Pas question soi-disant de négocier quoi que ce soit avec le Brésil de Bolsonaro si celui-ci décidait de sortir de l’accord sur le climat COP21 comme il avait pu le laisser entendre. Bolsonaro dont on pouvait penser qu’il était l’un des meilleurs exemples de la politique en « mode bulldozer », s’est facilement joué de notre auto-proclamé président intellectuel, pour lequel il y eut, une fois de plus, beaucoup de bruit en amont pour pas grand chose à la sortie…sauf une imposture.
Comme les engagements ne valent que pour ceux qui y croient, en bon tacticien, Bolsonaro a indiqué que son pays demeurait dans l’accord de la COP21, ce qui ne l’empêche pas depuis qu’il est au pouvoir, de prendre moult décisions qui vont à l’encontre même des objectifs fixés.
Pour clore le tout, déclarer demeurer dans l’accord s’est avéré suffisant pour notre président approuvant par conséquent, la signature par l’Europe d’un accord de libre échange avec le Mercosur.
Cette façon de faire et quel que soit le sujet, semble chez lui une habitude. Les reculades, on connait bien, et elles se voient ! Hier encore, Mediapart s’en faisait l’écho au sujet de l’attitude de la France suite à la dénonciation par Trump de l’accord sur le nucléaire iranien. Les autorités perses sont en fait autant remontées contre l’attitude ambiguë et le double discours permanent de Macron, que par la décision de Trump elle-même…
Pour revenir à nos questions environnementales, la signature de cet accord de libre échange est analysée par la plupart des associations comme un blanc seing donné à Bolsonaro pour continuer son jeu de massacre. Nous savons tous que sans une Amazonie protégée, il sera impossible au minimum de réaliser les objectifs de la COP21. Or, de ce point de vue, les discours mais surtout les actions du nouveau pouvoir brésilien sont très clairs: la forêt amazonienne ne sert à rien donc il faut l’exploiter à son maximum pour en tirer quelques revenus.
L’accord de libre échange ne vient que conforter cette position. Au sein même de la majorité LREM des voix s’élèvent comme celle du député Jean-Baptiste Moreau, agriculteur de profession qui, dans une interview donnée au journal Le Monde, rappelle l’état désastreux des sols brésiliens suite à l’utilisation massive de pesticides et surtout la quasi impossibilité pour la plupart des pays sud américains d’obtenir une traçabilité satisfaisante des produits agricoles qui grâce à ce nouvel accord commercial auront à présent portes ouvertes en Europe. Rappelons quand même toutes les conditions en la matière que l’Europe impose à ses propres agriculteurs alors que les produits demain importés, vont s’en trouver, eux, de facto exemptés…
Nous avions gardé en mémoire de nos cours d’économie à la fac, qu’une concurrence saine et équilibrée voulait que tous les acteurs soient soumis aux mêmes règles et subissent les mêmes contraintes. Malgré les beaux discours, le libéralisme économique ne semble être l’affaire ni de l’Europe, pas même de Macron…
Au-delà d’encourager un écocide en n’imposant aucune condition stricte dans les pays sud américains et plus particulièrement au Brésil, Macron et l’Europe par la signature dudit traité, encouragent Bolsonaro dans son attaque systématique et violente à l’encontre des peuples indigènes d’Amazonie.
Même Nicolas Hulot qui pourtant lors de son passage dans ce gouvernement n’a pas démontré une vocation affirmée à défendre l’environnement, s’en étonne dans une interview donnée au journal Le Monde, rappelant que cette ouverture des vannes commerciales entre les deux continents, va avoir pour conséquence l’expropriation des peuples indigènes de leurs terres, et conforter Bolsonaro dans sa remise en cause des droits desdits peuples aujourd’hui garantis par la constitution.
