Multinationales et justice internationale

Jeune doctorante à l’Université Paris Ouest – Nanterre La Défense, Jelena Aparac pose la question fondamentale de la responsabilité des multinationales en droit international.
Malgré ce que l’on pourrait penser, cette question ne touche pas directement les conflits de nature commerciale, entre multinationales et États ou entre multinationales elles-mêmes, pour lesquels il existe déjà des tribunes pour régler litiges et contentieux, mais un champ beaucoup plus vaste qui a à voir avec la responsabilité des Nations et de leurs entreprises, avec la chose politique.
L’intérêt pour cette question, Jelena Aparac l’a mûri de son expérience personnelle : «Beaucoup de ceux qui ont connu la violence des guerres de Yougoslavie ont choisi de tourner la page, pas moi. Plus de vingt ans après les événements, les plus meurtriers d’Europe depuis la Seconde guerre mondiale, la jeune Croate née à Osijek, à vingt kilomètres de la Serbie, n’a rien oublié » explique-t- elle.
«Surtout, le conflit a fondé sa vocation. La trentenaire a choisi de se consacrer au droit des conflits armés et à son applicabilité aux nouvelles formes de guerre, particulièrement les guerres civiles. Pour cela, la jeune femme a choisi un angle mort du droit actuel, celui de la responsabilité internationale des multinationales, aujourd’hui non fondée juridiquement». «Construire le régime de responsabilité internationale pénale des multinationales peut les dissuader de s’impliquer et, donc, permettre de prévenir les conflits. Aujourd’hui, l’impunité est totale, commente la doctorante».

Car le paradoxe est bien là, montrant l’inversion des normes au profit des multinationales. Si celles-ci peuvent régler des litiges devant des cours arbitrales internationales, si elles peuvent même dans le cadre de certains accords bilatéraux ou plurilatéraux poursuivre des États, la traduction d’une multinationale devant une juridiction internationale n’a toujours pas eu lieu. La personnalité juridique de l’entreprise n’est en effet pas reconnue par le droit international ; idem pour celle de la multinationale.
«Mais il existe bien, selon Jelena Aparac, un chemin pour construire cette responsabilité des multinationales, entre le droit international humanitaire (qui reconnaît l’existence d’acteurs non étatiques en conflit armé) et le droit international pénal (qui sanctionne les violations les plus graves). Si le droit international pénal ne reconnaît pas la responsabilité des multinationales, il peut néanmoins poursuivre les dirigeants des entreprises pour violations du droit international humanitaire».
Jelena Aparac est également une activiste mettant en pratique ses recommandations : elle a demandé à la Cour pénale internationale qui, depuis sa création en 2002 n’a traduit que des responsables politiques, de poursuivre les dirigeants de Chiquita, une multinationale américaine connue pour avoir financé guérillas et paramilitaires colombiens. «Pour cela il faudrait une volonté politique partagée. La compétence de la CPI peut être élargie aux entreprises si deux-tiers des États signataires du Traité de Rome modifient les statuts en ce sens. Les États africains, qui accusent cette institution d’être le bras justicier d’un Occident colonial, y auraient intérêt plutôt que de menacer collectivement de s’en retirer. Obtenir de juger des multinationales – souvent issues des pays du Nord – serait un moyen pour eux de rééquilibrer à la CPI les rapports entre pays du Sud et du Nord, martèle Jelena Aparac».

En 30 ans, le nombre de sociétés multinationales a été multiplié par 10. Nombre d’entre elles ont acquis un pouvoir supérieur à bien des États : à titre d’exemple, le chiffre d’affaires cumulé des 10 premières sociétés transnationales dépasse les PIB de l’Inde et du Brésil. Mais, contrairement aux États et aux personnes physiques, ces entreprises n’ont pas de personnalité juridique internationale. Il n’existe que des entreprises nationales ayant des participations dans des entreprises étrangères. Concrètement, cela signifie qu’une entreprise multinationale dont le siège social est en France n’est pas juridiquement responsable si ses filiales à l’étranger polluent l’environnement, exploitent ou maltraitent ses salariés ou ses sous-traitants. La dérégulation permet aux investissements et aux bénéfices financiers de traverser les frontières pour revenir au siège social dans les pays riches ou de s’arrêter dans des paradis fiscaux ; mais la responsabilité juridique, elle, reste dans les pays où le droit social, environnemental, fiscal est moins exigeant ou moins appliqué.

C’est donc en raison de deux principes «sacrés» du droit des sociétés, la responsabilité limitée et l’autonomie juridique de la personne morale, que les groupes français n’ont presque jamais à faire face au juge en France pour des crimes ou délits dont elles seraient responsables ou complices dans des pays tiers. Et les exemples d’impunité se multiplient ici aussi. Ainsi, la cour de cassation peut exonérer la responsabilité du groupe Total pour la marée noire causée par le naufrage de l’Erika au prétexte que c’était «un navire étranger se trouvant en zone économique exclusive», c’est-à- dire hors des eaux territoriales françaises. Les juges français seront donc incompétents pour se saisir du dossier.
Autre exemple, au plan social : Serge Vanel, de nationalité française, a travaillé de 1978 à 1985 pour la Cominak, filiale du groupe Areva au Niger. M. Vanel est mort à 59 ans d’un cancer du poumon en 2009 ; sa famille demande que soit reconnue la responsabilité de la société-mère, dont le siège social est à Paris.
Selon l’avocat d’Areva : «Nous sommes ici en droit nigérien et c’est l’État où la maladie a été contractée qui est concerné». Et, aux yeux du droit actuel, il a raison : ce droit-là ne serait donc pas du côté des victimes.

Serait-il utopique de protéger les droits humains face à un modèle économique devenu prédateur ? Les États ont pourtant bien accepté des abandons de souveraineté pour protéger l’investissement et le commerce international, au sein de l’OMC par exemple. Ainsi, lorsque sont constatées des entorses au libre échange, les autorités compétentes appliquent des sanctions, y compris extraterritoriales. Or quand il s’agit de droits humains et des violations perpétrées par des entreprises, les mécanismes de protection sont souvent inexistants. Cette différence de traitement consacre un principe d’inégalité et non un principe de justice.
En bref, les droits humains ont aujourd’hui moins de poids que les droits de la finance et du commerce.

Sous pression de la société civile, des textes internationaux ont reconnu la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’Homme : c’est le cas des principes directeurs des Nations unies relatifs aux droits de l’Homme et aux sociétés transnationales ou bien des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des multinationales. Cette reconnaissance est un premier pas, mais ces normes demeurent non contraignantes.
C’est en tant que garant de l’intérêt général que l’État doit maintenant rendre les entreprises judiciairement comptables de leurs exactions et de celles commises par leurs filiales, quels que soient le pays, le secteur ou le contexte dans lesquels elles interviennent.
Une première mesure concrète consisterait à encadrer la relation entre les maisons-mères et leurs filiales en instaurant la «responsabilité délictuelle du fait d’autrui». Ceci faciliterait l’accès à la justice pour les victimes des multinationales, partout dans le monde, auprès des tribunaux des pays des maisons-mères.
A moins d’être prisonniers de conflits d’intérêts, le réalisme politique et le pragmatisme ne doivent pas empêcher l’audace et la vision d’avenir, notamment pour les générations futures.
La question doit être posée et reste aujourd’hui que très insuffisamment répondue : les entreprises peuvent-elles avoir plus de droits que les citoyens, au Nord comme au Sud ?

MM.

En référence à Alternatives Économiques du 04 Mai 2018 «Comment mettre fin à l’impunité des multinationales», ici

« Mitigé ? »…Mouais…nous aussi!

Quand nous pensons à Transparency France, une image nous vient tout de suite à l’esprit : celle de l’éléphant dans un magasin de porcelaines ! Les pièces de porcelaine sont ici les lanceurs d’alerte. Après tout, comme pour la plupart des associations soi-disantes « défenseurs des lanceurs d’alerte », ces derniers ne sont qu’une variable d’ajustement de leur politique de lobbying pour compte propre. Dommage qu’elles ne l’entendent pas, alors que des messages de plus en plus récurrents proviennent de lanceurs d’alerte de tout horizon.

« Un an après l’élection présidentielle : l’éthique et la transparence de la vie publique doivent redevenir des priorités » (ici).
C’est sous ce titre que Transparency France s’est essayé à un bilan de la première année du quinquennat Macron sur les questions d’éthique et de transparence, qui est résumé selon le titre de leur newsletter, comme « un bilan mitigé ».
Arrêtons nous deux secondes sur cet adjectif « mitigé » qui a pour synonyme selon le Larousse : adouci, atténué, moins strict. Ces questions d’éthique et de transparence sont centrales de la problématique des lanceurs d’alerte. Elles en sont même le cœur, puisqu’un corpus juridique fort en la matière, complété par des contrôles et des sanctions adéquats, permettait sans doute de limiter largement la nécessité de recourir à des lanceurs d’alerte. Là où il y a de l’éthique et de la transparence, il n’y a pas de lanceurs. N’oublions pas que le lanceur n’est qu’un symptôme (et non un problème comme les politiques tendent à le faire croire), d’un manque d’éthique et de transparence dans la vie des organisations.

Donc mitigé, que voilà ! Quel joli mot ! Nous aurions pu, sans risque de se tromper, parler de « bilan mauvais », « inquiétant », « dangereux »… les synonymes ne manquaient pas.