Nous ne voyons pas très bien ce qui pourrait être de nature à stopper l’entreprise funeste du président brésilien quand on constate depuis plusieurs mois, après avoir donné carte blanche aux forces de police dès son arrivée au pouvoir, qu’aujourd’hui dans l’Etat de Rio le nombre de morts du fait de l’action policière progresse plus vite que celui imputé aux organisations criminelles elles-mêmes ! La signature de cet accord commercial est donc à plus d’un titre en l’état actuel une erreur fondamentale aux conséquences tout aussi rapides: elle va lourdement pénaliser les agriculteurs européens dont on connaît tous déjà les grandes difficultés, elle va accentuer l’état désastreux de l’environnement brésilien et encourager les autorités locales à poursuivre leur politique de criminalisation des peuples indigènes et des défenseurs locaux de l’environnement qui paient déjà un lourd tribu; les grands propriétaires terriens estiment avec Bolsonaro, bénéficier, eux, d’une totale impunité pour faire taire par tout moyen les contestations.
Sur d’autres sujets, comme la crise des réfugiés et les ventes d’armes, l’Europe ne sort pas grandie de la signature d’un tel accord et une fois de plus porte atteinte à ses principes fondateurs. Concernant Macron, il n’est plus temps de dire qu’il a une position ambiguë sur certains sujets. Sur celui-ci comme sur d’autres, seuls de potentiels gains économiques prévalent sur toutes autres considérations, de préférence aux bénéfices d’intérêts qui lui sont proches quitte même, comme le sujet qui nous occupe le démontre, à bafouer des principes essentiels du modèle économique qu’il prétend défendre. De l’imposture. Suite à l’accostage du Sea-watch3 à Lampedusa, nous apprenons que la France dans sa grande bonté qui la caractérise, accueillera dix réfugiés. Suite aux déclarations d’autorités iraniennes nous apprenons que pour préserver ses ventes d’armes aux pays du Golfe, la France fait le jeu de Trump et joue contre cet accord sur le nucléaire que l’Iran respecte à la lettre depuis l’origine et qui permet même s’il n’est pas parfait, d’assurer une sécurité certaine dans la région . Enfin, suite à la signature de cet accord Mercosur, la France fait le choix de jouer contre ses propres agriculteurs et d’encourager Bolsonaro dans son entreprise de destruction.
Tout ceci sont des décisions de Macron et de son gouvernement, engageant la France sans doute sur certains points de façon irréversible, dans des entreprises destructrices dont on peut penser qu’une majorité de la population n’y souscrit pas. En même temps, depuis quand Macron commence-t-il à se soucier de ce que peut penser le peuple français ? Une large démonstration est faite en matière de politique intérieure…De la posture. Alors à quoi sert-il ?
Paru le 24 juin dans Mediapart sous la plume de Romaric Godin, un article intitulé « La flat tax a bien été le pivot de la politique pro-riches du gouvernement », fait le point sur les premiers éléments en notre possession, relatifs à ce dispositif fiscal instauré par Macron dès son arrivée au pouvoir. Il s’agit du prélèvement forfaitaire unique de 30% sur les revenus du capital dont l’objectif premier affiché était de permettre une relance des investissements des entreprises.
A la lecture dudit article, tout est question de définition et d’interprétation. Et pour cause, Romaric Godin fait notamment référence à un éditorial paru le 20 juin dans le journal économique Les Échos, – propriété de Bernard Arnault -, qui évoquait, lui, « Les bons comptes de la flat tax ».
Trois idées principales peuvent être retenues :
Les Échos parlent de « bons comptes » car ce prélèvement forfaitaire unique ne pèsera pas sur le budget de l’ État en raison de l’envolée de dividendes distribués en 2018. Comme le souligne l’auteur de l’article de Médiapart : « On notera immédiatement qu’un manque à gagner nul ne représente pas un gain et que, partant, si l’Étatn’a pas perdu d’argent, il n’en a pas gagné alors même que la hausse des versements de dividendes est vertigineuse et que les prix ont progressé de 1,6 % ». Pour les Echos donc, une stabilité des recettes fiscales alors que les revenus sont en hausse de 24%, représente un « bon compte ». On attend que Bernard Arnault vienne nous expliquer qu’il fait une bonne affaire quand il explose son chiffre d’affaire avec une profitabilité identique !