L’association revient sur le contexte, selon elle, dans lequel doit être réalisé un tel bilan : «Transparency International France avait demandé aux candidats à la présidentielle de s’engager sur onze recommandations jugées prioritaires. Quelques semaines plus tard, dans le cadre des élections législatives, les partis politiques avaient été appelés à s’engager en faveur d’un Parlement plus exemplaire. Emmanuel Macron, ainsi que le parti La République En Marche, avaient ainsi repris à leur compte la majorité de nos recommandations. Un an plus tard, où en est-on ? ». En procédant de la sorte, on fait au final l’impasse sur d’éventuelles nouvelles dispositions votées ou en cours d’élaboration qui n’entraient pas dans le cadre des « recommandations» initiales. Résultat, pas un mot sur la loi secret des affaires, texte dont la portée peut à lui seul remettre en cause l’ensemble des éventuelles avancées en matière d’éthique et de transparence par ailleurs votées.

Transparency France y va de ses quelques critiques : « Transparency est préoccupé par l’absence de débat public sur la question du financement de la vie politique, en particulier des campagnes présidentielles », et pointe les engagements non-ténus : « On ne peut que regretter plusieurs renoncements par rapport aux promesses de campagne. Ainsi, le principe du casier judiciaire vierge obligatoire pour se présenter à une élection est enterré… Autre renoncement : on assiste à un retour en arrière sur la régulation du lobbying ».

Par contre, rien de bien concret à se mettre sous la dent pour ce qui concerne des blocages fondamentaux à une réelle éthique et transparence : le verrou de Bercy, les moyens de la justice, l’indépendance du parquet… On a l’impression que l’on porte plus attention aux mesures catégorielles -celles qui correspondent aux recommandations initiales- qu’au cadre général indispensable à mettre en œuvre pour s’assurer de l’effectivité dans leur pratique et dans leur application, des lois et règlementations. Nous en voulons pour preuve le satisfecit accordé au gouvernement puisque « Transparency International France salue l’adoption, dès l’été 2017, d’une loi visant à rétablir la confiance dans l’action politique : les parlementaires ne pourront plus embaucher leurs conjoints ou enfants comme collaborateurs parlementaires… », alors que nous savons pertinemment que cette disposition est allègrement contournée par les parlementaires avec les embauches croisées. Même remarque sur : « les règles sont renforcées en matière de prévention des conflits d’intérêts au sein du Parlement ».
Est-ce de la naïveté, une méconnaissance des réalités… ?

Pas de commentaires non plus sur les premiers pas de la loi Sapin 2, même si nous convenons qu’ils n’auraient pu être que parcellaires, et sur les premiers exercices de la CJIP où l’on aurait bien aimé entendre Transparency France.
Il est vrai que le lanceur d’alerte est un peu le parent pauvre de ce « bilan mitigé ». Le lanceur est la victime collatérale de cette éthique de façade et de cette transparence étouffée, bientôt ligotée avec la loi secret des affaires. Le lanceur est l’otage d’une vieille pratique républicaine française, qui concerne au final tous les partis quelque soit leur couleur affichée, dans la vie publique, l’administration et les entreprises, qui glorifie l’opacité, les arrangements entre amis, les combines de parti, et un exercice arbitraire du pouvoir.

Vouloir défendre les lanceurs d’alerte c’est avant tout se battre pour que la parole ne soit pas étouffée. Et si nous avons la prétention de la porter, alors faut-il élever la voix et employer les mots justes!
MetaMorphosis résume cet an I du macronisme par le titre suivant : « un bilan mauvais, des mesures inquiétantes, des menaces pour l’éthique et la transparence ».

MM.

Un autre monde

En cette veille de week-end, rêvons un peu.
C’est un sujet qui nous tient à cœur à MetaMorphosis, la déliquescence du lien entre le pouvoir, son exercice et les responsabilités qui y sont, normalement, rattachées. Nous avons là une spécificité bien française, mais pas uniquement, où systématiquement ceux en situation de pouvoir, aussi bien en politique, dans le public que le privé, ne sont que très rarement mis en face de leurs responsabilités, ne sont qu’exceptionnellement recherchés et poursuivis pour les actions et faits dépendant de l’exercice de leur pouvoir. Il n’est pas inutile à titre d’illustration de rappeler qu’en France, en un siècle, il n’y a eu que six condamnations de hauts fonctionnaires pour prise illégale d’intérêts.
Soit nous bénéficions d’une élite de décisionnaires à la probité dépassant tout entendement, soit notre démocratie connaît un sérieux problème à rechercher, attribuer et condamner les exercices de pouvoir marqués d’incompétence voire de malversations.

Pourtant faire ce lien n’est pas très compliqué. Aux niveaux hiérarchiques inférieurs, chez les gens qui ne sont rien, le système fonctionne parfaitement. Tous ceux qui ont travaillé en entreprise, avec quelques responsabilités à exercer, savent qu’ils sont directement responsables de leurs échecs y compris de ceux dont ils peuvent avoir autorité. Tout en haut, chez les premiers de cordée, ça ne se passe pas de la sorte. Nous l’évoquions encore récemment avec l’affaire Lafarge, le financement présumé d’une organisation terroriste contre laquelle on nous dit être en guerre (oui, il faut le répéter, car on aimerait bien entendre nos politiques se scandaliser autant sur Lafarge que sur ceux qui donnent à manger ou un toit à un migrant !), où Direction et Conseil d’Administration mènent actuellement une politique d’évitement honteuse cherchant à les faire disparaître du processus de décision de la firme. On l’a vu il y a quelques jours avec Bolloré qui, en guise de défense, est venu expliquer qu’il était mis en examen à cause de la mauvaise image de la politique et de la présence française en Afrique… Rien que ça, chapeau l’artiste ! Au passage, on apprend qu’il a embauché une horde d’anciens policiers, magistrats, détectives, enquêteurs en tout genre, pour assurer sa défense. Drôle de comportement pour quelqu’un qui se dit victime et qui n’aurait rien à se reprocher. Les lanceurs d’alerte, parce qu’on les y forcent, se font épauler quand ils y arrivent d’un avocat et c’est tout; ah oui, mais c’est parce que eux n’ont vraiment rien à se reprocher !

Loin de nous l’idée de porter aux nues le capitalisme anglo-saxon, sa violence et ses dysfonctionnements, contre lesquels nous nous sommes à plusieurs reprises levés. Loin de nous l’idée de sur-valoriser le fonctionnement de la justice américaine qui demeure très inégalitaire dans son exercice. Par contre, nous devons reconnaître que dans son effectivité contrainte des entreprises, le monde anglo-saxon privilégie l’expérience faite de réussites mais aussi d’échecs, aux diplômes, réseaux, appartenances de classes ou de corps. On peut être sans diplômes de référence, avoir un parcours parsemé aussi de quelques échecs, cela n’empêchera pas d’obtenir des postes à responsabilités. Mais, il y a alors une contrepartie, la responsabilité directe devant les résultats des choix, arbitrages et décisions prises. Cette mentalité se retrouve jusque dans l’exercice de la justice.
Nous en avons un nouvel exemple, relaté par le New York Times dans son édition du 3 Mai sous le titre « Ex-Volkswagen C.E.O. Charged With Fraud Over Diesel Emissions » (ici).
« The Volkswagen emissions scandal reached the highest echelons of the company on Thursday after its former chief executive was charged with conspiracy in the company’s rigging of diesel vehicles to feign compliance with federal pollution standards (…)
Despite President Trump’s efforts to water down auto emissions standards, the indictment indicates that the Justice Department continues to pursue an investigation of Volkswagen that began during the Obama administration. And it provides a rare spectacle: a chief executive facing criminal charges.
Last year, Volkswagen pleaded guilty to United States charges that included conspiracy to violate the Clean Air Act. But the company blamed lower-level managers for the wrongdoing and maintained that no members of its top management had been involved. (…)
If it is proven that Mr. Winterkorn was a party to the conspiracy, Volkswagen would be significantly more vulnerable to lawsuits brought by shareholders who accuse top managers of shirking their obligation to inform them of the risks the company was taking. The shareholders are seeking some $10 billion in damages, which would be on top of the roughly $26 billion in fines and civil damages that the carmaker has already paid
».

Au départ, un traitement judiciaire classique de la part du constructeur allemand, à la française nous aurions envie de dire. Encore des subalternes, qui, à l’insu de la Direction du Groupe, installent les fameux logiciels de fraude aux émissions polluantes sur les véhicules de la marque. Ils sont forts ces employés indélicats car ils arrivent à «contaminer» près d’un million de véhicules, tous seuls dans leur coin, sans que personne ne se rende compte de rien ! Ensuite, devant l’évidence, l’entreprise décide de plaider coupable devant la justice américaine, espérant que ses dirigeants soient épargnés.
Ils sont aujourd’hui justement poursuivis, au plus haut niveau et sur des charges criminelles. L’argumentaire de la justice est très intéressant car il dit en substance que « pouvoir vaut responsabilité ».
D’une certaine façon, peut importe que le CEO soit un acteur direct de la fraude, qu’il en ait été directement informé, qu’il l’ait encouragée ou non, l’exercice de son pouvoir veut qu’il soit informé et en mesure de faire respecter la réglementation par l’entreprise qu’il dirige.
Rappelons que c’est l’une de ses fonctions essentielles. En fait, rien de bien différent de ce qui se passe chez les « gens d’en bas »…

Nous n’osons imaginer l’application en France de ce principe, chez les Lafarge, Areva et autres !
Un autre monde…

MM.

« Tout le monde veut devenir milliardaire ! »

A l’heure où la chose économique est devenue pour nos politiques une foire d’empoigne où l’incontinence intellectuelle se mélange aux idéologies rances, essayons de prendre un peu de hauteur pour répondre à cette injonction macronienne « Tout le monde veut devenir milliardaire ! ».
Faut dire qu’ils n’y vont pas avec le dos de la cuillère, tout y passe : de l’économie de bistrot (le budget de l’État c’est comme le budget des ménages), de la pseudo-théorie surannée (le ruissellement), de l’idéologie à toutes les sauces (le président des riches), du foutage de gueule puissance dix (les millions d’emploi que créera -pas- le Medef avec de l’argent public), de la décriminalisation généralisée de la vie des entreprises, etc… sans oublier l’irrésistible « y’a pas d’autre solution », quel triste monde !

Tout d’abord, regardons l’excellent documentaire historique diffusé par Arte sur « Les Routes de l’Esclavage » (ici).
Au-delà de la tragédie, éminemment et essentiellement humaine, que constitue l’esclavage, nous pouvons dégager trois lignes forces de l’entrée des européens sur ce «marché» à la suite de la longue période des Empires arabes. Les européens, et plus spécifiquement les portugais, industrialisent l’esclavage dans le cadre des exploitations de cannes à sucre, à partir d’un échange triangulaire (marchandises, esclaves, canne à sucre). La dimension raciale (blancs et noirs) n’émergera que tardivement aux Antilles à l’occasion d’une généralisation du processus, comme moyen de production, l’esclave n’étant qu’un outil parmi d’autres comme le révèlent les inventaires de l’époque. Rapidement cette conception purement productiviste trouve ses limites, la sur-exploitation de cette « ressource » conduisant à son épuisement rapide (espérance de vie très courte) et à son incapacité à se renouveler (taux de mortalité des enfants extrêmement élevé). Un temps, l’augmentation du nombre d’esclave permet de compenser cette détérioration des conditions de production, mais au risque de l’émergence de conditions (poids respectifs des populations blanches et noires) politiques et sociales instables. C’est ce processus, allié à une prise de conscience humaniste avec le courant des Lumières et des réformés, et à des révoltes d’esclaves, qui conduira au final à l’interdiction ou l’abolition de l’esclavage en Europe. Si l’on accepte, comme les esclavagistes, de considérer l’esclave comme une simple variable de production, nous voyons très bien que les processus à l’œuvre et leurs conséquences ne sont aujourd’hui guère différentes : sur-exploitation et épuisement des ressources, non renouvellement naturel conduisant à des risques climatiques, politiques et sociaux, transfert général des richesses entre pays (mondialisation) mais aussi au sein même des États entre classes sociales, maintient de populations (même si elles n’ont plus le statut « légal » d’esclave) en monnaie d’échange…

Le document d’Arte finit la description de l’esclavagisme européen en s’interrogeant sur la contribution de ce « mode de production » à la richesse des nations (pour reprendre le titre de l’un des livre fondateur du libéralisme économique) et à l’avantage déterminant que prend l’Europe aux XVII et XVIII siècles sur le reste du monde. Parce que c’est bien de cela dont il s’agit au final : à l’origine, il n’y a aucune notion raciale dans l’esclavagisme (de toute façon autorisé et même légitimité par le Vatican), qui n’est qu’un simple mode de production (contraint et violent faut-il le rappeler), fondateur du capitalisme et ancêtre de ceux expérimentés par la suite. Dans son livre référence, Thomas Piketty avait tenté de chiffrer le « gain » pour l’économie américaine de la généralisation de l’esclavage dans les territoires du sud, montrant une contribution importante ayant sans aucun doute largement contribué à donner aux États-Unis une avance économique sur les anciennes puissances coloniales européennes dès le XIX siècle. Il en est de même un ou deux siècles plus tôt pour les pays européens. Même si tous les historiens ne s’entendent pas sur le chiffrage précis de cette contribution de l’esclavage aux économies européennes, n’oublions pas un principe premier du capitalisme, aujourd’hui encore plus, d’actualité : les capitaux vont en priorité vers les marchés offrant les meilleurs profits. Or le taux de profit tiré de la traite au XIXe siècle, est deux fois supérieur à celui généré par d’autres types « d’investissement ». C’est ce qui explique l’orientation massive de capitaux vers le commerce triangulaire. De toute façon un commerce ne perdure pas trois siècles s’il n’assure pas une haute rentabilité.

Macron a raison. L’organisation économique dont il se fait aujourd’hui le VRP zélé permet sans doute à chacun de devenir milliardaire: encore faut-il le vouloir ! Certains de ses amis nous le montrent aujourd’hui encore : il y a beaucoup de forêts à détruire, beaucoup de fonctionnaires et politiques à corrompre, beaucoup de populations malléables… En un mot des taux de profit élevés en perspective. Question de choix…

Ensuite, portons-nous sur une étude originale publiée par l’organisation américaine Trucost sous le titre « Natural Capital at Risk » (ici, le compte rendu en français fait par E-RES). Ce travail de chercheurs tend à montrer qu’aucune grande industrie ne serait rentable si elle payait ses impacts sur l’environnement.
Lisons : « Depuis longtemps on parle du principe de « pollueur-payeur ». Le concept est simple : lorsqu’un dommage est commis sur l’environnement, c’est celui qui a causé le dommage qui doit payer pour en gérer les conséquences sur la collectivité.
Régulièrement, on applique ce principe lorsque par exemple une entreprise est responsable d’une catastrophe écologique comme une marée noire : l’entreprise peut alors avoir à payer une amende aux collectivités qui ont été affectées. Mais que se passerait-il si on décidait d’appliquer totalement ce principe ? Si chaque entreprise devait gérer les externalités négatives de son activité sur la planète ? ».
« À l’heure actuelle le principe pollueur payeur n’est en effet appliqué que très partiellement. En fait, la plupart des pollutions causées par les entreprises (ou les autres acteurs) ne sont jamais ni mesurées, ni évaluées, et encore moins facturées. C’est ce que l’on appelle « les externalités environnementales » : l’activité de l’entreprise a une conséquence indirecte sur l’environnement, qui affecte la société. Pourtant, ce n’est pas l’entreprise qui finance le coût de cette externalité, mais bien la société, c’est à dire les citoyens.
Sur le principe, il semblerait plus logique que ce soit l’entreprise qui finance ce dont elle est responsable. Et c’est théoriquement possible, si on arrive à comptabiliser la valeur de ces externalités. Et c’est justement là tout l’enjeu : comment évaluer la valeur et le coût de réalités aussi diverses que la biodiversité, une forêt, ou une tonne de CO2 ?
C’est ce que se sont attachés à faire les chercheurs à l’origine de l’étude. Avec une méthodologie complexe et détaillée, ils sont parvenus à évaluer la valeur des externalités liées à l’activité économiques des grands secteurs industriels mondiaux. Et leurs résultats sont très inquiétants
».

Nous vous laissons découvrir dans l’étude détaillée, les résultats .
Au final, aucun grand secteur économique parmi les 100 plus rentables de la planète, ne serait bénéficiaire s’il devait réellement financer ses coûts pour la planète.

Il est facile de faire fortune sur les dos des autres. Nous sommes d’accord avec Macron : tout le monde peut devenir milliardaire. Nous pouvons tous être le propriétaire d’un groupe intégré qui détruit l’environnement local, corrompt les politiques pour obtenir des marchés, exploite la main d’œuvre… Nous pouvons tous être la figure emblématique d’un réseau social mondial après avoir pris soin d’éjecter nos co-créateurs ; nous pouvons tous être le leader mondial de la micro-informatique quand nous sommes en situation de quasi-monopole et que nous avons pris soin d’éradiquer toute concurrence… Les exemples ne manquent pas, nous pourrions aussi parler de tous ces milliardaires qui le sont devenus en ne payant pas ou peu d’impôts !!

Macron, toujours lui, a fait récemment un peu de service après vente dans Forbes. Le politique doit se soumettre aux affaires. La morale aussi, et tout le monde sera milliardaire. (ici)
Tant pis pour les autres; sauf que l’économie ce n’est pas que des chiffres, des taux de profit, mais aussi des choix, des choix de vie, des choix éthiques. Laissons leurs milliards aux esclavagistes et autres pollueurs.

Il suffirait qu’un jour, des chercheurs s’attaquent à l’étude de l’origine des «richesses des milliardaires». Comment se sont-elles constituées ? Si nous externalisions les impacts sur l’environnement, les situations de monopoles, les actes de corruption, des prévarications diverses, les « optimisations » en tout genre… que resterait-il de ces fortunes ?

MM.

Alerte, justice et désobéissance

Dans un article paru en mars dernier, « Lanceurs d’alerte : désobéir, jusqu’où ? », Le Monde donne la parole au philosophe Thomas Schauder (ici) pour tenter de répondre à la question: « Peut-il être juste de désobéir aux lois ? ».
Il revient à cette occasion sur la condamnation de militants de Greenpeace en février 2018 : « Le 27 février, le tribunal correctionnel de Thionville a condamné en première instance l’ONG écologiste Greenpeace et huit de ses militants pour s’être introduits dans la centrale nucléaire de Cattenom (Moselle) le 12 octobre 2017. Leur but était d’« alerter les autorités sur la forte vulnérabilité de ces bâtiments face à des actes de malveillance ». Deux d’entre eux écopent de deux mois de prison ferme, les sept autres de cinq mois avec sursis. L’association est également condamnée à 20 000 euros d’amende et à 50 000 euros de réparation du préjudice moral à EDF (qui en réclamaient 500 000 pour « atteinte à sa crédibilité »). Greenpeace France a annoncé qu’elle ferait appel : « Ces lourdes sanctions ne sont pas acceptables pour l’organisation qui a joué son rôle de lanceur d’alerte ».