De cette augmentation vertigineuse de dividendes, les Échos n’en portent pas l’analyse plus loin, ne serait-ce en se demandant « d’où peut-elle bien provenir » ?! On constate en fait deux choses : pour les entreprises présentant un EBE (Excédent Brut d’Exploitation) suffisant, elles ont arbitré le versement de dividendes au détriment des autres usages habituels c’est-à-dire le reversement aux salariés et surtout dans l’investissement. Pour les entreprises ne bénéficiant pas d’un tel EBE, l’accroissement du versement des dividendes s’est fait tout simplement…par recours à l’endettement ! De ce point de vue guère de doute, la flat tax est un échec d’une part parce qu’elle ne répond pas à son objectif initial de dynamisation de l’investissement, d’autre part parce qu’elle présente une incidence anti- économique consistant à payer des profits non réalisés par un endettement pesant sur les années à venir. Rien de bien vertueux là-dedans, aucune trace de rationalité économique, mais bien la seule volonté de bénéficier à un instant T d’un avantage fiscal !
Car le fond du problème de la Flat tax est bien là (notons pour la petite histoire qu’un même schéma est très ardemment défendu en Italie par le leader d’extrême droite, Salvini , au point d’avoir menacé de quitter la coalition gouvernementale si son projet n’était pas adopté). Plusieurs économistes avaient alerté le gouvernement lors du vote de cette mesure, soulignant l’aberration pour des politiques disant poser la valeur travail au centre de leur action puisque cette flat tax conduit à une imposition marginale du travail très sensiblement supérieure à celle du capital. En d’autres termes nous avons un Macron qui nous explique que le travail doit être au centre de la vie de chaque citoyen et qui « en même temps », créé un système fiscal où il vaut mieux être rentier que salarié.
De cette situation aberrante, il en résulte bien évidemment des conséquences financières immédiates. Le ruissellement n’étant qu’un fantasme d’économistes attardés, les agents économiques, eux, réagissent dans leur seul intérêt et se positionnent à un moment T dans le schéma qui leur est plus profitable. En l’occurrence compte tenu de cette forte distorsion de fiscalité entre travail et capital, les salariés les plus fortunés vont logiquement arbitrer entre salaire et dividendes, diminuant fortement la part salariée de leur rémunération (plus fortement imposée) au profit de la part sous forme de dividendes (imposée forfaitairement à 30%). La première est soumise à cotisations sociales, la seconde également mais beaucoup moins puisque le 30% s’entend « tout compris ». Résultat de la manœuvre : les rentrées financières des organismes sociaux ont été fortement impactées ce qui explique en grande partie l’étonnement général et plus inquiétant encore celui du gouvernement à l’annonce de la détérioration rapide et soudaine des comptes de la sécu.
Les Échos se réjouissent et on aurait presque envie de dire que c’est bien normal. Les intérêts que ce journal représente, sont effectivement les grands gagnants de cette réforme fiscale ! On pourrait même penser que c’était le seul objectif de cette flat tax…Parce que sur l’ensemble des objectifs annoncés, force est de constater que l’échec est patent : aucune reprise de l’investissement, effet pervers de l’endettement, arbitrage d’opportunité des hauts revenus, et impact sensible sur les comptes sociaux.
Geneviève Legay, c’est cette militante septuagénaire qui, le 23 mars dernier à Nice, avait été grièvement blessée lors d’une charge de policiers en marge d’un rassemblement interdit des « gilets jaunes ».
L’enquête préliminaire avait été confiée à une commissaire, dont on apprendra plus tard, qu’elle est la compagne du responsable policier en charge du maintien de l’ordre le jour des faits. En matière de déontologie, et pour l’impartialité des investigations, on pouvait faire mieux pour éviter d’entrée de jeu, tout conflit d’intérêt.
Passons… Si l’enquête peine à débuter correctement faute aux statuts des intervenants et s’il venait à manquer quelques autres déclarations importantes comme preuves au dossier « Legay », en voilà d’autres…
Ce jour, dans un article de Médiapart, on y apprend l’existence d’un rapport de la gendarmerie qui avait refusé de participer à la charge initiée par la police. Il ne va pas sans dire que ce rapport vient confirmer les dires de la victime et de ses avocats, contredisant de facto les innombrables mensonges colportés par la police, le Préfet, Castaner et Macron.
Le mensonge devenu sous ce gouvernement politique publique, nécessite également d’instrumentaliser la justice, comme orchestré dès l’origine en confiant l’instruction de l’affaire à la compagne du commissaire mis en cause. Quitte à bien faire les choses, cette instrumentalisation s’est poursuivie en ne versant pas au dossier d’instruction ce fameux rapport de la gendarmerie dont on mesure bien qu’il viendrait tuer dans l’œuf toute la stratégie du mensonge mise en œuvre par le pouvoir.
On vous rappelle en effet la thèse officielle du gouvernement que les journalistes serviles répètent à l’envie comme Le Parisien (propriété de Bernard Arnault) la semaine passée : « Les Gilets jaunes ont fait exploser le nombre de tirs de LBD » ! Car, bien évidemment, les forces de police et les autorités qui les instruisent n’y sont pour rien… Tant que l’on n’a pas eu à faire directement à la justice et à son fonctionnement, ce type de pratique, consistant à ne pas verser à l’instruction des éléments essentiels, peut sembler impensable.
Les lanceurs d’alerte entendent une autre musique…
Certains parquets, certains services de police judiciaire et mêmes certains juges d’instruction, gèrent les affaires dont ils ont la charge selon une technique toute simple et d’une efficacité redoutable : « qui ne cherche pas, ne trouve pas ! » . Surtout ne pas faire de perquisitions, on risquerait de trouver quelque chose ! Surtout faire très attention aux questions posées lors des interrogatoires, les « mis en cause » risqueraient de révéler des informations essentielles ! Surtout ne pas verser au dossier d’instruction des pièces qui risqueraient de confirmer les accusations des lanceurs ! Quand on n’a pas de bol et que des journalistes portent sur la place publique des éléments renforçant l’accusation, surtout ne pas en faire la réquisition auprès des organes de presse ! Avec les lanceurs d’alerte c’est facile puisque ces derniers n’étant pas partie civile de l’instruction portant sur les faits qu’ils ont dénoncés, personne ne risque d’aller voir ce qui se passe dans le dossier d’instruction ! Ce dernier, même ouvert, pourra dès lors mourir de sa plus belle des morts, dans la durée, dans le calme et faute d’inaction… Il suffit de patienter quelques « bonnes » années et un beau jour se rendre compte que le dossier est vide ! C’est ballot !!! Battre le fer quand il chaud, avec la justice c’est plutôt à froid.
En agissant de la sorte, et on vous parle ici de vécu, certains procureurs, officiers de police judiciaire et juges trahissent leur mission et toutes les règles déontologiques qui régissent leurs professions.
Combien se sont retrouvés devant leurs pairs pour rendre des comptes ? Quand le mensonge devient le cœur de l’action politique, la justice n’est plus qu’un instrument de ce mensonge, et le justiciable une victime à tous les coups.
Quand les associations indépendantes brisent le silence. Mardi 18 juin 2019, l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest (A.C.R.O.) annonçait dans un communiqué de presse le résultat d’analyses de prélèvements effectués dans la Loire et la Vienne, entre décembre 2017 et mai 2019…
Les prélèvements d’eau montrent une présence « systématique » de tritium (le radioélément de l’hydrogène). Sa concentration très irrégulière selon les mois, se révèle être un marqueur indéniable de l’activité des sites nucléaires puisque sans leur concours, l’A.C.R.O. estime entre 1 et 3 Bq/L le « bruit de fond radiologique » du tritium (lié à sa présence naturelle et accessoirement à la rémanence d’essais atmosphériques d’armes nucléaires).
Immanquablement, la concentration est plus importante dans les points de prélèvements situés en aval, subissant les cumuls des rejets de 5 centrales nucléaires (Belleville, Dampierre, St-Laurent, Chinon et Civaux ), comme c’est le cas pour la ville de Saumur et ses alentours…
Sur dix-sept mois dans la Loire, dix relevés indiquent des concentrations supérieures à 5 Bq/L – entre 10 et 60 Bq/L, dont celui de janvier 2019 qui atteint la valeur préoccupante de 310 Bq/L. L’ A.C.R.O. et les associations du Collectif Loire Vienne Zéro Nucléaire, à l’origine de la demande de contrôle, s’interrogent sur les causes d’un tel écart, plus de trois fois supérieur au seuil d’alerte, seuil censé déclencher des investigations et soulevant l’hypothèse d’un accident non-déclaré.