À la lecture de ce verdict une question se pose : comment différencier le délinquant (ou le criminel) du lanceur d’alerte ? C’est à ce problème qu’a été confronté le tribunal chargé d’examiner l’action de Greenpeace à Cattenom. Si Greenpeace assume l’illégalité de l’action, celle-ci n’intervient qu’en dernier recours : « On ne désobéit pas à la légère : on essaye de produire une expertise, on argumente, on rencontre les autorités pour leur exposer les faits dont on a connaissance. Si on estime qu’ils ne réagissent pas, il est de notre devoir d’agir pour informer et provoquer le débat ». Et visiblement, cela a fonctionné : « C’est suite à notre intrusion que le Parlement a créé une commission d’enquête [sur la « sûreté et la sécurité des sites nucléaires », en janvier]. Ces intrusions posent un problème auquel il faut une réponse, et pour nous c’est déjà une avancée ».

Et Thomas Schauder de rappeler que « désobéir à la loi est par définition un acte de délinquance. Mais, comme l’écrivait Hannah Arendt, « Il existe une différence essentielle entre le criminel qui prend soin de dissimuler à tous les regards ses actes répréhensibles et celui qui fait acte de désobéissance civile en défiant les autorités et s’institue lui-même porteur d’un autre droit. […] Il lance un défi aux lois et à l’autorité établie à partir d’un désaccord fondamental, et non parce qu’il entend personnellement bénéficier d’un passe-droit » (Du mensonge à la violence, 1972) ».
« Si Greenpeace a violé la loi (« intrusion en réunion et avec dégradation dans l’enceinte d’une installation civile abritant des matières nucléaires »), ils ne l’ont pas fait pour eux-mêmes mais pour « alerter sur la vulnérabilité des sites nucléaires » vulnérabilité qu’il est dans l’intérêt de tous, y compris et surtout d’EDF, de diminuer au maximum »
. Car l’ironie se situe souvent à ce niveau pour les lanceurs, leur dénonciation devrait servir avant tout l’intérêt de l’organisation où les faits délictueux sont commis. Malheureusement celle-ci, pourtant première victime, est soit sourde pour des raisons souvent obscures, soit elle-même complice.
L’intérêt de tous, tel est sans doute la piste à suivre pour répondre à notre question « Peut-il être juste de désobéir aux lois ? ». Comme l’ont illustré de multiples alertes et encore récemment le cas de Notre-Dame-des-Landes, la notion d’intérêt général est extrêmement problématique car personne ne peut objectivement prétendre la connaître. Voir autant de personnes et de groupes s’en réclamer pour justifier leurs actes pose donc un problème de fond au pouvoir qui est censé en être le garant.
Rappelons que dans son acception la plus étroite, le lanceur d’alerte est celui qui, dans son champ professionnel, constate l’existence d’un danger grave et collectif provenant d’une mauvaise ou absence d’applications de lois et règlements et qui, après avoir en vain cherché à faire intervenir ceux qui ont compétence pour y parer, entre dans des stratégies de résistance au risque de s’attirer des mesures de rétorsion. L’alerte a lieu dans le contexte d’une relation de travail, d’où le qualificatif parfois retenu d’alerte professionnelle. Mais dans un sens plus large, qui justifie aux yeux de certains d’inclure dans la catégorie des lanceurs d’alerte des personnalités comme Snowden ou Manning, le terme peut s’appliquer à toute personne ou groupe qui rompt le silence pour signaler, dévoiler ou dénoncer des faits, passés, actuels ou à venir, de nature à violer un cadre légal ou réglementaire ou entrant en conflit avec le bien commun ou l’intérêt général ou même, dans une conception encore plus englobante, à toute personne soucieuse qui tire la sonnette d’alarme afin de faire cesser des agissements pouvant représenter un risque pour autrui.

Si l’on considère non plus la personne qui divulgue mais le contenu de ce qui est divulgué, on peut là encore opposer à une conception étroite, où l’alerte porte sur des faits constitutifs de crimes ou de délits, une conception plus large incluant dans les objets de l’alerte les comportements nuisibles à l’intérêt général, tels les risques sanitaires et environnementaux, ou encore les diverses atteintes potentielles aux droits et libertés.

Alerter, c’est briser la consigne du silence, rompre la solidarité de corps, faire acte d’insubordination et donc, dans une acception large du terme, désobéir. Il est vrai que le « désobéissant », en refusant de se plier à une règle ou un commandement légal dont il conteste la légitimité, accepte de se mettre délibérément en infraction avec la loi, alors que la plupart des lanceurs d’alerte « labellisés » comme tels, n’ont enfreint aucune loi ; mieux encore, lorsqu’il dénonce des infractions ou divulgue des pratiques illégales, le lanceur d’alerte souhaite justement que force reste à la loi.
Pourtant, il arrive au lanceur d’alerte, à force de ne pas être entendu, de recourir à des moyens illégaux et de passer ainsi du côté des « désobéissants ». Il est donc fondamental de rappeler que dans de très nombreux cas c’est l’organisation qui transforme le salarié en lanceur d’alerte, refusant justement que force reste à la loi.

Demeure la question centrale de l’intérêt général.
Nous voyons bien que la notion d’intérêt général est, aujourd’hui, autant un concept du droit qu’une catégorie fourre-tout.
Elle est normalement censée désigner l’ordre public, l’intérêt du peuple ou bien la priorité des décisions administratives sur les intérêts privés, sectoriels, les droits individuels et les contrats entre particuliers. La notion d’intérêt général renvoie également à l’existence d’un intérêt impartial qui pourrait réunir tous les intérêts des citoyens aussi divers soient-ils, et à la représentation claire de cet intérêt.
Il n’est donc pas étonnant que ce concept a été mobilisé autant par les défenseurs de la monarchie, mais également de la liberté du commerce que par les défenseurs d’une république impliquant des mesures d’égalisation des conditions. On doit donc souligner qu’il est, et ce dès son apparition, un concept ambigu, un concept contesté et utilisé pour nier les dissensions qui ne manquent pas d’apparaître notamment dans les périodes politiquement troublées.
Nous voyons bien toute la difficulté à cerner l’intérêt général.
Ce qui est clair, étant la seule façon de garder légitime et fondamentale cette notion en démocratie, c’est qu’il est impérieux qu’il s’oppose aux intérêts particuliers y compris sectoriels ou professionnels, faute de quoi il se dissoudra dans une somme d’intérêts individuels dont il est par définition la négation.

MM.

« Si c’est moi… c’est à moi »

Une donnée à caractère personnel (couramment « données personnelles ») correspond en droit français à toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres.
L’entrée en vigueur du règlement européen sur la protection des données personnelles, généralement abrévié en RGPD, approche à grands pas, le 25 mai prochain.

Le sigle RGPD signifie Règlement Général pour la Protection des Données personnelles. En anglais, le sigle est GDPR pour « General Data Protection Regulation ». Il désigne le nouveau texte de référence européen en matière de protection des données personnelles. Il a été conçu pour adapter et moderniser la législation et harmoniser le cadre juridique européen dans ce domaine. Toutes les entreprises, organismes publics et associations des 28 États membres de l’Union européenne qui collectent des données à caractère personnel sur les résidents européens, sont concernés. Les organisations issues de pays en dehors de l’UE sont aussi concernées si elles collectent et traitent des données personnelles de résidents européens. Les Gafa, Uber, Airbnb et autres sont donc également soumis au règlement.

Le texte du RGPD a été adopté définitivement le 14 avril 2016 par le Parlement européen après de longues négociations, et promulgué au Journal Officiel le 27 avril 2016. Il remplace l’ancien texte de référence européen de 1995 en matière de protection des données personnelles. Cette ancienne directive avait servi en France de fondement à la loi Informatique et libertés. La version finale du texte RGPD est disponible en français sur le site de l’Union européenne ou sur le site de la CNIL. Le RGPD doit entrer en vigueur le 25 mai 2018. Comme il s’agit d’un règlement européen, et non pas d’une directive, le texte entrera en application simultanément dans tous les États membres de l’Union européenne, sans transposition dans les droits nationaux. Autrement dit, le Parlement français n’aura pas besoin de voter la transposition du texte en France.
Après le 25 mai 2018, tout traitement en infraction avec le RGPD pourra déboucher sur des sanctions. Des amendes jusqu’à 20 millions d’euros ou 4% du chiffre d’affaires annuel de l’exercice précédent pourront être prononcées. Ce sera le montant le plus élevé qui sera retenu entre ces deux cas de figure.

Pour les géants du web comme Facebook ou Google, la note pourrait atteindre des dizaines ou des centaines de millions d’euros. Cependant, les multinationales ne sont pas forcément les entreprises les plus exposées car elles ont des armées de juristes et d’experts qui travaillent déjà à plein temps sur le sujet. En revanche, le risque est plus élevé pour les petites entités comme les TPE, PME ou associations, souvent peu renseignées sur le sujet.
Comme auparavant, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) procèdera à des vérifications dans les locaux des organisations ou en ligne. Les contrôles seront effectués sur la base d’un programme annuel, des plaintes reçues par la Cnil, ou encore des informations présentes dans les médias. Ils pourront également faire suite à un précédent contrôle. Étant donné que les principes fondamentaux de la protection des données restent globalement inchangés (sécurité des données, loyauté du traitement, durée de conservation…), ils continueront donc à faire l’objet de vérifications rigoureuses de la part de la Cnil.