Le spectre de Tchernobyl ?
Au moment où la série Chernobyl de H.B.O. émeut le public, nous pourrions être tentés de faire quelques comparaisons. Certes, les niveaux de tritium même à 300 Bq/L ne sont pas comparables, certes, le tritium n’est pas le radioélément le plus toxique : mais il existe des points communs entre la catastrophe de 1986 et ce genre d’incident qui, sans la mobilisation de citoyens vigilants et le concours d’organismes de contrôles indépendants comme l’ A.C.R.O. serait passé totalement inaperçu.
Rappelons néanmoins que la France est signataire d’accords internationaux (convention OSPAR) qui l’engage à tendre vers zéro rejet dans l’environnement.
Surtout que, « en même temps », les sites nucléaires bénéficient d’autorisations de rejets, réglementées par l’Agence de Sûreté Nucléaire (A.S.N.). Malgré ces seuils « légaux », les exploitants procèdent de temps à autre, à des « lâchers » plus conséquents sur de courtes périodes, « quand ça les arrange ». Le calcul des normes de rejets étant essentiellement annuel, si personne ne vient voir de plus près, personne n’en sait rien, et l’omerta clôt le tout.
Dans le nord-Cotentin, où deux sites majeurs (la centrale de Flamanville et l’usine de retraitement de la Hague) rejettent en mer des effluents, l’A.C.R.O. assure un suivi régulier; il n’est pas rare que des concentrations de tritium habituellement autour de 20 Bq/L atteignent des pics supérieurs aux 100 Bq/L, le fameux « seuil d’alerte » .
En janvier 2017, cette même association interpellait la Commission Locale d’Information (C.L.I.) de la Hague sur les taux anormalement élevés d’americium et de plutonium sur des terres de pâturages : « La Hague, un problème de plus pour Areva » .
La série Chernobyl montre que pour l’ honneur de la nation, tous les risques peuvent être pris, quitte à nier (dans un premier temps) les évidences, puis minimiser quand c’est trop tard pour les cacher.
En France, patrie de l’atome, serait-ce la même chose ?
Il serait utile de rappeler que lors de la catastrophe, quand l’Allemagne interdisait la consommation des salades suite au passage du fameux nuage radioactif, la France avait totalement oublié le principe de précaution et en avait autorisé la consommation, jusqu’à nier même le passage du nuage sur son territoire, souvenez-vous, la frontière magique!
Deux semaines plus tard, les autorités avouaient finalement que… le nuage était bien passé au dessus du territoire national. Pire encore, il a laissé quelques traces…. notamment celles du Césium dans certains champignons en Normandie (mesurées par l’ Acro), échappées du cœur du réacteur 4 de l’usine de Pripiat….
Encore et toujours, les organismes de contrôles sont défaillants… voire impuissants.
Si en France on n’arrête pas le progrès, on arrête encore moins l’atome!
S’agissant d’un article du journal «Les Échos», « Quels outils pour les lanceurs d’alertes ? » paru ce jour, nous n’allons pas bouder notre plaisir à répondre au journaliste fort bien veillant et faire la partie manquante de son travail…Quand ça les arrange – « Les Échos » -, les chiffres, rien que les chiffres, lorsqu’ils vont dans le sens du discours dominant, le journal n’est généralement pas avare de commentaires et qualificatifs.