En revanche, les nouvelles obligations et les nouveaux droits résultant du RGPD (droit à la portabilité, analyses d’impact…) feront l’objet de contrôles. Mais ils seront dans un premier temps non punitifs. L’objectif est d’aider les organismes à bien comprendre les enjeux et la mise en œuvre opérationnelle des nouvelles dispositions. Si l’entité est de bonne foi et qu’elle est engagée dans une démarche de conformité, la Cnil n’appliquera aucune sanction durant les premiers mois qui suivront l’entrée en vigueur du règlement. Autre nouveauté à noter, les contrôles effectués sur les acteurs internationaux seront réalisés par plusieurs organismes afin de rendre une décision à portée européenne.

Les 4 principes clés du RGPD sont :
– le consentement,
– la transparence,
– le droit des personnes et
– la responsabilité (accountability).

Le consentement.
L’article 7 stipule que « le consentement devrait être donné par un acte positif clair par lequel la personne concernée manifeste de façon libre, spécifique, éclairée et univoque son accord au traitement des données à caractère personnel la concernant, par exemple au moyen d’une déclaration écrite, y compris par voie électronique, ou d’une déclaration orale »;
Le consentement peut être retiré à tout moment par les personnes le demandant. Pour les entreprises à caractère BtoB, la collecte du consentement n’est pas obligatoire si la finalité de la collecte est bien respectée (les cases pré-cochées sont autorisées).

La transparence.
Comme il est précisé dans l’article 12 du RGPD, les organisations doivent fournir aux individus des informations claires et sans ambiguïté sur la façon dont sont traitées leurs données. Celles-ci doivent être accessibles par tous, via des documents contractuels, des formulaires de collecte ou les pages « privacy » des sites web.

Le droit des personnes.
De nouveaux droits sont apparus dans le règlement comme le droit à l’oubli pour tous les utilisateurs. Les organisations n’auront plus qu’un mois (au lieu de deux) pour supprimer les données suite à une demande. Le droit à la portabilité des données est aussi une nouveauté. Il permet à un individu de récupérer les informations qu’il a fournies sous une forme réutilisable pour, le cas échéant, les transférer à un tiers.

Le principe de responsabilité (accountability).
Il regroupe toutes les mesures qui visent à responsabiliser davantage les entreprises dans le traitement des données à caractère personnel. Les organismes doivent par exemple mettre en place des mesures adéquates pour garantir la sécurité des données. Elles doivent également appliquer le « privacy by design », un concept qui impose de réfléchir à la protection des données personnelles en amont de la conception d’un produit ou d’un service. Elles doivent aussi choisir des sous-traitants qui soient conformes au RGPD ou encore désigner un data protection officer (DPO), chargé de contrôler la conformité de l’organisme avec le RGPD.

Le DPO, chef d’orchestre du RGPD-
Le délégué à la protection des données personnelles ou data protection officer en anglais est chargé d’assurer la mise en conformité RGPD de l’organisme pour lequel il travaille. Il doit s’assurer que les collaborateurs respectent les dispositions du règlement quand ils utilisent des données à des fins commerciales ou à des fins internes (au sein des logiciels RH par exemple). Il est donc amené à collaborer avec tous les départements. La désignation d’un DPO est obligatoire pour « les autorités ou les organismes publics, les organismes dont les activités de base les amènent à réaliser un suivi régulier et systématique des personnes à grande échelle et les organismes dont les activités de base les amènent à traiter à grande échelle des données dites sensibles ou relatives à des condamnations pénales et infractions » précise la Cnil. Enfin, le DPO peut être mutualisé, c’est-à- dire désigné pour plusieurs organismes sous certaines conditions (être facilement joignable par exemple). Le DPO est en quelque sorte le successeur du correspondant informatique et libertés (CIL), facultatif depuis 2005, qui est chargé de veiller au respect de la loi Informatique et libertés dans les organismes publics et privés. Les missions du DPO sont toutefois plus strictes. Il doit être doté de certaines qualifications (qualités professionnelles, connaissances du droit en matière de protection de données). Ses missions diffèrent toutefois du CIL puisqu’il a une dimension de conseil et de sensibilisation sur les nouvelles obligations du règlement.

Tout ceci semble bien pensé et solide. Reconnaissons à l’Europe une apparente réelle volonté, en opposition à ce qui se dessine aux États-Unis, de placer l’internaute et ses données personnelles au centre de la problématique. Nos expériences « déformantes » de lanceurs d’alerte nous conduisent à être néanmoins prudents et d’attendre de voir si tous ces dispositifs sont effectifs et efficaces. Aussi, nous suivrons avec attention toutes les démarches destinées à mettre à l’épreuve cette nouvelle réglementation.

L’association de défense des droits et libertés à l’ère du numérique, La Quadrature du Net (LQDN), a lancé une vaste campagne contre les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), (ici), reposant sur une série d’actions de groupe contre leurs services, grâce à l’entrée en vigueur au 25 mai du règlement européen sur la protection des données (RGPD).
L’article 80 du RGPD permet en effet à toute personne concernée de mandater un organisme ou une association à but non lucratif actif « dans le domaine de la protection des droits et libertés des personnes concernées » pour effectuer en son nom une réclamation.
Sur cette base, La Quadrature compte lancer une douzaine d’actions auprès de la Commission nationale informatique et liberté (Cnil) à compter du 25 mai, estimant d’ores et déjà que les géants du Net visés ne respecteront pas les règles de consentement explicite et de protection des données prévues dans le RGPD.
Pour LQDN, « les services des Gafam ne peuvent s’accaparer nos données qu’avec notre consentement libre et explicite. Il n’est pas libre s’il nous est imposé de le donner pour accéder à leurs services. Or, c’est bien ce qu’ils font ».

MM.

Qui ne cherche pas, ne trouve pas…

Il va falloir revoir ses classiques.
Ce qui est bien avec les adages populaires c’est que l’on ne sait jamais vraiment d’où ils viennent. Ce qui est bien aussi, c’est qu’on peut facilement les détourner en fonction de ses propres besoins.
« Qui cherche, trouve » dit-on. Tout aussi simple et moins fatiguant, nous avons le « Qui ne cherche pas, ne trouve pas » ! Certains en sont devenus des spécialistes au point d’en faire leur mot d’ordre.
Nous pourrions vous raconter l’histoire d’un procureur, d’un juge et d’un service de police judiciaire devenus les maîtres en la matière. Il faut dire que nous n’avons sûrement pas trouvé plus efficace pour enterrer une affaire gênante. Quand on dit « pas chercher », c’est vraiment pas chercher. Pas de perquisitions, des auditions extra-lights, des réquisitions obscures et garanties sans réponses précises, des demandes d’informations à la partie incriminée « à sa guise » ! Rien de bien contraignant et nous sommes assurés d’avance d’un résultat nul. Même si ça ne marche pas toujours comme souhaité, si des journalistes venaient à produire publiquement des pièces venant alimenter la procédure instruite, pas de soucis, il suffit de ne pas en faire la réquisition.
Il faut toujours garder à l’esprit que celui qui ne cherche pas, ne trouve pas. Ainsi, dans quelques années, on pourra se tourner vers les lanceurs d’alerte et leur dire que malgré les efforts gigantesques déployés, le dossier d’instruction reste vide. Il n’y a rien, circulez, « circulez, y’a rien à voir ! »

La Commission européenne n’est pas en reste. Elle a également appris la leçon. Elle nous a fait le coup récemment avec les paradis fiscaux dans le but de nous sortir une liste vierge de tout pays européen. Nous avons cherché, nous avons passé tous les pays au crible d’une batterie de critères, et puis non, pas de paradis fiscaux en Europe. La bonne nouvelle !
Rebelote avec Malte.
Dans un article du 24 Avril 2018 sous le titre « Projet Daphne : la Commission européenne refuse d’enquêter sur l’État de droit à Malte » (ici), le journal Le Monde nous indique : « La discrétion était de mise ces derniers jours à Bruxelles à la suite des révélations du « Projet Daphne », dont Le Monde est partenaire. Initié par le réseau Forbidden Stories, il vise à poursuivre les enquêtes de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia, assassinée dans son pays le 16 octobre 2017. Vente abusive de passeports « en or » à des non-citoyens de l’Union européenne (UE), recherche d’un éventuel mobile politique dans le meurtre de Mme Galizia, attitude de la justice maltaise ? Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, a certes eu des paroles fortes, lundi 23 avril, en salle de presse de l’institution, promettant que « tout ce que le projet Daphne révèle sera examiné par la Commission et si elle pense qu’elle peut agir elle le fera. Nous continuerons à mettre la pression sur les autorités maltaises. » Mais quelques jours plus tôt, le chef des porte- parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas, avait, elle, écarté l’éventuelle poursuite de Malte, plus petit Etat de l’UE, pour violation de l’Etat de droit : « Si la question est : y a t-il une infraction à l’Etat de droit à Malte ? La réponse est non. » Pour l’heure, la seule conséquence au niveau européen du « Projet Daphne », est la nomination, lundi, par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, d’un rapporteur spécial sur le meurtre de la journaliste maltaise, le néerlandais Pieter Omtzigt. Une initiative qui n’a, de fait, rien à voir avec les instances de l’UE ».

Voilà, circulez y’a rien à voir. Et comment sait-on qu’il n’y a rien à voir ? En n’allant pas voir ! CQFD.
Quand on pense à la malhonnêteté de tous ces journalistes qui apportent documents et témoignages multiples corroborant l’existence probable de dysfonctionnements de l’État de droit à Malte, on se dit : vivement la loi secrets des affaires !

La loi secret des affaires, la loi mal nommée. La loi « secret de faire des affaires », ça aurait été plus judicieux.
C’est vrai que quand toute information pourra être classée secrète, il n’y aura plus aucune utilité à chercher et nous pourrons définitivement adopter ce nouvel adage : qui ne cherche pas, ne trouve pas.
Tout ceci n’est pas très nouveau, si ce n’est que nous tendons à le généraliser.

Nous donnons à votre réflexion cet exemple dans le domaine financier.
Depuis les attentats du 11 Septembre 2001, sous la pression à l’origine des États-Unis, la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme est devenue l’un des devoirs primordiaux de l’exercice du métier de banquier.
Avec le temps, diverses lois et dispositions règlementaires sont venues encadrer les activités bancaires pour veiller au bon exercice de cette lutte. La plupart des pays et des établissements bancaires ont relayé dans leurs lois et règlements les dispositions en la matière.

Des organismes internationaux ont été créés pour superviser cette retranscription dans les lois nationales et des dispositifs d’information et de formation des employés de banque ont été institués pour s’assurer qu’ils étaient en mesure de comprendre et d’appliquer les directives sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Ces organismes internationaux [Gafi (Groupe d’Action Financière), Moneyval…] sont censés contrôler au travers de rapports pluri-annuels, que les États ont effectivement modifié leur législation conformément aux dispositions prévues.
Tout ceci a l’air en apparence parfait. On contrôle bien que les États se soient mis à la page et que les salariés en soient informés et formés.
Mais qui contrôle si les lois et règlements sont effectivement appliqués ? Personne… Vous pouvez écrire au Gafi par exemple ; il vous répondra noir sur blanc qu’il est là pour s’assurer que les lois nationales ont été modifiées comme il se doit, mais pour ce qui est de leur application effective, en fait, personne ne semble s’en assurer.
Une fois de plus, si on ne cherche pas à savoir si les lois sont effectives dans les faits, on ne saura jamais s’il existe des dysfonctionnements.

Autre adage, même conséquence : le principe de précaution qui devient « soyons précautionneux à ne pas avoir trop de principes ».
Dans son édition du jour, sous le titre « Le député Dassault, cité dans les Paradise Papers, rejoint la Fondation Intepol » (ici), Médiapart nous rappelle qu’en politique le bon sens populaire (« il ne faut jamais être trop prudent ») n’est pas de mise.
Nous ne reviendrons pas sur cette fameuse Fondation Interpol, aux dérives multiples, qui a fait l’objet d’un reportage complet que nous avons diffusé sur MetaMorphosis (ici).
Revenons à l’article de Médiapart : « Le 13 avril dernier, il l’a annoncé fièrement sur Twitter, photos à l’appui. «Je suis honoré d’avoir été nommé membre de la Fondation Interpol sous la responsabilité de son Excellence l’éminent Elias Murr, qui a pour vocation de rapprocher les polices pour un monde plus sûr. Une responsabilité collective qui nécessite une alliance à l’échelle mondiale», a tweeté le député de l’Oise Olivier Dassault, 66 ans, président du conseil de surveillance du Groupe Dassault jusqu’en mars 2018, administrateur du Figaro et de Valeurs actuelles, pilote d’avion à ses heures perdues et fils de Serge Dassault. Mais alors qu’Interpol est censée lutter contre toute forme de criminalité financière, plusieurs membres de cette fondation posent de véritables questions éthiques pour l’agence policière. Le premier est Stuart Gulliver, président d’HSBC jusqu’en février 2018, banque au cœur du scandale d’évasion fiscale « SwissLeaks ». Détenteur d’un compte caché en Suisse lié à une société panaméenne, Stuart Gulliver sera prié de quitter la Fondation Interpol en 2016. Mais il sera remplacé au sein de la fondation par Douglas Flint, alors président exécutif d’HSBC.
Le président de la fondation en personne, Elias Murr, est lui aussi cité dans les SwissLeaks. En effet, le Libanais a possédé un compte à la HSBC de Genève, à travers une compagnie dénommée Callorford Investments Limited. Un compte qui a abrité 42 millions de dollars en 2006-2007. Se défendant par le truchement d’un porte-parole, Elias Murr rétorquera au Consortium international des journalistes (ICIJ) que ces fonds sont connus, et n’avaient aucun lien avec ses fonctions politiques. Le nouveau membre de la Fondation Interpol, Olivier Dassault, n’est pas éloigné non plus des scandales financiers, en tant que président du conseil de surveillance du Groupe Dassault de 2011 à mars 2018, poste qu’il a dû délaisser afin d’éviter les conflits d’intérêts avec son mandat de député, comme la loi sur la transparence de la vie publique le stipule. En effet, en novembre 2017, l’enquête des « Paradise Papers » menée par le Consortium international des journalistes a démontré que le groupe Dassault était impliqué dans un système de fraude à la TVA sur l’île de Man, un paradis fiscal situé en mer d’Irlande »
.

Nous aurions pu penser, de la part des deux parties et compte tenu de leur « historiques » respectifs, que la prudence serait de mise. Assurément non. La précaution c’est pour les autres, les principes aussi d’ailleurs.
Combien de lanceurs d’alerte, cherchant à se repositionner professionnellement, et pas forcément dans leur secteur d’activité ont entendu après avoir joué la carte de la transparence, « mieux vaut attendre la fin du procès avant de vous embaucher ». Le principe de précaution fonctionne ici à plein. Étant tout de même rappelé que le lanceur d’alerte n’a rien à se reprocher si ce n’est d’avoir répondu à ses propres obligations, qu’il n’est généralement poursuivi de rien, mise en examen de rien… mais il semble qu’il faut tout de même mieux être prudent!
Paradoxalement, ce même principe de précaution ne s’applique visiblement pas à ceux mis en examen et qui bossent toujours… la présomption d’innocence fonctionne, elle, à bloc! Quid principe de précaution? « C’est quand je le veux bien! »
Heureusement que nous ne traînons pas la batterie de casseroles de Dassault ou d’Interpol, parce que là se serait… Non, rien.

MM.

Lutte contre la corruption : au-delà du slogan

Laissons Bolloré où il est, chez le juge… On ne va pas encore blâmer le milliardaire breton, entendu ce jour (ici) dans une enquête sur des soupçons de corruption autour de l’attribution de concessions portuaires à son groupe, au Togo et en Guinée, en 2010.
Sarkozy il y a quelques semaines, Bolloré aujourd’hui, la justice française se mettrait-elle au diapason ? Reconnaissons-lui une réelle volonté, des résultats à venir espérés, dans un environnement politique peu favorable, la grande loi de moralisation de la vie politique ayant accouché d’une souris, les quelques « mesurettes » contre la corruption n’étant pas de nature à changer la donne, et les gardes-fou posés ici et là (secret des affaires, plaider-coupable, convention judiciaire…) constituant autant d’obstacles nouveaux à un exercice serein de la justice. Au mieux le gouvernement macronien pourra se satisfaire de la critique bienveillante de Transparency International France qui va finir pas se transformer en association de défense des causes perdues. Dans tout cela, peu de politiques condamnés, en tous les cas pour faits de corruption ; c’est à croire que la France serait une exception, un îlot protégé de Jupiter dans un océan de corruption. N’est-ce pas aller un peu vite en besogne ?

Ce qui est sûr c’est que nos politiques sont les rois du slogan. Quand il s’agit de crier « haro à la corruption », « la corruption ne passera pas par moi »… il y a du monde sur les grands chevaux. C’est un mal quand même très français : condamner oui, combattre peut-être !

Revenons aux faits, aux seuls faits.
La lutte contre la corruption n’est plus un slogan dans de nombreux pays. De très nombreux ministres sont écartés du pouvoir et se retrouvent devant les prétoires où ils sont souvent condamnés à de lourdes peines. Les anciens chefs de l’État et de gouvernement ne sont plus épargnés par la justice.
On ne badine pas avec la probité en Israël : l’ancien Premier ministre Ehud Olmert, avait été condamné en 2016 à 27 mois de prison ferme pour corruption et entraves à la justice. Il a accompli seize mois de détention pour être libéré le 2 juillet 2017. Il avait rejoint en prison l’ancien chef de l’État israélien Moshe Katzav, condamné à sept ans de prison ferme en 2011, pour viol et entraves à la justice. L’ancien détenu est sorti de prison en décembre 2016 après avoir accompli cinq années de détention. L’actuel Premier ministre, Benjamin Netanyahou, est actuellement dans la mire de la police qui aurait réuni des preuves de corruption, de trafic d’influence et d’abus de confiance. L’intéressé nie ces graves accusations mais les faits paraissent suffisamment probants pour une éventuelle comparution en justice.
Le Brésil malade de la corruption : après ses deux mandats de chef de l’État, l’ancien président syndicaliste brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, avait été remplacé, le 1er janvier 2011, par son ancienne chef de cabinet, Dilma Rousseff, vainqueur de l’élection présidentielle. La grande proximité entre les deux personnalités n’a pas empêché l’ancien président Lula d’être repris par la justice, pour de graves accusations de corruption. Il s’est finalement constitué prisonnier, le 7 avril 2018, pour une peine de douze ans de prison. Dilma Roussef, à son tour, a été mise en cause par la justice par des scandales de corruption. Elle a été contrainte à la démission par le Sénat, le 31 août 2016. Le vice-président, Michel Temer, lui a succédé. Les mêmes soupçons de corruption et de trafic d’influence notamment dans les scandales du groupe de BTP Odebrecht et Petrobras menacent de plus en plus sa présidence.
Le scandale Odebrecht éclabousse l’Amérique latine : le scandale du géant brésilien des BTP, qui a institutionnalisé la corruption, n’affecte pas que le Brésil. Les anciens chefs de l’État du Pérou, Ollanta Humala, Alberto Fujimori, Pedro Pablo Kuczynski ont dû démissionner et rendre des comptes à la justice.
Quasiment tous les États d’Amérique latine sont aussi concernés par ce scandale. Des ministres, des magistrats, des proches des chefs de l’État sont pris dans les filets de la justice.
L’Asie n’est pas à l’écart : l’ancienne présidente de la Corée du Sud, Park Geun-Hye, destituée et arrêtée en mars 2017, a été condamnée, le 6 avril 2018, à 24 années de prison pour abus de pouvoir et corruption.