Pour commencer, « 38% [des entreprises] ont recensé des cas de fraude fiscale, de blanchiment d’argent et de harcèlement sexuel en 2018». 38% et nous ne saurons pas si « Les Échos » trouvent ça normal ou non, beaucoup ou pas. Pour nous, lanceurs d’alerte, nous pensons qu’avec un taux avoisinant les 40%, il y a au minimum lieu de s’inquiéter! Nous nous doutons bien à la lecture de l’article si peu alarmant que si nous venions à l’interroger, le journal de Bernard Arnault nous sortirait une réponse type « le verre à moitié vide à demi plein » , en se satisfaisant que, par définition, 60% des entreprises n’ont pas recensé de tels cas! 60% ce serait toujours ça pour « Les Échos » , nous les connaissons optimistes. Nous, pessimistes que nous sommes, nous retiendrons qu’à hauteur de 38%, ça dysfonctionne gravement…
Forts de leur confiance, «Les Échos» ne sont pas non plus vraiment étonnés (et nous lanceurs non plus) par le fait que les entreprises françaises soient très en retard par rapport à leurs consœurs européennes dans la mise en œuvre de dispositifs d’alerte interne comme la loi les y oblige maintenant. En retard nous sommes, mais c’est en cours ! L’optimisme est toujours de mise…
Enfin, les chiffres toujours les chiffres, nous aurions aimé une fois de plus, que «Les Échos» s’y penchent un peu plus dessus, l’analyse faisant partie du travail de journaliste…
Ainsi nous apprenons qu’en France seulement 11%des alertes sont reconnues comme abusives, ce qui, pour jouer le même jeu que le journal économique, nous permet d’en conclure puis d’affirmer, que pour près de 90% des lanceurs qui portent des alertes, ces dernières sont fondées et légitimes !!
Nous comprenons la gêne du journal du Groupe LVMH… le mythe du lanceur malhonnête et intéressé, en prend un sacré coup !
Par conséquent, les entreprises reconnaissent elles-mêmes que les cas de fraude en tout genre en leur sein sont très nombreux (40%, 38% si on se veut être puristes) et, dans leur très très grande majorité, les salariés qui dénonceraient, seraient honnêtes et dotés d’un sens civique! Comprenez qu’on ne va pas bouder notre plaisir à le souligner !
Autre point. Ce que ne nous dit pas l’enquête, et qui serait sans doute l’information la plus intéressante, serait de savoir qui commet ou rend possible les 40% des cas recensés.
Nous savons tous pour avoir travaillé dans des entreprises de tailles et secteurs d’activité différents, que les systèmes d’information et de contrôle sont tels qu’il est devenu quasi impossible pour un salarié lambda d’accéder seul aux outils lui permettant de réaliser des faits de corruption, de blanchiment ou autres. Les rares affaires portées à ce jour devant les tribunaux démontrent que nos 40% de cas sont généralement réalisés et ou rendus possibles par, pour rester poli, la bienveillance des Directions et organes en charge des contrôles. Tous ces dispositifs d’alerte interne sont sans doute utiles s’ils sont effectivement mis en œuvre mais ils conduisent quelque part, grand totem de la vision politique du gouvernement Macron, à demander aux entreprises de s’ auto-réguler et s’ auto-contrôler.
Les lanceurs d’alerte savent très bien que cette façon de procéder est vouée à l’échec sauf à considérer qu’il y aurait dans la nature humaine une forte propension à s ’auto-dénoncer. Le fonctionnement de nos systèmes démocratiques, dont le monde économique avec l’aide des politiques tend de plus en plus à s’affranchir, est fondé non pas sur l’auto-contrôle mais sur l’existence d’un pouvoir indépendant des intérêts privés en charge de faire respecter l’application des lois et règlements pourvus par le peuple.
Chez nous -pour répondre à « Les Échos« -, ça s’appelle la Justice, tiers normalement indépendant dont on doit bien reconnaître qu’on lui a grignoté et/ou qu’elle s’est laissée dépouiller de certaines de ses prérogatives.
Par conséquent, pour reprendre le titre de l’article des Échos « Quels outils pour les lanceurs d’alerte ? », les lanceurs vous répondront sans hésiter : la Justice, rien que la Justice et toute la Justice. Bien évidemment tout cela suppose qu’elle en ait envie, qu’elle en ait les moyens, que le Parquet qui initie les instructions soit réellement indépendant et non soumis au pouvoir politique comme en France, puis enfin qu’elle agisse, et qu’elle le fasse dans des délais «raisonnables», en tous les cas compatibles avec les situations de ceux qui portent l’alerte.
Nous ne voudrions pas nous répéter, mais force est de constater que, année après année, en matière de justice, peu de choses change. Pire encore, sa situation se dégrade t-elle ? Visiblement elle n’en peut plus…et nous non plus !
2019 et le système judiciaire français est toujours le plus mal loti d’Europe en terme de moyens et d’effectifs. Nous avions déjà évoqué les manques de moyens de la justice, ses carences, les maux dont elle souffre : « La justice, trois maux et combien de responsables ».
Conséquences: des magistrats et des services de police judiciaire surchargés, des délais de traitement beaucoup trop long et au final des conditions de travail qui influent nécessairement sur la motivation des personnels. Aujourd’hui, au regard des conditions dans lesquelles ils exercent, les magistrats font à leur tour un bilan à travers une grande enquête détaillée ici : « L’envers du décors: enquête sur la charge de travail dans la magistrature ».
Comme toujours la première victime est le citoyen justiciable qui, soit prend son mal en patience, soit se résout à faire l’économie de la justice. Les lanceurs d’alerte sont bien placés pour savoir que se passer de la justice peut être aussi un choix bénéfique pour eux; les conditions d’exercice dans lesquelles elle opère, posent à un moment un dilemme à chaque justiciable alors qu’il est au cœur même de notre « démocratie »: privilégier l’ intérêt personnel à l’intérêt général. Il en va d’une économie d’un tas d’ennuis, privés, professionnel et financier… Triste constat au détriment de l’intérêt général. Et pour cause.
Cette question des moyens de la justice est un véritable serpent de mer qui anime le débat politique depuis plusieurs décennies. Le constat est simple : quel que soit le gouvernement, quelle que soit la majorité parlementaire, aucune avancée n’est enregistrée sur cette question. Si l’on aborde la justice comme un service public, il est de la responsabilité de l’exécutif et du législatif de lui donner les moyens afin qu’elle puisse exercer ses missions dans le respect des droits constitutionnels de chaque citoyen et dans des conditions lui permettant de veiller à la défense de l’intérêt général.
Ne soyons pas dupes, quels que soient les gouvernants , quelle que soit leur couleur politique, aucun n’a jugé nécessaire et impératif d’octroyer à la justice les moyens suffisants à un exercice serein de ses missions. Nous pouvons nous cacher derrière un manque de volonté mais de leur expérience, les lanceurs d’alerte vous diront plutôt que la « chose » est organisée , l’objectif étant de limiter au maximum les capacités d’action de justiciables mettant en évidence de graves dysfonctionnements des institutions. D’une part l’effort budgétaire nécessaire pour mettre la justice française aux normes européennes est en valeur absolue négligeable; d’autre part on constate que pour d’autres missions de service public, les gouvernants n’ont pas vraiment de problème à trouver les allocations nécessaires.
Il s’agit donc bien d’une question de priorité, de choix, d’une volonté de laisser en l’état le service judiciaire et de limiter en fait ses missions à la seule défense de l’ordre établi qui se résume dans une économie libérale à la seule défense des biens et des personnes. Le vol d’une mobylette, la destruction de la vitrine d’une banque vous assurera une justice rapide, quand ce n’est pas expéditive et sévère et qui aura su, pour ces faits, mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour passer.
Dénoncer un système de blanchiment d’argent organisé ou de corruption d’argent public, armez-vous de patience….si on mobilise déjà un enquêteur quelques heures par semaine soyons heureux et surtout espérez vivre vieux si vous voulez un jour connaître la fin de l’histoire… si elle ne débouche pas sur un classement sans suite faute de preuves qui n’ont pu être saisies à temps ou faute de prescription.