En Afrique, le mouvement « mains propres » a commencé : la justice sud-africaine est souvent montrée en exemple. Elle a mis en accusation le président Jacob Zuma pour une vielle affaire d’armement ayant donné lieu à des pots-de- vin impliquant Thomson-CDF devenu Thales. Jacob Zuma a dû finalement démissionner, le 24 février 2018. Il attend son procès prévu en juin 2018.
Les proches de l’ancien président angolais Eduardo Dos Santos sont de plus en plus sérieusement mis en cause pour des affaires de détournement de fonds publics et de corruption. L’ancien président pourrait bientôt être en première ligne des accusés.
Le successeur de Robert Mugabe à la tête du Zimbabwe s’attaque à la corruption qui y est endémique. Déjà plusieurs ministres de la ZANU ont été arrêtés. L’épouse de Robert Mugabe est aussi dans le viseur de la justice et pourrait entraîner, in fine, le vieux leader qui a déjà été contraint d’abandonner la présidence.
La présidente de l’île Maurice, Gurib-Fakim, a été contrainte à la démission pour avoir utilisé une carte bancaire d’une ONG à des fins personnelles.
Les États africains, notamment ceux d’Afrique dite francophone, doivent accroître la lutte contre la corruption qui nourrit la mal gouvernance et perpétue le sous développement. Il est vrai que certaines puissances investissant en Afrique ne facilitent guère cette éradication, à l’image de la France, ancienne puissance coloniale.
Nous pourrions sauter sur l’occasion pour revenir à Bolloré, mais nous éviterons, même si les faits pour lesquels il est actuellement interrogé sont en droite ligne avec ce qui vient d’être évoqué.

A prendre un peu de recul, nous voyons que des têtes tombent, parfois dans des pays où nous ne nous l’attendions pas, et des têtes d’en haut, Présidents, Premiers Ministres, Ministres, hauts fonctionnaires… avec des condamnations lourdes et exécutées.
Qui manquent-ils à ce palmarès ? Combien de politiques européens poursuivis et condamnés pour corruption ? Quelques rares cas en Italie, en Espagne… et puis c’est tout.
Serions-nous si vigilants, si bien organisés que toute corruption est rendue impossible ? Nos lois, organes de contrôles, conditions d’exercice des mandats publics… seraient-ils si bien agencés, qu’il n’y aurait rien à trouver ? Le travail des lobby serait-il si bien encadré, ici, là et à Bruxelles, que toute tentative de corruption est vaine ?
Nous sommes en train de tomber dans ce que nous dénoncions : le slogan.

Souhaitons que la justice mène à son terme l’affaire (les affaires ?) Bolloré. Espérons qu’elle n’accouche pas d’une maintenant célèbre « lagardise » (une condamnation sans peine pour une broutille de 405 millions d’euros).
Exigeons surtout que la classe politique française et le législateur sortent enfin de leur hibernation face à la corruption, que leurs œillères leur en tombent, qu’ils sortent maintenant du seul slogan pour remettre ce chantier sur le métier.

Condamner c’est bien, combattre c’est mieux.

MM.

Peut-on dissoudre la responsabilité dans l’incompétence ?

Du nouveau dans l’affaire Lafarge…
MetaMorphosis s’est déjà exprimé au sujet du financement présumé de L’État Islamique par cette multinationale. Non pas que nous fassions une fixation sur cette entreprise à l’histoire jalonnée de prises de positions pour le moins discutables, mais parce qu’elle nous semble symptomatique d’un fonctionnement hors normes et hors lois, axé quasi-uniquement par la recherche du profit sans aucune considération morale. Elle est également symptomatique d’un affranchissement par la classe dirigeante de toute responsabilité rattachée à l’exercice de son pouvoir.
Les comptes rendus des premières auditions parues dans la presse sont un cas d’école : les uns après les autres, les dirigeants nous ont sorti la vieille rengaine du « c’est pas moi, c’est l’autre ».
Nous pensons, en notre qualité de lanceur d’alertes, et parce qu’au final c’est ce à quoi nous avons tous été confrontés à un moment ou un autre, que cette déconnexion entre pouvoir et responsabilité est non seulement une des causes majeures des dysfonctionnements relatifs aux questions de probité, mais quelque part encouragent les pratiques de corruption ou en marge des règlements et lois.
Du nouveau donc même si on le sent venir depuis un certain temps. Dans les conditions spécifiques qui prévalaient à ce moment, Lafarge a-t- il fait son petit business tout seul dans son coin ? A-t- il pris le soin de consulter et d’informer certains services de L’État français ? A-t- il cherché à couvrir ses activités peu recommandables en obtenant un accord tacite (« qui ne dit mot, consent ») de l’État pour arriver, le jour venu, à se cacher derrière le fameux « c’est pas moi, c’est l’autre » ?
Les lanceurs d’alerte peuvent témoigner que ce n’est pas le courage qui risque d’étouffer les décideurs, contrôleurs et autres donneurs de leçons en position de décider. La hiérarchisation des processus de décision qui structure nos entreprises n’a pas d’autre finalité première que de créer un émiettement des responsabilités. Il convient de jalonner tout le parcours de verrous qui ralentiront le travail de recherche des responsables finaux d’actes illégaux.
Tout ceci doit nous amener à repenser, dans l’exercice de fonctions privées ou publics, la causalité directe en matière de responsabilités.
Sommes-nous responsables uniquement si nous sommes l’auteur direct des faits ? En matière criminelle c’est évident même si cela n’empêche pas de rechercher des complicités.
Un adjoint à la sécurité d’une grande ville française, qui, dans un contexte de risque extrême d’attentat (pour reprendre ses propres mots), ne jugerait pas utile de participer à la réunion préparatoire préfectorale, pour un événement – un 14 juillet à Nice – réunissant de nombreux citoyens, n’a-t- il aucune responsabilité ? Quand, responsable des équipes en charge de surveiller le lieu des festivités au moyen d’un système de vidéosurveillance par
ailleurs sur-vendu, celles-ci ne remarquant rien des agissements répétés du futur terroriste, cet élu, bénéficiant de pouvoirs énormes et d’un train de vie payé par la collectivité, n’est-il pas responsable devant cette même communauté pour au minimum avoir failli à sa mission ?
Certes, il n’est pas responsable direct, mais il existe bien quelque part une responsabilité par omission, par incompétence, par laxisme, dont on voit bien dans le cas évoqué qu’elle peut avoir des conséquences dévastatrices.

Revenons à notre cimentier préféré et à l’article du Monde « Financement du terrorisme par Lafarge : que savait l’Etat ? » (ici)
«Devant la juge d’instruction, début avril, l’ancien directeur sûreté du cimentier s’est montré plus précis sur la nature des «informations» qu’il partageait :
– Vous avez déclaré avoir appris la réalité du financement [de l’EI par Lafarge] en 2014. Avez-vous informé les services de renseignement ? demande la magistrate.
– Je ne faisais aucun tri dans les informations que je donnais aux services de renseignement. Au cours des réunions, j’ai donné toutes les informations, répond M. Veillard.
– Quelle était leur réaction ?
– Ils engrangent les informations, c’est leur métier.
Ces échanges, fréquents avec certaines grandes entreprises établies dans des zones sensibles, n’ont rien d’exceptionnel. «Mon point d’entrée pour la DGSE était le point d’entrée pour toutes les entreprises, qui n’était pas spécialement dédié pour Lafarge en Syrie», souligne M. Veillard. Au regard de l’enquête visant le groupe, cet aveu soulève en revanche deux questions cruciales : à quelle date la DGSE a-t- elle été avertie de ces versements d’argent à l’EI ? Et cette information est-elle remontée au ministère des armées, voire jusqu’à l’Elysée ?»
.

Et plus loin :
«Le directeur sûreté de Lafarge le laisse entendre, puisqu’il dit n’avoir fait « aucun tri » dans les informations qu’il partageait avec les services. Son mail du 17 novembre 2014 à «Gros Marmotte» semble aller en ce sens : en pièce jointe, M. Veillard fait suivre à la DGSE l’intégralité d’un mail envoyé à plusieurs dirigeants de Lafarge par Firas Tlass, dans lequel ce dernier dit avoir « envoyé [s]es émissaires rencontrer les émirs de l’EI ».
Le cimentier ne cache donc rien des activités de ce sulfureux intermédiaire, soupçonné d’avoir touché plus de 5,3 millions de dollars (4,3 millions d’euros) entre juillet 2012 et août 2014 pour monnayer la sécurité des routes auprès de groupes armés, parmi lesquels l’EI et Al-Nosra. Entendu par les enquêteurs en novembre 2017, l’ancien directeur de Lafarge Syrie, Frédéric Jolibois, dévoilait déjà l’ampleur de ces échanges : « Tous les noms [de membres de l’EI] collectés par Tlass ou par ailleurs ont été communiqués à la DGSE. »
L’intérêt de telles informations pour un service de renseignement est indéniable. La question se pose en revanche de savoir jusqu’à quel niveau de détails est allé cet exercice de transparence, et s’il a atteint les cercles du pouvoir».

Nous y voilà donc. Le Monde pose la question comme en forme de réponse : «Et cette information est-elle remontée au ministère des armées, voire jusqu’à l’Elysée ?».
On ne va pas attendre, MetaMorphosis pense déjà connaître la réponse. On entend d’ici, les Hollande, Valls, Fabius et consorts nier la main sur le cœur qu’ils n’étaient informés de rien. Peut-être un obscur subalterne dont on a oublié le nom, mais il ne nous à rien dit. Ou ces salauds du renseignement qui gardent tout pour eux !

Notre conception de la responsabilité chez MetaMorphosis nous fait répondre : «Et bien, c’est encore bien plus grave que ce qu’on pensait». Si effectivement tout ce petit monde est incapable d’assurer les responsabilités pour lesquelles certains sont allés jusqu’à se trahir, se prostituer, se vendre pour les obtenir en se faisant élire, alors le sens même du pouvoir et de son exercice n’ont plus de sens.
Quel autre travail peut-être celui de l’Etat et de ses plus hauts responsables, en période de menace terroriste, que d’assurer la sécurité en obtenant de tous les services à sa disposition les informations lui permettant de prendre les décisions les plus appropriées ? Quel autre travail peut être que celui de maîtriser la chaîne du renseignement pour faire cesser si nécessaire les comportements de certains faisant prendre un risque à l’ensemble de la collectivité ?
Il y a sûrement des raisons à de tels dysfonctionnements : incompétence, laxisme, manque d’autorité, désintérêt pour la chose publique… mais peu importe, la responsabilité est pleine et entière et les conséquences dramatiques. Il ne peut en aucun cas y avoir d’exonération des fautes commises, l’exercice du pouvoir de certains sur tous, exigent une entière responsabilité des actes y compris par omission.
Nos amis italiens, confrontés depuis si longtemps au crime organisé n’ont pas pris le problème par quatre bouts : quiconque aide d’une façon ou d’une autre une organisation mafieuse est lui-même considéré faire partie de ladite organisation.
En France, un banquier recyclant de l’argent d’une organisation criminelle sera poursuivi (quand il l’est !) du chef de blanchiment ; en Italie il sera reconnu être membre de ladite organisation. Ça change beaucoup de chose.

Remettons la responsabilité au centre du pouvoir, dans les entreprises, dans les ministères et les administrations. Ce n’est qu’à ce prix que l’on fera reculer la corruption et les comportements illégaux, il n’y a que celui qui se sait responsable devant la loi pour la défendre. Refusons que la responsabilité soit dissoute dans un exercice incompétent et immoral du pouvoir.

MM.

CJIP: punir c’est bien… et après ?

MetaMorphosis s’est déjà offusqué à plusieurs reprises de l’instauration dans le droit français de la procédure anglo-saxonne du plaider-coupable assorti du paiement d’une amende, la Convention Judiciaire d’Intérêt Public (CJIP), notamment à l’occasion de sa première « expérimentation » avec la banque HSBC France.
Nous y étions venu la première fois lors du vote de la loi Sapin2 prévoyant en son sein ladite procédure, notamment pour s’étonner, en notre qualité de lanceurs d’alerte, de l’appui marqué de l’association Transparency International France (TIF) à ce nouveau dispositif. A l’encontre de la position d’autres associations comme Anticor ou Attac et de la majorité des lanceurs d’alerte, TIF s’était rapprochée du gouvernement de l’époque pour défendre cette disposition dont on rappellera jamais assez qu’elle va, par essence même, contre les intérêts des lanceurs d’alerte.

Nous n’avons pas encore assez de recul en France pour apprécier l’efficacité de la CJIP selon les arguments de ses défenseurs (rapidité des procédures et gains supérieurs pour l’État), au plus pouvons-nous nous étonner du raisonnement avancé à l’occasion du cas HSBC par le Pôle National Financier (PNF) selon lequel la banque aurait « payé plus » au titre de la CJIP qu’au terme d’un procès. Si tel était le cas, nul doute qu’HSBC serait allée au procès…

Par contre, nous avons plus d’antériorité avec le modèle américain.
Le cas de la banque US Wells Fargo à nouveau condamnée, nous semble intéressant. A cette occasion, James B. Stewart s’est fendu d’une tribune dans le New York Times du 19 Avril 2018, « Punishing Wells Fargo : Just Deserts, or Beating a Dead Horse ? » (ici) qui pose à notre avis la bonne question.

Revenons brièvement sur les faits : la banque américaine Wells Fargo a écopé vendredi dernier d’une amende d’un milliard de dollars pour des pratiques commerciales illicites, dont des primes d’assurance automobile superflues et des conditions d’octroi de prêts hypothécaires discutables, ont annoncé séparément deux régulateurs.
C’est la plus grosse pénalité infligée à une entreprise depuis l’arrivée à la Maison-Blanche de Donald Trump, dont l’administration a considérablement assoupli la réglementation financière mise en place par la loi Dodd-Frank après la crise financière de 2008.
L’établissement « s’est engagé dans des pratiques imprudentes et risquées en maintenant des polices d’assurance collatérales sur des crédits auto et en récoltant des frais qui étaient associés » a fustigé notamment le régulateur bancaire Office of the Comptroller of the Currency (OCC), dans un communiqué. « Nous avons toujours dit que nous appliquerons la loi et c’est ce que nous avons fait en l’espèce », a ajouté Mick Mulvaney, patron du Bureau de la protection financière des consommateurs (CFPB), agence créée après la crise.

Coup dur. Les deux régulateurs ont ordonné à la banque californienne de restituer aux clients lésés les sommes leur ayant été indûment prélevées et de renforcer son programme de gestion des risques.
Dans son article, James B. Stewart précise : « That comes on top of the $4.25 billion the bank set aside last year for liabilities related to its fake accounts scandal and the mortgage-backed securities issues it had before the financial crisis. It also paid a fine of $185 million in 2016 over the accounts scandal ».
Et plus loin : « In February, the Federal Reserve took Wells Fargo to the woodshed, ruling that the bank could not expand its balance sheet beyond the nearly $2 trillion in total assets that it reported at the end of 2017; it’s believed to be the first time the Fed has imposed such a curb on growth at a major bank. “We cannot tolerate pervasive and persistent misconduct at any bank,” said the former Fed chairwoman, Janet Yellen, as she announced the move on her last day in the job ».

Voilà donc une banque, une « Big One », qui accumule les amendes (prés de 5,5 milliards de dollars en deux ans) pour des dysfonctionnements récurrents et des manquements graves à la législation, qui est sous capitalisée et qui semble de l’avis de beaucoup de spécialistes, être gangrenée par un management incompétent.

Dans un premier temps, James B. Stewart pose la question : « Has Wells Fargo been punished enough ? ».
« After all, the bank’s bad management is gone. Whether they’ve paid adequately for their multiple transgressions is an open question — no one has gone to jail, or even faced criminal charges. But Wells Fargo shareholders have been battered, with the company’s stock down about 16 percent this year… ». Et d’énumérer toutes les « victimes » des errements du management de la banque, malgré la répétition des amendes et des engagements d’amendement pris : clients, actionnaires, salariés, partenaires…
Dans un second temps, il donne la parole à Charles M. Elson, Professeur à l’Université du Delaware : « People did this, not the bank. The behavior was reprehensible and they should have paid the price. But putting the onus on the corporation is a double whammy for shareholders. They were harmed by the actions of management and now they’re paying again ».
« The government shouldn’t view a crippled institution as a piggy bank to generate revenue” Mr. Elson said. “I’ve been a vocal critic of prior management, and the transgressions were serious. But at some point, you have to say enough. A healthy, viable bank is in everyone’s interests ».

Nous le voyons bien avec la Wells Fargo. Toutes ces procédures type CJIP ne servent qu’à remettre le tapis sur la poussière. Payer une amende n’est pas passer le balai !
On gagne du temps, enfin la banque et son management gagnent du temps, mais aucun des problèmes n’est résolu et les pratiques illégales continuent.

Au final ce type de procédures ne semble servir qu’à entériner la déconnexion de l’exercice du pouvoir et de la responsabilité (« People did this, not the bank ») ce qui n’a pour seule conséquence que rien ne change.

Outre un problème fondamental de droit et de démocratie posé par la CJIP, ce type d’arrangement est visiblement inefficace et en réalité encourage la passivité et la récidive.
A vouloir persévérer dans cette voie, la Wells Fargo finira par mettre la clé sous la porte et ce sera une fois de plus le contribuable qui paiera l’addition.

Tout ça pour ça ! Décidément on ne vous félicite pas Transparency France et on ne vous dit pas merci…

MM.