On s’étonne tous, journalistes en premier, du traitement du maintien de l’ordre par le pouvoir. D’abord sous Hollande dans le cadre des manifestations contre la loi El Khomri, puis sous Macron avec une systématisation et un accroissement des violences policières qui en deviennent presque « une forme de dialogue ». Derrière le maintien de l’ordre, l’ombre de la censure; derrière la presse, l’ombre des lanceurs d’alerte…
On s’étonne certes, on comptabilise, on cartographie, on documente… mais seul un petit nombre nous rappelle que ces techniques et cette violence sont de longue date expérimentées dans les banlieues et les ghettos sociaux. Les « voltigeurs » et autres B.A.C. ne sont pas apparus un samedi de manifestation de gilets jaunes; ils ont de toute évidence une grande expérience de ce qu’ils appellent encore « le maintien de l’ordre » et semblent agir dans beaucoup de cas, sous le couvert d’une forme d’impunité non écrite. Citoyens et journalistes semblent découvrir leur existence et pratiques mais à l’image des pouvoirs qui se sont succédé depuis plusieurs décennies, cette situation ne s’explique en fait que parce qu’ils avaient oublié l’existence même de ces quartiers.
Aujourd’hui, à juste titre, les journalistes -enfin ceux pour qui le mot « indépendance » a eu et a encore un sens- sont vent debout contre tout le dispositif que met progressivement en place Macron pour limiter leur capacité d’investigation, et dans certains cas tout simplement leur capacité à pouvoir divulguer des informations d’intérêt général, bien qu’ils agissent dans le cadre des lois encadrant leur métier.
Contre la presse l’objectif est le même qu’en d’autres matières et notamment du droit à manifester: criminaliser les auteurs de toute forme de revendication et d’expression contraires au discours dominant et placer, dans l’ordre du droit, les intérêts privés avant l’intérêt général. La profession journalistique est attaquée aujourd’hui de toute part. En tant que lanceurs d’alerte, nous ne pouvons qu’exprimer notre solidarité.
A l’image de l’analogie que nous faisions précédemment sur le maintien de l’ordre, les journalistes auraient pu et auraient dû regarder ces quinze dernières années le traitement réservé aux lanceurs d’alerte.
Sans doute auraient-ils pu y déceler les atteintes qui sont à leur tour, aujourd’hui, portées à l’exercice de leur métier. Les lanceurs d’alerte, ceux qui n’ont voulu que pleinement exercer leur métier dans le respect de leurs obligations professionnelles et/ou légales, vivent un cauchemar depuis très longtemps: parole systématiquement décrédibilisée, remise en cause de leur bonne foi, attaques parfois personnelles et insultantes, intimidations, stigmatisation de la part d’une grande partie de leur profession, blacklistage professionnel et isolement social et personnel, très grande difficulté à défendre leurs droits, chemin du combattant pour accéder à la justice, judiciarisation du moindre de leur propos…. Les noms d’oiseaux volent par les temps qui courent : délateurs, balances, cafards, traîtres… Que les journalistes y prennent garde, le dictionnaire des insultes est plein de ressources.
Est à l’œuvre toute la panoplie des sempiternelles techniques, non pour faire éclater la vérité mais pour faire taire.
En un mot: les lanceurs vivent de longue date ce que l’on veut imposer aujourd’hui à la presse, à savoir se taire hors des sentiers balisés par les pouvoirs et quand ils osent s’exprimer, les renvoyer directement devant les tribunaux. De la même façon que beaucoup de journalistes, à l’image du reste de la société, ont oublié d’aller voir ce qui se passait dans les banlieue en matière de maintien de l’ordre, pour le découvrir un jour de décembre 2018 sur les Champs-Élysées, l’acharnement dont ils sont aujourd’hui l’objet aux fins de les rendre silencieux, était lisible dans le parcours de la plupart des lanceurs d’alerte. Encore ne fallait-il pas voir dans les lanceurs que de simples sources, mais aussi des personnes qui par leurs actions défendent la liberté d’expression et d’information, et veillent à privilégier l’intérêt général contre les intérêts privés, fussent-ils même ceux de leurs employeurs quand ceux-ci agissent hors de tout cadre réglementaire et légal.
Nos gouvernements manquent d’imagination: ils ne font que recycler de vieilles idées après les avoir testées là où personne ne va voir, ou ne cherche à voir.
Ce qui marche si bien sur les lanceurs d’alerte n’a pas de raison de ne pas fonctionner avec la presse.